Candy Crush Saga - ft. Edward pas aux mains d'argent

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Ses écouteurs toujours dans les oreilles, coupé du reste du monde par sa musique, le regard guette l’apparition de sa valise sur les tapis roulants.
Tokyo, Séoul. C’est le nouveau trajet qu’il vient de lui faire subir.
Un brin plus imprévu que les coups de tête habituels qu’il peut lui faire subir.
Sydney, Tokyo de base, pour le boulot. Le vol retour a été échangé quelques jours plus tôt pour le billet qu’il vient de consommer.
De fil en aiguille, de message en message, il s’est retrouvé invité dans le pays habité aujourd’hui par son meilleur ami.
Le pays de ses origines, aussi.
Et pourtant, au lieu de profiter des notes de la langue de ses ancêtres, il laisse sa musique couvrir les sons d’un aéroport dans lequel il met pour la première fois les pieds à bientôt 25 ans.

Est-ce que ça lui fait bizarre ?
Est-ce qu’une hésitation a rendu ce voyage possible de peu ?
Son père habite ici aujourd’hui… mais ce n’est pas lui qu’il est supposé retrouver dans quelques minutes maintenant qu’il retire sa valise du tapis.
Pour Andy, il est prêt à renier quelques trucs dans sa vie.
Des années sans se voir, des retrouvailles quelques mois plus tôt… et aujourd’hui… pour la deuxième fois de son âge adulte, il allait partager des moments avec celui qui n’avait cessé d’être son meilleur ami malgré les années.

Alors, le sourire est là quand après l’avoir cherché, son regard tombe sur la bouille de Monsieur Ventoline.
Merde
C’est le juron qui lui vient en tête en constatant qu’il n’est pas redevenu ce bon vieux Andy en quelques mois. Un juron bien mérité… l’attaque visuelle est déloyale. Pas grave, il sait se tenir, des fois.
❝ Tu déconnes là. ❞ bonjour ? Non ? C’est pas ce qu’on dit quand on se retrouve devant un ami d’enfance qui prend la peine de venir vous chercher à l’aéroport après vous avoir gracieusement invité dans son pays ❝ Où sont-ce le ballon ? L’écriteau avec au minimum mon nom, au mieux un “bienvenue dans ton pays pas pays Kim Isaac ? Où-sont ce ? ❞ Pourquoi toujours démarrer en étant con ? ❝ Je veux un ballon. J’ai besoin de classique. Mets des paillettes dans ma vie Andy. ❞ ça va toi sinon ? Les enfants ? Ta femme ? Tout ça ?
Il est poli, il a retiré ses écouteurs. Mais faire dans le classique, c’est au-dessus de ses forces.
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Le vol est à l’heure. Droit comme un i parmi la foule, il attend. Personne ne remarque son léger trépignement. Ni ce léger sourire qu’il ne sait se dissimuler à lui-même sous son masque. Dans quelques minutes, Kim Isaac va franchir les portes de débarquement. Dans quelques minutes, Lim Andrew va retomber en enfance.
C’est une drôle de sensation, mais bien loin d’être désagréable. Elle l’a déjà frappé, l’été dernier, quand le club des ratés s’est retrouvé. C’est comme retrouver un vieux pyjama qu’on a oublié dans un coin. On a oublié qu’il existe et par hasard, on l’enfile et on se rend compte qu’il nous va toujours et que c’est même la tenue la plus confortable du monde. La comparaison est sûrement bancale… mais c’est à cet enfant, qu’il a laissé loin dans son passé, à qui il redonne la main. Ce confort qu’il a retrouvé.
Si elle l’avait vu à ce restaurant, sa femme ne l’aurait pas reconnu. Elle aurait été atrocement jalouse aussi, parce qu’à cette table, il y avait Mackenzie. La seule fille de la bande. Déjà jolie adolescente, devenue une vraie beauté en grandissant. Pas sûr que ses fiançailles avec Danny l’auraient rassurée. Mais surtout, elle aurait vu le sourire d’Andrew. Une expression si pure qu’il ne lui a jamais offert.
Ce matin, toutefois, elle a remarqué quelque chose de différent. Cette même excitation étouffée qu’elle a décelée avant qu’il ne parte pour Vegas. Mais là où elle a eu du mal à le laisser partir, aujourd’hui, elle a souri à son mari, car cette fois, il n’y a rien à craindre. Andrew reste ici et invite un ami. Tu es de bonne humeur, lui a-t-elle soufflé avant de lui coller un baiser sur la joue. C’est sûrement le seul bémol de sa journée.

Il n’y pense déjà plus, Andy. Les portes s’ouvrent et déversent un flot de passagers. Parmi les têtes brunes, il l'aperçoit et son coeur bondit tellement de joie, que son corps tressaute d’impatience. Malgré le masque, ses petits yeux forment un arc qui ne trompe pas. Il s’avance d’un pas alors qu’Isaac arrive à sa hauteur. Même sans ses lunettes, il est toujours le même. Et même s’il a grandi, il est toujours ce sale gosse qui parle plus vite que les autres. ❝ … ❞ Son élan de joie se casse la figure. Il ne comprend pas tout de suite le reproche de son cadet, regarde même autour de lui comme pour chercher une réponse. A-t-il fait une bêtise ?
Isaac débite. Tout s’éclaire. Et le myocarde se remet à danser. L’euphorie lui prend à la gorge. Isaac… Il n’a pas tort : ce type mérite des pancartes et des ballons. Andy secoue lentement la tête : ❝Qu’est-ce que t’es chiant…❞ Et avant que son meilleur ami ne s’insurge, il l’entoure de ses bras et le serre fort contre lui. La réserve n’a pas sa place entre eux. Ils ont beau avoir connu une pause de 14 ans, tout est si vite revenu. L’amitié, la complicité, les chamailleries. Et bon dieu, que ça fait du bien. Alors Andy ne libère pas tout de suite. ❝Salut Isaac.❞ C’est trop peu pour monsieur Kim, il le sait. Mais il pourra se rattraper plus tard. Il le lâche et lui dit :❝ Désolé, j’ai pas trouvé de ballon qui disait “bienvenue au plus grand chieur de la Californie.” ❞ Il étouffe un rire, lui tapote l’épaule et attrape sa valise. ❝ Content de voir que les hôtesses ont réussi à te supporter assez longtemps pour pas t’éjecter de l’avion. ❞

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Lim Andrew. Enfin.
Trop de mois les séparent de Vegas, et si la bouille bien changée détonne un peu avec ses souvenirs, c’est bien la joie qui vient se mélanger dans le sourire traditionnel du merdeux.
ça et la fierté d’être con. Ou chiant. Touché, il sourit un peu plus ❝ Merci. ❞ un bien joli compliment qu’il oublie en partie dans une étreinte qu’il rend un poil plus étouffante de son côté. Réflexe de survie, davantage de manque sans doute, il ne peut se retenir de le serrer un peu plus fort contre lui avant que les salutations ne le terminent.
Il a une odeur sympa Andy.
Quand il était gosse, il sentait comme… la naphtaline ?
Un truc du genre. Il sentait les medocs. La ventoline ? Y’avait quoi dans son machin ?
Aucune idée… tout ce qu’il sait c’est qu’aujourd’hui, quand ce genre d’odeurs vient chatouiller ses narines, ça fait un truc à son coeur. Il doit être l’un des rares abrutis sur Terre à associer ce parfum à quelque chose de positif.

❝ Salut bebou. ❞ leur enfance est si loin… mais depuis quelques mois, Andy semble faire des efforts à corriger la distance par chaque message qu’il envoie.
❝ A peine débarqué, et j’ai déjà le droit à tous ces compliments. Wow. Andrew, sweety, tout ça réchauffe un peu mon coeur. ❞ il en fait trop. Mais il a toujours détesté le peu. Alors quand la suite vient, l’expression de celui qui fatigue revient ❝ Tu sais, la moitié était folle de moi alors. J’veux dire, tu m’as regardé ? En arrivant, y’en a qui ont dégainé leurs téléphones parce qu’elles m’ont pris pour vos kpop idoles là. ❞ allez tais-toi donc un peu.

