le lièvre et la tortue. -leif.
Fait établi : Sage adorait les jeux vidéos consistant à conduire une voiture.
Autre fait établi : Sage n’aimait pas conduire une voiture dans le monde réel.
Trop de trottoirs, de piétons, de feux rouges, de priorités, de voies sur les autoroutes, de voitures, de chauffards, d’imprudents, de dangers à tout moment. Trop de gens qui pouvaient la percuter - trop de gens qu’elle pouvait percuter. Sans compter les animaux. Elle avait donc le pied très léger sur l’accélérateur, et priait chaque jour que les voitures autonomes deviennent plus sûres et plus accessibles, plus vite.
Au lieu de quoi elle devait se contenter d’un tank, la voiture avec bien trop de places qu’ils avaient. Sept places, c’était clairement n’importe quoi. Tout comme les SUV que tout le monde conduisait, tout autant de tanks sur la route qui pouvaient l’aplatir comme une crêpe, elle en était convaincue.
Et puis bon, ce n’était pas sa voiture, autant dire que Sage n’avait pas envie d’ajouter des rayures sur la carrosserie. Aussi avançait-elle lentement sur la route, quand bien même il était dix-sept heures, heure de pointe, et qu’elle ne pouvait de toute façon pas aller beaucoup plus vite.
Elle suit le GPS pour rentrer à la villa, classique.
La bagnole derrière klaxonne, classique.
Elle freine pour lui faire comprendre qu’il fait chier, classique.
Et ça part en insultes, classique.
Son poing s’écrase sur le klaxon, pour répondre. Les passants observent.
Elle peut les entendre, les noms d’oiseaux, découpés entre les coups de klaxons, et ça la fait paniquer encore plus. Elle lance un doigt d’honneur entre les sièges, rage contre le volant. Ses mains s’emmêlent, le moteur cale. Le stress monte, alors qu’elle doit se ressaisir pour redémarrer, et partir. Et pourquoi il prenait pas une autre rue, lui, aussi, là ? Plutôt que d’l’effray-
Un coup sur la portière. Un cri de surprise dans sa bouche. Elle lâche tout, et c’est pas comme ça qu’elle repartira plus vite.
une putain de conspiration, pas d'autre possibilité;
la gueule de travers et tout le monde qui le fait chier depuis que le soleil s'est levé. toujours préféré conduire de nuit, leif, et pas pour les raisons qu'on pourrait penser. sadoi etr bo la vil 2 nui. s'en voudrait presque de pas rouler sur l'oseille pour installer un doigt d'honneur géant sur le capot qui se déploierait à chaque coup de klaxon. sont en train de le rendre maboule - à regarder l'heure défiler sans que le trafic ne se fluidifie. et la patience a jamais été sa plus grande qualité. s'inquiète pas des livraisons qui restent au fond de la camionnette mais de l'heure à laquelle il va rentrer, rendez-vous prévu avec eisler plus tard dans l'après-midi. pas envie de se pointer en retard et d'avoir encore droit à sa moue exaspérée ainsi que celle gênée de svea qui n'a rien demandé de tout ça. se tape un premier grand-père qui a visiblement du mal à trouver la pédale d'accélération - rouler à 30 km/h sur une route à 50 où il a l'habitude de rouler à 60 en somme, quel enfer putain. puis ça avait été les éboueurs avec leurs micro arrets tous les dix mètres et, bien sûr, l'impossibilité de dépasser parce que le trafic en face est quant à lui fluide as fuck. envie de casser son crâne contre le klaxon du volant dont il avait déjà trop abusé aujourd'hui; pas de raison qu'il soit seul à souffrir de cette situation après tout. de la pollution sonore sur roues, prêt à sortir de l'habitacle au premier qui se sentirait pousser des ailes - sans doute la raison pour laquelle personne n'avait encore osé. c'est qu'on le voit arriver le colosse suédois, dans sa petite camionnette de merde et cet air emmerdé cloué au visage.
puis y'a elle avec son véhicule énorme, la goutte d'eau qui fait déborder l'océan pacifique. la mâchoire serrée et le chewing-gum qui colle aux dents pour essayer d'exulter sa frustration ailleurs. ambiance chaotique dans l'habitacle entre la radio aux ondes qui déconnent, son genou qui frétille d'impatience et son poing qui finit par s'abattre longuement sur le klaxon une fois de plus. « MOOOOOVE SKITSTÖVE* ! » commence à perdre patience; commence ouais, ça fout les boules. mais c'est pas le pire non. l'en croit pas ses yeux lui, appuyant brutalement sur la pédale de frein. s'arrête même de mâcher son chewing-gum, le nez penché au-dessus du volant d'un air incrédule. l'a du rêver - elle a pas osé ralentir? le klaxon, le doigt d'honneur. oh putain. sait pas s'il doit être hors de lui ou impressionné. l'impression qu'ils s'agit d'une gamine pas franchement plus âgée que svea qui l'aide à préserver un semblant de calme au milieu du chaos ayant attiré sur eux tous les regards. ni une ni deux le voilà qui fout ses warning et braque pour foutre la camionnette sur le bas côté - même si c'est pas une place pour se garer. plutôt l'inverse en fait, il se pourrait qu'il ait empiété sur le trottoir et il en a rien à foutre, leif, d'autant plus quand jean-rené trouve important de le lui signaler. « suck my dick. » le ''bip" significatif de la camionnette qui se verrouille, jean-rené tellement abasourdi qu'il en reste stoïque sur le côté tandis que le suédois contourne la machine infernale ayant bloqué la route. « open the door - » lil shit qu'il retient du bout des lèvres, la main sur la poignée prêt à prendre le contrôle de la situation pour le bien de tous. enfin le sien, surtout. remarque pas dans un premier temps qu'elle a l'air dépassée mais se doute que, comme sa nièce, la manière forte fonctionnera pas. « you're blocking all the way through. lemme help. » ouvre la portière en lui faisant signe de descendre pour échanger leurs places. ouais c'est bizarre comme situation - et? l'en a rien à foutre lui. quitte à être en retard autant l'être parce qu'il la conduit ailleurs plutôt que d'attendre derrière elle vingt ans qu'elle se souvienne miraculeusement comment conduire. a-t-elle seulement le permis? lui donnerait à peine quinze ans, là, comme ça. « passenger seat. » comme pour lui faire imprimer l'info que ça va vraiment arriver, profitant d'une première hésitation après laquelle elle se faufile de la place conducteur à celle passager. that's new. s'attendait pas à ça, lui. ç'aurait été plus simple de sortir et de marcher tout simplement mais le suédois va pas moufter alors qu'elle lui cède le volant et que c'est tout ce qu'il veut, au fond. there's no going back now. « seatbelt. » recule son siège puis l'abaisse, prenant ses aises derrière le volant sans toutefois mettre sa propre ceinture. elle en aura plus besoin que lui. « destination? » ignore les klaxons derrière, les gens qui parlent de façon obvious de tout ce qui se passe sur le trottoir pour se concentrer sur elle. réalise qu'il lui a même pas demander son nom mais n'en a aucune utilité, pour dire vrai. veut juste qu'elle dégage de la route le plus vite possible et qu'il puisse reprendre ses petites livraisons sans se faire doubler par des putains de vélo faute de rouler plus vite.
