take my hand (santino)
Uniforme sur le dos et casquette rouge criarde sur la tête, Edene traîne des pieds, n'ayant aucune envie de passer sa journée derrière les friteuses. Mais ce fast food ? C'est un peu comme chez elle. La blonde y travaille depuis un certain temps, d'abord quand elle était étudiante pour pouvoir payer ses études, et puis elle n'en est finalement jamais parti. Elle l'aurait pu, si elle l'avait voulu. Mais elle n'a jamais ressenti le besoin de tout plaquer et rendre son tablier. Friteuse entre les doigts, elle agite légèrement le contenu, le replongeant dans l'huile brûlante, odeur qui lui donnerait presque la nausée, c'est ce qui arrive quand ça devient quotidien. Répétitif. Une odeur qui lui colle à la peau et dont elle a parfois du mal à se défaire. Edene met les frites en barquettes, passent parfois du côté des commandes pour aller aider certains de ses collègues, pour finalement repartir en cuisine. Machine permanente. une habitude perpétuelle, des postes qui se répètent mais dont elle commence à maîtriser toutes les fonctions.
Plateaux qu'elle récupère, les ramenant à la plonge. ça change souvent, jamais personne ne reste bien longtemps à ce poste. Tâche ingrate, épuisante. Sueur donnée plus que les autres. Aujourd'hui, c'est Santino qui s'y colle. Qui vient les aider. Tout poste est bon à prendre tant qu'il s'agit de se faire de l'argent. Edene n'a pas eu besoin de beaucoup d'indices pour comprendre que la misère le suit, l'enveloppe, que les fins de mois sont rudes et qu'il est parfois difficile d'y faire face. La misère, c'est une ombre. Elle suit, elle agrippe, et puis surtout, elle rappelle constamment qu'elle est là. main épaisse s'enroulant autour du cou, suffoquant, empêchant de retrouver sa respiration et obstruant les voix respiratoires. l'oxygène manque parfois, et c'est sans doute touchée par la détresse dans ses yeux qu'Edene a commencé à glisser des billets dans son sac. Sans qu'il ne s'en aperçoive. Une façon pour elle de l'aider, de faire quelques choses de ces dollars amassés, même si ce n'est pas de la bonne façon .Qu'est-ce qui est bien ou mal en réalité ? Le monde est fait en nuance de gris, il n'y a rien de noir ou de blanc. Seulement quelques ciels qui s'éclaircissent et s'assombrissent. Edene pose sa main contre son dos pour le sortir de ses pensées, ne l'ayant pas entendu arriver. «Salut Santi ! Je ne savais pas que c'était toi qui venais aujourd'hui. » elle sourit légèrement. «Ne pars pas sans manger à la fin du service ! » elle rouspète légèrement. Elle le voit faire, cet homme ne s'arrête jamais. constamment en mouvement, bougeant d'un coin à l'autre et partant à toute vitesse quand c'est fini. Probablement pour aller faire la plonge ailleurs. As t-il seulement une pause dans sa vie si rude ? Une accalmie ? Elle s'interroge Edene, se pose des questions. Curiosité mal placée. Mais elle se doute qu'il a une famille, des personnes qui comptent sur lui. l'anneau à son doigt le montre. Alors elle veut l'aider, comme elle le peut. Sans jamais vraiment se dévoiler.
Elle sort de la cuisine pour le laisser terminer tranquillement, posant son tablier dans un coin pour rejoindre les vestiaires. Ce sont des billets verts qu'elle récupère de la poche de son sac pour aller les glisser dans celui de Santino. Elle se permet d'ouvrir la fermeture, de glisser une poignée de billet, Edene n'a pas compté, mais elle sait que c'est plus que ce qu'il ne gagne en une journée.
Elle n'entend pas les pas arriver. Ne voit pas la silhouette de Santino se dessiner. La blonde relève son visage pour l'apercevoir devant elle. Prise sur le fait. Elle ne fait rien de mal pourtant. Mais se justifier lui semble difficile. «Je n'étais pas entrain de te voler !» Elle sait de quoi ça a l'air, elle, et sa main dans son sac, mais c'est tout le contraire !