Il le fait. Quelques secondes en le suivant dans l’aéroport, sans protester pour une valise qu’il transporte à sa place.
D’une main, il fouille dans la poche de son blouson pour en sortir un bonnet dont il revêt sa tête avant que l’air frais ne l’agresse.
Dire que c’est l’hiver ici… ce qu’il faut pas faire pour un Lim… rallonger le froid de quelques jours encore.
❝ Tu manges assez ? T’as l’air d’avoir fondu un peu. Tu sais comme on s’inquiète vite avec ta mère. ❞ il n’a pas maigri. Même avec son masque protège microbes, il le voit. Même en tenue hivernale, il le voit à son dos.
C’est fou ce qu’Andy a pu changer.
Pour lui, c’est celui qui a le plus changé. On peut bien citer Danny qu’il ne serait pas d’accord.
… sans doute parce que, comme autrefois, c’est toujours à Andy qu’il prête le plus attention.
❝ T’es garé où ? ❞
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Ça fait du bien. Le coeur en fête. La chaleur d’une étreinte. Andrew n’a pas le souvenir qu’ils étaient particulièrement câlin à l’époque. Les gosses, ça se pousse, ça chahute… mais il y a cette proximité qui lui paraît évidente. Qui se traduit, aujourd’hui, autrement. Alors, Andy serre encore en retour celui qui n’a jamais cessé d’être son meilleur ami. Son sourire s’élargit tellement qu’il dépasse de son masque. Isaac lui a manqué. Aussi bien ces derniers mois… que ces dernières années. Il y a tant à rattraper. C’est l’idée de ce séjour à Séoul qu’il lui a proposé, il y a quelques jours. Bien qu’il n’y ait rien de très excitant à découvrir dans la vie du futur docteur Lim, l’idée de passer du temps avec Isaac dans cette ville lui plait. N’importe quel pays aurait fait l’affaire en vérité. Quoique, la Corée, c’est de là qu’ils viennent un peu tous les deux… Ils ont beau être américains, sans leurs origines partagées, ils ne se seraient pas rencontrés à ces cours de langues…
Il pourrait presque croire au destin.

Quand, enfin, leur corps s’éloignent, Andy n’a pas perdu son sourire. Bebou. N’importe quoi. Il a envie de lui rappeler que c’est lui le plus jeune, qu’il n’a jamais été dupe malgré ce qu’il racontait… mais il secoue simplement la tête et lui ébouriffe affectueusement les cheveux : ❝ Tu mérites chacun d’entre eux. ❞ Le plus grand chieur de la Californie… Ca ne lui semble même pas exagéré. Mais, c’était aussi pour ça qu’on l’aimait à l’époque, non ? Andrew n’est pas capable de dire s’il s’agissait d’un défaut ou d’une qualité… Il rit en attrapant sa valise, fait rouler ses yeux dans ses orbits puis les fait glisser sur celui qui se décrit aussi sexy qu’une idole ❝ Je t’en supplie, ne te mets pas à danser.❞ Pourtant, Isaac n’a pas tout à fait tort. Le petit bigleux du collège a bien changé et il ne ferait sûrement pas tâche dans un spot publicitaire ou en affiche taille réelle qu’on voit devant tous les magasins. A-t-il le droit de penser qu’Isaac est vraiment devenu beau ? Il s’était déjà fait la réflexion à Vegas. Il le pense toujours. Peut-être que les hôtesses de l’air le pensaient aussi.

❝T’as raison, couvre-toi. Il fait -5 dehors.❞ Il s’arrête même une seconde pour vérifier que son manteau est assez chaud. Même si on ne peut pas attraper froid, les changements de température peuvent faire mal. Lui-même referme son vêtement à l’approche de la sortie.
La remarque suivante lui fait toutefois froncer les sourcils. Kim Isaac n’aura jamais fini de le chambrer avec sa mère… ❝ Commence pas, Zach… ❞ grommèle-t-il en franchissant les portes de l’aéroport. Le vent glacé vient immédiatement mordre ses joues. ❝ Ca va te changer de l’Australie… ❞ Il se souvient que chez Isaac, c’est l’été. ❝ Heureusement que t’as fais un petit stage au Japon pour te préparer, ❞ plaisante-t-il en fourrant sa main libre dans sa poche. En vérité, il est soulagé que son ami soit quand même venu malgré la mauvaise saison.  ❝ Viens, j’suis pas loin. ❞ Ils n’auront à braver le froid que cinq minute avant d’atteindre son véhicule. Brillant, noire, impeccable comme si même la neige n’avait pas le droit de se poser sur son bijou à quatre roues. Il fait signe à Isaac de monter au chaud pendant qu’il range la valise dans le coffre. Moins de dix secondes plus tard, Andy s'installe au volant de la voiture. Chauffage allumé, moteur en route, il retire son masque et présente, pour la première fois depuis l’arrivée de son cadet, son sourire non dissimulé : ❝ Comment tu te sens ? Le voyage s’est bien passé ? ❞


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Il se laisse décoiffer sans protester. Son sourire ne s’évapore pas, persiste à prendre possession de ses lèvres… c’est vraiment cool… de se dire qu’il va passer quelques jours avec Andy maintenant.
ça fait bizarre aussi… c’est vrai… parce qu’il part à l’exploration de la vie d’adulte de son meilleur ami… pas seulement de ses origines. Le Lim a une alliance à son doigt aujourd’hui. Il mène une toute nouvelle vie avec une routine sportive à n’en point douter. Il n’y a que le masque persistant sur sa gueule pour rappeler le gosse craintif des microbes.
❝ Tu sais, c’est pas pour me vanter, mais j’ai un p’tit truc sur la piste. ❞ t’es rien qu’un allumeur.
C’est vrai. Il sort beaucoup. Il boit. Il fait la fête. Et souvent il drague. En tant qu’idole, il aurait subi trop de scandales pour survivre à ce genre de hunger games.

Alors il va commencer par survivre au froid. Il l’enfonce avec soin le bonnet quand Andy fait mention de la température extérieure ❝ Chez moi, même en hiver, il fait pas si froid. ❞ chez lui ?
Ce n’est pas vraiment chez lui.
Il en a conscience. Mais s’il est attaché à sa nationalité, il ne l’a jamais vraiment été au domicile. C’est différent. Surtout sans Andy, c’est devenu différent.
Sa maison, il ne l’a jamais trouvé, pas vraiment cherché non plus.
Est-ce qu’Andy se sent chez lui aujourd’hui ?
❝ De quoi commence pas ? La santé, ça ne se néglige pas fiston. ❞ il parle de sa mère, évidemment qu’il le sait. Mais il est con… et maintenant il a froid. Un instant à se tendre, puis il affronte bravement et pousse ses pieds derrière son compatriote. ça pique. ça chatouille son nez. Alors il fourre les mains dans ses poches au lieu de s’allumer une clope ❝ Ce que j’fais pas pour toi. ❞ il est volontaire. Ne le nions pas. Pour Andy, il se gèle le cul sans soucis.
Il presse néanmoins le pas derrière lui…

… pour se retrouver quelques minutes plus tard face à sa voiture de riche.
Lui n’en n’a pas. Il loue un véhicule quand il a besoin. Alors il siffle la bête
❝ Bah dis Monsieur Lim… ❞ … et ne termine pas son commentaire, préférant obéir à son aîné pour se foutre à l’intérieur … ouvrir la boite à gants, regarder les boutons, les rétros… une inspection qu’il pratique encore au retour de l’homme à fossettes. Au moins, il met sa ceinture et ses mains finissent par rencontrer l’air chaud diffusé pour leur redonner vie ❝ Elle est sympa. ❞ … ça manque de précision alors il ajoute ❝ Ta voiture. On s’attend à y trouver des gadgets ou ce genre de trucs. ❞ une voiture de super héros.
Sa main vient arracher son bonnet, il se recoiffe rapidement, vaguement… ça n’a rien à voir avec la perfection du chauffeur et ses petites fossettes. Quelle drogue il a pris pour un tel glow up ? ❝ ça va, j’ai fait pire. Là c’était limite du voyage de confort. ❞ de longs vols, avec escale, il avait connu. ça faisait gagner de l’argent… sa mère devait avoir des reduc’ pourtant ❝ Et puis j’en ai profité pour boucler deux trois trucs. Et toi ? Bon, je sais que tu respires le bonheur de m’avoir pour quelques jours, mais à part ça ? ❞ tu parles… il allait avoir besoin de vacances après l’avoir supporté autant, c’est que ce bon vieux Andy n’est plus trop formé…
… pas au niveau de son corps, de toute évidence.
Ce n’est pas lui qu’il détaille quand son regard se pose sur lui. Il cherche, comme à Vegas, quelques trucs pour lui rappeler leur enfance. Il y a ses fossettes bien sûr, son regard aussi… même s’il a pris des notes différentes… et pour le reste ?
ça n’a pas l’air d’avoir changé entre eux, il pense. ça aurait été con… douloureux… connaître cette espèce de trucs qui fait qu’on en arrive à se demander pourquoi on était si proches avant.
Il est heureux, trop sans doute, même si ce n’est que pour quelques jours… même s’ils ont attendu trop longtemps pour se revoir… il commence à se dire qu’Andy recommence à faire partie de sa vie d’une certaine manière… et c’est pas si mal que ça, même à distance.

