no scars to your beautiful,, haoyu
Un soupir passe tes lèvres alors que tu t'accoudes au comptoir du bar. La fatigue amollit tes muscles, alourdit ton corps entier. T'as un peu trop travaillé dans les derniers jours, suivant le groupe dans les studios et les événements. Debout sur tes pieds pendant des heures, t'as ensuite fait l'erreur de te crisper devant ton ordinateur pour retoucher les photos, et voilà que ton corps décidait de se plaindre. Tu avais prévu aller te coucher tôt, histoire de rattraper un peu de sommeil, mais tu n'avais envie de te changer les idées d'abord. Ton appartement n'était pas particulièrement reposant, et tu n'y allais que pour dormir ; alors tu avais décidé de passer par le bar juste à côté, histoire de boire un verre, de te détendre un peu, puis d'aller te réfugier dans ta chambre. Cet endroit te plaisait bien plus que tu n'aurais pu le croire la première fois. Un bar assez tranquille, où tu pouvais, la plupart du temps, t'assoir au bar sans te faire embêter. Aujourd'hui, c'était bien ce dont tu avais besoin, alors tu avais commandé ton gin tonic habituel à Haoyu et tu ne faisais que regarder le temps passer en le sirotant.
Tu inspires profondément, laissant l'air entrer dans tes poumons, donnant au barman un petit sourire reconnaissant. La présence d'Haoyu aussi te faisait du bien. Tu ne le connaissais pas beaucoup, mais tu le considérais tout de même ton ami, au moins juste pour le réconfort qu'il te donnait. Il n'était pas compliqué, ne te posait pas trop de questions, et ici tu pouvais te détendre sans être assailli de ta timidité. Haoyu avait une manière de te mettre à l'aise, et dès les premiers instants à parler avec lui, tu avais senti que tu avais trouvé une oreille.
Tu prends une gorgée de ton verre quand tu entends des voix familières. Tu te crispes tout de suite, te tournant pour aviser tes colocataires qui venaient de rentrer dans le bar. Elles s'assoient à une banquette un peu plus loin, te jetant des regards mauvais. Tu te détournes rapidement, soupirant nerveusement. Tu savais bien ce qu'elles allaient faire - te dévisager, parler de toi, se moquer. Pas besoin de raisons - elles le faisaient juste. Tu avais grand besoin de déménager. Ces filles ne t'avaient jamais apprécié, pour une raison qui t'échappait un peu, mais que tu ne voulais pas demander. Dépitée, tu regardes ton verre, ayant envie de t'enfoncer dans le sol. L'énergie venait de complètement changé, et maintenant, tu n'avais qu'une envie : disparaître. Tu attrapes le regard d'Haoyu avec un sourire triste. "Can I have the bill?" Tu lui demandes d'une petite voix, te demandant où tu irais te réfugier à présent.
Soirée à travailler. Moins chiante que les dernières que tu t'étais coltinées — fallait croire qu'avec l'été, les capacités cérébrales de tes clients diminuaient, et que faire chier les barmen devenait aussi amusant que de se mettre la tête à l'envers. Pour ton grand déplaisir.
Pas grand-chose à redire sur ce soir, pourtant. Les clients passaient, commandaient, payaient. Riaient dans leur coin, sans se sentir obligé de te prendre de haut, ou d'essayer de se faire mielleux pour éviter tout pourboire que la décence les obligeait à donner. On te foutait la paix, et ça t'allait bien comme ça. Tu finirais ton shift, empocherais ta part de tip et rentrerais chez toi. Majolica serait là à peu près en même temps que toi — si elle rentrait dormir à l'appartement. Tu ne te prendrais pas la tête avec elle ce soir, à moins qu'elle ait fait exploser un truc en arrivant. T'avais pas envie. Pas ce soir. L'humeur lissée par celle de tes clients.