-->
Concentré sur son travail, Santino ne voit rien autour. Seul à son poste, il range l’ensemble de la vaisselle et des ustensiles dans ces gros bacs destinés à être nettoyés. La tâche est difficile. Parce qu’il ne cesse de se baisser, de se redresser, de porter des charges lourdes. Il a l’habitude, Santi des travails ingrats, des travails qui ne paient pas et dans lesquels le corps subi plus qu’il ne devrait. Il a beau ne pas être si vieux, les années derrière lui s’accumulent et commencent à peser sur son dos et parfois même sur son énergie, pourtant naturellement débordante. Il est fatigué le mexicain. Parce qu’il enchaîne les boulots. Attaché à un restaurant dans lequel il fait la plonge depuis son arrivée à Oceanside, il fait également le maximum d’extras et remplacements que les vingt-heures d’une journée lui permettent de faire. Il enchaîne les différentes tâches pour obtenir quelques dollars supplémentaires pour nourrir ses enfants et tenter de rendre sa femme heureuse. Il sait qu’il rate beaucoup auprès des siens. Qu’il n’est pas assez présent, mais il préfère les savoir en bonne santé et dans de bonnes conditions plutôt que d’être présent. Il se sacrifie Santi, afin qu’ils puissent joindre les deux bouts. Tout ce qui lui importe c’est eux et cela a toujours été eux. Ce soir, il a accepté un extra dans un fast-food. Il n’apprécie guère cet endroit. Parce qu’il y a énormément de bruits répétitifs et de friture dont l’odeur vient s’incruster dans ses vêtements. Mais il accepte tous les jobs qui ne sont pas regardant sur sa situation irrégulière. Il n’a pas de papiers Santino. Il n’appartient pas à ce pays de l’oncle Sam. Pourtant, il l’a accueilli ce pays et le feu cuisinier, tente de s’y accrocher, tout en restant le plus discret possible. Il n’aime pas particulièrement cet endroit, mais les autres salariés sont sympas. Tous dans une situation précaire, ils s’entraident. Parce que ça doit être ça, d’être américain. Il l’ignore, mais il le fantasme, voyant ce pays comme une terre d’accueil. Heureusement qu’il ne regardait pas les médias. Il est sorti de ces pensées lorsqu’une main se pose sur son dos. « Salut Santi ! Je ne savais pas que c'était toi qui venais aujourd'hui. » Edene. Ce qu’elle était gentille Edene. Elle avait tout pour elle. Santino s’était, à plusieurs reprises, demandé ce qu’elle faisait là, dans ce fast-food alors qu’une carrière l’attendait. Il l’imaginait mannequin ou actrice. Il l’imaginait marcher sur les tapis rouges en souriant. Son sourire était communicatif et rassurant. Pourtant elle était là. Loin des strass et des paillettes, à secouer des panières de frites surgelées. « Edene, ça me fait plaisir de te voir. » L’anglais de Santino était encore empreint de mexicain. Il était parfois approximatif et camouflé d’un fort accent. Mais il essayait. Il essayait de s’intégrer comme il le pouvait. « Ne pars pas sans manger à la fin du service ! » Santino ne connait que brièvement Edene. Il travaillait avec elle de temps en temps. Mais elle était toujours prévenante et accueillante. Elle semblait réellement s’inquiéter pour lui. Peut-être parce qu’il ne mangeait jamais. Il ne s’arrêtait jamais. Il était là pour travailler. Alors il travaillait jusqu’au bout pour obtenir ses quelques dollars et ramenait la nourriture qui lui était destinée à sa famille. Il faisait toujours cela. Aujourd’hui n’allait pas faire exception. C’était le point positif de travailler dans la restauration. Il lui affiche un sourire et hoche la tête, tout en sachant qu’il ne l’écouterait pas. Ses enfants passaient avant lui. Alors il continue. Il continue de se tuer à la tâche pour pouvoir rentrer, dormir quelques heures puis recommencer. Les minutes et les heures défilent à vive allure. Il ne voit pas le temps passer. Il cherche juste à terminer sa tâche. Une fois cela fait, il ne rêve que de rentrer chez lui pour se reposer un peu. Un long et profond soupire de soulagement s’échappe d’entre ses lèvres. La journée était enfin terminée. Il détache son tablier blanc maculé et se dirige vers les vestiaires. Il est surpris, lorsqu’il découvre Edene dressée devant son casier, son sac à dos dans les mains. « Qu’est-ce que tu fais ? » Bien sûr, il sait ce qu’elle fait. Ce n’est pas la première fois qu’elle le fait. Il n’a jusqu’alors pas trouvé la force de la confronter. Parce qu’il avait trop besoin de cet argent facile qu’elle déposait parfois dans son sac. Il n’est pas en colère. Comment le pourrait-il alors qu’elle lui avait permis de payer des factures et nourrir ses enfants ? « Je n'étais pas en train de te voler ! » Elle ressent le besoin de se justifier. Alors que ses intentions étaient nobles. Il s’avance vers elle et récupère son sac. « Je sais Edene. » Il plonge sa main dans la poche dans laquelle elle déposait toujours les billets. C’était devenue une habitude. Il compte rapidement le nombre de billets. C’était encore plus qu’à l’ordinaire. « Pourquoi est-ce que tu fais ça Edene ? » Il n’a pas envie mais il lui tend les billets pour les lui rendre. Il en avait besoin de cet argent, mais il ne pouvait décemment continuer à accepter celui-ci sans avoir d’explication. « Pourquoi tu n’utilises pas cet argent pour toi ? J’imagine que tu n’es pas là pour le plaisir, tu devrais le garder et payer ton loyer, tes factures ou t’acheter quelque chose qui te fait plaisir ! » Elle est jeune Edene, elle a besoin de cet argent pour vivre et évoluer. Elle n’a pas à lui donner gracieusement et finalement, malgré le fait qu’il avait jusqu’alors fermé les yeux, il n’avait pas le droit de l’accepter. En attendant qu’elle les récupère, il pose son regard sur ces billets, se rendant compte qu’il y avait beaucoup d’argent. Trop pour que cela soit normal. « Et puis, où est-ce que tu trouves autant d’argent ? Ils ne paient pas autant ici ! » C’était un fait qu’elle ne pouvait nier. Santino n’avait pas posé de question jusqu’alors mais il venait de la prendre sur le fait, il était obligé de dire quelque chose et d’abandonner cet argent facile…
Edene est toujours heureuse de le voir ici.