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❝ Il me semble que l’Australie a d’autres extrêmes que ses températures. ❞ On lui a toujours dit beaucoup de bien du continent Océanique… mais impossible de ne pas songer à toutes ces choses mortelles qui le peuplent. C’est une chance qu’Isaac soit toujours en vie. En fait, Andrew apprendra même plus tard que cela relève carrément du miracle au vu de son carnet de santé négligé. Ce détail mis à part, le docteur est bien content que la visite se fasse dans ce sens car il aurait eu du mal à cacher son stress, une fois le pied sur la terre australienne. Et Isaac avait déjà assez de matière à se moquer.
Sa mère a toujours été un sujet de moquerie intarissable. Une femme sèche à l’air pincé que le simple mot “Australie” aurait pu tuer. Elle a toujours détesté la bande de raté et même aujourd’hui, Andrew sait qu’elle aurait eu quelque chose à dire sur la venue d’Isaac - bien qu’il soit persuadé qu’elle ait oublié son prénom. Et pourtant, Isaac continue de nourrir une pénible obsession pour elle. Certaines choses ne changent jamais.
❝ Ne m’oblige pas à te remettre dans un avion, ❞ réplique-t-il sans se retourner. Il n’en a pas envie, malgré les connerie de son ami. Il est bien trop heureux de l’accueillir ici et il sait que la remarque suivant est justifiée. Isaac brave le froid pour lui. Les océans et les années. Derrière son masque, Andy lui adresse un adresse un nouveau sourire, cette fois reconnaissant : ❝ Je sais. J’apprécie. ❞ Il ne lui en aurait pas voulu autrement. Peut-être que le docteur aurait trouvé le premier prétexte pour le retrouver ailleurs…

Il y a des choses à Séoul qui méritent d’être vues. D’autres moins. Malheureusement, ces choses-là, Andrew ne pourra pas faire comme si elles n’existaient pas.
La voiture fait partie des bons aspects de sa nouvelle vie. Il étouffe un rire avant de rentrer dans son véhicule. Son air se fait plus désapprobateur quand Isaac se met à tout toucher. Sérieusement… Ce gosse n’a pas grandi. ❝ Merci, mais range tes mains pleines de doigts. ❞ Heureusement, il ne cache rien. Pas encore. La voiture est impeccable, ses papiers sont bien rangés… Il règle ses rétros et démarre. ❝ C’est parce que j’ai menti. J’vais pas devenir docteur, mais Batman. ❞ Petit sourire en coin et ils quittent le parking de l’aéroport. Il leur faudra une bonne heure pour regagner la capitale.
Du coin de l’oeil, il l'aperçoit ébouriffé et s’amuse en silence. Réaliser qu’Isaac est bien là fait crépiter une joie infinie dans son ventre. Il acquiesce en fixant la route et songe qu’il n’est pas si contre l’idée de l’entendre bavasser tout le trajet. Il faut dire qu’il y a des années qu’il ne l’a pas soulé et qu’entre temps, le jeune Lim est devenu plus taciturne. Par miracle, il n’évoque pas le bonheur de sa vie rangée et, dans son exagération, il caresse la plus pure des vérités. Lim Andrew n’a jamais été plus heureux sur le sol coréen que le jour où il a accueilli son meilleur ami. ❝ Cool, t’as mérité ton séjour de repos ici alors. ❞ Mais qu’est-il censé dire de son côté ? Il a cette esquisse au coin des lèvres, ce regard qui glisse parfois de la route vers Isaac pour vérifier qu’il est bien là. Que pourrait-il rajouter de plus ? ❝ Rien de plus que ce qu’on s’est dit l’été dernier… J’attaque mes derniers mois de résidence et si tout se passe bien, je suis docteur au printemps.❞ Rien de particulier. Seulement les dix dernières années de sa vie consacrée aux études et au travail pour oublier le vide intersidéral de sa carcasse. ❝ Mais j’ai quelques jours à te consacrer, t’en fais pas.❞ Il compte bien profiter de Kim Isaac.

Le trajet fut étonnamment rapide. Probablement qu’Andrew aurait préféré qu’ils restent dans cette voiture pour le reste du séjour. Mais il finit par se garer devant l’immeuble où il vit depuis moins d’un an avec sa femme.
Les affaires déchargées, il ouvre la voie avec cette boule dans le ventre. C’est la première fois qu’il se sent si nerveux… comme s’il n’avait jusque là jamais exposé sa vie de papier à quelqu’un qui compte. Comme si Isaac allait le pointer du doigt…
… Et il aurait raison.
Andy tape le code. Sa gorge est nouée. La porte se déverrouille en une petite mélodie joyeuse. ❝ On est là, ❞ annonce-t-il en coréen d’une voix presque désincarnée. Il se déchausse et s’avance dans l’appartement. Il pourrait suffoquer. La seconde suivante, elle apparait, un grand sourire sur le visage : ❝ Bonjour, enchanté ! Je suis Iseul, la femme d’Andrew. C’est un plaisir de rencontrer un ami de mon époux. ❞ Son accent anglais est un peu rouillée mais elle semble avoir travailler sa présentation. Sa voix est claironnante et elle s’incline si poliment que le tableau en devient trop parfait. Andrew se demande s’il a bien fait de l’inviter chez lui.



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❝ Tu veux parler de nos grosses bêbêtes ? Comme t’es un scientifique, je t’ai rapporté quelques spécimen à étudier t’inquiètes ❞ pas cool. Vraiment pas cool. Voulait-il le traumatiser ❝ Mais tu sais, j’vais pas m’engager dans un concours de teub de pays avec toi. L’Australie, c’est pas vraiment chez moi. ❞ parce que la Corée du Sud, c’était chez Andy ?
Pas vraiment non plus…
A part s’il avait appris à se sentir assez bien ici…
Il n’est pas trop sûr de vouloir l’aborder ce sujet. Il préfère nettement l’embeter au point de se voir menacer d’embarquer sur le champ ❝ J’ai pas pris l’assurance annulation trésor. ❞ oh, Andy serait prêt à lui payer non ? S’il devient trop chiant.
Sans doute.

Mais ils n’en sont pas là.
Lui en est à examiner la “docmobile” de son meilleur ami… et à se faire rabrouer pour ses doigts traineur qu’il plie et déplie devant son visage comme s’ils représentaient une quelconque menace ❝ J’me suis lavé les mains, stresse pas. ❞ les germes, ce n’est pas à prendre à la plaisanterie avec Andrew. Il le connaît assez pour le savoir. Et il en a assez vu la dernière fois pour comprendre que tout n’a pas réellement changé.
❝ Oh cool. Du coup j’mattends à rencontrer Alfred plutôt que ta meuf ? ❞ sa femme Isaac, c’est sa femme. Pas “sa meuf”, et t’es bien assez grand pour le comprendre ça.

C’est en tout cas avec une conversation d’adulte qu’ils meublent le trajet.
Le silence n’aurait sans doute pas été gênant entre eux. Mais il n’est pas du genre à en être fan et s’échanger des messages ne l’empêche pas d’avoir envie de prendre des nouvelles de son meilleur ami
❝ Un peu l’impression de débarquer au milieu de tes exam du coup mais je culpabiliserai plus tard… ou pas du tout. J’en sais rien. ❞
Pas du tout probablement. Andy lui a proposé. Et lui, il est bien trop heureux d’être ici.

