you never had wings — tyler

Une femme. Trois filles. Il ne sait pas si c'est du courage qu'il faudra, mais effectivement cela promet. S'il a encore parfois du mal à réaliser ce qui l'attend, à certains moments, il se plait à imaginer ce que sera sa vie. Une petite tête blonde menant deux plus jeunes dans son sillage, prenant soin d'elles comme lui l'a fait plus jeune avec sa fratrie. Il s'imagine rarement que les jumelles seront blondes comme leur aînée. Pour lui, sûrement à tort, elles tiendront de leur maman. Le même regard, le même sourire, la même couleur de cheveux. L'inverse de la miniature actuelle qu'ils ont qui est son portrait craché. Qu'importe en vérité à qui elles ressembleront, il a conscience de la chance qu'il a d'avoir enfin cette famille désirée, et du temps que cela a pris pour y parvenir. Désireux de sympathiser avec l'inconnu assis à ses côtés, il se décide à lui tendre une main, et à se présenter. Leurs mains se serrent, et le blond ne sait pas pourquoi mais l'autre semble réfléchir avant de lui répondre. Zusman. Nom peu commun. Il ne l'a même jamais entendu, si ce n'est entre les lèvres de sa femme, quand elle lui a parlé d'une relation passée, et de cet homme qui est revenu d'entre les morts. Enfin qu'ils ont sauvé à l'hôpital car ce n'était pas son désir. Quand la brune lui en a parlé, elle n'était pas effondrée, mais préoccupée. Cette fois, c'est à son tour de réfléchir, de tenter de relier les points et surtout la probabilité faible mais tout de même existante. Il n'a guère le temps d'aller loin dans sa réflexion, car l'autre prend les devants, l'interrogeant. Il hoche brièvement la tête, non désireux de mentir. - Lena Sheperd-Kane, c'est le nom de ma femme oui. Tu es Zusman Feld, c'est ça. Davantage qu'une question, c'est presque une confirmation. Probabilité mince, et pourtant, il s'est arrêté près de cet homme durant son jogging. Sans savoir le lien entre Lena et lui. Juste car sa conscience l'a poussé à s'approcher, à s'assurer qu'il allait bien, et qu'il n'allait pas faire une bêtise. Cela ne change rien pour lui, il aurait su qui était cet homme, il se serait tout de même arrêté, incapable d'aller contre sa volonté d'aider son prochain. - Et maintenant ? demande-t-il simplement. Ils savent à présent ce qu'est chacun pour Lena. Incapacité de dire ce qui va se passer, du moins de l'autre côté. Colère. Calme. Fuite. L'autre s'ouvrait doucement, commençait à s'apaiser. Tout peut voler en éclat, à cause d'une simple connexion commune. Ou non, car l'être humain est parfois étonnant dans ses réactions.

Chacun réalise qui est l'autre. De mettre un nom à présent sur le visage de cet homme assis à côté de lui, Tyler comprend un peu mieux sa détresse. Lena lui a parlé de Zusman, avant même son séjour récent à l'hôpital. C'était durant le mois qui a suivi son retour sur Oceanside après son retour de captivité. Un soir, incapable de trouver le sommeil, que ce soit la brune, ou lui. Trop de pensées en tête. Plutôt que de tourner en rond, comme souvent dans leur coin de lit, ils ont discuté. Lena s'est alors confiée, sur ces deux relations passées principales. Edmund, mais également Zusman. Elle n'a rien caché, reconnaissant ses erreurs, dans sa manière d'aborder les choses avec eux. Surtout avec Zusman à qui elle tenait sans jamais parvenir à le lui révéler. Blocage dans la tête de la jeune femme, des mots ont été enfermés dans une boite, sans jamais être prononcés, car une partie de son coeur refusait à le faire, les réservant pour lui. Il a compris, du moins il a tenté de comprendre, sans juger sa femme. Ni ces hommes, du moins celui qui se tient à ses côtés, car pour le second, c'est une autre histoire et il préfère ne pas y songer pour garder son calme habituelle. Le silence installé entre eux après sa question ne le dérange pas. Le blond a conscience qu'il faut du temps pour réaliser, puis digérer. Ce n'est pas tous les jours