(motherfucker*)
L’autre, derrière, commence sérieusement à lui pomper l’air. Devant, ça avance à peine plus qu’elle. Alors son klaxon, il peut se le carrer là où elle pensait, mais non, faut qu’il insiste. Puis Sage réplique - la force de l’habitude, peut-être. Dans certains endroits, le klaxon sert à prévenir qu’on change de voie, qu’on passe, qu’on est là, qu’on existe. Sonne presque comme un bonjour, pardon, excusez-moi, merci, bonne journée. C’est loin d’être le cas à Oceanside, à dix-sept heures, alors que Sage sort d’un rendez-vous chez un psychologue.
Clairement, y’aura du travail pour la prochaine séance, à ce rythme-là. Y’a l’majeur qui s’dresse et deux secondes plus tard, lui semble-t-il, y’a l’type à sa fenêtre. Il la surprend, et même si elle lui demande sèchement ce qu’il lui veut - elle l’entend à peine répliquer de son côté. Lui ouvrir la porte ? Mais bien sûr.
Et l’autre était toujours là.
« you're blocking all the way through. lemme help. »
Elle reste stoïque, Sage, quand il ouvre la portière et fait presque comme chez lui. Non mais ça va pas ??
S’attend presque à se faire embarquer, malgré la ceinture de sécurité, et traîner au sol comme une malpropre. Ouais, elle a un peu trop joué à GTA, ça lui a laissé des traces. Préfère brûler l’asphalte fictif de son écran, que de se retrouver la gueule en sang. C’est pour ça qu’elle conduit lentement.
Il lui ordonne le siège passager. L’hésitation ne dure pas longtemps. En un contre un, elle perd. Vu sa position, elle peut pas non plus lui claquer la portière dans la tronche. Avec moult précautions, elle désenclenche sa ceinture, avant de se tordre en quatre pour rejoindre le siège d’à-côté, sans grâce ni agilité aucune. Les années passées à danser étaient si loin derrière elle, qu’on ne les voyait plus. En revanche, elle avait réussi à ne pas quitter le navire - certaine que si elle foutait le nez dehors, elle pourrait tout aussi bien rentrer à pied.
Méfiante, toujours, quand l’autre s’installe, les doigts recroquevillés sur la poignée. La lumière du plafonnier aidait pas ; il avait vraiment une sale gueule. Halloween, c'était que demain pourtant, se répétait-elle. Sans doute qu’il se préparait pour son rôle de Trevor. Y’avait pas d’autre explication - enfin, il aurait pu jouer Myers aussi.
Incertaine quand elle fait jouer la glissière pour s’attacher à nouveau. Il allait conduire comme un dégénéré, n’est-ce pas ? Oh, merde, merde, merde, si ce type ne réussissait pas à la tuer, Glaze s’en occuperait à l’arrivée. Muette de terreur, elle n'a rien pipé depuis qu’il a ouvert la porte, flippe tellement que son cœur est prêt à se barrer de sa cage thoracique. Ciao bye ; destination finale, c’est ici et maintenant.
Ses yeux s’arrondissent de terreur quand il prononce le même mot que celui dans son esprit. Où ils allaient ? Nulle part. Où elle allait ? Pas son problème. She was gonna d.i.e. In a pretty h.a.r.d, pretty gruesome way, surely. Relâche l'étreinte de ses doigts à la réalisation, se détend presque sur l’échafaud, le fourmillement familier de la peur s’installant confortablement dans ses veines.