Même si l’atmosphère change étrangement une fois la docmobile garée.
Lui descend. Il ne se formalise pas. Il récupère au moins son sac à dos et prend la suite du futur docteur.
Dire qu’il va rencontrer sa femme
C’est sans doute ce genre de trucs qu’il se dit. Lim Andrew est marié… ça fait toujours bizarre de le penser.
C’est normal pourtant. Ils ont grandi. Leurs vies ont évolué… de façons différentes… mais est-ce si étrange que ça de voir Andrew prendre la voie bien rangée ?
Non. Dans le fond, c’est peut-être celui pour lequel ça surprend le moins.

Alors il suit et ne fait pas de remarque sur à quel point c’est étonnant.
C’est logique. Bizarre mais logique.
Et puis voilà, elle arrive devant lui là Iseul. Elle se ramène alors qu’il se déchausse et elle parle avec un accent pas terrible. Y’a peut-être un bout de jalousie là-dedans - pas du tout en réalité - mais il lui sourit de son côté ❝ Salut. ❞ et parle avec bien moins de manières. Pas le temps niaiser comme on dit.
❝ Isaac. Zach. Peu importe. ❞ c’est la femme d’Andy. Alors il ouvre les bras et lui donne une étreinte dans un assuré ❝ Pas de manières entre nous. ❞ parce qu’avec lui c’est chaleureux ou le froid des merdeux !
Et dans le cas présent… casser le lisse est un petit plaisir qu’il ne peut pas se refuser. Quel gourmand.
Au moins, il relâche la dulcinée avant d’ajouter ❝ Andy, t’aurais pu me le dire que ta femme était aussi jolie. ❞ “lol”, il s’en fout, il est trop gay pour ça.

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Un mince sourire passe sur ses lèvres. A la plaisanterie d’Isaac, il faudrait qu’il réponde que sa femme vaut mieux que mille Alfred. Mais Andrew n’en pense pas une lettre. Il préfèrerait être Batman, combattre des bad guys déguisés, s’habiller en combi moulante, partager sa vie avec un vieil Alfred et même mourir d’une façon plus ou moins héroïque… Mais c’est Iseul qui les attend à la maison. Iseul qu’il devra présenter. Et à cet instant, le futur médecin n’est pas capable de rebondir habilement. Il n’y a qu’une expiration sèche par le nez, pâle imitation d’un rire contenu…
S’il répond autrement, il risquerait d’être trop honnête.
Il laisse plutôt les sujets s’enchainer et la route défiler. ❝ T’en fais pas, j’aurais quand même du temps à te consacrer… Je prendrais pas le risque de relâcher un Isaac dans la nature coréenne sans surveillance.❞ Il lui coule un regard en coin, un sourire en coin, un rire en coin. Les études, il y a consacré toute sa vie. Sans Isaac, il se serait probablement noyé ensuite dans son travail. C’est un peu dans ses projets… Mais son meilleur ami mérite qu’il sorte la tête de l’eau. Juste pour lui.

Le trajet en voiture est trop court. Inévitablement, les voilà chez lui. A peine la porte ouverte, Andrew est confronté à bien trop de sentiments contradictoires. Il regrette soudainement de ne pas avoir menti aux retrouvailles. Il aurait dû dire qu’il vivait seul et pas qu’il était marié. Il aurait pu prétendre à un voyage hors du pays et inviter Isaac dans un Airbnb en prétendant que c’était chez lui. Explorer ce mensonge alors qu’Iseul se présente devient plus ridicule… et à la fois tellement enviable.
Iseul est polie, souriante. Mais les yeux d’Andrew sont rivés sur Isaac comme pour jauger sa réaction. Il ne sait pas ce qu’il redoute… Qu’il juge sa femme, ses choix, sa vie… ou qu’il comprenne à quel point c’est faux. Il ne sait pas s’il veut qu’il le devine ou non. Mais Isaac est resté son meilleur ami… et bien qu’ils aient tous les deux changés, il est certainement le plus à même de percer la supercherie.
Iseul pousse un petit couinement de surprise alors que l’Américain la serre dans ses bras. Andrew hausse les sourcils. Un sentiment désagréable émane de cette vision mais il sait déjà que ce n’est pas le genre de sentiment qu’un mari aimant et protecteur est censé ressentir. Il se fiche des joues roses de sa femme alors qu’elle se recule avec un petit rire gêné, ni de la façon dont elle minaude devant Isaac. Son nez se fronce mais il cherche à garder un air un neutre : ❝ Vas-y doucement, Isaac. Iseul n’est pas américaine, ❞ s’entend-il prononcé de très loin. Comme s’il fallait qu’il dise quelque chose. Elle se dépêche d’ajouter : ❝ Oh, ce n’est pas grave et puis j’ai étudié en Angleterre avant d’épouser Andrew. ❞ Il tique. Il a envie de sortir alors qu’ils viennent à peine de rentrer. ❝ Même si les Anglais ne sont pas aussi chaleureux. ❞ Elle rit. Lui s’éloigne dans l’appartement en invitant Isaac à le suivre d’un regard, peut-être un peu trop sévère. Sa joie de retrouver Isaac s’est envolée. Mais il la complimente et elle glousse. De dos, personne ne le voit rouler ses yeux en l’air. ❝ Ah non ? Il n’a rien dit ? ❞ Il sent le regard accusateur de sa femme dans son dos. Il se tourne et considère les deux corps face à lui. Isaac s’amuse… ou bien le pense-t-il vraiment …? Il est tellement mal à l’aise. ❝ Je voulais garder la surprise. ❞ C’est trop froid pour un compliment. La complicité sonne trop faux. Mais cela semble contenter Iseul qui rit, paume contre la bouche. Il faut dire qu’elle n’a connu l’homme qu’ainsi. ❝ La chambre d’Isaac est prête ? ❞ demande-t-il presque trop vite pour écourter ces présentations qu’il aimerait fuir. Iseul acquiesce, se vante de la propreté et des draps frais. A nouveau, Andrew invite - ordonne - du regard à Isaac de la suivre pour le conduire à la chambre d’ami. ❝ Je te laisse t’installer. Tu as faim ?❞ Iseul n’étant plus dans son champ de vision, ses traits se détendent. Il accorde même un sourire à Isaac. ❝ Si t’es pas trop fatigué, on peut faire un premier tour de Séoul cet après-midi. ❞ Tous les deux. Loin de cette mascarade.

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Alors voici donc la fameuse Iseul.
Elle est jolie. Un peu fade mais jolie, il pense.
Pour parler franchement, il ne s’attendait pas vraiment à une rencontre extravagante. Sa présentation si lisse ne le choque donc pas… ça ne l’empêche pas de briser les classiques introductions du coin avec une étreinte.
Et quand Andy le corrige, il tourne une moue vers lui qui se change en sourire quand Iseul prend sa défense  ❝ C’est ta femme, c’est comme la famille, ça compte pas les habitudes des pays. ❞ et puis il ajoute à l’intention de Madame Lim ❝ Mais on est d’accord sur les anglais. ❞ de toute façon, pour lui, les américains seront toujours les meilleurs. Il se garde de le dire maintenant, il ne sait pas s’il est en minorité ou non.
❝ Tu parles, t’es juste ce genre de mari possessif ! ❞ il proteste, à moitié seulement. Il doute lui-même de ses mots.
Et puis, Monsieur Lim a l’air un peu contrarié et il n’a pas vraiment l’impression que ce soit pour les bonnes raisons.

Il hausse les épaules, remet l’interrogation à plus tard, et suit en invité docile et même poli
❝ Merci Iseul. On s’appelle par nos petits noms hein ? ❞ il est un peu chiant, mais pas trop. Même sans vouloir taquiner son meilleur ami, il a toujours cette fâcheuse tendance à la familiarité. En général ça le sert… il n’est jamais seul, pas tout à fait. Les liens sont plus simples à nouer quand on oublie les trop nombreuses règles de convenance.
Son sac posé juste à l’entrée de la chambre qui sera la sienne pour quelques jours, il se permet de jeter un regard circulaire au lieu.
C’est nickel, bien rangé, ça sent le propre… c’est la petite chambre d’ami parfaite du couple sympa et classe du quartier.
❝ Un peu. ❞ Il a grignoté un truc avant d’aller à l’aéroport, il ne se rappelle plus tellement quoi ❝ Et j’suis partant, j’suis toujours pas du genre sieste tu sais. Je préfère garder ça pour quand j’serai mort ❞ du pied, il pousse un peu plus sa valise vers le lit avant qu’un ❝ Ah ! ❞ ne vienne marquer un changement total d’action.

