hellevator ( asani x trystan )
Quelques jours étaient passés depuis l'incident au centre commercial de San Luis Rey et, si ça avait empêché Trystan d'y retourner pendant un certain temps, l'appel des fringues à acheter l'avait rattrapé bien assez vite. Besoin de vêtements plus chauds pour affronter l'automne et l'hiver en dépit du climat assez généreux de la Californie. Mine de rien les vestes et pantalons prenaient dans la place dans les cartons... Départ précipité de Los Angeles, que le stricte nécessaire dans le coffre de la voiture de sa mère.
D'autant plus qu'il n'allait pas éternellement esquiver le Southwest Plaza et puis, ils auraient déjà envoyé une patrouille de police chez lui depuis belle lurette si lui et Destiny s'étaient faits repérer. Est-ce que ça excluait le fait qu'on puisse potentiellement le refouler à l'entrée ? Possible... Mais ça n'était pas arrivé.
― Bonne après-midi. qu'il s'était exclamé en prenant ses paquets et en replaçant son casque sur ses oreilles - direction l'ascenseur pour sortir d'ici côté avenue. Lui a qui on avait retiré le permis, devait faire l'ensemble de ses trajets à pieds. Ou en vélo. Mais est-ce que les Etats-Unis étaient un pays réputé pour ça ? Absolument pas. Sans voiture ? Pas grand chose de possible à faire. Piétons maudits également, trottoirs susceptibles de s'arrêter brutalement à côté d'une route bondée d'automobilistes. Au moins, ça lui faisait faire ses 10 000 pas... Même si ça restait foutrement pénible de devoir traverser les quartiers de cette manière - surtout durant l'été, chaleur qui l'avait assommé plus d'une fois. Dieu bénisse les Starbucks à tous les coins de rue, parce que il en avait du s'imposer un de budget Refresha à force.
― 'Jour. Politesse classique. Laisser les gens sortir pour pouvoir rentrer ensuite - un détail que tous le monde n'applique pas toujours. Encore moins celui qu'était que de laisser la priorité à une femme enceinte. Allez-y. Main tendue pour accompagner ses paroles, pas comme s'il était pressé quoi qu'il en soit.
Cinq mois. Cinq mois. Plus que quatre. Que quatre. C’était si rapide, que ça en filait le tournis à Asani. L’automne s’installait sur les rives d’Oceanside, et elle avait constaté avec dépit que sa garde-robe, bien que fournie, ne conviendrait pas à ces prochaines semaines. Celles qui tombaient enceinte pour l’été avaient finalement plus de chance de ce côté-là, les vêtements souvent plus souples ou plus amples, et l’avantage de pouvoir se contenter de moins de couches.
Faire les magasins était presque devenu son quotidien. Trop de choses auxquelles penser pour préparer l’arrivée de l’enfant. Trop de choses qui la dépassent.
Elle avait choisi son jour avec précision. Un mardi, pour éviter la foule des week-ends. Suffisamment en amont de Thanksgiving pour éviter ceux qui préparaient activement la fête. Après avoir passé la meilleure partie de sa journée à travailler, elle avait aménagé ses horaires pour pouvoir se libérer assez tôt. S’en était suivi un marathon (à … son rythme) dans les quelques boutiques de Southwest Plaza qui offraient des tenues pour femmes enceintes. Ravie, après avoir trouvé quelques pièces qu’elle appréciait, l’architecte s’en retournait désormais chez elle, via l’ascenseur le plus proche. Ses pieds en compote, la fatigue qui s’accumulait, elle trouve tout de même la force de renvoyer un sourire, accompagné d’un
Quelques étages qu’elle aurait pu descendre via les escalators. L’ascenseur était plus proche. Elle souffle enfin quand les portes se referment, plus que quelques instants … et elle pourrait finir sa journée tranquillement, ses obligations du jour derrière elle. Jusqu’à ce qu’un haut-le-coeur désagréable la traverse, signalant l’arrêt de la machine. Sauf que les portes ne s’ouvrent pas sur un étage. Elles ne s’ouvrent pas.
Elles ne s’ouvrent pas.
Ace fronce les sourcils malgré elle, son esprit étudiant rapidement les possibilités - pourtant, aucun des deux n’avait appuyé sur un quelconque bouton. Peut-être que quelque chose lui avait échappé.
Sauf si le blocage persistait. C’était celui qui l’accompagnait qui était le plus proche du panneau, aussi lui demande-t-elle :
Il lui tardait réellement de rentrer chez lui, de se poser sur son canapé et de ne plus rien glander du reste de la journée. Un bain peut-être ? Un coup de fil à Basil ? Quoi que des sms étaient tout aussi bien. Tout pour s'éviter de penser à ses parents, à sa psychologue ou à ces six dernières années...
