conversation and hennessy.
Dix-huit heures ; ça twerke derrière le comptoir du bar. Les coupables ? Tabitha.
Evidemment.
Entraînant sa propre employée - Melody - à "Shake That" avec elle, au beau milieu de sa mise en place. Eminem, Nate Dogg, un plaisir coupable empli de poésie. Un private show improvisé, que certains auraient sans doute aimé voir de plus près - voir, tout court. Mais il n’y a qu’elles dans l’immense salle, et la musique pour les accompagner. Et ça fait plaisir à Tabitha, de voir que ses employés s’amusent, dansent, rient, se lâchent, même si la barmaid ne montait pas sur scène.
Le travail n’avançait pas beaucoup - un détail. La salle serait prête dans les temps, et Tabitha aurait fini de vérifier que les bouteilles livrées plus tôt étaient au complet. Avant de retourner s’enfermer dans son bureau, puisque désormais, c’était aussi ça, son quotidien ; les papiers, les commandes, les factures, les contrôles, les paies, et s’assurer que tout serait encore debout, le lendemain. Et le jour d’après.
Tab attendait aussi Heesung, Dino, parce qu’elle avait entendu son nom flirter sur les lèvres de ses autres employés, récemment, et elle n’était pas encline à se satisfaire de ces on-dit.
But I told Nate you was a freak
He said he wants a slut, hope you don't mind
I told him how you like it from behind ...
Hum. Aurait peut-être mieux fait de s’arrêter un peu avant ces dernières paroles. Mais le refrain avait repris, et dans un rire, les deux femmes s’étaient remises à danser.
Productivité : nulle.
La chanson se meure enfin, Melody prend l’initiative de baisser le son des enceintes avant que la suivante ne démarre, et retourne finalement s’occuper de la salle. Tab récupère ses documents, et laisse son rôle de patronne aiguiser lentement ses muscles, son attitude, son discernement.
Décide que parfois, le plus simple est d’écouter ce que les gens ont à dire. Alors, Tab se contente de le regarder. De le regarder vraiment, d’étudier ses traits un peu plus longtemps qu’à l’accoutumée, lui offre un doux sourire. Délivre enfin son intention.
En ne précisant pas ses pensées, elle ne limitait pas ses réponses. Quelle histoire il lui jouerait en premier. Celle de ses hématomes ? Celle avec le cuisinier ? Une autre, peut-être ?
Ca faisait quelques jours maintenant que t’étais revenu travailler après cet arrêt causé par l’altercation qui t’avait coûté quelques blessures sur ta belle gueule. Si ça t’avait fait un bien fou de remettre enfin les pieds sur les planches du strip-club, tu ne mentirais pas en disant que cette petite pause n’avait pas été bénéfique pour toi. T’avais retrouvé un mode de vie plus sain, loin de monde de la nuit et de toutes tes dépendances, loin de l’alcool, des drogues et des fesses, t’avais réussi à dormir, une vraie nuit, de plus de dix heures consécutives, chose qui n’était pas arrivée depuis des mois et des mois, t’en avais pleuré, l’esprit beaucoup trop émotif à l’idée d’être guérit de tes insomnies.
Sauf que tes vieux démons ne sont jamais loin, ils te rappellent toujours à l’ordre et ce n’était pas en quelques semaines que tu allais pouvoir te sevrer de quoi que ce soit, de rien du tout finalement. En voulant reprendre le rythme du Pandora pour ne pas être à la ramasse à ton retour, t’avais décidé de faire une petite fête dans une boîte de nuit, accompagné de nombreux amis et d’inconnus, poudre au nez, gin tonic dans les veines.
Un jour comme un autre maintenant débute, alors que tu n’es réveillé que depuis une heure lorsque tu ouvres la porte du night club. Alors que tu pensais rejoindre les autres pour continuer à danser avec eux, tu entends que la musique s’arrête plus tu t’en approches. Au bar, se tiennent Tabitha, maîtresse des lieux et Melody, l’une des autres employées avec laquelle tu t’entends bien.
“Hey Boss, hey Mel.” Comme d’habitude, t’es de très bonne humeur, t’as beaucoup trop d’énergie à revendre, prêt à sauter au plafond, à courir partout et à danser pendant des heures jusqu’à avoir mal aux pieds, aux jambes et au cul. “Yessss, as always. What about you?” Que tu lui demandes innocemment, sans vraiment savoir ce qui t’attends, pourtant, quelque chose t’interpelle, la gentillesse de la patronne, ça semble… Faux ? Oh merde. Merde. Merde. Merde. T’as compris qu’elle savait, mais elle sait quoi ? Tout, rien ? Son regard en dit long et alors que tu la suis, tu commences un peu à paniquer.