Il se rapproche finalement du lit et ouvre sa valise sur le sol pour fouiller dans son bordel organisé. Il finit par en sortir un paquet qu’il pose sur le lit en s’expliquant ❝ J’ai pris un truc pour ta femme au Japon. ça se fait non ? C’est un kimono peignoir pour traîner, mais il est joli, et super doux. J’savais pas trop sa couleur comme t’as fait ton mystérieux sur ta femme alors j’ai pris un bleu nuit avec motifs rose et blanc. Des grues, des pétales, le classique. ❞ et Andy ne capte pas que t’es gay ? ❝ Je t’ai ramené des souvenirs aussi, tu veux les ouvrir maintenant ? ❞ sur le sol, il laisse retomber son cul et s’asseoit en tailleur pour fouiller dans le fond de ses affaires. Il commence par sortir quelques paquets ❝ C’est pas grand chose mais comme j’ai loupé un paquet de tes anniversaires… j’te préfère toujours à ta femme alors t’en as un peu plus. ❞ deux t-shirts sympa, une veste cool avec un motif de grue au dos plutôt stylé qu’il allait lui jalouser… même si Andy s’habillait bien plus classique que lui, du whisky japonais qu’il sort du milieu de ses t-shirt et un grand éventail assez cool pour servir de décoration murale ❝ ça c’est fait un peu à la va-vite de se voir mais la prochaine fois j’te gâterai mieux bebou. ❞

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Ça ne va pas. Quelque chose cloche dans cette image. La moue d’Isaac. Le sourire d’Iseul. C’est comme deux mondes qui ne devraient pas coexister. Difficile de décrire le sentiment qui l’habite à cet instant… Andrew fait bonne figure. Froide, aux mieux neutre.
Cela devrait lui faire plaisir qu’Isaac soit si à l’aise. Mais Isaac est toujours à l’aise, partout. Ca, ça n’a pas changé. Sa femme ne semble pas se formaliser. Elle glousse et ses épaules se secouent dans un mouvement faussement délicat : ❝ Ne t’en fais pas Yeobu, ça ne me gêne pas. Isaac est très charmant.❞ C’est rare qu’elle l’appelle ainsi. Ses yeux passent d’Iseul à son meilleur ami. Son attitude aussi sonne faux. Essaie-t-elle de le rendre jaloux ?
Il ne l’est pas. Malgré ce dont l’accuse Isaac, ce n’est pas de la jalousie qu’il ressent. A nouveau, Iseul rit, les joues roses. Elle secoue la tête et ses cheveux. Andrew pense que ce commentaire lui plaît davantage à elle qu’à lui. Elle aimerait qu’il soit ce genre de mari. Elle aimerait qu’il lui accorde l’attention qu’elle croit mériter. En fait, Andrew songe qu’elle se convainc même qu’Isaac a raison. Et elle glousse encore. ❝ Tu ne serais pas chez moi si c’était le cas, ❞ se défend-t-il vaguement. Comme s’il avait quelque chose à craindre d’Isaac. Il n’était pas ce genre de type, non ? Malgré tout ce qu’il racontait à l’époque. Il ne volerait pas les femmes de ses amis…?
Et si c’était le cas ?
Ça ne lui plairait pas. Pourtant, s’il devait y songer, il n’en aurait rien à faire qu’Iseul aille voir ailleurs. Ça l'arrangerait même. Mais pas Isaac. Pas lui.
Lui, elle n’avait pas le droit de lui voler.

❝ Oh, c’est un peu… je vais essayer…! ❞ Andrew s’éloigne et Iseul glousse encore. Elle s’imagine sûrement pouvoir l’appeler “oppa” mais c’est tellement étrange collé à Isaac. ❝ Méfie-toi, trop de familiarité, ça peut te jouer des tours ici,❞ déclare Andrew sur le chemin de la chambre. Un avertissement, rien de plus. Aucune forme de jalousie envers une quelconque proximité avec sa femme…
L’atmosphère change une fois qu’ils ne sont que tous les deux dans la chambre. Andrew se détend, s’enquiert de l’estomac d’Isaac. ❝ Tu aimes épicé ? On a préparé un repas coréen. Ici, ça pique plus qu’aux States, tu sais… ❞ Lui s’y est habitué mais il n’est pas certain pour Isaac malgré ses origines. Il espère qu’il aimera le repas. Il en a préparé une grande partie depuis la veille, Iseul l’a aidé à compléter les accompagnements et il comptait terminer le galbi jjim juste après pour le servir fumant quand ils passeront à table. ❝ Mais t’en fais pas, il y a des plats qui ne piquent pas… au cas où.❞ Le repas aurait été encore meilleur s’ils n’avaient été que tous les deux.
Ce qui arrivera bientôt. Un sourir éclaire le visage de l’étudiant en médecine : ❝ Cool. Alors on fera ça après manger. ❞ Content de voir que son meilleur ami est toujours hyper actif.
Et capable de passer d’une idée à l’autre.

❝ … ? ❞ Andrew le considère les yeux ronds tandis que son cadet se met à fouiller frénétiquement une valise… ma foi, organisée par Isaac… Il ne fait aucun commentaire et le laisse faire, curieux de ce paquet qu’il finit par extraire. Il retient une moue en apprenant que c’est pour sa femme. Ne fais pas l’enfant, idiot… c’est la politesse. Isaac sait être poli. ❝ Oh… c’est … gentil… ❞ Isaac débite. Il parle chiffon, couleur et motif. Il se fiche un peu de ce qu’il a pris pour elle à vrai dire tant que ce n’est pas une mauvaise blague mais il sait qu’elle appréciera. C’est une bonne chose, quelque part… Si Iseul apprécie Isaac, l’époux pourra continuer à le voir sans prendre de réflexion désagréable. ❝ Elle appréciera, ❞ conclut-il simplement sans se rendre compte qu’une moue enfantine s’est glissée sur sa bouche.
Quoi…? …. Il se demande s’il a aussi des cadeaux…
Et la mauvaise langue qu’il est obtient vite sa réponse. Lui aussi. La moue disparaît et son regard se fait plus curieux : ❝ Ah oui ? Fallait pas… ❞ Non, il ne fallait pas mais il est content qu’Isaac ait pensé à lui. C’est stupide mais probablement que le Andy de Los Osos n’est pas tout à fait mort après 15 ans en Corée du Sud. S’il s’attend à un cadeau, telle n’est pas sa surprise en voyant la montagne de paquet s’accumuler lentement sur le sol de la chambre : ❝ Oh… Wow. Isaac, c’est trop… Ça me fait plaisir mais… Fallait pas en faire autant vraiment. ❞ Ses pommettes rosissent. De nouveaux, des sentiments contradictoires l’envahissent. L’adulte est gêné par tant de générosité mais l’enfant sautille de joie en son fort intérieur. Isaac le gâte. Isaac pense encore à lui.
Ses yeux se plissent dans une expression de joie timide. Il frotte sa nuque et le rejoint au sol pour observer ses paquets. ❝ Y’a trop… ❞ mais il déchire un premier paquet et ses yeux s’illuminent pour deux t-shirt, puis une veste… ❝ Wow. C’est vraiment joli… T’as bon goût. ❞ Il observe les vêtements sous toutes les coutures et essaient même la veste. Il aime les grues : c’est un joli symbole en Corée aussi. Il découvre le whisky, hume l’arôme de l’alcool et fronce le nez. Il n’est pas un grand buveur mais il apprécie les bonnes choses. Puis, il y’a ce paquet plus gros, à l’emballage plus travailler : ❝ Oh ! Il est vraiment beau… C’est trop, mais … Tu m’as vraiment gâté. ❞ Au diable les bonnes manières, Andy enlace Isaac pour le remercier. Il se répète encore une ou deux fois puis relâche son ami : ❝ T’as pas à t’excuser, ça me fait vraiment plaisir, promis. Merci. ❞ Il câline le haut de son crâne, observe ses nouveaux trésor avant de les ramasser pour les ordonner et les ranger ensuite. ❝ Je me sens bête de ne rien avoir pour toi… ❞ Il songe que beaucoup de ces présents doivent être chers. ❝ Je te paierais un bon restau, au moins. Pour fêter ton arrivée. ❞ Leurs retrouvailles. Leur amitié. Andrew lui sourit et ne résiste pas à le reprendre dans ses bras : ❝ Je suis vraiment content que tu sois là. ❞

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❝ Pourquoi ? Là c’est ta femme, c’est pas grave… si ? ❞ est-ce qu’Andrew vient de lui donner la base d’un cours sur comment être coréen ?
Sans rien ajouter, il fait la moue. C’est un peu un comble. En gros, il risque de ne pas être apprécié dans le pays où sont supposés se trouver ses racines ?
Il en sait quelque chose non ?
Après tout, le sujet, il l’a un peu étudié.
Tant pis…
ça ne lui tient pas tant à coeur. Ou plus tant.
Est-ce que ça l’a préoccupé un jour ?
ça fait partie des zones d’ombres. Celles qu’on recouvre de conneries quand la poussière commence à s’envoler. Faudrait pas effleurer des doigts des troubles identitaires, ça fait toujours mauvais genre pour un simple con.