que l'on rencontre le fantôme qui a plané dans une relation sans même le savoir. Quand enfin le brun se décide à parler, les premiers mots le font doucement rire. - Tout ce qu'il y a plus humain oui, sauf si mes parents m'ont trouvé dans une capsule. Il n'est pas un fantôme, encore moins un héros. Il est juste lui, un être humain avec ses forces et ses faiblesses même s'il a tendance à cacher au mieux ces dernières. - Je sais qui tu es oui confirme-t-il en hochant la tête. - Elle m'a parlé de toi avant ton séjour à l'hôpital. Et si ça peut te rassurer, elle est tenue au secret médical, elle n'a rien dit. Juste exprimée son inquiétude, car elle tient à toi. Il n'exprime que la vérité, du moins telle que lui la perçoit. Lena a aimé Zusman même si elle a été incapable d'exprimer les mots. Les années ont passé, à présent elle est mariée avec lui. Il sait qu'elle tient toujours à cet homme, c'est juste différent à présent, de ce qu'elle peut ressentir et à toujours ressenti pour lui. Peut-être qu'il devrait s'inquiéter, être un poil jaloux, mais ce n'est pas le cas. Sûrement car la brune lui a parlé de ses deux ex, avant même qu'elle n'évoque celui qui s'est retrouvé à l'hôpital. Alors, plutôt que d'être jaloux, il a juste souhaité que celui-ci s'en sorte et se rétablisse, n'étant pas du genre à vouloir du mal aux autres.

Il hausse doucement les épaules. - Ce n'est pas pour rien qu'elle est devenue médecin. Dans le passé, trop préoccupés par leur amour grandissant, les adolescents ne se sont jamais vraiment arrêtés sur ce qu'ils deviendraient dans le futur. Certes, ils imaginaient déjà le mariage, des enfants, cette fameuse maison qui leur faisait de l'oeil. Pour ce qui est du métier, il ne savait pas encore à l'époque même s'il se sentait déjà aspiré vers le ciel. C'est le cours des évènements qui ont fait qu'il est devenu pilote pour l'armée. Si Lena n'avait pas disparu, il aurait certainement pris cette voie, mais avec une déviance. Non pas dans l'armée mais pour une compagnie privée. Piloter des avions, traverser de nombreux pays. Parcours différent mais aspirations égales. Tout comme celles de sa femme quand il s'agit des autres. Depuis toujours, elle se préoccupe des autres, de leur bien être, de leur santé. Même pour un tout petit rhume. Lorsque neuf ans auparavant, il l'a retrouvée en Italie, il n'a pas été étonné d'apprendre qu'elle avait choisi la médecine. Cela lui correspond vraiment. Sa volonté de faire le bien est plus importante que sa maladresse à faire du mal à ceux qui l'entourent. Elle culpabilise déjà bien assez sur le sujet, il est le premier à le savoir. Il n'y a pas que la brune qui culpabilise. Un autre avoue avoir été con. Quand on souffre, on fait toujours des conneries. La sienne a été de fuir Oceanside la majorité à peine atteinte, fuyant ses parents, cette vie. Laissant derrière lui une fratrie bien plus jeune qu'il a continué à voir autant qu'il a pu, même s'il n'a pas toujours été présent pour eux, à son grand regret aujourd'hui. Il s'en voudra toujours un peu sur ce sujet. Il écoute, tente d'imaginer cette émotion ressentie que de voir des êtres chers disparus. Bref instant de bonheur, réconfortant avant d'être complètement dévastateur quand la réalité revient. Elle est revenue de plein fouet sous les traits de Lena. Le blond se crispe un peu au mot haine, ne sachant pas s'il doit considérer l'autre comme une menace pour sa famille, pour ce bonheur auquel il a droit alors que le sien lui a été enlevé. La culpabilité remplaçant la haine le fait se détendre, même s'il ne comprend pas pourquoi, car il ne le ressent pas comme une menace. Les jambes qui s'étirent devant lui, l'appel du jogging non terminé se fait sentir. Il le repousse car ce moment est plus important que sa dépense énergétique quotidienne, qui l'aide pour son propre bien être. - On sait très bien que si Lena s'est mise en tête de t'aider, elle n'abandonnera