how to face reality in 10 steps (anton)
Un verre de champagne à la main, Ash se délecte de voir les personnes autour de lui courir dans tous les sens pour s’assurer que le défilé se déroule à la perfection. Habituellement, c’est lui qu’on voit dans tous les sens, complètement affolé de l’intérieur alors que son visage reste totalement indifférent. Ne jamais montrer que la panique nous gagne – ce que n’a pas visiblement pas compris le type là-bas, à deux doigts du nervous breakdown lorsqu’il se rend compte que la bague n’est pas à la bonne taille du mannequin qui devait la porter. Erreur de débutant. Mais aujourd’hui, il est simplement un invité, Ash. Par une grande marque de luxe, bien évidemment. Et comme il n’avait pas envie de faire l’allée/retour jusqu’à Los Angeles tout seul, il a quelque peu forcé son grand frère de l’accompagner. Il a aussi proposé au cadet, mais celui-ci n’était soit disant pas disponible. Ash suspectent ses deux frères d’en avoir parlé entre eux pour savoir qui se sacrifierait pour le suivre mais il préfère garder ses doutes pour lui-même et croire qu’Anton est là par envie… même s’il suffit de le regarder plus de deux minutes pour comprendre qu’il n’est pas du tout dans son élément contrairement à Ash qui juge tout ce qu’il voit.
« Cette robe est hideuse… Mais les célébrités vont vouloir se l’arracher, tu vas voir. » chuchote-t-il à son grand frère alors qu’ils sont dans les coulisses. Ne comptez pas sur Ash pour complimenter quoi que ce soit, mis-à-part sa propre marque uniquement. Bon, il a tout de même quelques préférences mais cette marque-là n’en fait pas du tout partie. Il a accepté l’invitation pour se montrer, rien de plus. « Je plains la mannequin qui va devoir essayer de la mettre en valeur… ».
Sûrement qu’il aurait dû se la fermer, Ash. Parce que depuis qu’il a mis un pied à Oceanside, il a l’impression d’être maudit. Et il comprend qu’il l’est d’autant plus lorsqu’il voit l’agitation autour de lui et qu’un nom ressort : celui de Vee, sa copine qui n’a plus de nouvelles de lui depuis maintenant trois semaines. Il lui faut peu de temps pour comprendre que c’est elle, la fameuse mannequin star du défilé qui va devoir cette robe qu’il a envie de brûler.
C’est donc d’un air horrifié qu’Ash se tourne vers son grand frère et lui jette presque son verre de champagne dans les mains avant de l’attraper par le col de son haut.
« On doit partir d’ici, Anton. Tu m’entends ? Tu dois me faire sortir d’ici. » lui annonce-t-il de but en blanc. Lui, une drama queen ? Exactement, mais il a de quoi l’être à cet instant. « Déclenche un incendie, fais quelque chose, n’importe quoi. Si Vee me voit, je suis mort. »
Peut-être qu’il exagère plus ou moins. Ash se fera juste humilié devant des contacts importants, avec une gifle en supplément. Et il refuse que sa vie privée chaotique impacte sa vie professionnelle. Seulement là, il est incapable de réfléchir correctement et compte sur son grand frère pour le faire à sa place.
Ses messages restants sans réponse, le jeune homme conclut que le petit dernier de la famille préférait ignorer la conversation plutôt que de lui donner raison. Une fois de plus, Anton s’était fait avoir, en bonne poire. S’il était le Lowe le moins enclin à sortir, à mener une forme de vie sociale, il était, en revanche, celui qui cédait le plus souvent aux péripéties des deux autres. Toujours prêt à rendre service, malgré son évident malaise, il parvenait à trouver un intérêt partout où ses frères ressentaient le besoin de l’emmener, tel un bouclier, un cavalier bienveillant. Qu’il s’agisse de salons du livre ou d’événements mondains, l’aîné ne pouvait que se rendre disponible, agissant presque en mère poule tant il était amusé d’écouter la passion animant Jack ou Ash. En ce jour, il s’agissait de ce dernier et de son univers où régnait dictat de la minceur, alcool coulant à flots, strass et paillettes.