Echo n'est pas là depuis très longtemps. Tu lui as servi son verre, elle a commencé à le siroter. Est tombée dans la lune — mais les minutes n'ont pas filé au point de lui faire perdre sa soirée. Tu la sens ailleurs. Un peu troublée, peut-être. Tu ne sais pas par quoi ; tu n'as pas demandé. Tu te contentais de veiller sur elle, petite chose installée à son comptoir dans le simple but de se faire oublier. Tu t'assureras que personne ne vienne la déranger. Et, peut-être, lui donnera un shooter sur la maison en partant. Histoire de lui intimer que tout s'arrangerait. Rien qu'un peu d'alcool ne pourrait pas aider, pour le reste de la soirée.
La porte du bar s'ouvre alors que tu t'occupes d'enchaîner quelques commandes. L'heure avance, les esprits s'échauffent, le tour des bars progresse. Plus de travail pour toi. Ça aiderait ton quart à filer plus rapidement.
T'es absorbé dans ce que tu fais, trop pour vraiment te rendre compte de qui vient de rentrer. Tu sers quelques bières, les déposes sur un plateau. Un cosmopolitan, une margarita, deux mojitos et un scotch on the rocks. Tu t'apprêtes à repartir pour un martini, mais la petite voix d'Echo t'interpelle quand tu poses les yeux sur elle. « Can I have the bill? » Tu fronces les sourcils. Elle n'avait pas fini son verre. N'était clairement pas prête à s'en aller. So why?
Tu entends un rire exagéré, à quelques tables de là. Ton regard s'y rend, et soudainement, tu comprends. Tu soupires. Le martini sur pause, alors que tu t'essuies les mains et fais quelques pas dans sa direction. « Are you sure? » Ta voix est calme. Posée. Tu ne le lui refuseras pas, mais l'inquiétude soulève tes mots avec une pointe de bienveillance. Tu apprécies Echo. Tu détestes ses colocataires. Une bande de filles qui s'imaginaient que tout leur était dû, et que la timidité d'Echo faisait d'elle une cible parfaite. Tu ne pouvais qu'imaginer comment leur colocation se déroulait. Echo ne s'était jamais particulièrement épanchée sur le sujet, mais tu lisais suffisamment bien les gens pour sentir sa tension, à cet instant — et pour savoir que les pintades installées un peu plus loin faisaient tout pour la faire fuir. À commencer par choisir le bar où elle s'était installée pour décompresser, parmi tous ceux que la ville offrait. Tu les savais vivre de l'autre côté de la rue, certes — mais ce ne serait jamais une excuse. Echo avait la priorité. « You were here first. » ajoutes-tu avec un haussement d'épaules. « You don't have to leave. » Tu sais pourtant qu'Echo fuira pour se protéger. La situation te force cependant à te demander de quoi, exactement, elle a besoin de se cacher. « Did something happen? » Or are things just that bad? Tu ne veux pas être plus curieux que nécessaire. Tu ne peux cependant pas t'empêcher de le lui demander. Tu l'aimes bien, Echo. Chaque mot que tu as eu avec elle a adouci ton âme, et tu ressens le besoin de lui rendre la pareille. De lui montrer qu'elle a sa place, ici — bien plus que les greluches installées un peu plus loin. Elle a sa place, parce que tu l'as décidé.
Et qu'ici, ce soir, la loi, c'est toi.
Tu avais trouvé un sens à ta vie. Quand tu avais quitté ta vie natale, tu avais laissé l'incertitude et l'instabilité derrière. Tu voulais vivre ta propre vie, et le faire pleinement, à ta manière. Et sur tellement de points, tu y parvenais. Tu faisais le job de tes rêves, tu côtoyais des bonnes personnes. Mais ta confiance prenait chère, parfois. Encore pas tout à fait construite, encore fragile. Devant des gens comme tes colocataires, tes vieilles habitudes revenaient à vive allure. Tu t'effaçais, et tu ne savais plus prendre les bonnes décisions pour toi. Il fallait que tu bouges, que tu t'éloignes de cette atmosphère toxique. Tu méritais un endroit que tu pourrais appeler chez toi, non ? Mais tu avais peur. Il fallait l'avouer, tu avais peur. Tu te disais que baisser la tête et te faire le plus discrète possible était la solution, que comme ça, elles arrêteraient de t'embêter, t'oublierais, peut-être. Mais ce n'était jamais le cas. Elles s'acharnaient. Comme ce soir.
