I want you to hold out the palm of your hand(un) Sasha est née ici, à Oceanside, où ses parents s'installèrent quelques mois avant sa naissance, suivant son frère à peine un an et demi après qu'il ait poussé son premier cri. Cela laissait présager une vie de famille certes commune voir même banale, mais cependant harmonieuse et rempli d'amour, non ? Pourtant, des disputes commencèrent à devenir de plus en plus régulières et de plus en plus violentes entre son père et sa mère, pour des raisons diverses et variées mais qui étaient en somme toutes les plus incompréhensibles les unes que les autres. Cela se finit par le départ de sa mère, qui le justifia en spécifiant que "la vie de famille n'était pas pour elle", laissant ses deux gamins à leur géniteur. Ils ont appris quand ils étaient en âge de comprendre que leur mère les avait tout simplement abandonnés – mari et enfants - pour un homme plus jeune qu'elle. (deux) Son père devient alcoolique et petit à petit la violence commença à devenir le quotidien des enfants Reyes. Ils savaient que leur père les aimaient, mais l’alcool mélangé à une rancœur lié à la trahison de son ex-femme le rendait vulgaire et brutal, se laissant dépasser par la situation. La petite famille vivait dans la pauvreté, l'argent que gagnait difficilement son père disparaissait en partie dans l'alcool et les cigarettes. Alors, ça arrivait parfois à la gamine de piquer en cachette les clopes de son père pour les revendre à l'unité dans la rue, histoire d'avoir quelques pièces en poche pour acheter par exemple des bonbons ou autres gourmandises pour son frère et elle-même, ce genre de choses qui les mettaient un peu de couleur dans leur vie terne. Au bout d'un moment, elle les lui piquait non plus pour les revendre, mais pour les fumer elle-même. C'est ainsi qu'elle tomba dans le tabagisme, passant du passif à l'actif, et elle connut également ses premières expériences avec la drogue. Mais les excès l’attiraient, inévitablement. Cet état second que lui procuraient ses substances était une sorte d’échappatoire. (trois) Il y avait pourtant bien quelque chose qui l’animait, la petite, et c’était la danse. Elle dansait quasiment tout le temps, aimant se laisser transporter par quelques notes de musique ou un fredonnement mélodieux. Au point que c’était ce qu’elle voulait faire, quand elle serait plus grande. Danser, encore et toujours, dans la rue ou sur scène, tant qu’on la voyait comme la prochaine étoile montante. Cela lui donnait surtout l’occasion d’exister aux yeux des autres, et d’extérioriser l’aversion de son soi intérieur, mélangé à sa haine envers sa mère, sa pitié envers son père, sa rancœur envers le monde entier. Il n’y avait que son frère qui avait grâce à ses yeux, frère qui était son pilier, celui sans qui elle aurait perdue toute lucidité et se serait noyé dans les abysses. (quatre) Sasha arriva à sa majorité quand son père fut déclaré malade d’un cancer du foie dont il décéda quelques mois plus tard après l’avoir su. Les enfants Reyes se retrouvaient à présent seuls, mais pouvant se débrouiller indépendamment et c’est ce qu’ils firent en vendant directement la petite maison dans laquelle ils avaient grandi. Car même s’ils y avaient eu quelques bons moments laissant des souvenirs mitigés, ceux-ci étaient vite camouflés par d’autres un peu plus amers. De plus, ce n’était pas comme s’ils avaient le choix, étant donné qu’ils avaient eu en héritage quelques dettes à rembourser impérativement. Ils se trouvèrent tous deux un nouveau cocon commun, préférant cohabiter ensemble dans un endroit les représentant, comme s’ils tournaient la page d’un chapitre pour en commencer un nouveau, bien plus léger, bien plus harmonieux. (cinq) Sasha se voyait devenir une danseuse connue et reconnue, son style d’expression attirait les regards qui appréciaient le spectacle. On commençait à la connaître dans le milieu musical, se voyaient présenter des contrats pour figurer dans des clips ou faire partie d’une troupe. Mais avant que cela ne puisse réellement se concrétiser, elle se blessa gravement à la cheville. Entorse qu’elle pensait passagère, et qui au final se conclut en une blessure bien plus grave qu'elle ne l'imaginait et qui l’handicapa à vie au point qu’elle ne pouvait pas reprendre la danse de façon intensive, brisant ainsi son rêve de reconnaissance. C’était tout un monde qui s’effondrait pour elle. (six) Elle qui avait freiné sa consommation de drogues petit à petit, retrouvant un semblant de tranquillité, replongeait alors dedans suite à cette nouvelle, flirtant avec cette dépendance captivante. Son frère venait parfois la récupérer dans des états pitoyables et elle regrettait à chaque fois, sans pour autant pouvoir s’arrêter. Elle s’en fichait à présent du regard des autres, mais pas de celui de son frère, et même si elle savait qu'il ne la jugeait pas, elle était certaine de le décevoir, plongeant dans des addictions comme leur défunt père. Schéma semblable à un cercle vicieux perpétuel et sans fin. Jusqu’à ce qu’un énième soir, elle appelle son frère pour qu’il vienne la chercher, ne pouvant rentrer par ses propres moyens au vu de son état. Une énième fois, il prit la voiture pour se rendre au lieu qu’elle lui avait indiqué. Mais cette fois-ci, Sasha attendit longtemps. Trop longtemps. Mais cela ne l’inquiéta pas directement, jusqu’à ce que des sirènes de police passe devant elle à vive allure. Rien d’inhabituel mais son cœur se serra à cet instant, comme si elle avait un mauvais pressentiment, qui se confirma par la venue de cette même voiture de police, phares l’éblouissant alors qu’elle se garait pour lui annoncer cette nouvelle qui lui retourna l’estomac. Accident de voiture tragique, les deux conducteurs étaient morts sur le coup. Un évènement dont elle culpabilisera encore et toujours, car si elle ne l’avait pas appelé, si elle s’était montré plus adulte, plus responsable, jamais il n’aurait eu à prendre la voiture, jamais il n’aurait eu à emprunter cette route précisément… (sept) On ne guérit pas facilement d’un mal, surtout quand on est persuadé d’en être la cause. Difficile aussi de se séparer de cette dépendance qui avait tissé sa toile tout autour d’elle mais elle combattait comme si cela allait faire revenir son frère. Fallait-il bien qu’elle se raccroche à quelque chose, même si celle-ci était sans espoir. Poupée désarticulée aux pensées embrumées qui retombait quelques fois dans ces vices, quand la douleur était trop forte au niveau de son cœur et que la seule chose qui pouvait la soulager un temps était ce qu’elle essayait de fuir. Entouré de gens, elle garde la tête haute, menant une vie qui semblait être plus ou moins ordonnée, comme tout à chacun. Mais quand la solitude lui tenait compagnie, son masque social tombait, révélant une facette d’elle qu’elle avait de plus en plus de mal à cacher.