Deux heures de route, à peine. Avec un peu de chance, il s’arrêterait même sur l'chemin pour lui offrir son dernier repas. Puis comme la voiture ne démarre toujours pas, elle se permet quand même de préciser :
lève les yeux au ciel et respire un bon coup de pots d'échappement;
l'a été plutôt sympa, leif, non? aurait pu se contenter de balancer son coude plein fer dans la vitre au lieu de ça il a choisi la communication. alors certes, pour la compassion on repassera par les cours florent mais y'a une tentative l'air de rien. l'a l'air glacée sur place quand même, maintenant qu'il y prête un peu plus attention - pas un mot depuis que la portière s'est ouverte; et de sa part, pas un regard non plus pour les gens autour qui ont l'air de se poser beaucoup de questions sans pour autant intervenir. parce que oui, on est quand même dans le trou américains des râleurs sans couilles ici. faudrait pas prendre trop de risques pour porter secours à une nana qui se fait limite kidnapper sous leurs yeux - sans oublier qu'il s'est garé à tort et à travers au bord de la route. détourne les yeux lorsqu'elle passe d'un siège à un autre avant de prendre celui qu'elle vient de laisser; pas impressionné pour deux sous, sans doute l'habitude de conduire des mastodontes mais peut comprendre que ce soit intimidant pour une crevette comme elle. qu'est-ce qu'elle fout dans ce type de véhicule anyway? réservé généralement pour des tribus ou des transports de personnes à mobilité réduite, de toute évidence elle n'était ni l'un ni l'autre. prend pas la peine de verrouiller les portières car si elle avait voulu se barrer à pleines jambes elle l'aurait déjà fait; sans doute que le véhicule représente bien plus pour elle que ce qu'elle veut bien dire - quitte à se laisser conduire par un inconnu; quitte à y crever? du moins c'est ce qui dessine derrière son regard complètement vide. au moins quatre minutes qu'il lui avait demandé la destination sans réponse, si ce n'est ses doigts crispés contre la ceinture de sécurité. peut-être aussi la raison pour laquelle elle roulait si doucement, par peur de la cabosser. mal tombée avec leif le fou du volant. « huh? » lâché dès lors que les premières lettres quittent la bouche de l'adolescente - ou ce qu'il croit en être une. lui rappelle un peu svea dans sa fragilité; enfin tout est relatif, elle l'a quand même accueilli avec un doigt. « L.A ? » sur le cul. s'attendait plutôt à la boulangerie au coin de la rue, là ou encore ly lycée à trois pâtées de maison, j'ai un contrôle d'algerbe dans vingt minutes. mais los angeles ? « cool, never been there. » des rues pavées de crétins, d'étoiles déchues et autres zombies drogués à la morphine toute la journée. « gimme a sec - » dit ça mais déjà le pied écrasé sur la pédale, démarrant dans un tintamarre fou. si la patience fonctionne pas suffit d'essayer la pression; klaxonne deux ou trois fois, y ajoute des coups de volant à gauche et à droite pour montrer à celui devant qu'il veut passer et ça a l'air de fonctionner puisque le pépé met ses warning et s'arrête sur le bas côté. le dépasse accompagné d'un signe de la main faussement gentillet puis continue d'avancer tandis que sa main droite est venue se saisir de son téléphone. on est plus à un délit près. tape de tête le numéro de téléphone et lance dès que le ça cesse de sonner : « need to take care of something, won't be there until... i don't kow, probably 8. there's some bucks in the kitchen if you wanna grab something to eat. » la voix de svea à l'autre bout du fil, pas franchement surprise. et pendant tout ce temps il a pratiquement réussi à se dépêtrer de cette rue bondée où tout le monde s'est donné le mot pour rouler à deux km/h. « see ya. » raccroche puis le range dans la foulée, se rappelant pour la première fois depuis quelques minutes qu'une inconnue se trouvait à côté de lui. « why the....the... » fronce les sourcils en essayant de se rappeler mais pas son fort. emprunte un petit interdit de tourner à gauche comme si rien n'était, la voie étant claire contrairement à celle de droite qui demeure bouchée. rejoint l'aile principale sans trop de tracas et retrouve une ombre de sourire, satisfait maintenant qu'on peut rouler à l'allure adaptée. « your gngngng plaza. what is it? » ça doit être important si elle fait tout ce chemin- surtout à cette allure. « thank me later. drove so slowly it would've cost you the entire day. » allez quoi, respire qu'il a envie de lui balancer. « got some music in there? » n'écoute pas la radio le suédois - premièrement parce que les news, il s'en tape pas mal le coquillard. deuxièmement car il y a beaucoup trop de pubs et que ça a tendance à l'agacer, lui. préfère user des vieux cd-roms, à l'ancienne, lorsqu'on les gravait encore sur un ordinateur après avoir passé des heures à les télécharger illégalement. tourne la tête vers elle plusieurs fois, ignorant brièvement la route, comme pour lui faire comprendre qu'il attendait vraiment une réponse.
je viens seulement de voir omg j'aurais adoré que leif voit ça. also désolée pour le délai je pensais pas avoir autant attendu ça arrivera plus.
Il allait faire quoi ? Il allait faire quoi, exactement ???
Il allait faire quoi, d’elle de la voiture des prochaines minutes des autres voitures devant de son corps de sa colère à lui de sa peur à elle ?
Il allait faire quoi, quand il comprendrait enfin où elle veut le mener ? En bateau ou presque, à l’autre bout des rivages d’Oceanside. Sage se débat déjà, peine à respirer avant même que la carlingue ne touche la surface de l’eau. Bulle d’air qu’elle tente de préserver côté passager. Peut-être que la solution, c’était ça, là. Arrêter de se débattre pour conserver l’oxygène. S’étrangle quand même quand il demande où elle va ; qu’elle lui répond un truc qu’à pas trop de sens pour ceux qui ne sont pas dans sa tête.
Elle précise même où c'est, puisqu'il avait pas forcément l'impression de comprendre ou de connaître. L.A., c'était à un saut de puce. Une heure de route. Elle apprend bien vite qu'il n'y a jamais été. Hein ???
Et cool ?? En quoi c'était cool ? Il n'allait quand même pas la conduire jusque là-bas ?? Mais son attention reste pas longtemps sur son geôlier, quand il enfonce la pédale de l'accélérateur. Y'a son cœur qui s'écrase au fond de sa cage thoracique, et son corps dans le siège. Ses paupières qui laissent apparaître ses yeux ronds, sa surprise muette.
Il se met déjà à dépasser une autre voiture devant, et même si rien que ça la faisait paniquer, ce fut pire quand du coin de l'œil, elle le vit dégainer son téléphone. C'était le b.a.ba normalement !! Tout ça allait très mal finir très très mal finir.