“Impressionnant, commentait l’étudiant en médecine de manière hasardeuse à chaque nouvelle pièce qui passait sous leurs yeux.”
Il fallait l’avouer : Anton était totalement paumé, se sentant presque de trop, comme si son corps dérangeait même les mannequins et les assistants. Dans sa totale opposition, Ash semblait, lui, naviguer comme un poisson dans l’eau au sein de cette foule agitée, capitaine de ses idées et maître de commentaires acerbes. C’était avec une certaine fierté que l’aîné s’abreuvait des observations du professionnel, hochant la tête pour marquer son accord alors qu’il ne savait même pas faire la différence entre une pièce de qualité et le chiffon épongeant la sueur du metteur en scène proche de la syncope.
“C’est pas comme si c’était compliqué pour ces jeunes femmes de mettre quelque chose en valeur…”
Indiquant les environs peuplés de sublimes muses, le futur médecin restait déconcerté par les critiques de son cadet. Il n’avait pas la langue dans sa poche, loin d’être un adepte de la mesure et de la retenue, mais lui, en revanche, ne trouvait pas cette robe si affreuse. Son sens de la mode n’étant pas réellement développé, Anton préféra noyer son opinion dans le verre de champagne qu’une hôtesse lui avait confié, certain d’être bien plus taillé pour les couloirs froids de l'hôpital que cet environnement enivrant.
Il zieuta son reflet au détour d’un miroir, constatant qu’il ne donnait pas si mal dans cet ensemble de costume que lui avait sélectionné son frangin. C’était bien différent de ses habituels joggings et ses t-shirts sans forme. Et alors qu’il détaillait la matière qualitative de son veston au creux de ses propres méninges, Ash lui sauta presque dessus, horrifié, l’air d’un gamin qui priait pour que l’on écrase l’araignée perturbant son sommeil.
“Vee ? S’étonna-t-il en la cherchant du regard, balbutiant presque de surprise. Allons la saluer, non ?”
Comprenant qu’il y avait anguille sous roche, Anton n’insista pas. Il était loin d’être à jour concernant les nouveautés de la vie amoureuse de son frère et ne pouvait pas se permettre de juger sans savoir. Il ne pouvait que croiser les doigts, espérant que ce dernier n’avait pas joué avec les sentiments de la jeune femme pour souhaiter la fuir ainsi.
Les sourcils froncés, le grand brun s’empara des épaules de son cadet pour l’éloigner de la mannequin de manière stratégique, naviguant entre les maquilleurs et les coiffeurs comme s’ils se retrouvaient dans un jeu de stratégie.
“Enfile ça, si jamais ça peut aider, lança-t-il en sortant un masque en tissu noir de sa poche.”
Ce n’était pas grand-chose, seulement de quoi gagner quelques secondes d’un anonymat incertain tant Ash était reconnaissable par sa stature et l’élégance de ses choix vestimentaires. Tout son opposé, puisque Anton usait régulièrement de ce petit accessoire pour ses nuits à servir derrière le comptoir ou pour ses ballades nocturnes, se sentant presque protégé par un vulgaire tissu camouflant la moitié de son visage.
Alors qu’ils trouvèrent un coin sombre et reclus, entre la régie et les câbles, l’étudiant s’arrêta face à son frère, les bras croisés. Et même s’il tentait de donner le change avec un regard noir et suspicieux, sa douce bouille ne faisait que contraster et ridiculiser sa tentative de tirer les vers du nez d’Ash.
“Vas-y, balance ta connerie. Que je sache si j’dois prendre une baffe pour toi ou si je te laisse dans ta merde.”
Difficilement, il tentait de camoufler le petit sourire naissant au coin de sa bouche, face à l’ironie de la situation. La tentation de voir les problèmes personnels du styliste s'étaler en public était certes présente, mais le futur médecin devait aussi penser à son devoir et à la réputation de la famille, plutôt qu’à sa curiosité naturelle.
“J’croyais que ça se passait bien vous deux ? S’enquit-il en jetant un coup d'œil autour d’eux, constatant que Vee ne les avait pas encore trouvés.”
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