the hard part of healing (elea)
Cette date, il la redoutait chaque année. Se replongeant dans d’horribles souvenirs qui le hantaient des semaines durant. Généralement, il s’isolait du reste du monde, préférant rester avec ses enfants qui devaient bien voir qu’il était qu’à moitié présent mentalement. Rongé par la culpabilité, il avait de la difficulté à se sortir ces vieilles histoires de la tête, les images étant encore plus horribles malgré le temps qui passait. Jamais il ne pourrait oublier ce film qui jouait en boucle, cette dernière conversation au téléphone juste avant le drame et surtout, le procès qui s’était montré plus que traumatisant pour lui et les enfants. Il n’était pas outillé pour être père monoparental, mais avec les années, il a rencontré des gens qui l’ont aidé, un jour à la fois. Il faut dire qu’il était tout de même chanceux d’avoir un cercle aussi serré près de lui qui l’a toujours supporté, peu importe les moments qu’il traversait. Il s’était longtemps reposé sur eux et même encore aujourd’hui, il avait besoin de leur aide pour toute sorte de choses. Il n’aurait jamais été capable de le faire sans eux.
En prenant son courage, il s’était présenté chez le fleuriste pour ramasser un bouquet de fleurs fraiches, les préférés de Nella. – J’écris quelque chose dans la carte ? – Pas nécessaire. Répondit-il au vendeur qui lui donna la gerbe de fleurs contre un billet. Le sourire qui déguisait son visage avait disparu, incapable de faire semblant que tout allait bien à un simple inconnu. Il déposa le bouquet de fleurs sur le siège passager et quitte en direction du cimetière. Le soleil s’était caché derrière d’épais nuages, annonçant une averse à tout moment. Cette température, elle était à l’image de ce que pouvait ressentir l’ancien policier. Sur le bord du gouffre, il empoigna le bouquet pour zigzaguer entre les pierres tombales qui meublaient l’espace s’étendant à perte de vue. Autant d’âme disparue et de cœur déchirer par le deuil. Le chemin vers Nella était instinctif, il pourrait s’y rendre les yeux fermés. À l’ombre d’un saule, il s’installa droit devant la tombe, regardant chacune des lettres qui composaient l’entête de cette dernière. Ce nom, Nella Sheperd, celle qui il avait partagé tant de moments magiques. Qui lui avait donné deux enfants extraordinaires et qui était malheureusement partie beaucoup trop vite. Il baissa la tête, ravalant ses larmes lorsqu’il déposa le bouquet de fleurs juste devant elle. Restant à genoux quelques instants dans l'herbe, incapable de retrouver la force de se relever. – Treize ans aujourd’hui ma douce … qu’il chuchotât, toujours les yeux rivés sur la pierre. Comme si elle avait la possibilité de l’entendre et peut-être lui envoyer un signe qu’elle était bien présente, à veiller sur lui et les enfants. Charles n’avait aucun doute qu’elle avait bien sa place au paradis et qu’elle devait être là-haut, toujours à s’occuper de de Symone et d’Eddy comme elle savait si bien le faire. – Les choses commencent à se placer, j’aimerais tant que tu sois avec nous pour voir les enfants. On s’ennuie tous terriblement de toi. Sujet qui était encore trop difficile. – C’est tellement différent sans toi … Les vieux souvenirs qui défilaient dans sa tête : les soupers de famille, les soirées cinémas, les vacances en camping. Toutes les choses qu’ils avaient l’habitude de faire en famille.
Une profonde inquiétude s'insinue dans l'esprit d'Elea lorsqu'elle parcourt le message de Charles. La date, ce jour précis, résonne en elle avec une gravité émotionnelle. Elle sait, avec une certitude pesante, que cette journée sera particulièrement difficile pour son ami. Elle ne peut concevoir le laisser seul dans sa peine, alors qu'ils partagent un lien si profond. Ainsi, sans hésitation, Elea abandonne les tâches de la serre entre les mains compétentes de son équipe. Elle sait que le travail sera bien fait, mais aujourd'hui, rien ne peut surpasser l'importance d'être aux côtés de Charles.
Sur le chemin vers le cimetière, Elea prend le temps de s'arrêter et d'acheter des fleurs modestes. Un geste humble pour apporter un semblant de réconfort dans la noirceur de cette journée funèbre. Lorsqu'elle arrive au cimetière, elle repère Charles à genoux devant la tombe, submergé par le chagrin. D'une manière respectueuse, elle choisit de rester un moment à distance, permettant à ces retrouvailles fragiles de s'installer. Elle observe avec empathie son ami, comprenant l'intensité des émotions qui le submergent. Témoin impuissante, elle ressent le désir viscéral de faire davantage, de soulager son fardeau. Un poids s'abat sur son propre cœur alors qu'elle contemple la douleur de Charles.
