could've been — lotte
C’est peut-être le meilleur moyen de contrer les envies de
Ça devait faire au moins quinze ans qu’il n’avait pas réitéré l’expérience, était hésitant à l’idée de s’y replonger. Peur d’être perçu comme un pervers, un dépravé. Peur quelque peu stupide et réductrice, qui était en plus absurde : il avait déjà la réputation du biker
Nan, ça lui fait du bien. Il y a du Metal, du bon
C’est la première approche de la sexualité qui l’intéresse et lui fait du bien depuis la disparition d’Abby. Une approche qui ne le fait pas se sentir sale comme la
Parmi les danseuses, il y en a une qui retient plus son attention que les autres. Elle secoue des cheveux dorés, ondoie des courbes qui lui sont familières. Il se laisse emporter par sa grâce, l’esprit vide, seulement concentré sur ses sens - hypnotisé.
Jusqu’à ce qu’il reconnaisse les basses de Devil’s Dance de Metallica. Son cœur bat un coup plus fort que les autres et il est instantanément emporté dix-sept ans en arrière. Soudainement il n’est plus ici mais dans la maison de Nathan transformée en villa-salle de concert-club. Il est dans l’une des chambres à l’étage, et Devil’s Dance jouant au sous-sol fait trembler les murs. Il a vingt-cinq ans, he's in his prime. Plus vigoureux que jamais, exsudant des phéromones à des kilomètres à la ronde. Et pourtant la seule qui les excite c’est Blondie, qui se déhanche, se déshabille pour lui. Qui s’offre à lui pour la première fois. Elle secoue ses crins dorés et ondoie ce corps qu’il connaît par cœur. Il se laisse séduire par sa sensualité, l’esprit débordant de désir, seulement concentré sur la Vénus - hypnotisé.
La chanson prend fin et son voyage spatio-temporel également. Il est totalement secoué. Son souffle est court. Quelque chose s’ouvre en lui, ça lui fait peur. Peur de trahir Abby, son souvenir, son amour pour elle. Il sait pertinemment qu’elle lui dirait le contraire, mais il n’y peut rien. C’est trop tôt. C’était peut-être trop tôt pour venir ici tout court. Il faut qu’il se casse. Il se lève, avant de s’arrêter un instant. Pas envie de quitter cet endroit sans laisser de pourboire, pas dans ses valeurs. Mais également une envie de remercier cette danseuse l’ayant permis d’échapper à ses tourments un instant, de re-visiter un moment si
Il s’approche de la scène, sort quarante dollars de sa poche et les tend doucement à l’artiste. Elle saisit les billets, sourit et l’invite à s’installer sur la chaise pour un lap dance. Il secoue poliment la tête en fuyant son regard. « No- it’s a tip. » elle hausse légèrement les sourcils et le remercie d’un baiser qu’elle pose sur ses doigts avant de poser ceux-ci sur ses lèvres. Première fois que quelqu’un le touche sensuellement depuis bientôt deux ans maintenant, pourtant ce n’est pas ça qui allume une étincelle dans ses yeux. C’est de voir son visage, voir qu’elle a les mêmes yeux bleus, le même sourire joueur qu’elle. Probablement aussi le même âge que sa précieuse poupée à l’époque. Ses obsidiennes brillantes s’écarquillent et son souffle se coupe. Il croit sentir des larmes monter. Il fuit l’endroit.
( I don't want to think about it now. )
Is it all in my head?
Are you somewhere waiting for me?
I don't want to think about it now
Is there something unsaid
Are there secrets that you keep?
Is it all in my head?
Are you somewhere waiting for me?
I don't want to think about it now
Is there something unsaid
Are there secrets that you keep?
Le mois d'Octobre était déjà là. Lotte se remémorait cette période à New York. Le froid qui s'installe, la grisaille, tel un linceul, recouvre la ville, masquant les rayons timides du soleil. C'était la saison où Lotte rangeait les T-shirt pour ressortir les manteaux. En s'installant là bas, la blonde avait appris à haïr cette saison, à détester ces jours qui raccourcissent, à ses températures qui chutent. L'été est étouffant avec la pollution et l'hiver est déprimant. C'était globalement tout ce que Lotte gardait de New York. De cette ville fourmilière où elle n'était qu'une ouvrière, écrasée par les immenses buildings. Elle n'y avait jamais trouvé sa place, une partie d'elle aspirait sans cesse à rentrer chez elle, en Californie. Car chez elle, même en Octobre, on profite encore de la plage et de la mer. Ike découvrait son premier automne californien, bien loin de ce qu'il appelle encore parfois la maison. New York avait toujours certaines faveurs à ses yeux, tout y est mieux là bas. Mais là pour la météo et la possibilité de continuer de se baigner en octobre, Oceanside gagnait des points.
