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LIBRE - now you see me
En jour de repos, Fawn s'était décidé à sortir pour aller à la librairie. Il voulait voir les livres de cuisine. Nouvelle année, nouvelles recettes ! Il s'y était ainsi rendu tout tranquillement et s'était garé à côté. Plus tard, il prévoyait de prendre un café quelque part pour admirer ses achats ensuite. Il n'y a pas à dire, Fawn était peut-être un artiste doté d'un esprit aventurier, il n'y avait rien de tel que l'odeur d'un livre neuf. Enfin, à part l'odeur d'un bon petit plat en train de mijoter. Au rayon cuisine, il observa longuement la tranche des livres, en prenant parfois un pour le reposer. Ce fut au bout de l'allée qu'il parvint à trouver une oeuvre intéressante. Il en feuilleta les pages jusqu'à tomber sur une recette qui lui parut un peu compliqué. Ainsi, il releva son regard pour réfléchir à l'endroit où il pourrait trouver les ingrédients frais mais ses yeux furent attirés par quelqu'un dans la boutique. Une personne qui lui rappela un personnage qu'il avait créé pour un webtoon. Sans vraiment en avoir conscience, son regard suivait les mouvements de la personne, comme s'il l'observait de manière insistante. Sauf que ça n'était pas réellement le cas... Est-ce que la personne le prendra mal si elle s'en rend compte ? Reste à espérer que Fawn sorte de ses pensées plus rapidement.
Rengaine annuelle, rituel qui lui permettait au moins de dire qu’elle avait visité une librairie il y a moins d’un an. Pas pour autant qu’elle ouvrait beaucoup de bouquins, Sage, sans doute pas un seul depuis la fin du lycée. Elle en avait écouté quelques-uns sous forme d’audiobook … et c’était à peu près tout. Plus les années passaient, et plus elle s’étonnait de trouver les librairies remplies. Enfin, elle venait à chaque fois lorsqu’un auteur était en séance de dédicace, pour offrir le cadeau annuel de son père. Polar, évidemment. Sans doute que le reste du temps, ces endroits étaient vides de toute âme. Espace liminal dans lequel elle ne s’attarde jamais.
N’a même pas pris le temps de lire le résumé sur la quatrième de couverture en entier. Une simple citation, d’un autre auteur inconnu au bataillon, qui recommande la lecture. Mais ce n’était pas le seul livre qu’elle devait acheter aujourd’hui - et les difficultés commençaient.
Ombre dans le rayon cuisine. Les couvertures colorées, lisses, brillantes, lui renverraient presque son image - le contraste flagrant, grinçant. Sage, enfant de la dépression, drapée de la nuit. Le masque noir qui recouvre la moitié de son visage ne met en valeur que ses cernes violacées et l’eyeliner graphique qui perle contre ses paupières. Chemise, t-shirt, pantalon, bottes ; uniforme monochrome, croulant sous les poches qui lui permettraient sans doute de voler cinq ou six de ces livres de poches si elle en avait envie.
Aucun ne la tentait.
Mais elle ne pouvait pas revenir sans. C’était le coach qui lui avait demandé. La cuisine pour les nuls, c’était déjà admettre la défaite. Hors de question d’admettre la défaite. Titre après titre, Sage s’ennuie, tend parfois les doigts vers l’un des recueils, avant de se raviser. Non, non, non. Rien de fun, rien qui la pousserait à se rendre dans la cuisine pour se servir autre chose qu’un paquet de chips. Qu’est-ce qui pourrait l’animer, l'inciter, la motiver ?
”Douze plats à réaliser avec un couteau papillon.” “Grillades par taser.” “Les meilleures viandes pour accompagner votre spray au poivre.” “Cran d’arrêt : dix recettes inratables.”
Fallait dire qu’elle avait rarement faim au point de se motiver à faire à manger. Sauf, parfois, la nuit, quand …
Peut-être que c’était ça, la solution. Soudainement bien plus inspirée, ses prunelles cherchèrent avec attention la moindre mention de munchies parmi les titres … jusqu’à arriver au bout du rayon, presque contre la silhouette d’un mec. Qui, après une seconde de réflexion, ne semblait pas avoir bougé depuis un moment. Sauf qu’il la regardait elle, et pas le rayon.
Elle finit par le contourner, pour étudier les derniers titres du rayon. A première vue, il n’y avait pas ce qu’elle recherchait … Mais le type était toujours dans les parages.