Finalement, d'une voix empreinte de sollicitude, Elea s'approche de lui, tenant les fleurs qu'elle a soigneusement choisies. "Charles," murmure-t-elle tendrement, "je suis venue." Elle prend place à ses côtés, consciente de son penchant pour garder tout pour lui, résolu à affronter cette journée solennelle en solitaire. "Je me suis doutée que tu serais seul," poursuit-elle, laissant l'affection imprégner chaque mot. "Alors je suis venue pour honorer sa mémoire avec toi." Délicatement, elle dépose les fleurs près de la tombe, sans rompre le silence qui enveloppe le cimetière. Elle reste près de Charles, offrant une présence réconfortante sans se sentir obligée de combler l'espace avec des paroles superflues. Car elle sait que parfois, les mots ne peuvent guérir les blessures du passé.
D'une main douce, elle se pose sur l'épaule de Charles, lui offrant un soutien silencieux. Elle ne cherche pas à minimiser sa douleur ni à lui assurer que tout ira bien. Au lieu de cela, elle lui offre simplement sa présence, une épaule sur laquelle s'appuyer s'il le souhaite. "Je suis là," répète-t-elle avec la même affection, laissant l'amour et l'amitié parler pour eux-mêmes.
@Charles Sheperd
Plonger dans son propre monde, il n’y avait plus rien d’important que ce simple moment de recueillement. Cette bride dans sa journée qui s’était montrée nécessaire, voire même essentielle. Chaque fois qu’il y avait une fête ou un événement marquant, il ne pouvait pas s’empêcher de venir rendre visite à la flamme de sa vie qui s’était éteinte trop rapidement. Il se faisait un devoir de garnir sa tombe d’une gerbe de fleurs fraiches chaque fois qu’il le pouvait. Se rappellent de toute les fois où elle le taquinait en soulignant son manque de romantisme, elle espérait secrètement qu’il lui apporte des fleurs au moindre événement important et ironiquement, c’était après sa disparition qu’il avait pris cette importante habitude. À genoux devant le bouquet, il fixait la pierre de granite noire lorsque les larmes se mirent à s’accumuler dans ses yeux pour trouver un chemin jusqu’à l’orée de sa barbe mal taillée par le manque de temps. Lui parler, sans réellement attendre de réponse, lui permettait d’imaginer qu’elle était toujours là à l’écouter. Lorsqu’il eut fini son discourt, il entendit une voix qu’il connaissait trop bien et en tourna la tête de quelques degrés, il reconnut sa chevelure dorée danser avec les douces brises d’Oceanside. Il déglutit et se racla la gorge pour ravaler les larmes tout en essuyant celles qui restaient sur ses joues avec sa manche comme le ferait un enfant. Bien qu’il essayait de retenir ses larmes pour garder la face devant son amie, il était déjà trop tard. Il ne pouvait plus arrêter la machine. Lorsqu’elle déposa sa main sur son épaule en pour lui montrer qu’elle était littéralement derrière lui, il déposa la sienne par-dessus pour l’empêcher de partir. Il n’était pas du genre à demander de l’aide, au contraire il préférait vivre ce genre d’émotion loin des autres, tel un animal blessé. Les choses étaient différentes avec Elea qu’il considérait comme une sœur tellement ils avaient traversé les années, partagé de bons souvenirs, sans compté les interminables discourt qu’ils s’échangeaient chaque fois que l’un d’eux avait besoin d’aire. Cette fois-ci n’en faisait défaut. Il pouvait compter sur elle, se montrer vulnérable devant elle parce qu’il avait une confiance aveugle envers ce visage d’ange. Il pouvait bien l’écouter, il ne trouvait pas les mots justes pour décrire comment il se sentait, il réussit qu’à déblatérer un simple – Merci.
Un mot bien simple, mais qui pesait lourd dans ces circonstances. Il continuait à pleurer à chaude larme pendant quelques minutes, toujours la main d’Elea entre la sienne, celle-ci descendit dans son top à la manière qu’une mère réconforte son enfant. Il réussit finalement à reprendre ses esprits – C’est tellement difficile de faire semblant que tout va bien Elea, j’en peu plus. Il devait être vraiment désespéré pour se confier ainsi, sachant qu’il tenait fermement à cette réputation qu’on lui avait donnée lorsqu’il avait bravement relevé la tête quelques jours après sa mort, incapable de s’apitoyer sur son sort. Il devait rester fort pour ses enfants. À force de cacher cette blessure au reste du monde, ils finiraient par l’oublier et peut-être que tout reviendrait comme avant, sans elle. Les choses n’étaient cependant pas aussi simples malheureusement. Il s’était vautré dans un désespoir sans nom, pleurant pratiquement chaque soir sur le creux de son oreiller jusqu’à ce que les cachets fassent effet ou simplement lorsqu’il passait devant son portait sur le manteau de chemin. Quand cet enfer prendrait enfin une tournure moins désagréable?