T'as le nez bas, les yeux qui fuient. Tu veux juste t'en aller. Te réfugier ailleurs, loin de leurs regards. Alors tu attrapes le regard d'Haoyu, lui demandant la facture. Il te regarde doucement. "Are you sure?" Tu sais que tu devrais rester. Prendre ta place, réclamer cet endroit que tu aimais tant. Ce bar, c'était ton préféré. Haoyu était ton ami. Peut-être que c'est la fatigue. Tu manques de courage. Peut-être que t'es pas aussi forte que tu le voudrais. Encore tant à apprendre. Tu as un peu honte, mais tu hoches la tête. "Yes, please." Ta voix se fait petite. Tu sais qu'Haoyu ne te jugera pas. "You were here first." Il te souligne. Tu l'observes. Tu aimerais avoir son courage et sa stabilité. Il te semblait que rien ne pourrait l'ébranler. "You don't have to leave." Tu baisses les yeux. What if I do?
What if it's always what I've done?
What if I don't know what else to do?
Haoyu te regarde avec douceur. "Did something happen?" Tu inspires profondément, résistant à la tentation de jeter un regard à tes colocataires. À te demander ce qu'elles disent de toi, quelle partie de toi elles s'amusent présentement à juger et critiquer. "Not really. Nothing specific, I mean. Just the usual stuff." Tu lui dis doucement. Les incidents se multipliaient, mais tu étais bien sûre qu'Haoyu ne voulait pas en entendre parler. Tu ne sais pas pourquoi il te parle - il a du travail. T'es pas intéressante. Just a coward. "They just... hate me." Tu avoues silencieusement, haussant les épaules. "Or they need someone to laugh at, and I'm a good target." Tu ne sais pas trop ce que c'est. Tu essaie de ne pas trop y penser. "I don't fight back." Tu relèves les yeux vers Haoyu. "I never do. I don't know how to." Alors oui. La facture, et je vais m'en aller.
C'est mieux comme ça.
« Yes, please. » Elle insiste. Te dit qu'elle est sûre — qu'elle veut payer, pour pouvoir s'en aller. Tu ne te mets cependant pas en chemin pour la faire payer. Curieux, avant ça, d'en apprendre un peu plus sur sa situation. De lui dire qu'elle peut se battre, et qu'elle devrait. Que ses colocataires n'ont rien à faire là. Echo était là avant. Qu'elle reste. Les autres se lasseraient tôt ou tard, lorsqu'elles réaliseraient que leur petit jeu ne fonctionnait pas. Tu en étais persuadé. C'était ce genre de filles-là.
« Not really. Nothing specific, I mean. Just the usual stuff. » Tu la sens évasive. Tu te demandes si elle n'a pas envie d'en parler, ou si elle manque de confiance pour le faire. Tu la sens te filer entre les doigts, timide comme jamais. Coincée dans la situation, bien malgré elle. Tu ne veux pas l'étouffer. Tu voudrais juste lui montrer qu'elle a le choix, et qu'elle peut s'en tirer. « They just... hate me. » Tu jettes un coup d'oeil noir, bref, aux filles assises un peu plus loin. Leurs gloussements vous parviennent en fond sonore, et tu en es aussi irrité qu'Echo peut en être inconfortable. « Or they need someone to laugh at, and I'm a good target. » Tu pouvais imaginer. Sa douceur, sa tranquillité. L'absence de goût pour le conflit, qui émanait de son être entier. Elle se laisserait faire pour ne pas empirer les choses — et c'était ce que ces idiotes sentaient. Ce dont elles profitaient. « I don't fight back. I never do. I don't know how to. » Tes yeux tombent dans ceux d'Echo. Ton visage se fait plus doux, et tu lui donnes une petite moue entendue, à la limite du sourire. « I do. » Tu ne lui as toujours pas donné la facture, avec ça. Retournes à ton martini, à quelques pas de là. « You don't have to be mean. You don't have to bite back either. » Tu termines ton cocktail en quelques mouvements habitués, avant de poursuivre. « Don't play into their hand. » Tu poses le martini sur un plateau, la facture coincée à côté. « It's a game of chicken. You just have to stand your ground. » Tu reviens face à elle. Ta présence, calme et enveloppante. Sincère. « Whatever decision you take, just make sure it's not because of them. Make sure it's yours, and for you entirely. That's the only way to survive. » And you know what you're talking about. You're doing this, every day. You live by that rule, and you're happier for it. « Don't worry. You're not alone. » Le plus simplement du monde, tu te places comme allié. Tu ne les laisseras pas faire un mauvais pas vers Echo ; pas ce soir. Pas tant que tu serais là. Don't worry about fighting back.
