those things that only exist at night - Maxine
43ans. La plupart des hommes de son âge étaient loin de son mode de vie. Simplement parce que l’âge mental de Rhys avoisinait la dizaine supérieure. Pas le genre à s’éterniser dans les boites ou même dans les bars (sauf pour les occasions spéciales). Sorti plus tard que tous ses collègues de l’Université, à cause de sa charge de travail ou tout simplement parce qu’il n’avait pas vu le temps passer à corriger ses copies ou à bosser sur ses prochains cours, sa soirée obéissait à une routine ancestrale qu’il n’était pas prêt de changer. Par envie. Une fois arrivé chez lui, il s’autorisait quelques dizaines de minutes de détente après avoir rangé ses affaires comme un enfant rangerait son cartable. C’était assis sur son canapé ou son balcon avec un bouquin à la main et une bière qu’il passait le temps. Et puis il passait aux devoirs, s’imaginant avec amusement que ses étudiants pensaient certainement qu’il avait le luxe d’une fois arrivé chez lui, pouvoir se détendre et ne rien faire (même si cette pensée s’avérait plus réelle quand il avait donné quelques interventions en collège et en lycée). Musique classique, lumière tamisée, lunettes sur le nez, soit à corriger des paquets immenses de copies soit à éplucher des contrats et des partenariats avec d’autres organismes, d’entreprises à universités soit à bosser sur son prochain livre ou sa prochaine conférence. Son nouveau rôle de Doyen était incroyablement drainant bien qu’il l’ait choisi et voulu et qu’il ne le regrettait absolument pas, il ne pouvait nier que les temps étaient plus doux quand il n’était qu’enseignant ou maître de conférences…
Et puis il mangeait, sur le pouce souvent. Un bout de pain, un peu de fromage ou une tranche de jambon, quelques feuilles de salade ou un peu de riz, métabolisme plus vieux que lui, sans doute… Et c’est à 22h qu’il retrouvait son lit, souvent crevé, s’imaginant toujours aussi amusé que ses collègues devaient être en train de vivre leur vie de famille, encore debout, pour plusieurs heures…
L’arrivée de Maxine avait bouleversé cette routine. Comme un grand coup de pied dans une fourmilière trop bien organisée pour être agréable ou vivable. Avec elle… Tout devenait différent. Lui qui n’avait vécu qu’en coloc dans ses années d’universitaires n’avait jamais réellement appris à vivre avec quelqu’un, toujours cloitré dans son bureau ou dans sa chambre à travailler ou à lire… Avec elle, tout devenait différent. Tout.
Avec elle, son amour pour sa routine se retrouvait reléguée au second plan, il adorait la voir le déranger, l’entendre passer, la voir marcher, deviner sa silhouette dans le tissu fin d’un rideau, entendre sa voix, deviner sa respiration, la savoir à côté de lui, dans la même pièce ou celle d’à côté. Etrangement, il se retrouvait même à la chercher quand elle n’était plus là, quand elle partait travailler, à errer dans l’appartement sur ses pas, à chercher son regard là où elle s’était tenue avant de partir, à rêver pouvoir avancer le temps, quand, à son réveil, elle était revenue. Et ses yeux restaient accrochés à la porte de la chambre d’amis qu’elle occupait, porte fermée, imaginant pouvoir entendre sa respiration à travers le bois.
***
C’est au beau milieu de la nuit que les vibrations bruyantes de son téléphone sur sa table de nuit réussirent à le tirer d’un sommeil profond. Grognant, les yeux plissés, accommodation à la lumière difficile, main qui tâtonna pour réussir à attraper l’appareil, la deuxième frottant activement son visage pour tenter de se réveiller avant qu’un rictus inquiet plissa les traits de son visage en voyant son nom s’afficher sur son écran.
Décrochant sans attendre une seconde de plus, ses neurones tentèrent en vain de comprendre tout ce qu’elle disait. Main qui se perdit dans ses cheveux, comme pour soulager son cerveau tentant de suivre le rythme
« Attend… Attend… » Qu’il arriva à peine à souffler, voix cassée, « Ralentis, tu es où ? »
Quelques informations grapillées, son sang ne fit qu’un tour lorsqu’il comprit ce qu’elle essayait de lui dire. En un instant, tous ses nerfs se mirent à vibrer d’un seul coup, comme une douche glaciale (ce qui eut au moins effet de le réveiller, entièrement).
« Re-rentre. Enferme toi dans ta loge, bouge pas. J’arrive. »
Sautant du lit, il dû faire son possible pour ne pas se casser la gueule et attrapa un jogging et une paire de baskets puis ses clés de voiture et quelques secondes plus tard, il dévalait les escaliers menant au parking souterrain sur lequel sa voiture l’attendait.
Conduisant quelques kilomètres au-dessus des limitations de vitesse, c’est une quarantaine de minutes plus tard qu’il fit crisser ses pneus sur les graviers du parking du club où il l’avait rencontrée pour la première fois. Choisissant de ne pas éteindre ses feux, il eut tout le loisir d’admirer la clientèle, ou du moins celle du genre à rester même après la fermeture, pour attendre les employées et surtout les danseuses. Attrapant son téléphone, il lui envoya
« Je suis sur le parking, juste en face du fumoir. Tu veux que je vienne te chercher ? »
Sur le siège passager, ayant failli valdinguer dans l’habitacle à cause de sa conduite plus que brutale, il avait pris soin d’apporter un plaid, une grande bouteille d’eau et un paquet de biscuits pris au hasard dans son placard.
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