A Very Merry Unbirthday - ft. Chou Andy

Quinze minutes d’avance. Gobelet de starbucks en mains.Pieds qui reposent sur sa valise.
Comportement exemplaire ou presque parfait.
Des années qu’il n’a pas pris un rendez-vous chez le médecin, et le voici en avance pour sa toute première consultation avec le Docteur Lim.
Bien sûr, à l’accueil, on l’a regardé un peu bizarrement. C’est pas tout le monde qui vient consulter avec une valise roulante, un café fumant et des lunettes de soleil sur la tronche en mode rockstar égarée de l’aéroport.
Mais c’est assez fièrement qu’il annonce qu’il a rendez vous avec l’honorable docteur qui exerce dans ce cabinet au nom de ❝ Smith. ou Smithy si vous voulez ❞ navrant, ça n’a pas la ref’ alors il ajoute ❝ J’ai rendez-vous à 15h00 ❞ on ne notera pas l’exploit et pourtant il l’ajoutera bien : un voyage de 16 heures et quarante minutes avec escale aux îles Fidji. Pas une seule seconde de retard et même de l’avance et pourtant il ne voit pas de hola d’accueil pour saluer la performance.
Oui, il est une putain de rockstar qui, après un voyage de près d’un jour, 7 heures de décalage horaire mais une différence de 17 sur les fuseaux, ne s’octroie qu’un arrêt au starbuck pour la beautée de son arrivée.

Et pourtant, on lui désigne une salle d’attente et on le laisse feuilleter un magazine sur la grossesse.
Pas de déception. Aucune tandis qu’il balance la revue sur la table pour lui préférer son téléphone portable.
Le vrai public n’est pas encore arrivé.
De lui, il attend un feu d’artifice. L’arrêt de ses battements de coeur pendant bien une trentaine de secondes et son meilleur juron.
Parce que pour ses beaux yeux - pour mieux le surprendre en réalite… ou parce qu’il n’est qu’un gamin qui ne sait pas attendre le matin de Noël - il n’a pas fait d’arrêt en chemin. Pour le plaisir de ses fossettes, il a même eu la délicate attention de lui ramener quelques souvenirs australiens et de faire un brin de toilette avant de descendre de l’avion… ou par pure coquetterie.

Ingratitude interdite donc.
Il s’attend à une réaction digne de figurer dans son top 30 des meilleures réactions de Lim Edward Andrew premier du nom quand il relève les yeux de son cellulaire et qu’un sourire vient prendre possession de ses lèvres ❝ Quoi de neuf Doc’ ? ❞ classique. Mais sa vie devait être assez mortellement chiante pour qu’on lui ait épargnée la question qu’il pose avant de faire rouler son repose pied d’une légère “poussade” en direction du mec digne de tourner dans une série genre grey’s anatomy.

❝ Merci Docteur. ❞ Il se lève, hoche la tête et tend la main en retour. Il a le réflexe de se courber légèrement et sa main gauche vient épouser son coude. Il s’en rend compte un peu tard et tique d’un froncement de nez. Il doit avoir l’air d’un cliché ambulant pour son patient, mais celui-ci ne relève pas. Pas oralement en tout cas. Il perçoit une légère interrogation dans son regard. Je suis américain. Quatorze ans de vie à Séoul laissent des traces qu’il n’a pas envie de justifier. ❝Bonne journée, prenez-soin de vous.❞ Il ouvre la porte, un si léger sourire au coin des lèvres qu’il est imperceptible. Et le patient disparaît.
D’un coup d’oeil, il constate que la salle d’attente est plus remplie qu’hier. C’est bien. Cela ne fait pas tout à fait un mois qu’il officie ici et même si le cabinet ne lui appartient pas, les habitants d’Oceanside ne semblent pas réfractaires à l’idée d’obtenir de nouveaux créneaux de consultation. Il vérifie brièvement sa montre. Pas de retard. Bien. Une pause clope n’aurait pas été de refus. Non. Il essaie d’arrêter. Il se le répète comme un sermon. Quel comble pour un médecin. Qui plus est, un médecin du nom d’Andrew Lim. Il se revoie, gamin, alors que Mackenzie avait ramené son tout premier paquet de clope. Il se souvient de la morale qu’il leur avait faite. Il se souvient qu’on avait levé les yeux au ciel parce qu’il était chiant. Il n’y avait pas touché. Il avait trop peur du cancer bien qu’il n’en avait qu’une image déformé à l’époque. Aujourd’hui, il sait parfaitement ce que c’est. Mais c’était ça ou la drogue. Ou pire. Il se rappelle de ce soir où on lui a tendu une clope. De son hésitation. Il venait de dîner avec Iseul pour la seconde fois de sa vie. Il avait compris ce que sa mère attendait de lui. Alors il a pris cette clope. Maintenant, chaque fois que son téléphone vibre et affiche le délicieux prénom de sa femme, le Docteur Lim a envie de fumer.

❝Smith… ou Smithy…?❞ La secrétaire a gribouillé. Il n’est pas sûr. Il fouille la salle d’attente des yeux. Et là, il le voit. Comment a-t-il pu le rater ? S’il porte des lunettes de soleil, le docteur n’a aucun doute. Assis comme si le monde lui appartenait, il reconnaît son petit sourire de chieur entre mille. Son coeur sursaute. Il dénote tellement parmi les autres patients qu’un instant, Andrew croit à une hallucination. Il cligne des yeux, interdit. Puis, son coeur s’emballe, comme un début de tachycardie. Et la valise roule vers lui. Ses yeux la suivent et il ne dit toujours rien. Une seconde s’écoule. Peut-être dix. Une heure dans sa tête. Il songe que ça n’a aucun sens. Que son dernier message date de la veille et que jamais il n’a mentionné son arrivée en Californie. ❝ … Isaac ?❞ C’est comme si tout le monde avait retenu son souffle. Comme une scène de cinéma, sans la musique et les belles couleurs. Plutôt une comédie où il est le bouffon. Il comprend qu’il n’y a pas de Smith mais qu’il y a un Isaac. Il comprend qu’il ne rêve pas - ou alors il est carrément en train de faire un AVC.
Alors il se reprend, s'éclaircit la gorge, attrape sa valise et la pousse dans son cabinet : ❝ Hum. Entre. ❞ Un petit signe de tête - et une courbette - pour signifier aux restes des patients que tout va bien et il referme la porte derrière le perturbateur.

❝ Isaac Richard Kim. Qu’est-ce que tu fais ici ??❞ Ça sonne comme une dispute… Mais le visage du docteur s’illumine de mille nuances différentes à mesure qu’il réalise que son meilleur ami est bien dans son cabinet…. comment a-t-il trouvé l’adresse d’ailleurs ?? Ce sale fouineur…. ❝ Shit… ❞ Il essaie de ne pas sourire mais sa fossette le trahit. Dans sa poitrine, c’est une panique générale. Il oublie de l'inviter à s'asseoir parce qu’il le détaille encore et encore, jamais assez convaincu. Il est là. A un petit mètre de lui… et tout le revient comme s’ils n’avaient jamais été séparés.

Dans quelques secondes, ça va être le grand moment.
Le balai des patients. Si Andy est du genre ponctuel - et il le sait - il est le prochain sur la liste.
Dans tous les cas, le docteur va bientôt l’apercevoir. Savourer chaque seconde, promesse silencieuse d’un merdeux qui attend que leurs regards se croisent, que le Lim comprenne.
ça ne tarde pas, et son sourire s’élargit à mesure que les effets d’un avc semblent se dessiner sur la bouille du type qui a juré fidélité à sa salle de sports… et à sa salle de sports seulement du coup.
Mauvaise plaisanterie. Qu’on lui pardonne. Les plaisanteries les plus mauvaises sont toujours les meilleures.
❝ Andy ? ❞ fais un effort, appelle-le Docteur dans son cabinet.