Il parle au téléphone et Sage écoute tout, l'instinct de survie ou la curiosité, l'un ou l'autre voire les deux, fallait bien savoir ce qu'il lui voulait. Il parle de rentrer, d'argent pour manger. Elle imagine un gamin au bout du fil, qu'il devait pas trop aimer s'il conduisait comme un dingue tous les jours sur la route, pour frôler l'accident à chaque seconde.
Non ?
ET LÀ C'EST INTERDIT.
C’est la fin. De son voyage ici, de ses inepties et de ses blagues pas franchement drôles. Il lui demande c’est quoi, le plaza, et la vérité … ne semblait pas bonne à dire. L’homme déjà à fleur de peau, pour venir sans gêne s’installer derrière le volant. Elle allait pas lui dire qu’elle voulait voir le bâtiment d’un film, quand tout ce qu’elle voulait c’était qu’il reparte d’où il vient, et qu’elle puisse rentrer chez elle. Trop tard pour changer d’avis. Du coup, elle doit faire quoi ? Dire quoi ? Lui répondre ce qu’il voulait entendre, être contente que son trajet prenne soudainement “moins de temps” ? Et -
tellement à l’aise qu’il voulait la musique ? C’était quel genre de frappé, ce type ? Y’avait aucune bonne option, bonne réponse, bonne action. Elle sentait le poids de son regard, aussi. Qui la presse de fournir des réponses. Sage aurait préféré disparaître dans le siège, ne devenir qu’un avec la voiture.
Bon, la musique, ça, elle pouvait encore gérer. Même terrifiée. Elle avait dit quoi, la psy déjà ? De respirer. Alors c’est ce qu’elle fait. Elle inspire fort et souffle lentement. Pas très loin de déverser l’océan sur ses joues, mais pour le moment, aucun signe du naufrage.
échange de sourds dans l'habitacle;
l'un qui se sent un peu trop à l'aise et l'autre qui se chie dessus sans que le premier ne daigne le remarquer. faut dire que dans l'imaginaire du suédois, il est bien plus poli qu'à l'accoutumée. peut-être parce qu'elle a pas l'air beaucoup plus vieille que svea; peut-être parce que ça pourrait être svea. alourdit un peu plus les raisons "-" de ne pas lui financer le permis tout de suite, même si elle était en âge de commencer; et si un cinglé comme lui se pointait dans sa caisse pour la conduire parce qu'elle n'allait pas assez vite? et sur une note un peu moins fantasque, si elle décidait de partir après l'une de leur énième dispute? si cette liberté devenait celle qui la mènerait loin de lui? secoue la tête pour se sortir de ses pensées - vaudrait mieux qu'il se concentre s'il ne voulait pas envoyer son tank dans le décors. pourtant habitué à penser à tout sauf la conduite pendant sa tournée, presque trop habitué à sillonner des rues étroites avec un mastodonte mais également anticiper la conduite stupide des autres. parce que la sienne est irréprochable ofc. espère avoir suffisamment éduquée sa nièce pour qu'elle sache qu'on ne fait pas monter n'importe quel inconnu dans sa voiture sous prétexte qu'il propose de vous aider; plutôt l'inverse en fait. l'est un peu folle celle-là - plus facile que d'admettre que c'est lui, de base, qui s'est comporté comme un psychopathe en quête d'une nouvelle proie à faire disparaître. « why would i want to go there?? » sourcil arqué, le regard qui vrille tantôt entre la route tantôt sur sa silhouette quelque peu recroquevillée. l'a même la main qui quitte le levier de vitesse pour commencer à compter du bout des doigts en ajoutant : « that's expensive as fuck,» premier doigt qui s'élève bientôt suivi d'un deuxième, accompagné d'un coup de volant qui les éloigne in-extremis d'une voiture foutrement mal stationnée. un comble. « there's way too many people for my liking.» et encore, ça devrait pas se trouver en top de liste. « i don't give a single fucks about celebs and movies and shit» aurait été plus juste de dire i don't KNOW shit about it mais voit pas ce que ça change à la finalité. connaît la gueule de brad pitt et leonardo dicaprio placardés (jeunes) sur les mûrs de sa nièce mais sinon ? pas le temps de se poser devant un film, pas spécialement l'envie non plus. la vie est suffisamment à chier pour ne pas se rendre vert devant des oeuvres fictives où tout se termine miraculeusement bien. bullshit. « bunch of hypocrites really, probably more than here. » et y'en a déjà suffisamment ici. abaisse finalement ses quatre doigts pour les reposer paisiblement sur le levier, l'œillade fixée sur la route en attendant les oppositions qu'elle pourrait avoir. quoi que. l'a pas l'air d'aimer particulièrement causer, la gamine. « relax, i do it all the time. » ricane un peu dans sa barbe. « and i'm still here to talk about it. » dit pas qu'il est 100% sain d'esprit non plus faudrait pas pousser mémé mais ça, elle est pas obligée de le savoir. pas plus qu'elle ne devrait apprendre que son dernier accrochage en voiture remonte à.... neuf jours. pas sa faute si les gens voient pas son clignotant - ou qu'il l'a mis un peu trop tard. « you.... ok ? » la regarde du coin de l'oeil souffler comme un buffle. le disait pas au premier degré ce relax mais aurait peut-être du finalement, remarquant seulement à quel point son visage est pâle. « radio's more than fine.» appuie sur plusieurs boutons jusqu'à ce qu'un son n'émette, malheureusement des pubs, pas la patience pour ça; un bouton puis deux, la roulette tournée. tombe enfin sur une chaîne qui bien qu'un peu saturée, passe de la musique des années 90. jackpot. « and then... YOU tell me. i'm not the one who needs to get there?» complètement con sa question. ou alors c'est lui qui comprend rien? se décide à freiner et foutre le frein à main, se fiche bien d'être au milieu de la route - maintenant c'est lui qui bloque tout. et ils feraient bien d'attendre s'ils veulent pas se voir distribuée une flanquée de patates. « what - what?» premiers klaxons derrière mais s'en occupe pas, son bras gauche flanqué en travers du volant tandis que l'autre repose paisiblement sur sa cuisse. comprend po. à quoi elle joue, ce qu'elle veut, là où elle doit aller.
