you played the fool for me (finnick)
Malgré l’heure avancée, l’homme errait toujours au sein de l’église, s’attelant aux quelques petites tâches qui lui incombait. Du bon coup de balai entre les allées, à la disposition des bibles à chaque extrémité des bancs jusqu’au dépoussiérage des œuvres d’art, tout devait être prêt pour le lendemain matin. L’accueil des pratiquants se faisait dès l’aube dans le quartier de South Oceanside, alors le prêtre préférait réaliser ces quelques tâches avant de rejoindre Morphée.
Un téléphone portable coincé entre son oreille et son épaule, Richard menait une divertissante discussion tout en défroissant les napperons, plutôt satisfait d’être le seul à briser le silence. En effet, s’il était parfois accompagné de sœurs, les missions solidaires dans les pays du tiers-monde avaient emporté les deux femmes qui occupaient habituellement les lieux en sa compagnie. Alors, le quadragénaire se permettait quelques entorses au règlement, usant de son appareil de communication même en dehors de sa chambrette.
“Tu me manques aussi, ma puce, assura-t-il en se déplaçant de quelques pas pour clarifier l’échange face aux grésillements intempestifs. Non, pas ce week-end, je dois participer à un événement caritatif.”
Constatant que la tempête ne faisait que s’intensifier, le prêtre soupira de satisfaction, soulagé de ne pas avoir à traverser la ville pour rentrer chez lui. Le fait de travailler et vivre au même endroit possédait quelques avantages qui remplaçaient le manque évident d’intimité.
“La semaine prochaine, alors ? Proposa-t-il en commençant à pousser les vieilles portes du bâtiment, dans l’espoir que la pluie ne s'immisce pas à l’intérieur. Oui, c’est promis. Allez, va te coucher maintenant et tiens-moi au courant pour ton examen, somma-t-il en cherchant un trousseau d'anciennes clés dans les vastes poches de sa soutane. Je t'aime.”
Le père de famille raccrocha finalement, visiblement apaisé par cette discussion légère avec sa petite dernière, avant de poursuivre sa tâche. Mais à peine tenta-t-il de pousser à nouveau sur le bois massif qu’une paluche fit son apparition dans l'entrebâillement, stoppant net ses efforts.
“Finnick ? Lança-t-il en reconnaissant le grand gaillard qui s’impliquait régulièrement dans les divers projets organisés par la paroisse. Je n’attendais personne à une heure aussi tardive, s’étonna l’homme de foi, perplexe. Je m’apprêtais à fermer pour aujourd’hui.”
S’il pensait se débarrasser de cette soudaine intrusion, espérant rejoindre rapidement ses quartiers, Richard remarqua l’air sérieux du jeune homme, une expression rare chez ce benêt qui disait toujours oui à tout. Alors, avant même de lui laisser l’occasion d’en expliquer davantage, le curé poursuivit, certainement guidé par cette envie d’aider son prochain - ou peut-être par ce petit favoritisme qu’il éprouvait à l’égard de cet obéissant fidèle.
“Mais cela semble être une affaire urgente… Entre, mon garçon.”
D’un geste de la main, il l’autorisa à pénétrer la bâtisse avant de jeter un dernier coup d'œil à l’extérieur, les sourcils froncés. Il ignorait pourquoi, mais il préférait être prudent, scannant la zone en quête d’une ombre, d’un parasite, d’une commère. L’église était certes un lieu d’accueil, mais il restait sur ses gardes face aux rumeurs qui se multipliaient au sein des circonscriptions. Et davantage depuis qu’il avait croisé, au détour d’une balade dans le centre-ville, un fantôme du passé qui lui faisait froid dans le dos. Toutes les âmes d’Oceanside n’étaient décidément pas aussi pures que celle de son visiteur.
En constatant que ce dernier était trempé, ses vêtements gorgés d’eau coulant sur les dalles de pierre, Richard fit un rapide aller-retour dans une pièce reculée afin de lui apporter un linge pour s’éponger.
"Et bien mon grand, que t’arrive-t-il ? Demanda-t-il de son habituelle douce voix au timbre profond, qui incitait généralement à la confidence.”
Une main sur l’épaule du fils Reed, il l’invita à s’avancer au plus près des derniers cierges qui brûlaient, désormais seule source de lumière qui éclairait leurs visages. Patient, le prêtre attendit que le flot de paroles se libère, curieux de savoir quel besoin devait être comblé chez son paroissien.
Tu t’étais enfuit.
Y’avait plus que tes jambes qui te portent, qui te permettaient de courir à travers les rues désertes de la petite ville – au beau milieu de la nuit. Comme si t’étais poursuivi par un meurtrier, à en perdre haleine ; pas meilleur entraînement que cette fuite imprévue de ton foyer, de l’appartement que tu partages avec Franklin. Que tu considères comme ta bulle - parfaite - où finalement tout n’est pas si merveilleux. Le traitement oublié sur le comptoir - à prendre tous les soirs, à la même heure - téléphone rappel dans la poche, qui vibre, qui hurle la même musique depuis tant d’années, qui parvient pas à tes oreilles, t’entends rien autour sauf tes pas qui foulent bruyamment le bitume, de flaques en flaques, se dirige vers l’endroit où tu trouvera refuge, soutiens et ton sauveur.