L’effort, il le fait en relevant son cul du fauteuil et en répondant à l’invitation de son meilleur ami. Il est poli, il salue d’un léger sourire le reste des patients avant de se retrouver dans l’intimité professionnelle du Docteur Lim.
Son regard se perd un instant, fait le tour, il ne note plus l’évidence qui se voit en quelques secondes : Lim Andrew est un fucking bon vin. C’est ce que les français diraient.
Mais il est américain, et c’est une gorgée de café qu’il prend maintenant.
Richard. Il y dirait bien quelque chose. Mais quand il se retourne pour jeter un nouveau regard au Maître des lieux, sa gueule l’empêche de râler ❝ Je viens voir le docteur. J’ai un rendez-vous pour ça. Et à moins que j’ai loupé l’enseigne de Ronald Mc Donald dehors, j’pense que j’suis au bon endroit pour ça. ❞ évidence. ça ne répond pas à la vraie question mais il préfère tapoter avec affection la joue d’un ami avant d’ajouter ❝ J’me fais du souci pour toi mon grand. Tu devrais te prendre quelques jours. ❞ sa main se retire, épargne la mignonne fossette et ses doigts se promènent sur un bureau pour tripoter les éléments qu’il y trouve. Des gens malades l’ont peut-être fait avant lui, un truc qu’Andy aurait pu lui dire, mais il est ce genre de gamin qui touche face à l’écriteau “ne pas toucher”. Ce gosse qui marche sur la pelouse quand elle est présentée comme “interdite”. Il a 26 ans, on ne le changera plus.

❝ Sympa ici. ❞ quelques gorgées de plus de café et son regard termine finalement l’inspection de la pièce.
Est-ce qu’il compte lui dire qu’il vient s’installer dans le coin quelques temps ? ❝ Ta mère doit être fière de toi. ❞ à priori non. Pas tout de suite. Pas encore. C’est un truc de chieur le suspens. Une douce torture qu’il pratique avec amour. Tout particulièrement quand il s’agit de taquiner son raté préféré.

Une véritable comédie. On entend presque les rires enregistrés. Et pourtant, rien n’est scripté. Ni les conneries d’Isaac, ni ce face à face imprévu. Tout du moins, pas du côté docteur. Il peine encore à croire que son meilleur ami est vraiment là tandis que ce dernier inspecte son bureau. Il le considère, de longues secondes, s’efforçant de garder la bouche fermée pour ne pas avoir l’air d’un ahuri. Ce n’est évidemment pas une coïncidence. Isaac se fiche de lui. Ou veut lui faire une surprise. Ou les deux.
Sa question posée, il déglutit. Il n’était pas préparé à le revoir si tôt. Et pourtant, presque neuf mois séparaient leur dernière rencontre. N’était-il pas plus que temps ?
S’ils ont gardé contact et si Andy n’est pas le plus farouche pour envoyer des messages, ils n’ont jamais reparlé de ce qui s’était passé à Séoul.
Sa présence ici lui renvoie tout ça à la figure. Toutes ces réflexions qu’il a mise de côté. Ce fameux “on verra bien”...
A présent, sa gorge est sèche ; son coeur bat deux fois trop de mesures. Mais c’est Isaac qui vient consulter.
Quelle blague.
Andrew ouvre la bouche, avec l’intention de souligner l’absurdité de ses propos… puis il se ravise. Ce que dit Isaac est toujours insensé. Il se paie sa tête… ou bien a-t-il vraiment besoin d’une consultation alors qu’il passe dans le coin. D’un coup d’oeil, il jauge sa grosse valise. Combien de jours justifient ce bagage ?
Une seconde d’inattention et Isaac se tient plus près de lui. Une seconde d’inattention, et ce contact sur sa joue lui fait l’effet d’une décharge électrique. Un sursaut qu’il ne sait contenir. Un frémissement invisible. Et de nouveau ces palpitations anormales… Mais le diagnostic est rapide : Isaac en est la cause. Isaac et ses conneries. Isaac et tout ce qu’il provoque en lui. ❝ Shut up… ❞ Il souffle sans conviction. Alors, il ne sait plus quel sentiment prédomine : la joie ou la panique. A cet instant, il n’est pas capable de simplement le prendre dans ses bras. Trop de choses se mêlent dans sa tête. C’est le patient qui cause la perte du docteur.

Isaac s’éloigne à peine et Andy tente de retrouver ses esprits. Il le regarde faire, il secoue la tête. Il jure en silence. Isaac est là. Il ne sait toujours pas pourquoi, mais il est là. ❝ Tu m’as rien dit… ❞ Il ne relève pas le commentaire sur sa mère. C’est du Isaac tout craché. L’envie de fumer devient urgente. ❝ Si j’avais su, j’aurais fait accrocher des ballons… ❞ Et une pancarte. Vraiment ? Il en sait rien. Isaac n’est pas censé être là et pourtant…
C’est la Californie. C’est ici, chez lui. Et il y a cette putain de boule dans son ventre, celle qui menace d’exploser dans un feu d’artifices de sentiments…
Il jure encore. La sensation des doigts d’Isaac sur sa peau le chatouille. Une autre, plus lointaine, picote ses lèvres.
Il finit par s’assoir à sa place - avant que le sol ne se dérobe sous ses pieds. Ses yeux se fixent sur Isaac et son index vient masser sa tempe. Quel petit con… ❝Putain… T’es vraiment là. Et tu m’as rien dit. J’y crois pas. ❞ Il secoue la tête, laisse échapper un rire désabusé. ❝ … et qu’est-ce que tu fiches avec cette valise ? Me dit pas que t’es venu directement de l'aéroport ? ❞ Il soupire. ❝ T’es de passage dans le coin ? ❞ Puis, il marque une pause, soudain plus sérieux : ❝ T’as besoin que je t’ausculte vraiment ? ❞ Puisqu’il était là… on ne rigolait pas sur la santé.

Satisfait d’obtenir sa première demande de silence, ses doigts félicitent une joue avant de la relâcher.
C’est la tradition.
ça a pris quoi ? Cinq minutes ?
Hum. Il a déjà fait mieux.
D’un autre côté, il se tient face à son meilleur public. Andy a toujours été son fan numéro un. Ou l’inverse, plus probablement. Parce qu’après tout, c’est lui qui est fan de ses réactions. C’est lui qui maintenant envisage de relever un peu ses attentes tellement l’air perdu d’enfant sur le visage de son vieil ami lui fait plaisir.
Il est sadique, oui. Et puis ça lui rappelle avant.
Les meilleures années de sa vie, à quelques détails près.

❝ T’es sûr ? ❞ mon grand, c’est le concept d’une surprise
Il le pense, mais ne le dit pas.
La suite le fait sourire un peu plus grand. Des ballons. Un détail non sans importance qui lui fait répondre ❝ Je les aurais un jour, j’y crois. ❞ et puis il suit des yeux le docteur jusqu’à le voir s’asseoir sur sa chaise.
Pas de câlin aujourd’hui ?
Dommage, ça le démangeait bien de son côté.
Peut être trop tôt.
Lui-même n’est pas sûr.
Il y a quand même un doute. Après la dernière fois, il pourrait déranger aujourd’hui, le faire réellement paniquer et transformer la bonne surprise en mauvaise nouvelle.

Andy a l’air content de le voir pourtant.
Perdu. Mais content.
Alors il vole un ouvre lettres, quelque chose qui s’en rapproche, et commence à jouer avec entre ses doigts.
Oui il est vraiment là
❝ J’adore les surprises. ❞ et il a une valise. Bien remplie.
❝ 16 heures et quarante minutes, sans compter la paperasse. C’est le temps que ça m’a pris et j’me suis arrêté que pour le café. ❞ de l’ouvre lettres, il désigne le gobelet abandonné sur un bureau.
La question de son ami le fait sourire. La suite agrandit l’expression. A dire vrai, ça ne doit pas être si déplaisant de se faire ausculter par le docteur Lim, mais seul le sourire sous-entend cette plaisanterie. Il sait se tenir, pour de vrai, des fois… l’ennui c’est que ça ne dure jamais dans le temps avec lui.

❝ On voulait attendre pour te le dire, ton anniversaire est encore trop près mais… Ta mère m’a mis à la porte. On se sépare mon grand, j’suis désolé. Elle a trouvé un amant plus jeune que moi. Moins doué au lit pourtant… mais il a de l’argent. Les femmes sont vénales. ❞ … et il pose finalement son cul sur le fauteuil.
Quelques secondes sans rien ajouter, à le fixer… puis il se décide à lui donner mieux ❝ J’ai eu envie de quelques jours en Californie. ❞ quelques ? Un ou deux. Quinze ou Vingt. Pas vraiment des vacances en réalité. Mais ne pas tout dire, c’est doublement le surprendre. Il l’a dit : il adore les surprises.