pas, elle va toujours te tendre une main même si tu n'en veux pas. C'est un fait. Sa femme est ainsi. C'est pire lorsqu'elle se sent coupable et qu'il lui est incapable d'oublier ce sentiment, ou du moins de passer au-dessus. Il sait qu'elle fait des efforts pour leur couple, mais que la culpabilité qu'elle ressent par rapport à leur fille restera certainement à jamais. Tout comme le regret que lui ressent. - Je ne sais pas comment tu m'imaginais, sûrement sur un piédestal que je ne mérite pas vu que tu semblais étonné que je sois aussi banalement humain que toi. T'as eu l'impression que mon histoire avec Lena était idyllique je me trompe ? Alors laisse-moi remettre la vérité en place. Elle ne l'est pas, loin de là. Il a fallu quasi vingt trois ans pour le mariage. Vingt deux pour se retrouver. Et notre fille de huit ans, j'ai appris son existence depuis moins d'un an. Chéris tous ces moments passés avec Ariel et Elijah, personne ne pourra te les retirer. Hormis peut-être cette merde que tu prends ? Elle t'offre une illusion, non la réalité de tes souvenirs Zusman. Eux, ils resteront gravés à jamais en lui. L'autre n'est pas en état de comprendre mais il ne réalise pas cette chance qu'il a. D'avoir été présent dans la vie de ses enfants depuis le premier jour, d'avoir vécu tant de premières fois. Certes il y en a beaucoup qu'il ne vivra jamais avec eux, mais il doit chérir ces moments vécus, et non les gâcher en se foutant en l'air comme il est en train de faire. - Bref, si Lena veut t'aider, je serai dans un coin aussi. A la rattraper si tu te montres merdique avec elle, et à sortir de l'ombre pour te remettre les idées au clair. Tu n'as pas besoin de vouloir tirer ma famille vers le bas, je ne te laisserai jamais faire de toute façon. Il marque une pause, tourne la tête dans sa direction. - T'en as sur toi ?

Pour tenter de toucher une personne, de lui faire réaliser certaines choses, l'ancien militaire sait que les conseils sont bons mais qu'ils ne peuvent être à sens unique. Ce n'est pas son genre que de s'ouvrir à un étranger, encore moins alors qu'il le rencontre pour la première fois de sa vie. Pourtant, une petite voix lui souffle à l'intérieur qu'il le peut. Après tout, cet homme a fait parti de la vie de sa femme durant un temps, et dans leur relation, sa propre ombre a plané sans être présent. Ils se connaissent sans avoir jamais été présenté officiellement, sans même savoir qu'ils viendraient à se rencontrer un jour. Et voici qui est fait, depuis quelques minutes à présent. Il aurait pu juste tourner les talons en apprenant l'identité de cet homme, ce qui n'aurait servi à rien, connaissant sa femme telle qu'il la connaît. Elle n'abandonnera pas le brun, bercée par une culpabilité qu'elle trimballe. Une de plus, différente de celle qui l'accompagne le concernant. Cet homme semble devoir entrer dans leur vie, y faire un parcours, plus ou moins long. Seul l'avenir pourra répondre à cette question. Alors, c'est pour tout ceci qu'il décide d'ouvrir quelques vannes. De partager en plus de conseiller. De revenir à cette histoire d'amour que certains croient idylliques alors qu'elle ne l'est pas du tout. Ils se battent depuis de nombreuses années pour la vivre, affrontent des stupidités. Même encore aujourd'hui, alors qu'ils sont mariés et ont tout pour être heureux, il existe encore des ombres planant dans leur couple. Une en particulier qu'il repousse à chaque fois qu'elle se rapproche, luttant contre depuis son retour. Il ne le sait pas encore qu'il se voile la face, qu'à force de trop lutter, il finira par perdre une bataille. Il aura bien le temps de l'apprendre, et surtout de le réaliser plus tard, car à cet instant, il n'est pas question de lui, mais de Zusman. Du souvenir de sa famille qu'il portera à jamais en lui. Des souvenirs qu'il détruit avec lui au passage. Lena luttera contre, il le sait. Et lui sera là, pour sa propre famille. Il