Retiens les rêves ft. Ciara Holloway
Julian s’était assuré de choisir la chemise la plus élégante de son dressing pour ce soir. Celle en lin qu’il n’avait jamais tâché de peintures ni de cafés et qu’il réservait exclusivement pour les occasions spéciales; en partie parce qu’elle lui avait coûté bonbon. Son premier cadeau à lui-même - en plus d’une panoplie de nouveaux matériels à dessin - acheté avec son premier salaire à Oceanside.
Sa garde-robe n’était plus aussi grande qu’elle l’était fut un temps, mais lorsque Ciara l’avait prévenue d’une nouvelle exposition dans sa galerie, le jeune homme avait tenu à soigner sa tenue, sa manière à lui d’honorer le travail merveilleux de son amie.
Et il ne fut pas déçu en arrivant finalement sur les lieux. L'exposition était un un régal pour les petits comme grands amateurs d’art et Julian était comme hypnotisé par les œuvres mises en valeur. Une bulle de fierté et d'admiration gonfla en lui pour son amie, qui comme d’habitude avait organisé comme une cheffe l’événement et, se laissant naviguer parmi la foule à travers les allées, il se promit de féliciter chaleureusement Ciara dès qu’il verrait.
Fasciné, Julian prit plaisir à observer minutieusement les tableaux exposés, se laissant assaillir par les couleurs, les formes et les textures qui donnaient vie aux histoires qu’ils essayaient de raconter. Être un peintre technique était une chose mais être maître dans l’art d’insuffler une âme aux œuvres qu’on réalise était un tout autre défis. Un domaine dans lequel Julian avait encore l’impression de ne pas tout à fait exceller.
Ses œuvres à lui étaient chargées d’émotions brouillonnes qu’il n’aimait pas et n’avait surtout pas enviede démêler pour le moment. Etats-d’âmes qui l’habitaient, mais qu’il éludait chaque jour un peu plus dans l’espoir vain que la mélancolie qui pesait sur sa poitrine disparaisse. Julian était brut dans son travail, et ne mettait jamais assez d’ordres parmi ces idées et si exercer sa passion au feeling était la méthode qui lui correspondait le mieux, le jeune homme se retrouvait parfois à vouloir être plus intentionnel dans ses choix et ses gestes.
Continuant son chemin vers l’avant-dernière salle d’exposition de la galerie, Julian aperçue au loin le visage familier de Ciara, qu’il salua rapidement d’un geste de la main accompagné d’un sourire complice.
Seulement en essayant de la rejoindre, il fut coincé par le monde ambiant qui le pressa à sa gauche, du côté opposé à la jeune femme. Tournant ainsi la tête vers l’objet de leur attention si vif, le cœur de Julian loupa un battement.
Devant lui s’étendait une toile aux coups de pinceaux au combien familier ! Nuances de bleu noyées dans des rayons orangés d’un soleil perçant parmi les nuages et qui se reflétaient dans les silhouettes de deux petits garçons s’amusant dans les vagues. Aquarelle immortalisant avec douceur l’un de ses souvenirs trésors.
“Un été fougueux de Juin 2004” lus-t-il sur la plaque descriptive avec amusement. C’était le nom qu’il avait rapidement donné à la toile avec tendresse avant de le ranger derrière une bâche parce que le regarder avait été aussi doux-amers que de le réaliser.
Aussi tôt le voilà qui se frayait un chemin vers Ciara, aussi ahurie qu’émotif.
“Pour une surprise, tu n’y est pas allé de main morte !” Lui dit-il une fois à ses côté, les yeux vitreux. “Une vraie faiseuse de miracle ! ”
Aussi ahurie qu’émotif il ne pouvait s’empêcher de regarder tour à tour Ciara et le tableau, comme si ce qu’il voyait n’était qu’une illusion.
Pourtant, et malgré l’étonnement qui le parcourait, il ne pouvait que croire à l’évidence du cadeau précieux que venait de lui faire la jeune femme.
Elle avait exposé l’un de ses tableaux.