❝ Certain. ❞ Petit con. Une partie de lui a envie de l’insulter. Un beau reste de leurs jeunes années sûrement. Ou bien, c’est simplement l’effet que lui provoque Isaac depuis toujours et qui n’a jamais changé. Parce que sale merdeux de Kim Isaac débarque à son cabinet comme si c’était parfaitement normal, comme s’il n’avait pas échangé des messages quelques heures auparavant, comme s’il n’avait couché ensemble en début d’année.
Un vertige manque de le faire tanguer. Andrew ne sait pas quoi penser de cette apparition trop soudaine.
L’autre partie est en fête. Il y a cette joie qui crépite au cœur de ses entrailles. Ces fourmillements dans les membres qui le somme de courir pour le serrer dans ses bras. Bien qu’Isaac lui a manqué. Il lui a manqué quinze ans de sa vie. Et maintenant…. Maintenant, le docteur Lim nage dans la confusion et il n’a même pas de ballon.
Il aurait aimé pouvoir s’y préparer. Ou peut-être que c’est mieux comme ça. Peut-être qu’il n’y avait pas d’autres façons de se revoir et que la spontanéité d’Isaac n’est pas une si mauvaise chose…

Il s’éclaircit la gorge. Il ne faut pas plus de trente seconde pour que l’animateur se mette à tout toucher sur son bureau. Une manie qui fait plisser le front de son ancien camarade de classe. ❝ Isaac, pose ça… ❞ Il ne s’attend pas vraiment à ce qu’il l’écoute. Pas plus qu’il ne réponde sérieusement à ses questions. Il se fiche de lui, il en est sûr…
Mais feront-on vraiment 16h et quarante minutes d’avion pour une simple blague ?
Andrew le considère longuement, abasourdi. ❝ J’y crois pas… ❞ Pourtant, il sait qu’il ne ment pas. Mais qu’est-ce qui lui passe par la tête à cet allumé ? ❝ Je serais venu te chercher si j’avais su… T’as dû galérer avec tout ça… ❞ Il a envie de demander pourquoi mais il sait que, parfois, il ne faut pas chercher de sens avec Isaac. Et il a bien compris le principe de surprise.
Son air serieux se trouble alors que son regard en croise un autre. Ce sourire en coin. Ce silence qu’il entend. Son coeur déraille. Andrew a envie de dire qu’il est sérieux, qu’il ne veut pas “jouer au docteur”... mais son cerveau lui renvoie les images de cette nuit là. Les souffles saccadés, les lèvres qui frémissent… Et il n’insiste pas.
Les joues ont rosi.

Et puis, comme un spectacle change de scène, le rideau s’ouvre sur un nouveau décor. Et de nouveau, Isaac est une vedette de comédie. Les doigts d’Andy courent sur le bureau en bois. Avant même qu’il ne l’évoque, il sait où Isaac va se diriger… Et ça ne rate pas. ❝ Oh merde, Isaac, change de disque ❞, qu’il lui grogne dessus, à deux doigts de lui lancée une ordonnance vierge à la figure. ❝ Dis moi ce que tu fais vraiment là. ❞ Le suspens est insoutenable. Et enfin, un début d’explication. Qui n’en est pas vraiment un…
Quelques jours en Californie. Une envie…
❝ … ❞ Andy le dévisage et le silence s’installe une minute. Peut-être moins. ❝ Genre… comme ça ? ❞ Une visite de courtoisie ? Il secoue la tête dans un soupire faussement agacé. ❝ Si t’avais envie qu’on se voit, fallait juste me le dire, idiot ! ❞ Mais le prévenir, ce n’était pas… Andy sait déjà ce qu’il va lui répondre. Il passe une main dans ses cheveux et se lève. Il a envie de fumer alors il marche. ❝ T’as pris quelques jours de vacances ? ❞ Combien avant qu’il ne retourne en Australie…? Il songe… ❝ On a pas tout à fait fini de s’installer, mais si t’as pas d’hotel, tu peux venir à la maison, bien sûr… ❞ Il est sûr ? C’est la pire idée, il le sait. Mais c’est inconcevable de laisser Isaac à la rue et pour le reste…. ils verront bien.

❝ Ah bon… ❞ prendre cet air du sceptique étonné, un sacré culot.
Mais dans son cas, et encore une fois, au moins pour celle-ci, c’est le plaisir d’être un abruti qui prime ❝ Bouge pas. ❞ et il dégaine son téléphone le temps de taper avec une agile rapidité quelques mots qu’il lui envoie ensuite par message.
Un truc comme :
Je vais passer te voir aujourd’hui.
… qui lui permet d’ajouter ensuite de vive voix, et dans la plus pure des conneries ❝ Voilà. Après, je peux ressortir si tu veux, frapper à la porte, dire coucou Andy. Mais je t’avoue que j’ai la flemme et j’aimerai autant qu’on se contente de ça tous les deux. ❞ … bah la prochaine fois tu préviendras.
Jamais. Même pas en rêve. Prévenir, c’était loupé cette petite tête que porte le Docteur Lim depuis son arrivée.

Un Docteur un peu rabat-joie qui ne le laisse même pas tout tripoter.
Honteux, scandaleux, il ne s’offusque pas vraiment mais relève une moue boudeuse vers son aîné en reposant l’ouvre-lettres… rapidement, un sourire provocateur vient cependant remplacer l’expression tandis que sa main se tend vers un genre de trucs déco spécial docteur. Nouveau joujou entre les doigts, il se sent mieux pour poursuivre ❝ Bah je sais que je suis trop beau pour être “croyable” mais pourtant j’suis bien là Doc. Et puis tu sais, j’suis monté dans un taxi louche, j’me suis reveillé dans une baignoire et on m’a probablement volé un rein. Mais dans le fond, j’me porte plutôt bien. ❞ amusant, vraiment, comme le fraîchement Docteur Lim a dû mal à capter le concept de surprises.
ça le rend mignon.

ça le rend mignon aussi de rougir.
Il suppose qu’il a compris une partie de ce qui venait de se passer dans sa tête. Une partie seulement. Parce qu’il est trop scandaleux pour que l’imagination du très pur Andrew soit capable de tout voir.
Il lui fait la grâce de parler de sa mère mais le sujet ne semble pas être du goût du grogneur face à lui. Alors il lève les mains en signe de paix. Quand elles se baissent, il ne se rend pas vraiment compte qu’il a remplacé le bibelot par l’ouvre lettres qui tapote à nouveau sur ses doigts.
❝ Bah y’a quand même fallu que j’achète des billets et tout. ❞ un seul en réalité mais passons ❝ Faire une valise, bouger mon cul jusqu’à l’aéroport. L’envie c’est une chose, mais ça demande toute une organisation. ❞ crache ta pilule.
Des jours de vacances. Ouais. Grosse modo ❝ On peut dire ça. ❞ pas réellement un mensonge, tout comme la suite ❝ On est quel jour là ? ❞ ses yeux se lèvent pour un faux calcul mental et il ajoute ❝ Je reprends dans 4 jours, c’est des très petites vacances. Disons un très long week-end. ❞ fallait peut-être qu’il songe à s’installer pas trop mal d’ailleurs avant la reprise. Heureusement il n’aurait pas besoin de prendre un avion pour retourner bosser, gain de temps évident dont il omet la mention tandis qu’Andy lui propose le gîte et le couvert.
Et là, ça s’enclenche dans sa tête, c’est plus fort que lui : désolé pour tes joues bebou ❝ J’savais pas que t’étais du genre à avoir ce genre de fantasme un peu étrange. Bon après, je juge pas. Mais bon, je t’avouerai qu’Iseul n’est pas trop mon genre. ❞ …
…
On n’était pas supposé le ménager un peu ?
❝ J’ai repéré un motel déjà t’inquiètes. ❞ merci.

Le téléphone vibre et Andy ne sait même pas pourquoi il prend la peine de regarder le message d’Isaac. Il lit et, sans surprise, ses yeux roulent dans ses orbites. Ca ne réfrène pas les battements affolés dans sa poitrine et ça ne l’aide pas mieux à réaliser que Kim Isaac est bien là, dans ce nouveau cabinet en Californie. ❝ Laisse tomber… ❞ finit-il par soupirer, retenant un énième juron. Isaac causera sa perte, il en est sûr.