Attends un peu, jauge la situation et vérifie l’heure, te demande s’il n’est pas trop tard mais aurait juré apercevoir une lueur à travers les vitraux colorés. Sans doute cette invitation qui t’avait poussé à faire les quelques pas manquant pour rejoindre les vieilles lourdes - peut-être était-ce la pluie battante - ou juste l’envie de pousser la porte et d’y rejoindre l’homme de foi. L’étonnement se lit sur son visage mais tu évites son regard comme si tu venais de faire une bêtise et que tu craignais d’être corrigé. Tu ne savais plus si c’était le semi-marathon de plus tôt ou seulement l’oubli de ton foutu cacheton qui faisait battre ton cœur à vive allure ; mélange d’un trop plein d’émotions, tout à la fois. Les dents qui s’entrechoquent à cause du froid ambiant, trempé jusqu’aux os, de tes longs cheveux aux vieilles chaussures de pacotilles, la petite tempête n’avait rien épargné.
“Excusez-moi. J’imagine que je vous dérange.” Bien décidé à ne pas mourir de froid au sein de la maison du Seigneur, tu retires rapidement chaussures et chaussettes pour les abandonner à l’entrée. Il valait mieux avoir froid aux pieds sur les dalles au sol plutôt qu’attendre l’hypothermie dans le peu de vêtements que tu portais – La fuite en catastrophe ne t’avait laissé le temps que d’enfiler tes baskets ; veste et écharpe étaient restées bien sagement sur le porte manteau de fortune (une chaise, dans le salon de la coloc) et par le froid de l’hiver, tu grelottais. “Auriez-vous des vêtements à me prêter, Mon Père ? J’imagine bien que les vôtres seront trop grands mais ça fera l’affaire pour cette fois – Je vous les rendrai, c’est promis.” Tu n’étais peut-être pas le plus intelligent mais on ne pouvait pas t’enlever ta mémoire - tête remplie de vide mais de souvenirs insignifiants.
Souffle correctement repris ; tête ébouriffée par la serviette qu’il t’avait tendu, les cheveux bouclés par l’humidité ambiante, en bataille, retombent devant tes grands yeux noirs qui épient l’homme d’âge mûr – Ne ratent plus une seule miette du visage de son prêtre préféré, sur lequel dansent les ombres des feux des cierges. Lui sourit un instant, silencieux, avant de se souvenir du motif de la visite nocturne.
“C’est un peu gênant…” Tu ne sais pas comment entamer la conversation, aller droit au but des choses est ce que tu fais en règle générale, sauf que ce sujet-là était beaucoup plus sensible. Touché, tu repenses à la scène, les yeux perdus sur l’autel où se dresse non loin La Sainte Bible. Tes mains se joignent et se triturent entre elles, mêlant gêne et anxiété, ne laissant pas de répit aux petites peaux qui dépassent, glissant quelques pincements dans le creux de tes poignets. “Mon petit frère. Franklin. Vous vous souvenez ?” Peut-être pas non – Depuis de nombreuses années que celui-ci n’avait pas remis les pieds convenablement à l’Eglise, qu’il crachait dessus fièrement devant toi, sachant pertinemment qu’il te ferait sortir de tes gonds. Pourtant d’un naturel calme, il savait faire ressortir tes petits démons, et si tu ne gagnais pas souvent - à cause de ta force quasi-inexistante ; au moins tu le battait sur la rapidité, acquise grâce aux entraînements de volley-ball et ceux de patinage artistique que tu faisais dans ta jeunesse. “Je l’ai surpris en plein … Plaisir solitaire. C’est comme ça que l’on dit, n’est-ce pas ? Je l’ai arrêté à temps mais –” Le dégoût pouvait sans doute se lire son ton visage de jeune homme ; si tu avait avalé quelque chose tu l’aurais sûrement dégueulé aux pieds de Richard. “Comment lui faire comprendre qu’il ne devra pas recommencer ?” Franklin ne partageait sans doute plus tes croyances mais, sous le même toit, tu voulais qu’il les respecte - et, te respecte - un minimum. Mais comment faire lorsque le petit frère fait quasiment dix centimètres de plus ? Ta solution du jour fut de te réfugier avec lui - Le Père Richard - le gentil prêtre qui t’ouvrait toujours sa porte et d’un seul de ses sourires, calme tes méninges en surchauffe. L’une de tes mains ose se perdre sur l'avant-bras du plus âgé, le faisant tient un instant par cette légère pression exercée par la pulpe de tes doigts. “J’ai froid et …” Oui, dit le, Nicky. “J’ai faim – Je n’ai pas encore mangé, j’ai fini mon service il n’y a pas si longtemps.” Tu devais probablement sentir encore un peu la friture - quoique la douche que tu venais de prendre à l’extérieur t’avait bien rincé - Ou le chien mouillé. “Je peux rester ici ce soir ? … Demain je vous aiderai pour les préparatifs de ce week-end.” De cet événement caritatif auquel tu participais toi aussi.
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