tw: mentions de violences conjugales, waterboardingL'idée était apparue autour d’un énième dîner familial. Un simple rendez-vous hebdomadaire au sein du manoir paternel, une demeure lugubre et élégante dans laquelle les rejetons Faust avaient grandi avant d’exiger leur indépendance, soufflant enfin de ne plus évoluer sous le joug, la pression constante et les intrusions curieuses de ce père, aussi charmant que névrosé. La discussion avait dérivé, comme à son habitude, passant aisément d’une critique de la société moderne, sujet favori de Monsieur Faust lorsqu’il tâchait d’éviter de parler de ses dernières recherches dans son domaine qu'était l'histoire, aux derniers efforts fournis par l’association Venus Fondation, véritable fierté familiale.
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J'sais pas vraiment comment je pourrais me rendre utile, avait répondu Merlin, lorsque son aînée avait parlé de son besoin de recruter quelques bénévoles.
M'enfin, si ça coïncide avec mes horaires, tu peux compter sur moi, évidemment."
En gobant une bouchée des mets préparés par la cuisinière, il avait alors tendu l’oreille, découvrant l’horreur du terme waterboarding, véritable fléau qui sévissait chez les victimes de violences conjugales. Les yeux écarquillés, il s’était senti bien insignifiant en apprenant les tenants et les aboutissants de cette forme de torture, l’appétit peu à peu coupé au fur et à mesure de ses découvertes. Et une fois de plus, le professeur de littérature avait réalisé l’importance d’une structure comme celle de sa sœur, véritable nécessité, évidente bénédiction.
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Si tu penses que j’suis assez qualifié pour les aider, j’te fais confiance.”
C’était quelques jours après cet échange que les frangins s’étaient donnés rendez-vous, au sein même de la piscine où Merlin avait ses aises, puisqu’il s’y était entraîné durant de nombreuses années, avec le discret espoir de se professionnaliser, avant de passer plutôt coach qu’athlète. Si le bassin était d’ordinaire réservé aux entraînements des étudiants de l’université ou à l’équipe régionale de natation, un bon nombre de plages horaires restaient disponibles, en faisant le lieu parfait pour ce projet.
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Et tu penses que le fait que je sois un homme, ça ne les mettra pas trop mal à l’aise ? S’enquit-il en faisant le tour des vestiaires en compagnie de Niamh, vérifiant comment améliorer le confort des futures participantes.
Peut-être que je me prends trop la tête, mais je préfère demander.”
Avec ce genre de sujets délicats, Merlin avait toujours l’impression de marcher sur des œufs. Certainement influencé par son propre vécu, il n’arrivait pas à se défaire de cette désagréable sensation qui lui donnait un goût doux-amer dans la bouche. Dès qu’il cherchait à s’impliquer, à faire le bien, il craignait que cela ne lui fasse défaut, guettant les regards et les silences de sa sœur, imaginant qu’elle lui offrait cette opportunité dans l’espoir qu’il se rattrape, comme s’il était, dans le fond, toujours un peu
coupable de son passé.
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Tu pensais à des groupes de combien ? Des petits effectifs, non ? Proposa-t-il sans réellement connaître le nombre de femmes concernées par ce traumatisme.
Tu seras présente lors des séances ou tu me laisses gérer ? S’enquit-il d’un air détaché, tandis qu’il se penchait pour mettre une main dans l’eau, appréciant la température du bassin.”