― J'vous en prie. qu'il s'était exclamé après avoir laissé passer Asani la première - les yeux de toute manière baissés sur son téléphone pour pouvoir regarder l'heure qu'il était. Ouais, c'était quand même pas mal tard... 18h. Un détour au Popeyes serait-il de trop ? C'était sur le trajet et Trys commençait à avoir un peu faim... d'une pierre deux c- Woh. avait-il toutefois dit en se tenant à l'une des parois de l'ascenseur à cause de la légère secousse qui s'était emparée de celui-ci. Pardon ? qu'il s'était aussi empressé de dire après avoir glissé son casque loin de ses oreilles pour pouvoir entendre la brune qui s'était adressée à lui. Son attention s'était aussi redirigée sur les boutons de l'ascenseur ainsi que sur les portes qui ne semblaient pas vouloir s'ouvrir à l'étage indiquée sur le boitier. Etrange ? Seulement pour descendre au rez-de-chaussée. Lui qui n'avait pas de voiture, n'allait définitivement pas se rendre jusqu'au parking. Y'en a un, attendez. Le doigt appuyé dessus, laissant une mélodie pénible et grésillante s'enclencher en vain. J'suis pas sûr qu'on puisse communiquer. Ou alors... c'est qu'y'a personne. Ses sourcils s'étaient froncés et, il avait rappuyé dessus de nouveau - le cœur et la respiration un peu moins sereins tout d'un coup.
Les pannes pouvaient arriver là n'était pas le problème... Mais pourquoi est-ce que personne ne leur répondait ? Ca devrait repartir dans quelques minutes j'suppose, pas besoin de s'inquiéter. Ils devaient rester calmes et rationnels. Une panne d'ascenseur en 2023 ? C'était rien de bien grave ! Pas vrai ?
Deuxième secousse. Comme s'ils étaient descendus d'un mètre d'un seul coup, de quoi lui en donner des chatouilles dans l'estomac. Wow euh. Vous avez du réseau ? Evidemment qu'non. Ils se situaient pile entre deux niveaux. Bon sang.
― Hey! Y'a quelqu'un d'l'autre côté ? L'ascenseur n'marche plus! qu'il s'était finalement exclamé en tapant quelques fois un peu fort sur les portes histoire qu'on puisse les entendre. Logiquement... des gens s'en iraient chercher de l'aide, n'est-ce pas ?
Fin de journée. L’impatience de retrouver son confort, de ne plus avoir à trimballer ses emplettes ni la charge mentale qui allait avec. Encore fallait-il qu’elle puisse sortir de l’ascenseur, qui venait subitement de s’arrêter. Sans s’ouvrir sur un étage. Les secondes passent et son inquiétude augmente proportionnellement. Il n’y a qu’une seule autre personne en sa compagnie, et elle ne l’avait pas vu jouer avec les boutons de la machine.
Cela ne l’empêche pas de lui demander ; pour confirmation. Il leur faut quelques secondes supplémentaires pour s’ajuster … avant qu’il ne lui confirme qu’il n’avait touché à rien d’autre qu’au bouton pour le rez-de-chaussée. Il n’y avait donc aucune raison pour qu’ils se soient arrêtés - puisque les portes ne s’étaient pas ouvertes sur un étage. Elle glisse un œil sur son téléphone, mais le réseau ne passe pas ici.
La solution dans ce genre de situation, c’est d’appeler le service de … elle n’en savait rien, Asani. Le service d’aide. Ou de maintenance. Ne savait pas si le bouton renvoyait à quelqu’un dans ce bâtiment ou à des dizaines, voire des milliers de kilomètres. Tout de même, quelqu’un capable de les aider depuis l’extérieur. Mais les nouvelles de son compagnon de galère ne sont pas bonnes, tout comme l’espèce de grésillement qui résonne dans l’étroite cabine. Si la future mère avait gardé son calme jusque-là, sa patience allait bientôt atteindre ses limites. Ses yeux s’étaient écarquillés, de peur ou de stupeur, trahissant la limite de ses compétences. L’ascenseur s’était refermé sur la mauvaise personne - et si la machine ne se remettait pas bientôt à bouger, elle n’hésiterait pas à coller un procès au cul du responsable.
… Si elle sortait d’ici.
Avant
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ch
u
t
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(Comme si les hauts-le-coeur du matin ne suffisaient pas.)
Ses tripes qui s’écrasent dans les quatres recoins de sa cage thoracique, le palpitant qui proteste un peu plus. Asani passe une main contre son front, contre ses tempes, pour tenter de respirer, de se recentrer sur l’instant présent. La question de l’inconnu lui permet aussi de revenir à leur problème. Si elle ne pouvait rien faire pour réparer leur cage, elle savait tout de même quelques petites choses à son sujet.
Asani le regarda ensuite frapper contre le porte et tenter d’appeler au secours. Tant mieux - après sa journée shopping, elle n’en avait pas la force. Même si elle n’était pas sûre que cela fonctionne ; au moins ça permettait d’évacuer le stress.