Incrédulité face à sa réponse. Ne jamais avoir été à Los Angeles, alors que c’était à une heure de route. La porte à côté. Certains habitants d’Oceanside faisaient le trajet pour aller y travailler tous les jours - et lui n’y avait jamais pointé le bout de son nez. Presque le truc le plus étrange de la soirée. Même ses excuses étaient toutes bidons. Los Angeles, c’était un classique, des boulevards connus, des quartiers mythiques … qu’on aime ou qu’on déteste, il pouvait pas juger sans y être allé. Impossible. Pourtant il le faisait, l’audace de compter sur ses doigts les défauts de la mégalopole. Aurait pu en rire si elle était pas aussi paniquée par chacun de ses gestes, chacune de ses paroles. En rirait sûrement dans deux ou trois semaines, quand elle serait en sécurité. Si elle était en vie à ce moment-là.
Quand il semble avoir fini sa liste, Sage prend son temps pour répondre. (L'attrait malsain des rues zombifiées ? Disneyland ?)
N’en a finalement pas le luxe, faut dire qu’il emprunte avec un peu trop d’aisance des routes qu'ils ne sont pas censés emprunter.
C’est pas comme ça qu’elle se détendrait sur ce foutu siège. Elle a beau tenter les exercices de respiration conseillés par sa psy - celle qu’elle avait quitté il y a … une heure ? celle qu’elle aurait besoin de revoir, rapidement - cela ne semblait pas fonctionner miraculeusement. Néanmoins, elle était toujours là. Ignore le commentaire de Trevor - l’hôpital qui s’fout de la charité. La radio était un bon sujet neutre, de discussion, de distraction bienvenue.
Un thème qu’elle connaissait, des questions auxquelles elle pouvait répondre. Panique encore un peu quand elle le voit s’énerver sur les boutons de la radio, prie tous les dieux qu’elle connaît pour qu’au moins une station passe autre chose que des pubs, et voit son souhait exaucé in fine.
Mais la voiture roulait toujours plus, en direction de LA, et quand elle pensait à toute la route qu’elle allait devoir faire en sens inverse, elle n’était pas enchantée. Enfin … si elle en avait la chance. Peut-être qu’elle ferait mieux d’ignorer les intentions de Trevor. Sauf qu’elle devait savoir - si ça valait la peine de s’accrocher à cette voiture usée, ou s’il était préférable d’ouvrir la portière et de se laisser glisser à l’extérieur.
What does he mean what does she means ? Dialogue de sourds. Sage tremble un peu trop pour réussir à s’expliquer. Elle n’avait rien à expliquer. Que lui dire ? - Merci de ne pas m’agresser une fois arrivés à Los Angeles ?
Rentre bien sur tes deux jambes ?
La voiture s’était arrêtée. Petit lapin coincé derrière les phares.
L’échantillon de ses peurs ; en suspens entre le chauffard et sa passagère. Elle se force à respirer, pour ne pas rester en apnée. Sauf que ça ne la calme pas. Du bout de ces cils, elle dessine le pire, peint les scénarios les plus cruels. En attente d’un geste ; d’une réponse. Que le chaos se déchaîne.
« why did i stop ?? » qu'il répète incrédule;
tellement incrédule en réalité qu'il ne peut pas s'empêcher d'en rire plus longtemps. amusé, c'est clair, mais surtout l'impression qu'elle est encore plus foutrement paumée que lui - et ça faut le faire. aurait pu comprendre enfin l'ampleur du problème en la voyant se morfondre encore plus dans son siège, quitte à bientôt disparaître; serait trop lui demander, à lui. s'imagine plutôt qu'elle est gênée de l'attention qu'ils génèrent. gênée de la mélodie de klaxons qui se forme peu à peu derrière leur mastodonte à l'arrêt - mais de sa présence à [i}lui[/i]? jamais. comme des vieux potes perdus de vue trop longtemps; enfin vu l'âge probable de la gamine, un vieil oncle et la mioche trop timide de la famille serait plus exacte. « what do i want from you? » un petit tilt. le début, peut-être, de quelque chose de vrai dans cette putain de voiture où personne ne semble se comprendre en dépit des efforts de chacun; ceux de la gamine de se foutre de sa gueule tout en se chiant dessus et les siens de le réaliser finally. « to tell ME where the fuck you have to go??? » lève la main pour signaler un peu plus son incompréhension. l'aurait du comprendre plus tôt que ses références à deux balles lui passaient au-dessus de la tête, non? « i thought it was pretty clear the first time i asked you? » résiste pas plus longtemps à ouvrir sa portière, jeter un regard assassin à l'espèce de boîte d'allumettes flanquée derrière eux « what's the matter BRITTANY ? CAN'T YOU SEE WE'RE STUCK ? » laditebrittany qui n'est probablement pas une brittany se ratatine dans son siège conducteur et cesse - enfin - de klaxonner comme une parfaite idiote. un peu de clarté dans tout ce merdier qui fait du bien à leif mais lui permet aussi de prendre une bonne bouffée d'air frais avant de refermer la portière. « so. » tourne à nouveau la tête vers elle, exclu de tout sourire pour pas paraître creepy mais bien plus détendu maintenant qu'il a fait comprendre à celle de derrière de bien vouloir la fermer. « where are we heading to ? for real. » se décide à mettre les warnings et se déporter sur le côté de la route - brittany qui passe comme un éclair comme pour mettre ce cauchemar derrière elle - pour montrer patte blanche. doit bien voir qu'il lui veut rien, leif, si ce n'est l'empêcher de créer le chaos d'une file indienne escargots ? « look - » qu'il reprend avec sérénité, portant pas la moindre attention aux voitures qui s'enchaînent et passent à côté d'eux. s'était pas rendu compte d'en avoir bloqué autant. en aurait certainement ri un bon coup si blanche neige avait pas l'air aussi pâle à côté lui - et l'est pas capable d'effectuer un cpr pour lui sauver la mise si elle supporte pas l'aventure folle. « the faster you give me an address, faster we split. » peut pas faire plus simple. enfin - techniquement il pourrait lui foutre la paix et la laisser se démerder mais il est déjà bien trop loin de sa propre camionette pour faire machine arrière; l'idée d'y retourner à pieds encore moins alléchante que de supporter ses questions et son attitude bizarres. l'hôpital qui se fout de la charité clairement. en plus « you obviously can't drive in that...state, anyway.» le pompon sur la garonne.