“I have nothing to say… I guess?” Bien sûr que si qu’il y avait des choses à dire, t’étais revenu comme une fleur après t’être fait tabasser, sans explications. Toutes ces choses pas très légales qui se passaient en dehors du club, seraient-elles revenues aux oreilles de ta patronne ? “If it’s about Ashley, I swear it was not me who started some shit this time !” T’aimais beaucoup embêter le jeune cuisinier aussi, surtout parce qu’avec son esprit renfermé dans un placard il t’énervait, mais il te faisait de bons petits plats rien que pour toi alors tu pouvais pas lui en vouloir bien longtemps. “... Ok. Maybe it was me, but he said I was a freak. He’s not wrong but… I was in a bad mood.”
Diriger le club venait avec son lot de problèmes, de joies, de succès, de frayeurs. Gérer le staff n’était pas forcément l’une de ses missions au quotidien, mais sa méthode de management, sa manière d’être au sens général, faisait de Tab quelqu’un qui aimait parler avec les gens. En l’occurrence, ses employés.
Entre les anciennes têtes, les visages familiers de ce qui semblait pourtant être une vie passée, et les nouveaux, plus ou moins affirmés, plus ou moins affûtés pour ce monde, dont l’expérience variait de quelques semaines à quelques années, Tabitha se livrait à une étrange danse. Tentant de trouver sa place, à la fois au-dessus, mais atteignable. À portée d’oreille. À portée de poing. À portée de crocs.
Melody était dans un entre-deux. Tab la connaissait depuis un moment, mais elles s’étaient connues ailleurs, dans un autre travail. Quant à Dino … sa jeunesse parlait d’elle-même. Aussi Tabitha se devait de laisser une partie d’elle au comptoir du bar, avant de récupérer ses obligations, sous la forme de quelques papiers, et d’une conversation qui pouvait se révéler délicate.
Dino est affublé d’une bonne humeur contagieuse ; que Tab déteste assombrir d’une telle manière. Surtout après le boost égocentrique de l’avoir entendu l'appeler “boss”.
L’ignorance est la première carte jouée. Tabitha se contente de basculer son poids sur une jambe, croisant les bras.
Et dans le silence, les langues finissent toujours par se délier. Elle note qu’il choisit le sujet d’Ashley en premier, que c’est donc le reste qui importe le plus. Et avant qu’elle ne puisse comprendre ce qu’il se passait, un trop plein d’infos la submergea.
Depuis les deux dernières années, le Pandora était devenu ta deuxième maison, à défaut d’avoir une famille dans la première, vivant seul et ta mère ayant pris la poudre d’escampette, tu te complaisais dans l’idée d’avoir pleins de soeurs et de frères parmi les autres employé.es du nightclub, dont la mère est bien entendue, Tabitha. Comme toutes les fratries, des mésententes arrivent très souvent, des bagarres éclatent ou des mots plus haut que d’autres sont prononcés bien souvent tout est très vite pardonné et dès le lendemain, glissé sous le tapis, oublié. Ca n’a dû que t’arriver une ou deux fois depuis le temps, adepte d’échapper aux embrouilles, tu préfères être spectateur plutôt qu’acteur dans ses cas-là, surtout lorsque ceux qui se battent sont des strip-teaseurs qui vont vingt centimètres de plus que toi et dont la carrure ressemble à s’y méprendre à celle d’un ours.
Malheureusement, depuis quelque temps, l’arrivée d’Ashley avait tout changé, le cuisinier renfermé sur lui-même mais qui s’occupait quand même de ta diet comme s’il s’inquiétait de ne pas te voir manger, te rendait dubitatif. Au départ, ne sachant pas comment l’intégrer, tu l’avais tout simplement ignoré, mais de conversations en conversations, il en était devenu un petit problème… S’il n’était pas ouvert d’esprit alors pourquoi venait-il donc travailler avec des personnes d’une communauté qu’il ne supporte pas ? Tu n’avais pas hésité à lui demander et lui rappelait souvent, lors de vos disputes, quel homme cruel il pouvait être. Loin de toi l’envie de le faire démissionner, plus de secouer le cocotier et de lui faire comprendre que tout ce qui se passe entre les murs du Pandora est normal. Après chaque altercation avec l’homme à peine plus âgé que toi, tu es toujours celui à faire le premier pas pour t’excuser de ce qu’il vient de se passer, détestant les conflits finalement.