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Plongée dans ce moment presque intemporel, Elea observait la scène avec une tendresse infinie. Elle percevait la gravité du rituel, l'émotion qui baignait chaque geste de Charles. Ces instants de douleur étaient cruciaux, nécessaires pour le processus de guérison. Elle laissait sa présence parler pour elle, laissant les sentiments qui les unissaient se mêler dans le silence sacré. Les retrouvailles se faisaient dans le murmure du vent, dans le doux bourdonnement de l'air, dans le parfum des fleurs et des souvenirs. Lorsqu'elle posa sa main sur son épaule, une connexion silencieuse s'établit, un échange de soutien qui transcendaient les mots. Elle était là, il le sentait, prête à demeurer, sans hâte, sans pression.
Les fleurs fraîches qu'elle avait apportées rejoignirent celles déjà déposées. Elea était une force silencieuse, un pilier qui se dressait aux côtés de Charles. Elle écouta attentivement ses mots, le regardant avec une affection inaltérable. Ses larmes étaient les témoins de la souffrance qu'il portait en lui. Elea ne cherchait pas à les sécher ou à minimiser sa douleur. Elle le laissait être vulnérable, offrant un espace sûr pour qu'il puisse exprimer son chagrin. « Il n'y a pas besoin de faire semblant ici » murmura-t-elle, son ton empreint de douceur. « Laisse sortir tout ce que tu ressens, Charles. Tu n'as pas à être fort tout le temps. » La pression de sa main sur son épaule restait constante, un lien tangible entre eux. « Tu es fort, Charles, mais ça ne signifie pas que tu ne peux pas montrer tes émotions. Le chagrin, c'est aussi une preuve d'amour, et il n'y a rien de honteux à cela. » Elea parlait avec une assurance calme, ses mots porteurs de l'expérience partagée, bien différente, sa main serrant celle de Charles.
Elle inclina légèrement la tête, ses yeux rencontrèrent les siens, emplis d'une compassion profonde. « Tu sais, parfois, la route vers la guérison commence par se permettre de ressentir. Laisse tes émotions te guider, et permets-toi d'accepter l'amour et le soutien qui t'entourent. » Chaque mot était un écho de son amitié sincère, une offre de présence et de réconfort sans conditions. Dans le creux de son oreille, elle murmura doucement. Les mots étaient un serment d'amitié éternelle, une promesse qu'elle ne briserait jamais.
@Charles Sheperd
La culpabilité, elle l’avait rongée pendant tellement longtemps. S’il avait été là cette journée-là? Si elle était allée porter les enfants à sa place? Est-ce que les choses auraient été différentes ? S’il n’avait pas fait ce job qui avait conduit cet homme à faire cet acte ignoble? Ça faisait un peu plus que quatre longues années qu’il se posait ce genre de question sans arrêt, cherchant désespérément des réponses qui ne viendraient jamais. Il en était même venu à l’idée qu’il aurait dû se trouver à sa place, après tout, c’était l’investigateur de cette chasse à l’homme qui s’était terminée ainsi. Bien qu’on lui eût répété à maintes reprises que les choses finiraient par s’arranger et que le temps ferait son œuvre, il ne pourrait jamais oublier les moments qu’ils avaient passés avec son âme sœur. Ils s’étaient promis à la vie à la mort, mais jamais il n’aurait pensé que cette dernière viendrait cogner aussi rapidement. Les genoux dans l’herbe, il devait avouer que la présence réconfortante et chaleureuse de son amie lui avait fait du bien, comme un cri du cœur enfin entendu après des années à hurler dans le néant. Il s’était accroché à cette main sur son épaule, écoutant tout les mots justes qu’Elea avait trouvé à lui dire. Elle n’était pas là pour juger, jamais, elle venait pour l’écouter. L’écouter comme l’avaient fait ses proches depuis cette journée fatidique. Charles se contenta encore une fois de pincer les lèvres et d’acquiescer de la tête. Il trouva la force de se remettre debout, les jambes endolories par la position qu’il avait adoptée depuis quelques minutes, il dû s’accrocher à son roc pour ne pas s’effondrer par terre. Elea le tenait fermement, ils regardaient tous les deux les gerbes de roses qui s’étaient amoncelées par terre. – J’ai l’impression d’être le responsable de sa disparition et ça me ronge depuis tellement longtemps, j’ai privé ses enfants de leur mère et sa famille d’une sœur, d’une tante et d’une fille. J’aurais dû être là cette fois-ci, prendre une balle pour elle. Il se doutait qu’elle lui répondrait sans doute qu’il ne pouvait pas savoir, ce genre de chose est tellement grotesque qu’il est pratiquement impossible à prévoir. Il essayait lui-même de se convaincre que c’était pourtant impossible, mais c’était son job après tout! Il était celui qui avait toujours un coup d’avance sur ce genre de détraqué. Pourquoi ne l’avait-il pas vu venir avant?