Assise sur sa serviette, Lotte lisait tranquillement son livre, levant régulièrement la tête pour s'assurer qu'Ike et son meilleur ami, Jason, étaient toujours bien là. Elle soupira en les voyant se battre pour essayer de se couler l'un l'autre et qu'aucun des deux n'avait vu arriver la grosse vague alors tous les deux emportés, ramenés vers la plage. Elle les vit rire, persuadée qu'Ike voulait recommencer. Mais ils retournèrent voir Lotte, lui demandant à boire. Elle fouilla dans son sac à la recherche d'une bouteille d'eau quand le bruit de motos s'éleva d'un coup derrière eux. Un groupe de motards passait le long de la côte, les moteurs vrombissant. "So cool..." laissa échapper Ike. Il regardait les engins avec des étoiles dans les yeux. Il avait toujours été fasciné par les deux roues, même à New York, il devenait fou quand il en voyait une. "Did you ride a bike mom ?" Lotte les regarda passer avant de lui répondre "No never." Non elle n'avait jamais conduit une moto et n'en avait jamais eu envie.
Mais elle se rappelait que trop bien de cette moto. Cette Triomphe elle ne sait plus combien, modèle vintage qu'il avait. Zeus, un nom qui surgit du passé, écho d'une vie que Lotte avait la sensation de n'avoir jamais vécu. Pourtant elle se souvenait bien de leur virée en moto en dehors de la ville, des fois où il l'avait raccompagné pour ne pas qu'elle rentre seule - et pour passer une partie de la nuit avec elle à son appartement. Elle se souvenait encore comment soulever le siège pour prendre son casque, du vent dans ses cheveux, de leurs corps qui ne font qu'un pour qu'il ne soit pas déséquilibré dans sa conduite. Aussi étrange que cela pouvait paraitre, ces moments en moto faisaient partis de ses meilleurs souvenirs de cette période. Des instants simples, où ils ne pouvaient pas se prendre la tête, où elle avait l'impression qu'ils étaient plus que deux âmes en peine.
Depuis tant d'années, elle avait verrouillé son esprit à ne plus penser à lui, elle avait discipliné son coeur pour qu'il ne ressente plus la souffrance de son manque. C'était son choix après tout, elle l'avait laissé partir - ou plutôt s'était elle enfuie. Elle referma immédiatement son coeur et sa tête, pas besoin de savoir ce qu'il était devenu, s'il allait bien ou quoique ce soit. Cela ne la regardait plus dès qu'elle avait décidé d'aller à New York. Au fond, cela ne l'avait même d'ailleurs jamais vraiment regardé. Pas ensemble, leur phrase préférée. Répétée encore et encore, malgré l'incrédulité de leur entourage. Mais c'était vrai, ils n'étaient pas ensembles. "One day, I'll have one !" Lotte soupira, ce gosse aurait sa mort avec cette passion pour la mécanique, les voitures et les motos "Yeah, we'll see." Autant dire que pour elle, c'était tout vu !
Ike rêva encore un peu, but avec son ami une gorgée d'eau et firent la course pour retourner dans l'océan. Lotte continua de les regarder s'éloigner, emportant avec la douce amertume de ses souvenirs. Préférant ne pas se poser la question des et si, c'était trop tard. Elle avait fait un choix et en assumait les conséquences, les bons comme les mauvais. Elle se replongea à nouveau dans son bouquin, chassant le plus loin possible ses images sorties des tréfonds de sa mémoire. Elle se martelait qu'elle n'était pas revenue pour lui, qu'elle ne chercherait pas à savoir ce qu'il était devenu donc pas la peine d'y repenser après tant d'années. Elle tourna sa page sans avoir vraiment retenu les mots qui défilaient devant ses yeux. Prétendre que tout va bien, que rien ne la tracasse, ça elle savait faire, peut être mieux que quiconque.
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