Même grésillements, même mélodie étranglée qui s’évanouit bien vite.
Elle rangea ensuite son téléphone, moins optimiste qu’elle ne l’était quelques minutes plus tôt.
Est-ce que Trystan connaissait le protocole en cas de panne d'un ascenseur ? Absolument pas... mais ça ne devait pas être aussi compliqué que ça, si ? Planté devant les portes contre lesquelles il s'était acharné pour prévenir qu'ils étaient coincés, il s'était ravisé dans un coin après quelques secondes. Pas la force ni la foi de s'esquinter plus que ça. C'était sûr qu'ils allaient être tirés de là, il suffisait d'être patients... Six ans à se tourner les pouces derrière les barreaux, une heure ou deux c'était quoi ? Rien hein...
― Si c'est qu'une alarme et qu'la personne est partie prendre sa pause ou pointer sa fin de journée... on est pas dans la merde. avait-il soupiré en se frottant le visage. J'pensais qu'en 2023 on avait réglé ce problème de réseau dans ce gens d'endroits. Ils étaient à quoi ? L'ère de la 5g ? Il commençait quand même à y en avoir dans le métro - Trystan avait lu ça sur internet... Bon sang.
― J'crois ? J'en sais rien en fait, sûrement. Pas le genre à composer le 911 ou n'importe quel autre numéro des justiciers de ce monde - fâché avec. Après tout... six ans de taule... y'avait de quoi avoir une dent contre eux quand même, non ? Bien que, pour le coup, il ne se serait pas offusqué si on lui en avait collé davantage dans la tronche. Putain. avait-il toutefois juré avant de commencer à se sentir à l'étroit. Comme si sa cage thoracique s'était mise d'un seul coup à se refermer sur ses poumons. Pas... vraiment. qu'il s'était exclamé pour tenter de garder le contact avec la réalité et ne pas se faire bêtement engloutir par les vertiges qui commençaient à le canarder sans pitié. Wow. Presque l'impression de partir en bad trip. Sérieux ? Il allait faire une crise de panique dans un ascenseur ? Sa gorge s'était nouée et il s'était adossé à l'une des parois pour se concentrer sur sa respiration et sur Asani qui cherchait des solutions de son côté. Elle aussi elle avait l'air d'être mal ceci dit. C'était quoi ce cirque ? Une expérience sociale ? Où était la caméra. Mais s'ils pouvaient se bouger pour nous sortir, ça serait vraiment chouette. Les paquets au sol et le casque rangé à l'intérieur de l'un d'entre eux, il s'était penché en avant et s'était appuyé sur ses genoux. Il suffoquait presque le bougre.
Et puis d'un coup, de nouveau sans prévenir, les lumières de la petite boîte métallique s'étaient éteintes et une dernière secousse s'était aussi faite ressentir.
L'obscurité la plus complète, pas un seul bouton d'allumé - ni même celui d'aide.
― Woh, bordel. C'est quoi c'délire ?
FLes espoirs dérisoires viennent et s’en vont. Impossibles à attraper, impossibles à retenir. La liste procédurière se fait lyncher, point par point. Le réseau absent, les portes fermées, le bouton d’appel désespérément silencieux - si l’on omet les notes désaccordées qui traversent l’air. Le soubresaut de la cabine comme trépas.
Si Asani n’était pas aussi confiante dans ce genre d’environnement, elle céderait à la panique. Les ascenseurs, pourtant, avaient ce quelque chose de familier. De confiné, aussi. Et jamais auparavant elle ne s’était retrouvée à sa merci.
Le jeune n’avait pas forcément d’avis sur cette question ; jamais confronté à ce genre de blocage, non plus. Elle finira par essayer le numéro, Asani. Dans quelques minutes, si l’ascenseur ne reprend pas sa course de lui-même, si le bouton d’appel reste toujours sourd à leurs interrogations. Elle tente de relativiser, s’essaie à un trait d’humour - elle préfère l’humour un peu gênant, mais ce n’était pas vraiment le lieu ni le public pour ça.
Les secondes s’écoulent, trop silencieuses.
Temps suspendu, cabine suspendue, corps suspendus. Un monde sur pause.
Puis elle compose le 911.
Le dispatch en face ; conversation salutaire avec quelqu’un en-dehors de ces sept mètres carrés. Leur situation n’est pas urgente, certes, le dispatch envoie une équipe dès que possible, il y a d’autres interventions en cours, et caetera. Bientôt, les pompiers. Leur salut. Mais à savoir dans combien de temps ils seront secourus … Ace avait même tenté de jouer sa carte sympathie toute trouvée, les mots magiques “je suis enceinte”, mais n’avait pas attendri son interlocuteur, qui ne s’était enquis que brièvement de son état physique.
Dernier regard sur celui qui l’accompagne, qu’à pas l’air très bien - même avec la lumière blafarde de son téléphone.