Elle saisit qu'il a besoin de travailler, le plus possible, et c'est ce qui explique les billets qu'elle glisse dans son sac quand il a le dos tourné. Quand il ne la voit pas et qu'elle peut se permettre de jouer les bienfaitrices. Un argent qui n'est pas toujours gagné comme il le faut. Un argent qu'elle ne considère pas comme sale, les personnes qui le possède n'en manque pas, la plupart l'exhibe avec fierté pour rendre le monde envieux et jaloux. D'autres par mépris pour ceux qui n'ont rien. Edene n'a aucun scrupule à leur en prendre un peu pour donner à d'autres qui en ont besoin. Suivre Jayson dans cette aventure n'a pas été un problème pour elle, au contraire, elle a l'impression d'avoir trouver un but à son existence. Une ligne de conduite qu'elle a envie de suivre en ignorant la voix dans son esprit qui lui chuchote qu'un jour ça finira mal. L'accent chantant de Santino lui parvient et la fait sourire, ça a quelque chose de solaire, de chaleureux, elle apprécie beaucoup, c'est un accent qui lui donne envie de sourire automatiquement.
Elle lui conseille de ne pas oublier de manger, c'est important, et en profite pour s'éclipser quand il a le dos tourné, retrouvant la poche de son sac qu'elle ne connaît que trop bien. Edene s'immobilise quand elle comprend que Santino est dans son dos. Ce n'est pas ce qu'il croit. Elle n'est pas une voleuse. Ou quelque chose comme ça. Mais le brun ne semble pas surpris de ce qu'elle est entrain de faire. Il s'avance vers elle et la blonde se redresse sur ses pieds. L'observant. Il sait. Il avait compris alors ? Elle se pensait discrète. Peut être pas finalement. «Parce que je peux le faire. » C'est une réponse qui lui semble évidente. Elle peut le faire, alors elle le lui donne de bon coeur. Santino tend les billets vers elle mais la blonde secoue la tête. Elle ne veut pas les reprendre, alors, de ses doigts elle appuie contre les siens pour qu'il referme sa paume contre les billets verts qu'elle a glissé pour lui. «Je suis là.. Pour des raisons différentes.» Ce serait trop long et trop compliqué à expliquer. «Je t'assures que je n'en ai pas besoin Santino, tu en as plus besoin que moi. » elle souffle finalement, dans un léger sourire. C'est poru lui. C'est tout.
Elle serre ses lèvres un instant, réfléchissant à toute allure. Est-ce qu'elle doit lui dire la vérité ? Mentir ? Elle ne saurait dire pourquoi, mais elle a une étrange confiance en Santino. Ils ne se connaissent pourtant pas beaucoup, mais elle a l'impression de pouvoir lui en parler quand même. Presque certaine qu'il n'ira pas trahir son secret. Edene regarde un peu autour d'elle, s'approche de la porte du vestiaire pour la fermer. «Ce que je vais te dire.. ça doit rester secret Santino.» elle pose un doigt sur ses lèvres, faisant mine de garder le silence. On dirait presque une enfant avouant un terrible secret. Mais Edene n'est plus une enfant. Et ses actes ont forcément des conséquences. «Cet argent je le vole. » Elle murmure finalement, en se rapprochant de lui, croisant les bras sur sa poitrine. «Ce ne sont que des petites combines, rien de plus.» Elle minimise les faits, et pourtant c'est grave. C'est réel. Elle inspire un peu, en jouant nerveusement avec ses mèches blondes. «Enfin, ne t'en préoccupe pas, et prends cet argent j'y tiens. » Elle le lui donne parce qu'elle en a envie, et pas parce qu'elle s'y sent obligée.
-->