❝ ça va. J’ai pas l’impression d’avoir un palais trop sensible dans le domaine. ❞ il a déjà mangé coréen.
Pas du vrai à la source… c’est vrai. Mais il écoute Andy et hoche la tête.
C’est mignon. Il a passé du temps en cuisine avec sa femme pour l’accueillir.
… ça reprend un peu l’image du petit couple.
Lui ne cuisine que très peu. Pas qu’il soit franchement mauvais… mais à force, se faire à bouffer pour soi, on a la flemme.
❝ J’savais pas que j’te manquais au point que t’organises un banquet et promenade digestive. Mais c’est cool. ❞ moyen d’un chieur pour dire merci.

Plus classique d’offrir des cadeaux à ses hôtes.
Bizarrement, Andy n’a pas l’air vraiment emballé par le kimono.
Il détaille sa moue, ses lèvres font quelques exercices de gymnastique sous la réflexion de son côté.
Il se demande, mais ne dit rien.
Pourtant, quelques secondes plus tard, quand l’expression de son meilleur ami change, il sourit. Lim Andrew serait donc jaloux ?
Quel enfant !
C’est mignon.
❝ Evidemment que si, il fallait ! Et puis c’est pas grand chose ! ❞ à son budget, en réalité si. Mais ce n’était pas tous les jours que votre meilleur ami d’enfance vous invitait en vacances dans sa vie d’adulte….

Il ne se relève pas et le regarde déballer.
L’air devient un brin vantard quelques secondes plus tard ❝ J’avoue que je suis plutôt un chef en matière de style. ❞ il n’a peut-être pas l’amour des vêtements au point de les plier avec soin dans une valise… mais il sait les choisir.
Le dernier cadeau le rend plus attentif. Le sourire est plus grand quand il constate qu’il semble réellement plaire au futur docteur… et il s’élargit même sous une étreinte qui lui fait lâcher un léger rire. Sans nervosité apparente, son coeur se permet quelques battements un peu plus chauds alors que ses mains viennent renforcer ce câlin improvisé ❝ Tant mieux si ça te plait ! ❞ il ronronnerait presque pour quelques caresses sur son crâne, il se contente de sourire, visiblement ravi… c’est cool… faire plaisir à Andy lui tenait vraiment à coeur ❝ Bah t’inquiètes ! Le restau ce sera très bien ! ❞ après tout, ce n’est pas lui qui l’invite à découvrir sa vie.

Qu’est-ce qu’il lui montrerait ?
Son appart’ est pas si mal que ça…
Il connait des bars avec des ambiances excellentes, quelques clubs. Les endroits où faire du shopping. De jolis coins très instagrammables aussi… il peut lui présenter quelques potes… lui faire visiter son boulot… sa vie est rien qu’un peu moins rangée. Lui l’adore évidemment. Mais il se demande si Andy ne la trouverait pas trop chaotique à son goût.
❝ Pleure pas bebou. Moi aussi je suis content. ❞ Andy ne pleure pas…
Mais avant de lui laisser le temps de le jarter en se plaignant d’un “t’es chiant” ou quelque chose d’approchant, il le piège contre lui et laisse sa main câliner son dos musclé. On ne pelote pas. On est sage. Une petite pensée souffle dans sa tête qu’il est bien bâti ce con… et un soupir pour se résoudre à le relâcher avant de refermer sa valise dont il range rapidement le contenu.

Il reviendra peut-être y faire un tour plus tard, avant de sortir, histoire d’enfiler un truc un peu plus chaud pour leur sortie ❝ Il a l’air cool ton petit chez toi. Vous avez emmenagé il y a longtemps ? ❞ tirant sur la fermeture, il relance la conversation sans relever son cul du sol pour autant. Il faut passer à table, mais il joue les traînards pour quelques minutes de plus. Son hôte, il le met en retard en abandonnant son autre main sur son genou. Souvenir d’une enfance où ils pouvaient bien rester assis par terre sans rien faire de plus que bavasser. De toute façon, il y a un monde où Andy lui assassine le ventre ensuite. Autant profiter un peu.


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❝ … Non, j’imagine qu’avec elle, ça va. ❞ Il marque une pause. Il sent bien sa propre réticence pourtant, Iseul semble ne pas se formaliser alors, ce n’est pas la peine de prendre la tête à Isaac. Dehors, si jamais, il lui rappellera que la politesse est importante ici et que si on pardonne les étrangers, Isaac a la tête de l’habitant. Au fond, il se fiche bien des bonnes manières. Ce n’est pas tant ça qui le dérange…. mais il passe à autre chose.
❝ Tant mieux. ❞ Il lui sourit, une fois dans la chambre et le repas évoqué. Son esquisse ne disparaît pas malgré la taquinerie mais il secoue la tête pour clarifier : ❝ C’est normal de bien t’accueillir pour ta première visite ici. Et puis, ce n’est pas vraiment un banquet… Ici, les tables sont généreuses. Tu sais… les accompagnements tout ça… on en mangeait ensemble chez toi, souvent. ❞ C’était le genre de restes que Andy volait pour donner à son meilleur ami qui n’avait pas toujours de quoi dîner le soir. Si tout ça remontait à une autre époque, il savait qu’Isaac retrouverait vite ses marques dans une culture qui était aussi un peu la sienne. Quoiqu’il en dise.

La générosité, Isaac la lui rend bien. Trop même. Si l’enfant caché crevait de jalousie un peu plus tôt, il est comblé sous sa montagne de cadeaux. ❝ Ouai, t’as vraiment bien choisi. ❞ Le style, Isaac n’en manque pas. Andy l’a remarqué. Il a beau être resté un emmerdeur, le binoclard est loin derrière lui et pas seulement parce qu’il porte des lentilles.
L’étreinte est naturelle. Le contact ne l’a jamais effrayé avec lui. Enfants, ils chamaillaient plus qu’ils ne se câlinaient… Mais enlacer son ami, à présent, ne lui semble pas déconnant. Il en a même besoin. Son coeur effectue quelques pirouettes joyeuse quand Isaac lui rend l’étreinte et c’est comme si c’était tout ce qu’il avait toujours voulu à cet instant. Quand il se détache, il regrette déjà la chaleur de leur proximité, mais il lui sourit. ❝ Merci, ❞ répète-t-il.