“He just thinks I’m weird because I like dicks, saying my sexuality is weird, kind of. And my job too, he doesn't understand why I love to get undressed for money when I never asked for his opinions… He-” Tu allais continuer dans ce monologue assez énervé contre le cuistot mais la patronne te coupe d’une phrase, pour te calmer dans ton élan. Tu te calmes, respirant un bon coup, tu ne sais pas si c’est ce qu’elle désirait réellement entendre en te demandant de lui raconter ce qu’elle avait entendu d’un ou plusieurs tiers mais tu sais que souvent, lorsque tu es convoqué dans son bureau, c’est pour discuter d’une nouvelle embrouille avec Ash, bien qu’il ne s’y passe jamais rien de bien méchant.
Tu te poses des questions, bien que tu te doutes que colporter des rumeurs sur ta personne est monnaie courante par ici, tu te demandes bien qui avait pu cracher sur ta gueule, convaincu que ce n’était pas le cuisinier qui était venu pleurer dans les jupes de Tab cette fois-ci. Tu regardes autour de toi, les quelques regards croisés se détournent rapidement et puis finalement tu baisses les yeux sur ta boss de nouveau.
“I… Don’t know what you heard about me. You, tell me. What do these people say about Dino ?” Tu fronces les sourcils, perdant ton sourire habituel, n’aimant pas que l’on te tire les vers du nez de la sorte, elle savait quelque chose, elle voulait que tu le dises, mais il se passe tellement de conneries dans ta vie que tu ne savais pas par laquelle commencer.
Dans la lenteur de ce début de soirée, c’est l’ambiance qui refroidit le temps. Givre entre les côtes quand Tabitha apprend les désaccords entre ses employés. Faut dire qu’à l’intérieur, ça grince, ça craque, ça se fissure. Faut avancer à petits pas, main dans la main avec prudence. Si Tabitha est certaine de la stabilité de son entreprise, elle n’est pas à l’abri d’une fracture dissimulée. Et Dino a attiré un peu trop son attention, dernièrement. Des bribes de paroles, son nom entre deux conversations. Une fois, deux fois. D’autres font écho.
Les bribes d’informations qu’il parvient à lui offrir s’enflamment rapidement. Ses émotions prennent rapidement le dessus, et Tabitha se voit obligée de tenter de le calmer. Un peu trop vite, peut-être, avant qu’il n’ait réellement pu lui parler du plus important. Mais ce qu’elle a entendu, c’est déjà beaucoup. Les rouages de son esprit s’emballent. Pour quelqu’un qui n’avait rien à dire … il lui avait pourtant donné matière à réflexion. Mais Tabitha doutait de la gratuité de telles paroles.
Pour le moment, les bribes ne faisaient toujours pas sens. Alors elle lui demande de reprendre … mais il semble qu’elle l’ait coupé dans son élan.
Qu’elle faisait désormais face à un mur. Très bien ; elle jouerait ses cartes.
Attend une seconde, sa réaction. Hurt people hurt people. Son expérience était loin d’être unique ; partagée par une bonne partie des autres employés. Quant à l’expérience d’Ashley … ça la faisait doucement sourire.
Tu n’es plus vraiment sûr dans quel sens partait cette discussion, allait-elle te réprimander pour cette soirée en compagnie d’Ashley qui avait mal tournée ou, au contraire, allait-elle simplement essayer de t’écouter entre explications douteuses et mal rangées et tenter du mieux qu’elle peut d’améliorer votre entente ? Certes, une médiation était sans doute nécessaire entre vous deux, pour le bien de l’équipe et que la cohésion reste toujours la même entre la cuisine et la salle, mais tu n’avais jamais imaginé que de simples petites disputes puissent te mener à être convoqué par la directrice. Un peu inquiet de ta position de simple strip-teaseur, tu te demandes un instant si ton caractère, parfois trop extravagant pour certain.es de tes collègues, te coutera ta place au sein du Pandora. Pensant à tes maigres économies cachées sous ton lit, bien incapable de vivre sous un toit si tu perdais ton emploi du jour en lendemain avec le peu d’argent que tu avais en poche, les fins de mois comblées difficilement par des client.es de moins en moins généreux.ses, ton poul s’accélère.