Celui qui passe de la moue boudeuse à ce sourire provocation et qui ravage toutes les autres certitude du docteur. Sa langue claque parce qu’il sait à quel jeu il joue. C’est le même que lorsqu’ils étaient gamins. Il y a juste… quelques règles qui ont changé. Ses doigts dansent sur le bois du bureau dénué d’imperfection. Isaac ne sait pas faire sans l’emmerder. C’est ça, son jeu favori. Et lui, sa victime préférée.
C’est un jeu, aujourd’hui ?
Venir aujourd’hui, après des mois, après tout ça…. Une drôle de surprise. Tout s’emmêle dans sa tête. Il entend les conneries d’Isaac d’une oreille. Une partie de lui devrait s’insurger, l’autre prie réellement pour qu’il ne lui soit rien arrivé. A cet idiot…. ❝ En tout cas, il t’a pas volé la langue. ❞ Il regrette aussitôt ses propos. Pas parce qu’ils sont blessants mais parce qu’il sait à quoi va penser Isaac. Qu’il serait bien triste sans cette langue.
Il détourne les yeux. Il s’imagine des choses. Merde. Isaac est tellement ancré dans sa tête qu’il arrive à lui inventer des dialogues. C’est lui qui a besoin de consulter.

Mais tous ces souvenirs qui se bousculent et le troublent ne l’aident pas à y voir plus clair. Isaac le dit lui-même : pour une simple visite, il y a quand même beaucoup d'efforts. Andy le sonde, malgré la confusion qui brille au fond de ses pupilles. Il y a cette boule dans son ventre… Pas si néfaste. Elle est pleine d’une joie qui crépite et qu’on peine à retenir.
Isaac est venu le voir. Pour de vrai ?
Une esquisse se dessine malgré lui au coin de ses lèvres…. et s’efface aussitôt en comprenant que dans seulement quatre jour, Isaac sera déjà reparti. ❝ Oh… ❞ Il ne parvient pas à contenir sa déception, se mord la lèvre car elle est trop évidente. ❝ Je vois, ❞ tente-t-il de se rattraper avec plus de contenance… mais qui le croit ? Il s’éclaircit la gorge. Il cherche du positif : quatre jours, c’est trop peu pour foutre sa vie en l’air. Mensonge. Une voix lui crie qu’il s’en fiche, que c’est surtout trop peu pour profiter de son meilleur ami. ❝ Mais t’aurais dû me prévenir… J’aurais posé des jours aussi. On va à peine avoir le temps de se voir… ❞ La frustration le gagne. C’est peut-être aussi ce qui le pousse à l’inviter chez lui. Erreur. Le vacancier s’engouffre aussitôt dans la faille…
❝ … ❞ Le sang afflux instantanément à ses joues. Il lui lance un regard entre confusion et accusation. Tendu sur son siège, il ouvre la bouche mais aucun mot ni américain, ni coréen n’en sort. Alors il secoue la tête et se défend d’un : ❝ T-Tais toi, espèce d’idiot ! Je disais pas ça pour ça… ! ❞ Bien sûr que non. C’est très bête de le préciser. Il se lève, avec l’envie urgente de se cacher mais doit se contenter de lui tourner le dos quelques secondes. Il pince son visage d’une main, cherche à se remettre. Il était évident qu’il n'échappera pas à ce genre d’allusion bien longtemps. ❝ T’es vraiment con, putain…❞ qu’il marmone contre sa main avant de réussir à se retourner et targuer Isaac avec rancune. ❝ … mais même si t’es con, ça me parait normal de t’héberger. Surtout si tu restes pas longtemps. ❞ Isaac et lui n’avaient pas le même salaire. Et l’avion avait dû lui coûter cher, sans parler du taxi et du reste. Il soupire, contourne le bureau et lui prend l’ouvre-lettre des mains : ❝ Tu vas te faire mal… ❞ grommelle-t-il, appuyant ses fesses contre le bureau, sans vraiment s'asseoir. Il laisse planer quelques secondes de silence de son côté… le temps de rassembler ses émotions et avouer : ❝ … je suis quand même content de te voir. Vraiment. ❞ Peut-être bien qu’il avait très envie de le serrer dans ses bras…

❝ Un problème ? Une solution ? ❞ d’une main, il semble mimer une banderole là où il n’y a que du vent, le vide intersidéral des hauteurs de ce cabinet ❝ C’est le slogan de ma boutique, n’hésite pas à m’appeler bébé. Je bosse du lundi au samedi, et il m’arrive de faire des extras le dimanche si j’aime bien le client, pour mes vip quoi. ❞ qu’il est con, qu’il est chiant, qu’il est… ❝ Du coup pour toi ce sera du lundi au samedi. ❞ … lourd ?
Oui, lourd, c’est un adjectif qui le qualifie plutôt bien. A croire qu’il essaie de compenser avec son gabarit de crevettes.
Il n’y a qu’à le voir sourire de ce sourire qui en dit long face à la faute d’un ami. Ah Andy, Andy, Andy… toujours prêt à se jeter dans la gueule du loup. Pourtant, il le connait si bien, la maladresse devrait se faire plus rare. A croire qu’il vit pour lui permettre d’être plus con
❝ Pourquoi ? ça t’inquiètes ? ❞ qu’Andy ne s’en fasse pas, ce vol n’est pas prêt d’arriver. Elle est aussi involable que la Mona Lisa, à n’en point douter.
De toute façon, dans son cas, sa langue, c’est un peu son oxygène, sa raison de vivre, son organe vital et on en passe.

Sans elle, il ne pourrait pas faire marcher un meilleur ami qui préfère plutôt courir.
Quoi ? C’est si improbable que ça qu’il se pointe pour seulement 4 jours ?
Pas vraiment quand on y pense. Il a déjà fait plus “courtement spontané” que ça.
Mais ne voir Andy que 4 jours, il trouverait ça un peu court.
Mieux que rien. Mais un peu court, comme ça l’avait été la fois dans le fond.
❝ Mon chat, si j’te préviens, ce n’est plus tellement une surprise. Dire que t’as fait médecine et que t’as pas cette base. ça me rend triste. ❞ il aurait posé des jours pour lui hein ?
Mignon. Vraiment mignon.
ça ne le dérangeait pas d’être une prio de planning pour le beau docteur Lim.
Mais maintenant, ce serait seul qu’il devrait se démerder à s’installer en paiement de sa connerie.

Et des conneries, il n’en n’avait clairement pas qu’une au bout des lèvres ❝ Oh tu sais, ça j’en sais rien. J’le connais à peine le Andy de l’âge adulte. Et puis chacun ses fantasmes, qui suis-je pour juger ? ❞ Personne. Toi Isaac, t’auras jamais le droit de juger grand monde vu ta vie. Mais taisons ce point.
❝ Il est pas mal le motel que j’ai repéré, t’embêtes pas. ❞ sur internet, il avait l’air pas mal. Il avait pour avantage non négociable d’être dans ses prix. Et puis, vu sa durée de séjour véritable, ce n’était plus un squattage ponctuel mais un emménagement qui…
Air outre devant l’occupation qui lui échappe, il se permet de relever une moue boudeuse vers le docteur - ou plutôt voleur - son précieux coupe papier… parti loin de ses doigts…
Qu’est-ce qu’il allait bien pouvoir tripoter maintenant ?
❝ T’as pas l’air, ça fait pas 5 minutes et tu me punis déjà. ❞ il était content lui aussi, encore plus d’entendre qu’Andy était content, raison pour laquelle un sourire remplace l’air faussement plaintif.