l'affirme, pour que l'autre le réalise et le grave en lui. Il n'est pas un danger à proprement parler, il se dressera toujours contre s'il vient à déraper. Finalement, il finit par lui poser la question qui le taraude. De savoir s'il a cette merde sur lui. Opales fixées sur son interlocuteur, l'autre peut faire le choix de mentir. Il espère que ça ne sera pas le cas vu leur échange. Il lui laisse le temps qu'il faut, pour finalement souffler la vérité. Le blond retient un soupir, non dépité car quelque part il comprend. C'est une addiction, nocive, destructrice. - Tu le sais et pourtant... Et si je te propose de la jeter, là maintenant ? Il s'interroge, sur ce que l'autre va répondre. Est-il prêt à faire cette démarche, peut être qu'il est juste trop tôt. La guérison est tout un processus, mais jeter une telle merde, c'est déjà un premier pas. Même s'il rechute ensuite, il montre au moins qu'il veut tenter de s'en sortir. - Il y a d'autres moyens d'évacuer sans mettre en l'air ton cerveau. Le sport intensif par exemple. En ceci il s'y connaît, étant un grand adepte de cette alternative. - Abby te dirait quoi sur le sujet si elle était là ?

Suggestion balancée sous forme de question. Zusman peut le faire, c'est un début. Il le fait même, sortant même les sachets de sa poche qu'il ouvre pour laisser la substance se répendre au sol. C'est très fin, elle ne marque pas comme la neige pourrait laisser une empreinte à force de tomber. Elle disparaît juste, comme si elle n'a jamais existé. - Même si tu retournes en chercher, c'est un premier pas. Peut-être qu'à force d'en jeter, ton portefeuille finira par dire non. Il hausse légèrement les épaules, ne sachant pas si ce jour arrivera. Probablement que non car ces merdes sont pas mal accessibles, au point de pourrir la vie de plus jeunes assez facilement, entrant dans leur vie, les faisant plonger avant même qu'ils ne se rendent compte qu'ils ne jurent plus que par ça, pour tenir. Des alternatives existent, il en propose même une au brun, qui lui répond qu'il fuit, sans évacuer. - A un moment, tu vas finir par te retrouver face à un mur et tu ne pourras plus fuir. Il hausse de nouveau les épaules, refusant de songer à son propre cas. Il espère sincèrement que l'autre trouvera une autre alternative. Il l'encourage même s'il ne le connaît pas. Il va même jusqu'à demander ce que sa femme penserait en le voyant ainsi. La réponse réussit à le faire glousser légèrement. Une autre femme tête de mule, comme la sienne, déterminée à aider sans abandonner. Parler est sans doute une solution, il ne sait pas trop, refuse de penser davantage sur le sujet. Un mince sourire nait sur ses lèvres en imaginant leurs deux femmes amies. Il n'y a pas douter que les deux mèneraient les hommes à la baguette et qu'ils n'auraient pas grand chose à dire sur certains sujets. Lena sait y faire avec lui. Même s'il est d'un naturel calme, quand il perd patience, ou se révèle borné sur un sujet, elle trouve toujours le moyen de passer outre, pour le faire redescendre. Le blond manque rire à la remarque de Zusman. - Un bon je ne sais pas, mais elle sait y faire avec moi fredonne-t-il amusé. Il se décide alors, à se lever du banc, s'étirant un peu les jambes avant de se retourner vers l'autre. - Donne ton téléphone, je te laisse mon numéro, si besoin. Il attend d'avoir l'objet entre les mains pour entrer dans le répertoire et s'enregistrer. Une fois que c'est fait, il appuie sur le bouton et ne le coupe que lorsqu'il est certain que son propre téléphone a reçu l'appel de ce nouveau numéro. Puis enfin il rend le téléphone à son propriétaire. - N'hésite pas, peu importe l'heure. Même pour une connerie. Et si un peu de sport te dit, hésite encore moins. Il sourit à l'autre. Les deux hommes finissent par prendre congé en se saluant d'une poignée de mains. Le blond part de nouveau en longues foulées autour du lac, pour terminer son entraînement du jour.