“Are you trying to fire me ?” Autant lui demander directement, tu n’avais pas l’intention de garder tes questions pour toi-même. Besoin d’être rassuré, que ce n’est pas le cas, mais tu ne peux t’empêcher à te préparer à la supplier, à genoux s’il le faut, de ne pas te licencier. Après tout, qu’est-ce que tu pourrais bien faire si tu ne travaillais plus ici… Reprendre tes études de droit ?
“You saw us ? It was a fun date night. We were not really arguing, just exchanging opinions of same-sex love and stuff.” Minimiser la situation, parce que finalement c’était pas non plus la guerre entre vous deux, oui vous vous envoyiez des méchancetés au visage et oui, ça te faisait bien rire de fragiliser un peu la masculinité toxique de ton cher collègue. Alors même si tes propos avait pu le blesser un peu, toute cette situation, tu la prenais à la légère, peut-être un peu trop, mais c’est tout ce dont t’étais capable, impossible de dire que Ashley ait réellement mal vécu tout ça et que ça l’ait empêché de dormir la nuit.
“I’m not hurt, don’t worry about me. Words can’t touch me, only fists can.” Les premiers mots sensés de la soirée, qui te renvoient quelques semaines en arrière lors de ta stupide agression ou encore aux kinks de tes quelques clients douteux qui s’amusent et usent de leurs poings sur toi, parce qu’apparement ça les fait bander, tant qu’ils payent, tu supportes, tout. Vraiment. Jusqu’à ce que tu t’écroules. “I don’t know what to say. Ashley’s and I are still friends, I guess. We fight and we make up. I kissed him on the lips, to apologize.” Geste bien innocent de ta part, sans aucunes mauvaises intentions, sauf peut-être de le déstabiliser encore davantage. Petit sourire mesquin aux lèvres grâce au rappel de cette soirée mouvementée, drôle de vie que t’avais choisi de mener.
Il fallait qu’elle se rende à l’évidence, Tabitha ; devenir la cheffe signifiait ne plus être dans la moindre des confidences. Du moins, pas celles de Dino. Rien de mal là-dedans, mais elle n’arrivait pas à aussi bien le percevoir qu’elle le voudrait. C’était, malheureusement, également le cas avec Ashley. Aucun des deux n’était employé au Pandora quand elle y travaillait également … et à la réflexion, elle ne préférait même pas trop calculer l’âge qu’ils avaient à l’époque. Sans doute que Dino n’aurait même pas pu rentrer dans l’établissement.
Sans doute que lui non plus, ne la connaissait pas bien. Elle, le virer ? Elle se contenta d’une moue surprise. Pourtant, à une telle idée, elle était plutôt déçue, et triste. Il n’avait fait aucune faute grave - et la discussion avec Ashley avait eu lieu hors du Pandora. Certes, cela pouvait affecter le travail ici, mais elle ne pourrait le retenir contre lui.
Pour autant, elle essaie d’assimiler un maximum d’informations. De détails, pas forcément en relation avec cet incident. Elle lui avait demandé comment elle pouvait l’aider, si l’histoire était réglée. Avant de comprendre, que non, pas vraiment. Qu’il s’était délibérément joué du cuisinier, dans un dernier affront qu’elle aurait préféré plus innocent, finalement. Qui aurait pu l’être. Le rictus qu’il lui offrait racontait une autre histoire.
Si elle pensait qu’il était blessé, elle finit par réaliser son erreur. Que les fêlures étaient plus profondes, sous les apparences. Sous le maquillage, sous le sourire qui, même là, semblait pourtant accroché à son visage. Comment avait-elle fait pour ne pas le voir avant ? Les brisures qui s’écaillaient, les côtés les plus tranchants pointés vers l’intérieur ? La pointe de l’iceberg plus fine qu’une inscription en braille, et des failles dont elle ne pouvait s’imaginer le fond. La confiance infinie dans laquelle il semblait puiser son arrogance - et l’insécurité qu’il lui avait montré, quelques minutes auparavant.
Grande inspiration.
Déteste l’intuition qui attrape son ombre ; déteste penser qu’il a trop joué avec le diable. Déteste penser que même après s’être frotté au cuisinier, il y en ait eu un autre - combien d’autres, avant ? Déteste penser qu’un inconnu n’a pas aimé ses jeux, ses remarques, ses cils, et lui a arraché sa beauté.
Déteste penser qu’elle est passée à côté de ça. De ce qui se cache. De ce qu’il cache.
Déteste cette fragilité qui le rend si terriblement humain.