❝ … ❞ Il le dévisage de longues secondes sans répondre. A quoi bon ? Les blagues d’Isaac sont destinées à le faire rager. Il est immédiatement replongé vingt ans en arrière, râlant après ce binoclard insupportable qui l’imite et rit de ses propres bêtises. Beep Beep Isaac. Il le déteste et l’adore à la fois. Aujourd’hui, c’est toujours le cas. C’est même encore pire. La joie de le revoir l’empêche de l’étrangler. Quand il sait que les autres ratés se seraient encore marrés à cette vanne…
Ils auraient toutefois moins bien compris le sourire d’Isaac et la gêne d’Andy à la mention d’une langue qu’on ne peut voler. Les joues s'empourprent, il fronce le nez et se renfrogne… ❝ Non… ❞ rétorque-t-il en enfournant ses mains dans ses poches. En parlant de langue, mieux vaut qu’il tourne la sienne sept fois dans sa bouche avant de parler…

Il préfère passer à un autre sujet. Tout aussi délicat en vérité, mais pas moins important. Le séjour d’Isaac est trop court et cet idiot ne semble pas comprendre ce qui le chagrine là dedans ! Derrière ses traits sévères, le docteur a de la peine… Comment est-il supposé profiter de son meilleur ami s’il doit travailler jusqu’à 19h tous les jours ? Il fera de son mieux pour quitter plus tôt l’entreprise mais il aurait aimé pouvoir mieux organiser son temps avec Isaac. Les mots de ce dernier font apparaître sa sacro-sainte moue et il se sent davantage vexé que l’animateur prenne cette situation à la légère plutôt que par sa moquerie. Peut-être que ça lui est égal et peut-être qu’Isaac n’est pas venu que pour lui…. ce qui le vexerait peut-être davantage. Aussi, plutôt que renchérir, il cherche une alternative. Erreur. Voilà qu’Isaac parle de fantasmes quand lui manque de s’étouffer dans sa blouse de médecin. Quel petit con cet Isaac ! ❝ Tais toi, j’ai dis ! ❞ gronde-t-il, le visage bien trop gêné pour rendre sa colère crédible. Il ne relève pas l’ironie de sa déclaration… Qu’il connaît à peine le Andy adulte… quand il a surement vu plus de lui que n’importe qui jusqu’à présent. Cette idée le plonge à nouveau dans un état de confusion, cherchant néanmoins à argumenter dans son sens. En vain. Isaac ne semble pas vouloir venir chez lui. Un nouveau coup au coeur, et il est difficile de cacher la déception qui se lit sur son visage. ❝ Très bien… Laisse moi au moins t’y emmener déposer tes affaires ensuite. Enfin, si tu peux attendre la fin de mes consultations. Je n’ai que deux patients après toi. ❞ D’ailleurs, il faudrait qu’il fasse gaffe à ne pas prendre de retard malgré cette interlude inattendu. ❝ On pourra manger un bout ensemble… ❞ Sauf si Isaac avait autre chose de prévu. Andy essaiera de ne pas se vexer dans ce cas… Même s’il fait immédiatement de lui sa priorité de la journée.  Il ne lui propose pas de venir déjeuner chez lui, comprenant que son ami préférait sans doute éviter de voir sa femme. C’est peut-être mieux ainsi….
Isaac a sûrement raison : Andy se montre sévère avec lui pour des retrouvailles… mais il est vraiment content de le revoir. Content et triste que ce soit si bref. Mais quand l’air scandalisé s’efface pour laisser place à un sourire sur la figure d’Isaac, le docteur sent une vague de soulagement envahir son coeur. ❝ C’est parce que t’es pas possible… ❞ soupire-t-il avant d’attrapper une main d’Isaac pour le tirer hors du siège, le mettant debout, et le serrer dans ses bras. Une étreinte forte qui trahit un peu l’urgence de profiter de celui qui a rallumé quelque chose en lui, quelques mois plus tôt….
De longues secondes il le retient, de longues secondes il savoure son parfum. Isaac est bien de retour. Et tant pis s’il refout le bordel dans sa vie… C’est ce bordel qui lui redonne goût à la vie.

❝ J’te sens tendu doc, ça va te faire du bien que j’passe quelques jours ici. ❞ oui, ou il allait pleurer quand il se rendrait compte que sa septième plaie d’egypte à lui comptait rester plus que quelques jours au final.
Probable qu’il ne lui proposerait pas comme maintenant de se retrouver seuls avec lui dans une voiture.
❝ Ok, va pour le chauffeur. T’en as pour combien de temps ? ❞ non parce qu’il ne sait pas s’il est le genre de docteur à y passer 3 heures, temps moyen et raisonnable ou expéditif. Et qu’il a faim ? ❝ La bouffe de l’avion, c’est vraiment pas terrible ❞ et le voyage a été long… pour de courtes heures oui. Foutage de gueule, il sait. D’un autre côté, l’accueil manque de chaleur alors qu’il lui en a donné une bonne dose de son côté, la dernière fois qu’ils se sont vus. Lim Andrew est du genre ingrat un peu égoïste, ainsi va la vie.

C’est vrai, il ne partage même pas ses trucs à tripoter.
ça le tend, de ne rien avoir à se mettre sous les doigts.
Fort heureusement pour lui, sa jambe ne bat qu’une demi mesure avant que le docteur ne lui fasse lever son cul pour un câlin, un vrai. Pas une simulation d’étreinte maladroite qu’on note 3 sur 20 pour être poli.
Non, il y mettrait une bonne note. En réalité, il n’y pense pas vraiment. A la note.
Il préfère entourer son large meilleur ami de ses bras pour lui rendre son étreinte dans un soupir. C’est pas si mal. Comme truc à se mettre sous les doigts. Alors il se laisse sniffer juste qu’à ce qu’Andy le relâche, puis il lui sourit et désigne du pouce son bien ❝ Tu me la gardes ? J’vais aller fumer et faire un tour du quartier pendant que tu joues au docteur. ❞ c’était toujours ceux qui semblaient les plus purs… qui en avaient moins la couleur au final ❝ Qu’est-ce que dirait ta femme ? ❞ ta gueule.
Pas sa femme.
Mais c’est probablement ce que pourrait dire ce bon vieux Andrew maintenant. S’il lui en laisse le temps, parce qu’il sort vite du cabinet, désigné son téléphone qu’il agite dans sa main, moyen muet de lui faire comprendre de l’appeler ou de lui envoyer un message quand il en aurait fini, puis il prenait la porte après une gracieuse révérence à la secrétaire. Le tout, bien évidemment, sans avoir avoué une seule fois qu’il dormait à l’hôtel, certes, mais pour un long séjour.

❝ Tu me fatigues déjà, ❞ qu’il grince entre ses dents. Pourtant, il ment. Si Isaac écourté son séjour, déjà scandaleusement bref, le docteur serait plus que peiné. Ces retrouvailles inattendues sont un choc, une épreuve pour le mental d’Andrew… mais à aucun moment il ne lui viendrait l’idée de chasser celui qui a bousculé toute sa vie. Par tous les moyens, il tente de s’accrocher à ces quelques jours où rien ne serait moins certain. Jouer les chauffeurs, les guides touristiques… Peu importe. Isaac n’a visiblement pas le droit de passer des congés en solo. Du moins, dans la mesure du possible. Le doc a des consultations, une entreprise à gérer… Il ravale l’amertume et consulte l’horloge fixée en haut de la porte : ❝ Trente… quarante minutes, maximum…  ❞ S’il n’a pas l’intention de jouer les mauvais docteurs expédiant ses patients, il ne compte pas non plus trainer. Isaac occupe désormais toute son attention. ❝ Je connais une bonne adresse, t’en fais pas. ❞ Ni trop luxe, ni trop fade. Le parfait milieu. Il lui sourit. La perspective de partager un repas avec lui le réjouit autant qu’elle le frustre. Il craint de ne pas avoir assez de temps pour profiter… alors il a bien l’intention de grignoter chaque miette qu’on lui accordera.

Jusqu’à voler une étreinte, ne tenant plus. Elle aussi lui semble trop courte, mais le temps file et si son coeur se serre en séparant leur corps, il hoche la tête à la demande d’Isaac. ❝ Reste dans le coin, j’en ai pas pour long. ❞ Et puis sa bouche se tord quand sa femme revient dans la conversation. Décidément. ❝ T’es chiant. ❞ Il grimace et lui ébouriffe les cheveux en le poussant gentiment. Il est chiant mais qu’est-ce qu’il lui a manqué. Malgré lui, il le laisse filer. Il doit renfiler la blouse de docteur même si ses pensées voguent ailleurs. Avant d’inviter son prochain patient, il pousse la valise dans un coin de la pièce, derrière son bureau. Elle lui fait office de preuve du passage éclair d’Isaac. Il est bien là. Peu de temps, mais bien là.