Un autre sanglot s’empara de lui, mais cette fois, il prit instinctivement la jeune blonde dans ses bras, la serrant pour s’enfouir dans la chaleur de ses propos. Il se sentait en sécurité, comme si sa présence allait l’apaiser pour les prochaines minutes. Elle avait pourtant raison, c’était la seule manière de pouvoir avancer. S’il se donnait la peine de vivre ses émotions et arrêter de se cacher. Il avait cette tendance à retenir ses émotions pour lui, ne voulant pas ennuyer les autres avec ses problèmes et il avait l’impression de répéter toujours la même chose, mais il ne pensait qu’à ça, constamment. Il finit par relâcher son emprise et faire un pas en arrière, mais tenant toujours Elea par la taille comme le ferait un ami, contemplant une nouvelle fois la pierre tombale. Il avait fini par se ressaisir, après une longue expiration. Il sécha ses joues bouffies une seconde fois. – Tu sais qu’elle adorait les fleurs et qu’elle me reprochait de ne jamais lui en acheter, elle aurait aimé que je sois un peu plus romantique, mais je l’avais prise pour acquise. On s’était promis de vieillir ensemble, d’avoir d’autres enfants et j’ai l’impression qu’il va toujours me manquer une partie de moi.
Elea observa Charles avec une empathie profonde, sentant chaque mot qu'il déposait comme des pierres lourdes dans l'océan de son chagrin. Son regard était une invitation à la vulnérabilité, un espace où il pouvait déverser ses pensées sans craindre le jugement. Quand il évoqua la culpabilité qui le rongeait, Elea ressentit une pointe de tristesse. Elle aurait voulu pouvoir alléger le fardeau qu'il portait, mais elle savait que certaines blessures étaient inaccessibles même aux paroles les plus réconfortantes. "Charles," commença-t-elle doucement, "tu n'es pas responsable de sa disparition. Tu ne pouvais pas prédire l'imprévisible. Malheureusement, la vie est parfois cruelle, et elle ne suit pas toujours les règles logiques que tu as l'habitude de suivre dans ton travail." Elle voulait qu'il entende la vérité dans ses paroles, même si elle savait que changer sa perception serait difficile. Charles était un homme de devoir, mais certaines choses échappent à notre contrôle, même pour ceux qui ont l'habitude de tout anticiper.
Quant à sa tendance à retenir ses émotions, Elea comprenait. Elle avait vu Charles traverser des moments difficiles, souvent en silence. "Il est normal de ressentir, Charles. Ce n'est pas ennuyeux, et tu n'es pas seul. Les amis sont là pour partager les fardeaux, pour écouter et soutenir. Il n'y a pas de honte à exprimer ce que tu ressens." Elle sentit ses larmes couler à nouveau, mais cette fois, ce fut lui qui prit l'initiative de l'attirer dans une étreinte. Elle répondit en le serrant doucement, un geste qui disait plus que des mots. Elle était là, ancrée dans le présent, prête à être son soutien. Lorsqu'il évoqua le manque perpétuel qu'il ressentait, Elea caressa doucement son dos. "Elle ne disparaîtra jamais vraiment, Charles. Les souvenirs, les moments partagés, tout cela reste vivant en toi. C'est normal de ressentir qu'il manque quelque chose, une partie d'elle restera toujours avec toi, dans ces beaux souvenirs." Elle se força à sourire, bien que la tristesse empreigne chaque geste. "Et je suis certaine qu'elle adore les fleurs que tu lui apportes maintenant. Peut-être que quelque part, elle sourit en les voyant. Les promesses qu'on se fait ne sont pas toujours tenues de la manière dont on l'aurait imaginé, mais l'amour demeure, même au-delà des adieux." Elea resta à ses côtés, comprenant que parfois, la meilleure chose que l'on puisse faire pour un ami en deuil, c'est simplement d'être là, de partager le poids du chagrin, et d'offrir un refuge dans lequel ils peuvent se perdre et se retrouver, jusqu’à qu’il soit prêt à repartir, dans ce quotidien exigeant.
@Charles Sheperd
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