Panique quand tout s’arrête. Un différent stade de panique, plutôt, car tout tournait au ralenti-accéléré depuis l’instant où il était monté dans la voiture. Elle ne saurait dire si ça faisait cinq minutes ou deux heures. Elle n’avait pas encore commencé à compter les piétons renversés donc bon, il avait au moins ça pour lui - ce qui était drôlement étonnant vu les rues (interdites ou non) empruntées.
Mais la voiture s'arrête et la panique vibre à nouveau dans ses veines, fait flancher le masque qu'elle arrivait à tenir sur son visage tant bien que mal. Ça gronde dans sa gorge et en quelques secondes c'est le déchaînement ; les cris les questions les ongles enfoncés dans le siège pour mieux voir le chaos qui est en train de se former derrière eux.
Les interrogations s’emmêlent - lui qui répète ce qu’elle exprime, dialogue qui ne mène pas plus loin que la voiture, arrêtée. Il est là le problème. Lui. Trevor, sa coupe de cheveux moche, sa gueule moche, ses manières de conduire moches, ses manières tout court, encore plus laides. Alors, ça y est ? Sur la voie rapide, c’est là qu’il va en finir avec elle ?
Classe.
Et c’est pas en répétant ses questions que Sage comprend quelque chose. Il l’horripile, y’a ses poils qui se sont dressés de partout, le palpitant qui sait plus comment faire, qui va déjà trop vite. L’souffle qu’elle retient, un peu trop, partie en apnée - aurait préféré que la voiture soit aquarium enfumé. Reste dans l’incompréhension quand il redemande où ils vont. L’adresse exacte qu’il veut ? Elle ne la connaît pas. Puis, lui, il a jamais foutu les pieds à Los Angeles. Donc ils vont où avec ça ?
((Nulle part.))
Il s’énerve encore, contre elle, et elle redoute la violence qui jusque-là l’a épargné. L’observe ouvrir la portière avec appréhension, pour engueuler la personne dans la voiture derrière eux.
Une autre victime, comme elle. Si Sage avait eu un peu plus de cran, elle en aurait profité pour s’échapper. Peut-être. Pour aller où, à pied ? Pour mieux se faire renverser par le chauffard à ses côtés ? Si Sage aurait eu encore plus de cran, elle lui aurait foutu un coup de pied, en espérant ainsi le déstabiliser, le faire tomber de l’habitacle. Pour mieux rester à sa portée ? Pour mieux se retrouver à sa merci ? Sage ravale sa bile, l’observe refermer la porte. Elle ne fera rien.
((Le visage de Jungwoo qui se superpose un instant à celui de Trevor.))
La blonde accueille avec suspicion la nouvelle proposition de son geôlier. Encore trop choquée pour savoir quoi répondre, quoi penser. Pourtant, ils se déportent lentement vers la sécurité, et il n’a toujours pas franchi son côté de l’habitacle. Pourrait-elle négocier ? Pourrait-elle s’en sortir ? Que faire ?
Son argument était quand même bien convaincant. Le plus vite elle lui donnerait une adresse … le plus vite elle verrait la suite - la fin ?
Lui répond qu’elle peut pas conduire dans son état. Oh, il serait surpris. Mais il avait quand même, très probablement, raison.
Devait quand même lui donner une adresse neutre. Pas la sienne, bien sûr. Pas Los Angeles, non plus, ça ferait trop loin pour revenir. Il n’y a qu’un endroit, qui lui vient. Le parc où elle se perd parfois, dans ses virées nocturnes. Elle pourrait rentrer à pied, et revenir chercher la voiture … à un autre moment.
Got hijacked. Libby Lake Park. Weird white dude, GTA Trevor. has kid. not CA, not USA, not Russia. Sage n'était pas trop mauvaise quand il s'agissait d'identifier les accents, mais elle n'arrivait absolument pas à cerner le sien. Pas que c'était très haut dans la liste de ses priorités non plus. Survivre.