Trente-cinq minutes. C’est le temps qu’il lui faut pour boucler les deux consultations. Des cas assez simples bien que la dernière patiente, une sexagénaire un peu bavarde, ait presque manqué de le faire mentir. En sortant, il informe Joan, sa secrétaire, de ne pas prendre plus de rendez-vous sur les quatre prochains jours. Il la salue et, la valise d’Isaac en main, sort du cabinet, la clope au bec. Il lui a envoyé un sms juste après sa dernière consultation. Il balaye la rue du regard et… ❝ Isaac ! ❞ le hèle en le voyant revenir vers lui. Son sourire reprend immédiatement sa place sur son visage. Il pourrait presque de ne pas allumer sa cigarette, mais trop d’interrogation se bouscule dans sa tête pour qu’il se prive du goût libérateur du tabac. Il en vient même à se sentir soulagé que l’animateur radio soit bien de retour et qu’il ne s’agissait pas d’une mauvaise farce. On ne dira pas assez que le docteur Lim est stressé.

Après avoir chargé le bagage et Isaac dans la voiture - ce dernier pourra remarquer qu’il ne s’agit pas du même modèle depuis sa visite à Séoul, mais d’une nouvelle berline japonaise haut de gamme et tout aussi classe - il s’engage direction The Gallery, une brasserie à deux pas de la plage, animée sans être trop agitée. Sur la route, Andrew sent la faim gronder dans son ventre. La pause lui fera du bien.
❝ Leur Burger Californien est top si jamais, ❞ lui dit-il en s’installant à une table, vue sur la mer. Lui sait déjà ce qu’il veut : le Fish & Chips. Simple mais il n'en a pas goûté de meilleur depuis qu’il est ici. Il commande à boire, un verre de vin pour sa part et laisse Isaac décider pour le reste. Il fera gaffe à l’alcool mais les retrouvailles doivent être fêtées. Et de nouveau, Andrew est incapable de lâcher son ami du regard, comme s’il peinait encore à croire à sa présence. ❝ Alors, t’as prévu des trucs du coup pour ces quatre jours ici ? ❞ C’est si peu que le chiffre sonne avec amertume dans sa bouche.

Une bonne demi-heure à tuer après avoir été traité scandaleusement de “chiant”
C’est la mort dans l’âme, le coeur brisé, que le Kim tue le temps en faisant le tour du quartier.
Plutôt deux clopes qu’une, il finit par trouver un petit café où il consomme la boisson phare en trainant sur son téléphone.
Sa tasse est vidée depuis plusieurs minutes quand celui-ci vibre pour l’avertir que son fort occupé meilleur ami en a terminé avec le boulot.
Le sourire qui apparaît sur ses lèvres trahit autant la joie que l’impatience et il quitte le café après avoir réglé l’addition.
Clope à la bouche, il fait les quelques pas qui le séparent du docteur jusqu’à entendre son prénom quand il l'aperçoit en parfaite synchronisation.

Il se retrouve face à lui, puis face à sa nouvelle voiture, et le laisse gérer son bagage quand il s’installe côté passager d’une voiture qui sent encore le neuf. Ou alors c’est le luxe qui fait ça, il n’en sait rien… mais évidemment, il trouve un ou deux trucs à tripoter pendant le trajet, une ou deux boîtes à ouvrir, un ou deux boutons à actionner.
Impossible d’être sage pour lui, ce n’est même pas une question de nervosité. Non, il est le maître de la surprise et Andy n’a pas l’air si fâché que ça de le voir. En réalité, il s’avance peut-être, mais le doc’ semble même digérer l’imprévisible comme quelque chose de pas si mauvais.

Le trajet passe rapidement, il n’a même pas le temps de véritablement dérégler la belle voiture en bon emmerdeur que déjà il se retrouve à table face à une jolie vue californienne.
La Mère Patrie.
Lui qui adore voyager, ce serait mentir que de dire qu’il n’a pas un minimum d’attaches pour la région.
Après tout, malgré tous ses voyages, c’est toujours fierté qu’il se dit a-mé-ri-cain.
Son regard se promène, l’endroit est sympa, Andy a bien choisi.
❝ Alors je vais sûrement suivre ta reco, j’ai bien envie d’un burger. ❞ un truc bien américain, bien californien du coup, et pour le vin ? Il le suit en commandant la même chose que lui sans consulter davantage la carte du coin ❝ Non pas spécialement, je comptais sur toi pour me divertir. J’ai vraiment pas anticipé grand chose. Mais si t’es occupé doc, t’inquiètes j’fais dans l’impro’ ❞ oui, il n’avait pas prévu grand chose en dehors de son hôtel à squatter, un nouveau boulot, ce genre de trucs, trois fois rien ❝ Qu’est-ce que tu me conseilles de faire dans le coin ? J’voulais faire un tour vers San Diego mais t’as peut-être mieux à proposer. ❞ sachant qu’il irait tous les jours pour le boulot, oui, il est clair que ça pouvait attendre.

Le moment est agréable. Face à lui, Isaac contemple la mer et l’image lui semble encore irréaliste. Il peine toujours à croire que son meilleur ami est bien là mais il veut en savourer chaque instant. De son avis, le temps qu’on lui accorde est bien trop court de son avis, mais il tâche de profiter. ❝ Tu ne regretteras pas, ❞ lui promet-il, à propos du burger. Il sourit. De son aveu, il a plusieurs fois pensé à Isaac en mangeant ici. Est-ce à cause du menu qui lui semble parfaitement adapté à lui, ou bien à cause de la mer, ou encore de l’atmosphère familière du lieu qu’il ne saurait décrire… ? Difficile à dire. Toujours est-il qu’il est heureux d’y voir Isaac, assis face à lui. C’est comme si tout était à sa place. ❝ Je pensais déjà à t’ammener ici le jour où tu viendrais. Je n’imaginais pas que ça serait si tôt. ❞ Une sacrée surprise. Mais qu’Isaac ne se méprenne pas, Andy était ravi. Il aurait seulement aimé mieux préparer son accueil. Et s’il avait su, le convaincre de rester plus que quatre jours.
Cette visite à l’improviste ne lui permet pas non plus de jouer les guides comme Isaac semble le souhaiter. ❝ Ca, pour n’avoir rien anticipé… ❞ grommelle-t-il. ❝ Je travaille, Isaac… Si tu m’en avais parlé avant, j’aurais pu prévoir des trucs et passer autant de temps avec toi, mais… ❞ Il s’interrompt. Isaac va lui reparler de l’effet de surprise s’il ne s’agace pas qu’Andy se répète. Ce dernier secoue la tête. Il ne veut pas avoir l’air d’être mécontent non plus. C’est sa peine de ne l’avoir que trop peu qui le fait rabâcher. ❝ Bref. Je vais essayer de me débrouiller quand même… ❞ Il fera des heures supplémentaires au départ d’Isaac s’il le faut, mais il est hors de question de le croiser uniquement pour un repas de midi à la va-vite.

Leur boisson arrive, le temps pour Andy de réfléchir à sa question. ❝ Eh bien, il y a pas mal de coins sympas autour d’Oceanside. La ville, en elle-même est jolie. Honnêtement, ça ne fait pas assez longtemps que je suis ici pour être un excellent guide mais je sais que c’est animé. Y’a des marchés, des musées… ça dépend si tu veux te la jouer touriste ou t’amuser. Dans tous les cas, y’a de quoi faire. ❞ Il songe à la vie nocturne. Des clubs, ici, c’est pas ce qu’il manque… mais a-t-il vraiment envie d’y envoyer Isaac ? … Si c’est ce qu’il veut faire. Il faut dire que depuis Séoul, Andy ne s’est pas vraiment autorisé d’autres “écarts”... mais avec Isaac, pourquoi pas…?
Il lève son verre, comme pour couper court à ses pensées. Ils trinquent à leur retrouvailles. Le docteur sourit et son coeur s’affole un peu. Merde. Isaac, t’es vraiment là… ❝ Je bosse à San Diego la moitié de mon temps. Tu sais, l’entreprise pharma de mon beau-père, je t’en avais parlé me semble.❞ S’il ne lui en avait pas déjà parlé à Séoul, il l’avait sûrement fait par téléphone. Cette entreprise était, après tout, la principale raison de son déménagement. Et la meilleure excuse pour échapper un peu à la pression de sa mère. ❝ On pourra y faire un tour ensemble. ❞ Toutes les occasions seront bonnes.
Peu après, leur plats arrivent. L’odeur ouvre l’appétit du doc, mais après avoir humé son plat, son attention retourne à Isaac. ❝ Tu sais, moi aussi, je redécouvre un peu la Californie. J’suis content de repartager ça avec toi, un peu. ❞ Qu’un peu.