Heureux, il l’est. Face à un Isaac au regard taquin, il en oublie sa fausse vie parfaite. Il oublie que bientôt, celle qu’il a épousée pour faire plaisir à sa mère, l’appellera depuis la cuisine pour présenter le délicieux repas qu’ils ont concoctés dont un délicieux galbijjim de boeuf , et éclatera sans douceur la bulle dans laquelle le futur docteur s’est réfugié. Mais, à ce moment-là, il s’en fiche, parce que son meilleur ami vient de le reprendre dans ses bras, et lui le serre en retour, avec force et joie qu’il ne peut contenir. ❝ C’est toi qui va pleurer. ❞ Il rit, il le taquine en retour puis consent à le libérer. Ils n’ont plus 12 ans et c’est dommage.
Andy attrape ses cadeaux soigneusement pliés et songe à le déposer dans sa chambre avant qu’Isaac ne reprenne la parole. La réalité le heurte. La distance retrouve cette étrange place sur ses traits. ❝ Hum… Depuis l’automne dernier. Après le mariage. Je te fais faire le tour si tu veux. ❞ L’appartement est beau, spacieux, digne d’un futur médecin…. mais il est si froid.
Alors, quand Isaac a terminé, même s’il aurait préféré s’enfermer dans cette chambre d’ami pour le reste du séjour, Andrew l'entraîne dans les différentes pièces de la maison. Il lui fait le tour rapide, lui montre ses deux balcons, sa chambre, traverse malgré lui le salon puis lui présente sa pièce favorite : ❝ Mon bureau. ❞ Et comme à chaque fois qu’il y entre, il sent comme un poid qui s’envole. C’est sa bulle à lui, là où il se réfugie pour travailler tard le soir et repousser le moment où il devrait se glisser dans les draps où une inconnue dort déjà. La pièce est impeccable, trahissant à peine qu’un étudiant en médecine y passe bien trop de temps. ❝ Yeobu ! Isaac-ssi ! Le repas est prêt ! ❞ Andrew se crispe. Les murs ne sont pas assez épais. Il tourne la tête vers Isaac, dissimulant à peine sa frustration. ❝ Allons-y.❞


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Bah voilà.
L’heure est venue de dîner dans la gentille petite famille d’Andy.
Il n’y a pas trop de monde, pas encore.
Une fois quitté ce bureau, face à la seule autre personne qui compose ce foyer, il lui vient l’idée qu’un jour il rendra peut-être visite à son pote entouré de marmaille.
Wow… ça fait bizarre…
Il ne se sent clairement pas prêt pour ça mais il n’a pas à l’être.
Lui, il sera tout au mieux le tonton éloigné qui ramène quelques cadeaux quand il fait une escale dans le coin.
Leurs vies sont devenues si différentes… des opposées.
Il ne sait pas si la version d’Andy plaît à ce dernier. Réellement. Il a dû mal à se faire une idée. Et maintenant qu’on l’installe à table… tout ce qu’il voit fait un peu trop lisse à son goût.

C’est pas de leur faute. Toi c’est toujours trop chaotique
C’est vrai, et ça l’a toujours été. Il est né pour vivre en symbiose avec ce qu’Andy détesterait sans doute dans son foyer.
❝ Bon bah du coup à vous les amoureux. ❞ c’est ce qu’il propose quand il se retrouve avec un verre de vin entre les mains.
Puis il est servi et il se comporte comme un hôte poli en désignant du bout d’un couvert ce qu’il vient d’avaler  ❝ ça, c’est vraiment très bon. ❞ Andy a raison. Le coup des accompagnements il connaît. Juste plus aussi bien.
Mais des fois, ça lui prend, il va bouffer dans un restaurant coréen. ça le rend nostalgique. Bizarrement, ça a le goût de la cuisine de son enfance alors que sa maman n’avait pas le temps elle… de lui préparer les bons et jolis repas. ça a sans doute rapport avec Andy. Ses souvenirs ont souvent rapport avec Andy. Il en a conscience, il s’est construit autour de lui… les premières années de sa vie en tout cas.

❝ Andy a dû te le dire, ma radio est basée à Sydney. J’crois que ça doit diffuser aussi dans le coin si jamais t’es curieuse. ❞ Andy ne t’as surtout pas dit un truc sur le langage et tout ? Trop familier Isaac trop familier.
Ok, mais ce n’est pas elle qui lui a posé une question ? Il répond, avant une nouvelle bouchée, il est sympa ❝ C’est quoi ton genre de musique ? ❞ même qu’il s’interesse aux goûts de sa femme, on fait difficilement invité plus poli.
…
Ok, il est juste trop sociable par moment. De toute façon, quelque chose lui dit qu’elle n’écoute pas vraiment la même musique que lui. Mais il déteste les préjugés, alors autant fermer sa gueule.
❝ J’me définis comme assez curieux perso. Mais le rock c’est plus mon truc. Et toi bebou, dans quoi t’as sombré en grandissant ? ❞ le sourire aux lèvres, il reporte son attention sur la personne qui l’intéresse le plus ici, sans excès. Le sourire, il l’a toujours quand il sirote une gorgée de vin en étudiant sa cible. Allez, devant sa femme, il veut bien se montrer clément et ne pas trop le taquiner.

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Le son des baguettes ponctue la conversation à laquelle Andrew ne participe qu’à peine. Depuis qu’ils se sont installés, Iseul s’est jeté sur Isaac. Elle veut tout savoir de ce nouvel ami - et elle insiste plusieurs fois sur le mot. Son accent anglais est un peu rouillé mais elle ne cesse de dire que ça lui fait plaisir d'entretenir une conversation dans cette langue car à la maison, le couple ne parle pratiquement qu’en coréen.
Il sent la curiosité du regard d’Isaac. Il se demande ce qu’il pense d’eux. De leur foyer parfait. Ce ne sont pas des choses auxquelles Andy s’autorise à penser en général. Il a cédé, il a perdu. Sa vie, c’est ça désormais. Mais son meilleur ami se laissera-t-il duper ?
Peut-être. Alors qu’il lève son verre qu’Andy vient de lui servir, en l’honneur de leur union. Amoureux. C’est encore plus faux que mari et femme. Andy se contente de lever son verre par mimétisme - il n’est même pas sûr de feindre un sourire - alors que Iseul glousse et boit avec joie. C’est elle la gagnante, et elle le sait. Au fond, cette rencontre doit l’amuser et l’intriguer. Car c’est pour cet ami, entre autre, que son mari durement acquis a osé traverser l’océan sans elle.
Qui est-il ? Que fait-il ? Elle veut tout savoir.

❝ Oh, oui, peut-être ! Sydney, ohlala… J’adorerais y aller ! Mais tu as raison, il faut absolument que j’écoute, je suis curieuse ! ❞ Sa voix monte dans les aigus dans une insupportable mélodie mielleuse. Andrew boit une gorgée de vin. Il pense bien avoir mentionné la radio qu’il écoute régulièrement depuis leur retrouvailles. ❝ Oh, un peu de tout ! Du classique, de la pop… Qu’est-ce que vous diffusez ? ❞ Elle n’aimera probablement pas. C’est ce que Andy suppose. Madame cache son élitisme et le rock a ses limites. Mais elle sourit, boit toues les paroles d’Isaac comme si c’était elle la meilleure amie qu’il était venu voir. Le docteur peine à en placer une. Il a un peu renoncé et se contente de regarder Isaac se régaler. Au moins, le repas est bon. Iseul lui demande si c’est son genre de musique préféré et la réponse d’Isaac allume une petite lueur dans les yeux d’Andy. Il se projette des années en arrière. Un sourire se devine au coin de ses lèvres. ❝ Ouai, ça a toujours été ton truc… ❞ Et puis sa relance le fait attérir et il le dévisage, les yeux ronds. Bébou. Iseul aussi a fermé sa bouche. Un petit silence plane. Ce n’est pas si choquant mais devant sa femme, c’est un peu différent. C’est de l’humour bien sûr mais le rire d’Iseul arrive presque un peu tard. ❝ C’est drôle comme vous avez l’air si proche tous les deux ! Tu es sûr que vous vous ne vous êtes pas revu en cachette tout ce temps ?? ❞ Andrew pince les lèvres. Il s’apprétait à répondre à la question d’Isaac mais la remarque d’Iseul lui serre la poitrine et un sentiment d’injustice lui provoque presque de la colère. Non. Ils ne sont jamais revus. Au plus grand regret d’Andy. Même ses lettres se sont perdus… ❝ Non… ❞ répond-t-il en aténuant au mieux son amertume. ❝ Mais, je te l’ai dit, nous étions meilleur ami.❞ Et … ne le sont-ils pas toujours ? C’est le sentiment d’Andy. Mais Andy, contrairement à Isaac, il n’a pas vraiment eu de vie après ça. Finalement, ce n’est presque pas plus mal qu’il n’ai pas pu répondre à sa question parce qu’il n’est même pas sûr de ce qu’il aurait pu répondre…
Qu’est-ce qu’il aime faire aujourd’hui ?
Travailler, loin de la maison. Étudier. S’enfermer dans son bureau. Marcher, loin de la maison. Cuisiner, oui, ça c’est bien…
Et le rock… ouai, le rock, c’est sympa. Ça lui rappelle Isaac. Et le temps où il était heureux.