((Lui survivre.))
rend ça beaucoup plus compliqué que ça n'a à l'être,
la gamine.
leif qui n'a jamais cherché midi à quatorze heures - et c'est pas la quarantaine passée qu'il va commencer. répond à rien, en plus, se contente de regarder tout autour avec de grands yeux comme s'il s'apprêtait à la bouffer. sauf qu'elle est pas chaperon et lui, le grand méchant loup qu'elle a l'air de s'imaginer. « 'cause unlike you, i didn't lie. » los angeles, vraiment ? se rend compte à quel point c'est con maintenant qu'il y pense plus d'une minute. totalement lui-même depuis qu'il est entré dans l'habitacle - même si les raisons de sa venue n'avaient pas été aussi chevaleresques qu'il avait bien voulu le faire croire; demoiselle en détresse mon cul. elle sait juste pas rouler, la gamine. et lui il avait autre chose à faire que perdre de précieuses minutes sur la route parce qu'elle était incapable d'avancer. bien con, ça aussi. avec les plans a et b, l'arrêt c en plein milieu de la route, l'en avait sans aucun doute perdues plus que gagnées leif. l'en a même oublié sa camionnette et ses cartons, laissés à l'abandon sur un bas-côté semblable au leur. « okay. » oublie de mettre le clignotant avant le coup de volant - remis sur les rails pour se casser. une chance que son métier de livreur lui ait fait mémoriser une grande partie de la ville, raccourci emprunté quelques secondes seulement après le départ. « don't you think i would've killed you already? » ding ding. les lumières qui commencent à peine à percer le brouillard; l'aurait pourtant suffi d'un regard, un vrai regard, pour le comprendre plus tot. pouvait pas se douter non plus que la gamine le prendrait comme ça - stupide sa façon de se chier dessus tout en lui parlant comme à un demeuré. un vrai demeuré aurait déjà pété les plombs. « if i had bad intentions, i mean. » au cas où elle aurait pas compris mais aussi et surtout, sa façon d'essayer de détendre un peu l'atmosphère. calm down i won't touch you. même pas avec un gant. pourrait être svea à peu d'années près; pourrait être la fille de n'importe qui. et leif y'a qu'aux cons et aux consentants qu'il pète la gueule. « I act like a giantic ass but i'm kinda cool. » deep down. sans doute pas ce que sa propre nièce avancerait, sur le papier. mais ça a toujours été un truc de jeune que de nier que les vieux ont eu leur époque dorée avant de les avoir. « i'm leif by the way. » peut-être qu'en savoir un peu plus était ce qu'il lui fallait vraiment pour se calmer - relativiser;
c'est beau de rêver.
Souffle en pointillés depuis qu’il est entré. Des moments où elle pense que sa fin est proche, avant qu’il ne lui donne tort, encore, et encore. Eventuellement, elle finirait par avoir raison. Son calvaire verrait bien une fin - restait à savoir laquelle.
Sage finit par se décider à prendre une direction … plutôt neutre. Décide de lâcher le nom d’un parc proche de la villa, d’où elle pourrait repartir à pied. Sans divulguer ni son adresse réelle, ni rien de compromettant. S’il la laissait partir, alors elle pourrait revenir chercher la voiture le lendemain. S’il la laissait partir, elle risquait de ne plus mettre les pieds dans ce parc. Ce qu’il fallait sacrifier.
Se retient bien de tout commentaire, en revanche, quand il commente qu’il aurait pu déjà la tuer. Mouais. Y’a sa tête qui penche, indique qu’elle émet des doutes - faut dire que certains sont efficaces, et d’autres cruellement inspirés.
Ses paroles avaient beau se vouloir rassurantes, Sage préférait croire les actes ; et même s’il n’avait, pour le moment, pas touché à un seul de ses cheveux … personne ne lui avait demandé de venir prendre la place conducteur.
Elle ricane quand il se présente. Un bref rire, narquois.
Tant que Sage parlait, et voyait défiler la route devant ses yeux - alors elle ne pouvait pas paniquer, pas vrai ? Même si elle évitait soigneusement de jeter un œil en direction du conducteur. Elle préférait Trevor, de toute façon.
Alors, elle le note, ça aussi, dans son téléphone. Le prénom qu’il lui a donné. Ou le mot. Sans doute qu’elle a mal entendu, que ça sert à rien. L'issue sera la même. Inévitable.
Dans quelques minutes. Sage commence à reconnaître les rues, la route. Ils approchent du petit parc.
Ou peut-être que tout cela n'est qu'une illusion, mirage qu'il fera miroiter de l'autre côté de la vitre passager, avant de l'emmener - ailleurs.
croit rêver;
gamine happée par les lasers d'un vaisseau spatial et remplacée par une enveloppe identique - passe du silence au sarcasme comme si elle n'avait pas été recroquevillée sur elle-même tout du long. le suédois qui se contente d'arquer un sourcil, presque inquiet. « you good or what. » même pas sous forme de réelle question; davantage pour lui que pour elle. l'était temps qu'elle se réveille, la gamine, mais peine à s'imaginer ce qui pourrait se passer maintenant que c'est fait. suffirait qu'elle pète une durite, s'empare du volant et les envoie valser dans le décors. heureusement assez peu probable compte tenu de l'importance qu'elle avait l'air de donner à ce véhicule dont leif n'avait toujours pas percé le secret; pourquoi un utilitaire aussi grand pour une seule personne ? d'autant plus avec sa carrure de chaton - persuadé qu'une voiturette sans permis lui aurait largement suffi (surtout pour rouler à cette allure). « yours should be weeds. » croyait pouvoir se foutre du papi sans qu'il ne rétorque ? peut rêver. et l'a surement pas proposé ça pour les bienfaits de la baguette magique qu'on glisse au coin des lèvres; plutôt de la mauvaise herbe qui réapparait encore et toujours au fond du jardin. leif qui n'aime pas les choses trop lisses, trop simples. devrait pas aimer son insolence non plus.... et pourtant. l'impression de voir un aspect de svea en elle; se laisse si bêtement attendrir, un bref instant. « sage ? » regard interloqué, passe d'elle à la route et inversement. « you're mocking my fucking name while yours is ACTUALLY a plant ???? » le rire franc qui échappe des lèvres. pensait pas se marrer - pour de vrai - dans ce contexte tendu mais faut croire que quelque chose a été dénoué dans cette voiture entre mensonges et longs silences. « nah, spring child. » sait pas trop ce que ça change, encore moins ce qu'elle essaie d'insinuer. conneries des jeunes ça encore, avec leurs astres, signes et tout ce bordel. à n'y rien comprendre. pourtant tellement plus aisé d'admettre être un connard parce que la vie l'a décidé. « you wouldn't be a good `willow` anyway. » seules qu'il a eu l'occasion de croiser, des petites pimbêches se pensant plus intelligentes que la normale mais incapable de voir plus loin que leur nez. pas comme sage qui renferme (visiblement) un bon répondant. « trevor? why? » ne s'attarde même pas à chercher quelconque référence qui pourrait correspondre - sait d'avance qu'il ne l'aura pas. télé qui n'a jamais habillé ses appartements, jeux faits de ballons troués et vélos volés. culture des média proche du néant.