❝ J’comprends, t’avais encore besoin d’un peu de temps psychologiquement pour te préparer à me voir à cette table. ❞ est-ce qu’il va l’emmerder encore longtemps ?
Disons la durée de son séjour pour commencer.
Et puis, pour sa défense, le docteur cherche aussi un peu.
C’est du moins comme ça qu’il se défendrait en cas de procès.
Parce que le grincheux râle à nouveau… lui sourit. Mais pas de ce sourire qui vous apaise. Plutôt de celui qui vous donne envie de râler trois fois plus fort.
❝ T’es jamais content hein ? Arrête de râler, je t’ai dit que je vais me débrouiller. Si t’as pas envie de me voir plus que ça j’peux m’occuper. ❞ que quelqu’un vienne chasser ce sourire d’emmerdeur de première de ses lèvres maintenant. Avant qu’Andy ne se transforme en molosse qui ne sait plus faire qu’aboyer.

Allez, il est mignon, à vouloir prendre du temps pour lui… alors qu’il compte squatter un moment.
… et pourtant, lui soupire, et se permet d’ajouter en se forçant à perdre ce petit sourire aux lèvres, bien qu’il en reste une trace légère dans un coin ❝ ça me peine, je pensais que tu serais vraiment plus content que ça de me voir. ❞ allez, et si on appliquait enfin ce truc sur les plaisanteries les plus courtes ?
Un meilleur début pour fêter l’arrivée des boissons.
D’une oreille, alors que son regard retourne un instant à la mer, il écoute les recommandations du guide ❝ Traîner un peu, m’amuser aussi j’imagine. Tu me connais, j’suis un débauché ! ❞ et ça veut dire quoi ça ?
Ce qu’on veut. Libre à l’auditoire de l’interpréter.
❝ J’ai pas regardé ce qu’il y avait dans le coin de mon motel. Faudrait que je me renseigne. ❞

Il hoche la tête, boit quelques gorgées de son verre sans vendre la mèche.
Voisins de boulots ils seront pourtant, mais il ne trouve pas utile de lui partager l’info pour autant. Il préfère attendre le bon moment. Soigner l’effet de surprise pour le rendre proche de l’avc à priori.
❝ Oui tu l’avais mentionné je crois. Mais ça me va, j’ai bien envie de faire un tour là bas. ❞ il joue avec une frite, la repose et met une bonne dose de sauce dans un coin de son assiette après avoir agité la bouteille.
❝ Oui je vois bien que tu débordes pas de joie non plus. ❞
un peu… pour la durée idiot, pas pour l’intensité du bonheur.
Il sait. Mais il est chiant, et il soupire ❝ Bon ap’ bebou. ❞ trempe sa frite avant d’inaugurer son repas.
Au final, quand Andy saura, ce sera peut-être la déception alors qu’il se pensera en fin de souffrance d’avoir à le supporter.

❝ Oh ! ❞ s’exclame Andrew à cet énième remarque. C’est presque s’il ne manque pas de taper sur la table, sous l’agacement. ❝ Tu m’emmerdes ! Arrête de retourner le sens de mes paroles ! Je te dis que j’ai envie de passer du temps avec toi ! ❞ Isaac le sait. Bien sûr qu’il le sait. Et ça l’énerve encore plus de savoir qu’il coure aussi bien dans ses plaisanteries. Mais quelque part, ça lui semblait aussi important que son ami ne minimise pas sa joie de le revoir. La surprise est grande, bien sûr, et assurément qu’il aurait aimé mieux s’organiser pour l'accueillir lors de ce séjour… mais il y a autre chose. Un sentiment qu’il peine à expliquer, à moins qu’il n’ose simplement pas le formuler.
Un rapport, de près ou de loin, à ce qu’il s’est passé là-bas.
Une bêtise mais pas un regret… et certainement pas quelque chose qui devait entacher leur amitié.

Ses joues s’empourprent entre agacement et gêne. Parce qu’il ouvre la bouche pour protester avec des mots trop sincères… qui meurent aussitôt à l’arrivée du barman. Le rouge teint ses joues alors qu’il prend conscience de ce qu’il lui a traversé l’esprit. Faut-il qu’il l’embrasse pour lui prouver qu’il lui a manqué ?
Damn. Ce petit merdeux. C’est qu’il lui ferait presque avouer son adultère en public.
Il se calme, attrape sa boisson et trinque de façon plus posée. Isaac a le don de le faire revenir des années en arrière… le Andy qui s’égosillait de rage à chaque taquinerie de cet abruti de Zach… et pourtant, n’était-il pas toujours derrière lui ? Les choses n’avaient pas tant changé.
Si ce n’est… ce petit truc en plus qui lui fait détourner le regard au sous-entendu d’Isaac. ❝ Tss… ❞ Doit-il l’ignorer ? Il ne sait pas trop sur quel pied danser. C’est Isaac… ce genre d’allusion, il pourrait le faire à la Terre entière. ❝ Tu me donneras ton adresse. De toute façon, je t’emmène déposer tes affaires. ❞ C’était acté.

Comme il peut bien l’emmener à San Diego. Il hoche la tête, d’un air entendu, songeant qu’il lui faudra passer quelques coups de fil afin d’être un chauffeur libre pour son meilleur ami.
Casse couille meilleur ami. ❝ Arrête de te foutre de moi et mange… ❞ qu’il gronde, à nouveau piqué. Il lui ouvre son coeur et voilà ce qui arrive. Le problème, c’est que depuis toujours, Isaac a le don de se faire pardonner aussi vite. ll a un truc… dans son sourire ou son attitude… Andy n’en sait rien, mais alors que le garçon face à lui minaude, il le contemple avec l’affection ayant chassé l’agacement. ❝ Ouai, bon ap’... ❞


❝ C’est là ? ❞ C’est ce que le GPS lui indiquait. Le moteur coupé, Andy s’extirpe de la voiture et récupère la valise d’Isaac dans le coffre. Se faisant, il marque une pause devant la bâtisse. Un motel. ❝ C’est… ❞ Ma foi, ça a le mérite d’être… Sans faire plus de commentaires constructifs, il fait rouler la valise jusqu’à la réception, tout en observant les lieux. Ça le démange… Il se retient au moins une minute avant de céder : ❝ Tu sais, mon invitation tient toujours. Tu peux te faire rembourser et dormir à la maison. ❞ Puisqu’il te dit qu’il n’a pas envie de voir ta femme. Souffre seul, Andy.

❝ Yep, mi es casa tu casa tout ça. ❞ il défait sa ceinture, soupire du trop gros repas, et descend de la voiture hors de prix du docteur. Du moins hors de prix dans son monde. Lui, au mieux, il pouvait rouler en auto tamponneuse… swaggy!
❝ Là d’où je viens, on vient m’ouvrir la porte mais bref. ❞ moyen comme un autre de le remercier quand il constate qu’Andy a récupéré sa valise.
Pour le reste, lui il s’avance vers la réception ❝ sympa hein ? ❞ non ça ne l’est pas. Et il le sait bien que ce n’est pas exactement l’adjectif qu’Andy a pu penser de son motel.
A bien y regarder, de près comme de loin même, on s’attend tout à fait à voir le bâtiment aux infos parce qu’il y a eu une fusillade, qu’un trafic de drogues a été démantelé, ou qu’on a retrouvé un cadavre démembré dans la glace pillée… enfin juste un bras ou deux alors tout est ok.
Même le réceptionniste a l’air louche.

