tw: vulgarités, stalking, violenceLes choses avaient commencé le plus simplement du monde, un banal message supplémentaire sur son téléphone, une tentative d'obtenir son attention qui n'avait pas manqué de titiller son intérêt.
Bonne chance pour ton prochain tournoi, avait envoyé l'inconnu, suivi d'un
tu devrais te vêtir plus chaudement, éveillant sa curiosité. Ouvert aux nouvelles expériences, l'homme n'avait pas hésité bien longtemps avant de répondre, persuadé qu'il ne risquait pas grand-chose. Si les premiers échanges s'étaient faits à tâtons, entre excitation et impatience, il fallait avouer qu'avec le temps, le joueur professionnel avait commencé à s'attacher à ce mystère et à cet être qui ne se dévoilait pas.
Parfois, au détour d’une insomnie, il se plaisait à visualiser qui pouvait le torturer ainsi, imaginant diverses possibilités, cohérentes ou absurdes. Son orgueil se plaisait à envisager un admirateur, lassé qu’il ne réponde pas sur ses réseaux sociaux professionnels ; sa raison songeait plutôt à un ancien partenaire de jeu, connaisseur de ses difficultés passées. Et pourtant, dans le fond, Jungwoo crevait d’envie qu’il s’agisse d’un autre type de fantôme, de ce poison qui l’avait tant obsédé, cette Natty dont il s’efforçait de ne retenir que les horreurs pour se sevrer. Usant de sa persuasion, l’homme avait finalement réussi à organiser un rendez-vous, une rencontre adaptée aux demandes de cette énigmatique créature, impatient de découvrir qui se jouait de lui. Incapable de savoir comment il allait réagir
- s’il saurait faire preuve de compréhension et de douceur, ou si, au contraire, sa violence naturelle referait surface - ils avaient donc convenu de se voir dans un lieu public, là où le coréen serait forcé de fermer les yeux pour laisser le temps et le choix à son bourreau de se révéler.
Éclairé seulement par la lueur d’un lampadaire, il s’approcha du banc désigné, découvrant l’aura lugubre de ce petit square abandonné à cette heure tardive. En s’installant, il regretta un instant de ne pas avoir apporté de tissu pouvant lui servir de bandeau, puis il verrouilla docilement ses paupières, sentant sa respiration s’accélérer tandis que son imagination se mettait déjà à créer divers scénarios concernant l'issue de cette confrontation. Le souffle brûlant, il tendit l’oreille pour percevoir quelques bruits de pas, rapidement associés à de délicates mains qui couvrirent ses yeux, de quoi crisper le géant.
"
Je refuse que ce soit toi, articula-t-il entre ses dents, reconnaissant immédiatement la voix de son ancienne compagne."
Il l'empêcha de retirer ses mains, les forçant à rester posées sur sa peau, couvrant le regard qu'il ne désirait pas encore poser sur elle. La poigne ferme, Jungwoo semblait incapable de choisir entre les caresses et les baisers qu'il pouvait déposer sur l'épiderme de la revenante, et le désir de lui briser les phalanges, véritable vengeance qu'il souhaitait lui imposer depuis tant d'années
- elle qui l'avait repoussé, elle qui l'avait insulté, elle qui l'avait maltraité. "
T'as un sacré culot, gronda-t-il en la relâchant finalement, avant de se redresser pour lui faire face, découvrant cette panthère qui n'avait que bien peu changée
- ce regard vicieux, cette chevelure sombre et ces deux petits points sous l'œil, si caractéristiques. À quoi tu joues, Natty ?"
Si la voix de l'ensorceleuse se faisait aussi douce qu'un murmure, l'homme restait sur ses gardes, conscient que ces retrouvailles n'étaient pas anodines. Rien ne l'était avec elle. Tout pouvait si vite basculer à ses côtés, maîtresse dans l'art de bousiller une vie, spécialiste pour détruire l'existence de sa victime. Soudainement, le géant l'attrapa par la gorge, la forçant à s’écraser contre le banc, seule chose qui les séparait à cet instant. Son impassibilité laissant place à la colère, couverture de la peur qu’il commençait à ressentir, il explosa, soulagé d’être ainsi isolés.
“
Tu t’ennuies, c’est ça ? Tu reviens pour me pourrir la vie ?”
Les yeux quasiment exorbités, il cherchait une once de vérité, effrayé à l’idée de n’être que son divertissement du moment; craignant qu’elle souhaite détruire ce qu’il s’était efforcé de construire, cette carrière sur la bonne voie, ce traitement qu’il s’efforçait de suivre, ces addictions plus saines pour remplacer les anciennes, et même, cette relation naissante qui apaisait une partie de sa violence.
“
Le procès, ce n'était pas assez, faut que la tarée revienne pour m’enfoncer, même une fois condamné ? Interrogea-t-il, sans pour autant avouer que quelque chose grondait dans ses entrailles, cette satisfaction qu'elle soit auteure du premier pas, cette jubilation qu'elle ait cédé la première.”