le suédois regrette presque d'arriver à destination - la gamine qui n'a pas eu le temps de lui expliquer le pourquoi du comment du prénom proposé. trevor, pourquoi pas. veut bien l'être pour elle si ça lui permet de ne pas garder un souvenir chaotique de leur rencontre; garés sur le bas côté, frein à main actionné et moteur coupé. le moment d'y aller mais aussi celui où il trouve le moins les mots, leif. there's no good way to put an end to this. « well. didn't go to LA but that was a hell of a ride anyway. » pense pas si bien dire, ignore toujours les pensées qui lui ont indéniablement traversé l'esprit durant ce long moment partagé. « bye, twig. » un début de sourire bien moins carnassier qu'amusé juste avant de s'eclipser du siège conducteur. pense à aucun moment à lui souhaiter une agréable journée, ni une bonne vie - persuadé qu'ils se recroiseraient tôt ou tard sur la route en dépit de la hantise de twig.
il a trouvé ça marrant, leif, l'air de rien;
devoir se taper le chemin retour à pieds un peu moins.
(fin )
Elle parlait trop. Elle le savait. Elle s’en mordrait les doigts.
Sage parlait trop ; et en même temps, elle ne savait plus s’arrêter, se contenir, réfléchir. Parler, ne pas bouger. Observer le paysage qui défile, et le nombre de rues qui restait - avant la libération possible. Elle babille, petit oiseau perdu, non-sens sur insultes sur futilités.
Please look around, there’s a million things outside more interesting than me. More valuable than me. Ricane salement quand il suggère que son nom devrait être weeds, sans doute qu’il n’a aucune idée d’à quel point c’est vrai. Gamine incapable de dormir pendant huit heures sans un coup de main de mère Nature ;
((bonne à rien, à part survivre)) Folle à lier qui s’invite surtout là où on ne veut pas d’elle. Donne son avis sur tout, et implique la mère du taré qui la conduit.
Autant lancer les invitations à ses funérailles.
Rétropédalage quand il capte un peu trop les choses.
Note dans un coin de son esprit qu’il est né au printemps - c’est con, c’est bête, mais c’est le genre de détails qui finira aussi dans les notes de son téléphone. Puis, finalement, il relève Trevor. Elle peut pas lui parler de GTA, Sage, parce que de toute manière, s’il y avait joué, il aurait sans doute fait la connection entre leurs ressemblances. Et puis, sans doute parce qu’ils parlaient de plantes, de feuilles, de branches, d’automne … il y a un autre Trevor qui se fraie un chemin dans sa cervelle. Pas très joli, celui-là non plus. Sans doute qu’elle devrait continuer à respecter son silence.
Deux rues. Puis une seule.
La voiture qui se gare enfin près du parc, et sa respiration qui se coupe. Ils n’avaient rencontré aucun obstacle. Pourtant, ça ne serait pas la fin, tout son corps en était persuadé. Pas la fin de cette journée, pas la fin de cette rencontre, pas la fin de ce sentiment qui lui fait mal dans les jambes. Puisque son kidnappeur était désormais libre de ses mouvements, c’est elle qui tétanise. Attend. Le regard encore fixé sur un point devant elle.
Hell of a ride. Les mots sont faibles. En oublierait presque de respirer, tellement elle espère qu’il va juste sortir et la laisser enfin tranquille. Dégage qu’elle aimerait lui dire, pourtant plus rien ne sort. Elle s’est déjà épuisée, de quoi s’en mordre les lèvres et les doigts pour les semaines à venir.
Et dire qu’elle sortait de thérapie.
Lui faudra encore un paquet de séances pour surmonter cette journée.
Pourtant Trevor-feuille l’abandonne enfin, comme si tout était normal. Elle, foutue, mais entière. La voiture, un peu malmenée, mais entière.
Il était parti depuis longtemps, quand ses pensées vinrent la piquer. N’a pas bougé, dans le fond du siège passager.
Pourquoi tu lui as dit ton prénom ? Pourquoi tu lui as parlé ? Pourquoi t’es pas partie, quand il s’est imposé sur le siège conducteur ? Mais qu’est-ce qu’on s’en fout, de cette bagnole à moitié pourrie, putain, Sage, t’as failli y passer. Pourquoi t’as parlé de sa mère ? Pourquoi t’as ouvert la bouche ? Pourquoi t’as pas bougé, pourquoi tu t’es pas défendue ? Pourquoi tu l’as comparé à un crapaud, putain, Sage, mais dégage d’ici, il va revenir, pars, mais pars, fuis, sors d’ici, ou roule. Sage, t’as vraiment tout gâché. T’as de la chance qu’il te soit rien arrivé de pire. Respire putain, arrête de chialer. Pense à la psy, pas à lui.
Celle-ci lui avait donné des techniques pour respirer, pour ne pas laisser la panique l’envahir - trop tard, faut dire que la blonde n’avait pas souvent été bonne élève. Pourtant elle s’applique enfin, se concentre sur la balançoire au fond de son champ de vision, le palpitant au bord de l’implosion.
Sans pouvoir bouger.
Epuisant le reste de ses larmes, de l'océan qui rugit à l'intérieur. Qui se fracasse en bord de côtes. Sage est ridicule. Insignifiante.
Au bord du précipice.