❝ Oh nan j’prends jamais de garantie, ça me fait des économies. ❞ abruti ❝ Bonjour compatriote, la résa est au nom de Kim Isaac. ❞ l’homme mâche son chewing-gum comme une vache, se gratte le crâne en fouillant pour trouver son nom mais il finit par lui tendre la clé du bonheur sans faire preuve de trop d’amabilité. Il a raison, tout ça c’est surfait. Au moins il lui rappelle qu’il y a une taxe s’il perd sa carte, que la clim est en panne et que le réparateur ne sera pas là avant mardi, et lui tend même un papier avec les consignes et les prix de la laverie ❝ Merci sunshine. ❞ il se retourne, tient la porte pour Andy et sa valise et sort à sa suite pour emprunter les escaliers extérieurs ❝ J’suis au premier. ❞ ça ne semble pas le gêner, en fait, il a même l’air surexcité quand il ajoute ❝ Tu savais que cet hôtel a abrité non pas un, non pas deux, mais trois tueurs en série. Y’a des tas d’histoires louches sur l’endroit, j’ai beaucoup trop hâte. Bon j’ai lu aussi sur internet qu’un gang se servait du parking pour vendre sa drogue la nuit, mais tant qu’ils sont cools moi j’suis ok. J'ai toujours été pour la cohabitation. Ah ma chambre est là bebou. ❞ il déconnait n’est-ce pas ?
…
N’EST-CE PAS ?
Petite intrusion dans la tête d’un Lim avant qu’un Kim n’ouvre sa porte sur une chambre… bah c’était une chambre quoi, y’avait un lit, une tv, pas le grand luxe mais il avait dormi dans tellement pire qu’il n’a aucun soucis à abandonner sa veste sur une chaise sans plus d’analyse.

❝ Tu veux un café ? ❞ demande t’il en désignant la bouilloire et le café soluble sur un plateau ? ❝ J’suis le roi du soluble. ❞ y’a aucun monde, aucune dimension, aucun pays ni même aucun état, où Lim Edward Andrew boit de ce café.

❝ … C’est pas vraiment le mot que j’aurais choisi. ❞ Difficile de cacher sa réserve tandis qu’il emporte, d’un pas traînant, la valise d’Isaac derrière lui. Rien de ce motel ne lui inspire confiance et chaleur. D’accord, il sait que l’animateur n’a pas les mêmes moyens que lui mais… il ne pouvait pas trouver autre chose ? Ou, encore une fois, le prévenir pour qu’il l’accueille chez lui ?
Cette dernière option est de nouveau écartée et ils font la connaissance du “charmant” réceptionniste. Détectez l’ironie ici. De toute ses forces, Andrew essaie de ne pas avoir l’air trop écoeuré par l’endroit et l’accueil… mais ses traits sont aussi crispés que sa main sur la valise. L’idée d’attraper Isaac et de le kidnapper de force chez lui lui traverse sérieusement l’esprit…
Le peu de mots que l’homme débite lui font d’autant plus considérer le crime…
Il se tait même s’il a beaucoup à redire, mais le regard qu’il glisse au futur résident de ce lieu d’enfer en dit long. Il se prend à espérer que c’est une blague, qu’il n’a pas vraiment réservé ici mais alors qu’il récupère sa clé, il se dit qu’évidemment, la plaisanterie c’est d’avoir vraiment pris une chambre dans ce taudis. D’accord, Isaac aime les trucs glauques et les histoires qui font peur… mais est-ce vraiment nécessaire d’en vivre une ?
Il imagine l’état de la chambre et il blêmit déjà. De retour à l’extérieur, il est incapable de se retenir : ❝ Non, franchement, isaac, oublie la garantie, ce motel a l’air en ruine… ❞ Mais voilà, le problème c’est que ses arguments pour le quitter sont les arguments d’Isaac pour y rester. C’est le visage atterré qu’il l’écoute donner l’historique du lieu et son potentiel usage pour les voyous du coin…
❝ … ❞
Il plaisante. Il doit forcément plaisanter. Il cherche un sourire, un indice, n’importe quoi…
… Le problème, c’est que venant de cet idiot sans raison, c’est potentiellement tout à fait vrai.
❝ … Putain Isaac… Pourquoi faut toujours que tu fasses des trucs comme ça…?! ❞ qu’il grince entre ses dents, sans pour autant élever la voix. ❝ Je suis sûr que y’avait des dizaines d’hébergements mieux notés que celui-ci et toi, tu vas réserver dans ce merdier…❞ Mais trop tard pour le tirer vers la voiture, Isaac a déverrouillé la chambre et s’engouffre dans ce qui pourrait tout à fait être une chambre alternée de Silent Hill.
Peut-être que Andrew exagère et, qu’après avoir essayé de l’empêcher en vain d’entrer, il le suit et découvre la pièce. Clairement, ça ne paie pas de mine. Il examine sur le pas de la porte et fronce le nez. ❝ Ca sent le renfermé… ❞ Il couvre son nez de sa manche, songeant que son asthme pourrait revenir dans une pièce pareille. Alors que Isaac jette sa veste une chaise, lui la récupère aussitôt pour la poser sur la valise qu’il a laissée à l’entrée. Pas question qu’il s’installe ici sans une inspection des lieux…
Le docteur s’en va examiner la pièce, ne cachant plus son dégoût quand il trouve des tâches ou de la poussière. Ok, ce n’est pas l’apocalypse non plus mais…. Il faut qu’il inspecte encore. Alors , après avoir ouvert la fenêtre, il trouve le lit et tire les draps, soulève le matelas et cherche la moindre trace ou tâche suspecte. ❝ … Non merci… ❞ Bien sûr qu’il décline le café. Monsieur Lim n’achète que de la marque et surtout… l’idée d’utiliser cette cafetière douteuse le rend déjà malade. Alors il poursuit l’inspection du quatrième coin de matelas…. Ok. Rien à signaler… Il remet en place les draps et rince ses mains au gel hydroalcoolique ❝ Je vais te prêter des draps… Dors pas là-dedans…  ❞ Puis, vient le tour des placards qu’il se met à ouvrir : ❝ Pour quatre jours, ça devrait aller mais…. bon sang, je t’en supplie, la prochaine fois que tu viens, je te réserve moi même la chambre… ❞ qu’il râle depuis un placard où il vient de trouver l’aspirateur. Et évidemment qu’il va le brancher…

Le mot qu’Andy aurait choisi, il peut facilement l’imaginer.
En fait, il peut même dresser une liste de mots qu’Andy aurait pu choisir.
❝ Tout est une question de perspective. Un mec qui démembre des gens dans une baignoire par exemple, lui il trouve ça super accueillant et il réserve au même endroit à chaque fois qu’il est dans le coin ❞ l’art de rassurer le Docteur Lim, il le pratique depuis l’enfance. Il n’y a pas de secret. On n’apprend pas à savoir appuyer au bon endroit par hasard.
Les remarques, ou “râleries”, de son bon vieux docteur, Isaac les ignore et va jusqu’à récupérer sa clé… le regard étonné qu’il lève ensuite vers Andrew et du plus haut foutage de gueule. Evidemment.
❝ Des trucs comme quoi ? J’ai le flair pour trouver des endroits atypiques. ❞ mais admets le, tu en as vu des endroits mieux notés ?
Il est possible. Il ne nie en tout cas pas l’existence de motels mieux que le sien. Au nombre de trois ou quatre, grand max !
Ce qui ne l’empêche pas de faire rentrer le maniaque dans son pire cauchemar.

❝ Ouvre la fenêtre. ❞ si simple sa vie où il a réponse à tout sans se soucier de rien.
Si simple et si amusante son existence à regarder le Docteur Lim en pleine action.
Il met l’eau à chauffer, ouvre une dosette de soluble et suit parfois Monsieur Propre des yeux ❝ C’est fascinant comme tu t’agites. ❞ c’est ce qu’il finit par conclure en versant l’eau bouillante sur les grains.
Il pose son cul sur une chaise, prend sa valise pour un marchepied, et le regarde sortir un aspirateur ❝ Ouh sexy. ❞ s’il a le potentiel de le faire rougir alors qu’Andy est traumatisé des potentiels risques de l’endroit, c’est officiellement un Dieu et il appelle l’Olympe pour connaître son service d’affectation.

❝ Mais toi, tu vas choisir un endroit chiant. Dans ton motel, il n’y aura pas de chambre 406. ❞ Isaac, Andy ne veut pas la connaître l’histoire de la 406.
Il sait. C’est bien pour ça qu’il ne la raconte pas en entier quand il lâche avant sa première gorgée de café ❝ On l’entend pleurer parfois la nuit. ❞ Andy peut aussi pleurer de jour, tu le savais ?