❝ Oui, c’est vrai mais tu sais, c’est étrange, il ne m’a jamais parlé de toi avant l’été dernier !❞ Andy se crispe un peu. Le ton est doux mais il y a comme une pique sournoise. Et, quelque part, elle n’a pas tort mais pourquoi l’aurait-il fait ? ❝ Mais depuis qu’il sait que tu viens, il n’a presque que ton nom à la bouche ! Ah je suis presque jalouse !! ❞ Cette fois, l’embarras et le malaise se voit sur le visage du docteur. ❝ Iseul, je t’en prie… ❞ En vérité, il a dû évoquer Isaac deux à trois fois… mais puisqu’il ne s’ouvre jamais à elle, l’effet a dû lui sembler décupler. Et il sait qu’Isaac va en profiter pour le charrier. Alors il s’empare de la bouteille de vin : ❝ Je te ressers ? ❞ Lui se ressert.


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C’est un peu comme avoir pris une Delorean pour voyager dans le futur. C’est l’impression… un bond dans le temps, ou dans une réalité alternative.
C’est de leur faute, ils ne se sont pas vus depuis tellement longtemps.
N’empêche que ça lui fait drôle. Hier encore, il passait des après-midi à l’arcade avec Andy, il insistait pour lui offrir un milkshake avec l’argent des pelouses tondues, ou il s’incrustait pour dormir dans son placard.
Aujourd’hui, il dîne à la table d’un petit couple. Le seul point commun, c’est toujours cette différence de classe sociale.
Il est le gueux en infiltration chez les rois.
Dans le fond, c’est lui qui n’a pas vraiment évolué. Il est juste devenu plus cool qu’avant. Parce que les gueux savent level up n’en déplaisent aux bourgeois.

En attendant, à cette table, il va devoir se laisser cuisiner par la belle Iseul… qui aurait sans doute pu postuler pour bosser chez Disney en tant que Minnie. Un truc dans sa voix, il ne sait pas trop.
Il pense que des fois, certaines personnes doivent lui envoyer des ta gueule avec les yeux, mais ce n’est pas très gentil.
Si Andy l’a choisi, il faut s’excuser d’être vilain. Faire des efforts de politesse, être bien éduqué… mais demeurer un peu con ? Le naturel ne se chasse pas si facilement.
Alors il prend sur lui, même s’il n’a jamais été un grand fan de Minnie, et il sourit en grignotant les mets excellents.
❝ Tu devrais, l’Australie c’est vraiment sympa. Dis moi si un jour tu passes dans le coin, j’te ferais visiter. Toi aussi Andy. ❞ toi d’abord Andy en réalité. Mais vu le lot de bestioles qu’on lui coltine, pas certains qu’il y reçoive de la visite un jour.
❝ Du rock. ❞ pas vraiment de classique, jamais pour être clair, idem pour la pop. Et pour sa radio d’avant, plus dans le hip hop, aucune chance que ce soit sa came ❝ La radio où j’bossais avant était plus hip hop. ❞ mais être à des années lumières d’Iseul ne le dérange visiblement pas une seule seconde. Ici on est dans la thug life, la rébellion et ça vous sort du bebou au calme

ça jette une ambiance bizarre.
Lui sourit et trempe ses lèvres dans son verre tandis qu’Andy répond le premier.
Ils étaient meilleurs amis.
Le passé est toujours étrange.
Pourtant ils renouent à peine.
C’est le gamin qui reste en lui… celui qui pensait qu’ils étaient des inséparables tous les deux parce que les abandons de sa mère n’avaient pas eu raison de sa confiance en cette belle amitié ❝ Perso j’aurais bien aimé mais t’es un homme occupé poussin. ❞ il le fait exprès, évidemment qu’il le fait exprès. Il noie son amusement dans son verre.
La question originelle demeure sans réponse. C’est donc à sa femme de sortir une pic ou il ne sait pas trop. L’objet est pointu en tout cas. Et il l’étudie du regard tout en tendant son verre à Andy sans vraiment le regarder.
❝ C’est un effet que j’ai sur les gens ça, tu le sauras quand t’apprendras à me connaître. ❞ c’est à dire ? Qu’il développe au lieu de prendre quelques gorgées de vin ❝ On fait semblant de m’oublier mais on n’y arrive jamais tout à fait. ❞ imbécile.
Quoi ? Les gueux ont le droit de se la jouer. Surtout quand ils ont raison non ? Inoubliable, c’est à la fois sa plus belle qualité et son plus grand défaut.
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Visiter l’Australie. Le pays a une réputation qui fait réfléchir à deux fois avant d’y poser les pieds… mais pour passer du temps avec Isaac, Andy est prêt à refaire la liste de tous ses vaccins. Un vague sourire se dessine sur ses lèvres tandis qu’il va pour répondre à la positive… ❝ On serait ravie de venir te voir à Sydney ! ❞ mais c’est Iseul qui répond en attrapant le bras de son mari qui se crispe aussitôt. ❝ Et puis ça fait tellement longtemps qu’on est pas parti en voyage en amoureux…. Si on ne part pas dans les îles cet été, on envisagera de passer te voir, n’est-ce pas chéri ? ❞ Il se tend. Son regard passe d’Isaac à un coin de la salle à manger pour en fuir la réalité. Une colère gronde en lui et c’est presque étrange qu’il la ressente si vivement… quand toutes ces années il n’a fait qu’acquiescer comme maintenant : ❝ Oui, pourquoi pas… ❞ Mais il déteste s’entendre dire, presque autant qu’il déteste sa femme à cet instant. Car, si jusqu’à présent, il acceptait son sort… ce soir, elle lui vole la seule chose qui lui appartient. Ses souvenirs d’un temps heureux. Il hait l’idée qu’elle puisse venir avec lui retrouver Isaac. En fait, il hait tout simplement qu’elle soit là quand il devrait simplement profiter des retrouvailles avec son meilleur ami. A partir de maintenant, Andrew ne songe plus qu’à une chose : sortir de son appartement avec Isaac et rentrer le plus tard possible.
❝ Oh le hi-pop c’est chouette. ❞ Il n’entend presque pas sa femme roucouler de mensonge jusqu’à ce qu’un surnom ne vienne troubler la suite de ses pensées et n’accentue le ressentiment envers celle qui partage sa vie. Car de son côté, elle aussi joue un jeu sournois. Elle aussi sait qu’elle l’entrave avec difficulté. Et ce garçon qui débarque, il a allumé quelque chose qu’elle n’a jamais vu chez son tendre époux. Désormais, il ne parle plus seulement de boulot, d’études ou de ses parents… Il parle d’Isaac. Pire, il semble… enthousiaste ? Elle l’avait toujours pensé d’une réserve affligeante, ce qui l’arrangeait presque un peu. Mais ce Isaac sous son toit, c’est son mari qui s’en trouve différent.

Revoir Isaac avant l’été dernier, ça, Andy l’aurait bien voulu. De tout son coeur. Sa vie aurait sûrement été différente, il n’en sait rien. Il avale une nouvelle gorgée de vin. ❝ J’aurais aimé aussi mais je n’ai pas pu reprendre contact avec toi avant cet été… En fait, t’as dû déménager peu après moi parce que je t’ai écris quand j’étais môme mais je crois mes lettres se sont perdues…❞ Il rougit en disant ça, comme si cette révélation était trop intime. C’est peut-être le vin. ❝ Et y’a dix ans, j’étais pas encore sur les réseaux donc on s’est perdu de vu… Tout ce que je pouvais espérer c’est que tu viennes aux dix ans du club des ratés. ❞ Il se racle la gorge un peu gêné. La confession ne plait sans doute pas à Iseul qui se permet de rajouter une couché non désirée. Andy grimace mais c’est Isaac qui sauve la discussion. Il le considère un instant, avant de lui adresser un petit sourire. ❝ Non ça… tu nous as trop traumatisés pour qu’on t’oublie.❞ Et il rit un peu. L’oublier, impossible. Il a pensé à lui souvent. A eux. Leur bande. Leur dispute. Les nuits blanches avec Isaac. Son coeur se serre.

Alors que le dîner touche à sa fin, Andy se lève. ❝ Bien. Ca te dit d’aller boire un verre dehors ? ❞ Iseul lui lance un regard des plus surpris. Aussi, Andy s’adresse aussi bien à elle qu’à son meilleur ami : ❝ On a encore des choses à se dire et on va pas t’assommer de nos vieux souvenirs. Je range et on y va ? ❞



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