Ne comprenait pas pourquoi elle s’excusait d’un seul coup – Elle n’avait rien fait de mal la patronne, certes ses mots t’avaient peut-être un peu trop chamboulé, mais pas de quoi mérité qu’elle se mette en tort pour toi. Mais c’est ce qu’elle fait ; et c’est toi la victime, encore une fois… L’entendre prononcer ces mots te provoquent un certain effroi, te renvoie dix ans en arrière – Quand tu t'excusais auprès de ta mère, pour tout, pour rien ; pardon maman d’avoir fait du bruit, pardon d’avoir ramené une mauvaise note, pardon maman ; Tu m’aimes toujours, dit ?
Les yeux qui papillonnent. C’est pas le moment de montrer quoi que ce soit d’insensé. Elle venait de remuer un couteau que t’avais oublié, qu'était encore bien planté dans ton poitrail. Rappelle l’absence, les silences, les pleurs. Rappelle tout Tabitha, rien qu’avec un regard et seulement trois petits mots dévastateurs. Mais c’est pas d’elle que t’as envie d’entendre.
“Please. Stop.” Voix tremblante, qui voudrait se faire tout petit et se terrer au fond d’un trou de souris, se couvre les oreilles tout doucement et la regarde comme si t’allais faire un malaise – essoufflé comme si tu venais de courir un marathon. Mais c’est seulement celui de la vie, de la tienne partie en vrille depuis trois ans. Qu’aurait dû devenir avocat et qu’à finit pute. “You did nothing wrong to me – It’s me who’s sorry – It won’t happen again, I promise.” Phrase ponctuée de soupir plus ou moins violent dans la trachée, quand tout se mélange, que tu sais plus si t’es le gentil ou le méchant de l’histoire.
“Don’t worry...” Les mains qui se dérobent et retournent se triturer entre elles. Repense à ton absence du Pandora pendant quelques longues semaines parce que, gueule cassée oblige, allait pas se montrer devant les clients pleins d’ecchymoses. Porte encore quelques souvenirs sur les lèvres et quelques bleus sur le corps - les côtes, qu’tu montres pas. “... I took care of it.” Comme si tu lui avait rendu la monnaie de sa pièce, que tu t’étais vengé, tout ce que t’as fait c’est faire le travail du bon Dino face à son client impatient, à genoux, avec ton outil de travail le plus utilisé ; ta bouche. Qu’a rien trouvé d’autre pour se sauver que de s’offrir parce qu’avait trop peur que le géant lui fasse encore goûter ses poings… Mais mentirait si tu disais que tu ne l’avais pas voulu. Après tout, c’est toi qu’avait ouvert la fenêtre pour le laisser entrer. “Can I ask you a favor ?” Dino qu’allait demander des vacances ; qui va réclamer pour une fois. Comme si tu le méritait. “I need one little week in January…”
Difficile pour la patronne d’envelopper ses employés dans du papier bulle, papier de soir, les protéger derrière un carton et les exposer de l’autre côté d’une vitrine. Pourtant, elle aimerait ; les protéger encore plus, même si elle en fait déjà beaucoup. Leur passer une couverture sur les épaules, et leur promettre que tout ira bien, demain. Cela fonctionnait assez avec Ashton. Pas sûr que Dino ait besoin des mêmes attentions.
Alors Tabitha prend une inspiration et un peu de recul, avant d’apporter ses excuses et des éclaircissements. N’arrête pas quand il le lui demande. Au milieu de ses épines, elle se faufile, avant d’obtenir la promesse que le comportement qu’il avait eu avec le cuisinier ne se reproduirait pas.
Une petite bataille de gagnée.
Mais comme le visage d’Heesung pouvait en témoigner, ce n’était pas la seule qu’il avait eu à mener récemment. Et elle n’y va pas par quatre chemins.
Don’t worry.
Elle attend, Tabitha. Bras croisés et lèvres pincées ; elle attend mieux, comme réponse. Parce qu’elle ne peut s’empêcher de se sentir un peu coupable, pour ça. De ne pas avoir vu, ou anticipé.
Aimerait croire à ses paroles, quand il lui dit s’en être occupé. Aimerait entendre la version longue, du début, de la fin, de tout ce qu’il lui cache. Certes, elle ne peut rien y faire ; mais ce n’est pas pour autant que cette situation lui plaît. Si Tab s’est faufilée au milieu de ses épines, elle avait peur qu’insister ne l’écrase ; ne le fasse se refermer un peu plus.
Tabitha ne jouait pas. Avec un peu de chance, elle ne le perdrait pas.