Just stay a while longer.
"I do." Son sourire est doux, cependant. Haoyu ne te juge pas. C'est sans doute la chose que tu préfères de parler avec lui — il a cette énergie calme qui te rassure, et quand il pose son regard sur toi, c'est sans te juger, toi, ta timidité, ta personnalité. Il t'accepte comme tu es. Et tu sais, que venant d'une personne comme lui, ça veut dire beaucoup. Une marque de confiance qui te fait le plus grand bien, et qui te rassure dans le fait que tu faisais de ton mieux, et que ça pouvait être suffisant. Que tu n'avais pas à t'entourer des mauvaises personnes — les bonnes étaient là, partout autour de toi. Et tu l'admirais, pour sa force, pour sa confiance. Tu avais envie de t'en inspirer un peu, même si tu sais que tu ne pourrais jamais être comme lui. "You don't have to be mean. You don't have to bite back either." Tu l'écoutes, l'observant en même temps préparer un cocktail de gestes habitués. "Don't play into their hand. It's a game of chicken. You just have to stand your ground." Tu baisses les yeux. Hésitante. Tu n'étais pas très douée pour ça — toujours plus du genre à fuir, à laisser ta place. La confrontation n'était pas ton fort. "I don't know if I can." Tu lui avoues doucement, haussant les épaules. Tu essaie désespérément de taire la voix dans ta tête qui te dit de fuir. Tu peux être plus forte que ça.
Haoyu revient vers toi. Son regard enveloppant, sa présence t'ancrant un peu plus dans la réalité. Il empêche tes pensées de t'écraser complètement, et tu lui en es reconnaissant. Il ne te laissera pas filer. "Whatever decision you take, just make sure it's not because of them. Make sure it's yours, and for you entirely. That's the only way to survive." Tu l'observes, repassant ses mots dans ta tête. For you. Tu entendais dans sa voix que c'était un choix qu'il avait fait, des conseils qu'il suivait lui-même. Ça te fait réfléchir. Why are you living for others?
It's your life, goddamnit.
"Don't worry. You're not alone." Ton sourire se glisse sur tes traits, alors que tu sens le noeud légèrement se délier à l'intérieur de ta gorge. You're not. Haoyu veillait sur toi, et dans cet endroit, tu étais bien plus chez toi qu'elles ne l'étaient. C'était l'espace que tu avais choisi, et tu ne voulais pas qu'elles t'enlèvent ça. Tu n'allais quand même pas arrêter de venir ici, de visiter Haoyu, juste à cause d'elles ? Peut-être qu'autrefois, tu l'aurais fait. Mais tu avais ta vie, maintenant. Tu avais plus confiance. The Echo of today can do this.
She can try, at least.
Tu donnes un petit sourire à Haoyu. "Thank you." Tu lui souffles. Pour ses conseils, pour sa présence aussi. Et comme pour te donner du courage, tu bois une autre longue gorgée de ton verre. "You're very good at giving advice." Tu lui soulignes doucement. Tu ne sais pas trop si tu auras beaucoup le courage de rester — mais tu vas au moins finir ton verre. Après, on verra. "Have you always been this way, or have you learned while bartending?" C'est une réelle question, et curieuse, tu décides de la lui poser. Croisant tes jambes, t'installant un peu mieux sur ton banc, et refusant de jeter le moindre regard aux filles derrière toi.
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