Aussi ne s’attendait-elle pas à ce qu’il lui demande une faveur ; à laquelle elle répond un bref
A côté de quoi d’autre avait-elle pu passer ?
Guérit de l’extérieur, c’est comme ça que tu t’étais rendu sur ton lieu de travail, parce que les égratignures étaient toujours présentes çà et là, camouflées avec un fond de teint bas de gamme, pas vraiment à la bonne carnation. Mais c’était loin d’être pire ; si elle t’avait vu, le jour-j, elle aurait sans doute insisté pour que t'aille chez les flics ; que tu portes plainte, qu’on retrouve celui qu’a fait ça au p’tit Dino.
Tu sais qu’elle agit comme la bonne patronne qu’elle est ; mais tu ne peux pas t’empêcher non plus de penser que Tab, Queen Tab, elle est plus que ça pour toi.
Considérée comme Maman de substitution pour beaucoup, t'aurais aimé qu’elle le soit réellement pour toi. N’ayant plus aucun contact avec la véritable génitrice qui t’avait mise au monde vingt trois ans plus tôt ; c’était pas faute d’essayer, de lui envoyer des messages, de l’appeler – Dans le vide, le répondeur. T’espères toujours qu’elle pense encore à toi, qu’elle va bien, qu’elle t’enverra un petit message pour Noël, la nouvelle année et ensuite ton anniversaire au mois de mars prochain.
Tu ne le sais pas encore mais t’auras rien de tout ça ; tu passeras les fêtes seul, la saint valentin seul et ton anniversaire encore plus seul une fois rentré chez toi. C’est pas comme ça que tu vois ta vie, ponctuée de solitude ; c’est sans doute pour ça que Charlie fera son apparition dans ta vie fin janvier.
“Ouh-ouh, then if I have an Angel, I hope HE is gonna be handsome.” Plaisante-tu enfin, parce que y’a que comme ça que t’espères t’en sortir, par des phrases complètement détachée de la réalité – des phrases qui s’en font pas, parce que l’Dino il est jamais inquiet de ce qu’il se passe dans sa petite vie.
La querelle avec le cuistot ? Oubliée.
Le passage à tabac ? Même si c’était tout récent, t’y penses déjà plus.
“I’m thirsty Boss. Can I take a drink ? A soft one.” Préfère préciser, parce que tu ne bois pas sur ton lieu de travail, tu ne consommes pas de stup non plus, les règles sont les règles et tu respectes trop ‘maman’ pour l’humilier si l’on devait te retrouver complètement déchirer dans les chiottes.
“Just wanted to ask you first, to let you know that I’m going on vacation at a mountain resort.” Le voyage proposé par la ville était attractif, les prix aussi, n’ayant jamais vu la neige de tes propres yeux et ayant encore quelques économies cachées sous le matelas, t’as sauté sur l’occasion. T’évitera de lui dire que tu comptes inviter ‘l’autre’ - le monstre, le géant, l’inexplicable attraction du moment.
“I promise I’ll take care of myself.” Répété comme un perroquet ; mais est-ce que tu tiens réellement tes promesses, Dino ? Compliqué de le savoir, t’en fais pas beaucoup. “No. No. I’m ok, I’m fine… A hug, maybe ?” Sourire farceur et malicieux aux lèvres, accompagnant la demande.
C’est sans doute trop. C’est sans doute déplacé. Ce n’est pas vraiment le genre de commentaire qu’un patron devrait se permettre face à un employé - mais dans cette industrie, dans ce secteur, tout est un peu … unorthodoxe. Les âmes se dévoilent en même temps que les corps, les intentions dilués dans les faux semblants et l’alcool. Les paillettes s’accrochent aux peaux en sueur, le visage d’Hamilton dans chaque paume, chaque poche, chaque ficelle, chaque pensée. L’argent, le nerf de la guerre et de la paix, et les petits billets comme autant de soldats prêts à se sacrifier à l’autel du plaisir.
Pourtant, les ravages sur le visage de Dino n’ont rien de plaisant. Des coups qui ont fini par le mettre KO plusieurs jours, il n’a pas besoin de le dire pour qu’elle puisse le voir, entendre les rumeurs. Dino remue ses entrailles, remue la peur, viscérale. Celle qui ne les quitte jamais tout à fait.
Un autre jour.
Pourvu qu’il n’en ait plus besoin.
Sourire qui s’élargit, tout comme ses bras, face à son ultime demande. Reçoit l’homme contre sa petite figure, se promet de ne pas le lâcher tant que lui ne le fait pas. Murmure contre ses cheveux.