Fawn ne semblait plus avoir conscience de l'endroit où il se trouvait, des gens autour de lui. Son esprit avait été happé par une pensée qui ne voulait plus le lâcher. Elle détenait même le libre arbitre de ses globes oculaires qui se mirent à suivre la personne qu'il fixait sans s'en rendre compte. La voix qu'il entendit lui apparut lointaine mais il comprit le sens de la phrase qu'elle prononça. Il prit un moment pour reconquérir sa conscience et afficher un sourire tout en secouant la tête. « Oh. Non. C'est ma faute, j'étais... J'ai songé à quelque chose et je me suis perdu. » Son aveu lui fit rougir les joues tandis qu'il cherchait à camoufler sa gêne en passant sa main sur sa nuque. Cela lui arrivait souvent, de rêver éveillé. Trop souvent quand il était seul, parfois quand il se trouvait dans un groupe d'ami ou en famille, lorsqu'un silence s'imposait. Cela le menait quelques fois à des idées qu'il couchait sur sa tablette graphique, donnant ainsi lieu à des histoires dont on ne pouvait soupçonner le potentiel. Toutefois, c'était sur un personnage déjà existant qu'il s'était perdu. Il n'avancerait peut-être pas en restant sur ce chemin-là. Alors, il reprit son feuilletage. Il restait tout de même déconcentré, les songes n'ayant désormais plus envie de chercher des recettes. D'ailleurs, le destin l'encouragea à laisser tomber ses recherches quand la fille revint vers lui. Des munchies. Parlait-elle de chips ? Fawn l'observa, perturbé par sa demande. Ses lèvres entrouvertes, il tourna son regard vers les livres avant de revenir à elle. « Euh, mh... Non, ça ne me dit rien. J'ai pourtant parcouru presque toutes les étagères. Et je ne connais pas de recette avec les munchies mais... » Son doigt posé sur son menton, il réfléchit quelques instants. Puis, éclairé d'une idée, il remonta les yeux sur son visage. « Peut-être qu'il est temps d'innover. Pourquoi ne pas faire des palets de pommes de terre frits aux munchies ? Vous écrasez les chips, assez pour en obtenir des petits morceaux, pas trop pour éviter d'en faire de la poudre et vous le mélangez à la purée, puis vous faites frire le tout. » Il sourit davantage, le doigt levé vers le ciel comme un professeur qui apprenait quelque chose de nouveau à son élève.
Peut-être que les instructions qu’elle avait reçues ne seraient pas si impossible que ça. Trouver l’inspiration, pour la cuisine. Trouver l’inspiration, parmi les livres. Le coach avait quand même eu de grands espoirs pour elle - et elle faisait de son mieux … vraiment.
L’élan d’inspiration qui la traverse l’amène à chercher un livre de recettes … particulier. Le meilleur du pire. Un livre sur ses fringales passagères, oui - de loin le meilleur choix pour épater le coach et ses recettes healthy. L’idée ferait un malheur, le bouquin finirait sans doute par être confisqué. Mais elle n’y pouvait rien, Sage, si la laitue ne l’inspirait pas.
Elle manque de rentrer dans le gars qui est planté dans le même rayon qu’elle - ils en feraient de belles laitues, là, dans le rayon. Lui demande si c’est sa musique le souci, qui attirait son regard comme ça ; avant qu’il ne lui réponde qu’il s’était perdu dans ses propres pensées. Oh, comme elle pouvait le comprendre. Pas qu’elle était particulièrement inspirée, ici, mais elle pouvait facilement s’imaginer s’échapper de ce rayon.
Rien sur les munchies par ici non plus.
Au moins elle peut se permettre de se balancer doucement au rythme de la musique, mais ça ne l’aide pas à trouver le livre de recettes magique. Hum, c’était peut-être là sa solution. Quitte à ne rien trouver par elle-même, elle se permet de demander de l’aide.
Il lui suffit d’observer son visage pour comprendre qu’elle avait fait une erreur - et que le pauvre type n’avait aucune idée de ce dont elle parlait. Pourtant, au lieu de lui éviter tout embarras, elle l’observa silencieusement, n’ayant pas à cacher son amusement puisque son sourire était dissimulé sous son masque. Appréciant le fait qu’il voulait aider quand même, plutôt que de simplement lui avoir dit “non” ou haussé les épaules.
En l’écoutant, il était aisé de deviner qu’il était quand même calé en cuisine, même s’il n’y connaissait rien en munchies. Des palets de pomme de terre frits ? Donc, des grosses frites ? Ouais, c’était ça l’idée. Il était fort, très fort. A trois heures du matin, elle aurait sans doute pas envie de faire cuire des pommes de terre, mais même là, il lui donnait presque faim.
Intellectual smart, not street smart.
Mais s’il était majeur, alors … La Californie était une terre de rêves et de promesses.
L'idée là était d'innover. Ce n'était pas commun, une recette avec des munchies. Il lui avait semblé qu'il s'agissait de chips, mais peut-être se trompait-il. En tout cas, lorsqu'il donnait sa recette de palets de pommes de terre frits, il prenait seulement en compte ce qu'il savait. Et il en parlait avec passion, il était difficile de l'arrêter quand il commençait. Elle avait donc de la chance qu'il ait attendu quelques secondes sa réponse, histoire d'être certain de la nature de la demande. Etait-ce vraiment des chips ? Elle se mit à lui parler de drogue après lui avoir rapidement demandé son âge. « J'ai vingt-deux ans, » avait-il répondu pour la rassurer. Mais maintenant, il n'était plus certain de l'ingrédient. Fawn prit quelques secondes supplémentaires pour y réfléchir. Puis, il décida de garder ce qu'il pensait savoir sur les munchies : il s'agissait de chips, pour lui. « Je vois. Je ne pense pas qu'il y ait un tel rayon dans cette librairie... » Ni dans aucune autre, d'ailleurs. « Eh bien, si l'idée est toujours d'innover, il faut alors repenser à l'ingrédient lui-même. Que peut-on faire avec ? » Il sourit malicieusement avant de reprendre. « S'ils peuvent faire croustiller une purée frite, alors ils pourraient aussi le faire avec d'autres plats. Vous savez vous faire des hot dogs ? C'est une recette simple, il n'y a qu'à cuire la saucisse, réchauffer le pain et y fourrer tout ce que l'on souhaite. Y compris des sauces bien grasses. Et quand on y pense, les munchies - si ce sont bien des chips - peuvent parfaitement faire office d'oignons frits en topping. Ou alors en guise d'accompagnement. Ou encore, vous pourriez les écraser et les mélanger à votre sauce préférée ? Ah, tant de choses à expérimenter... » Derechef, Fawn se perdit dans l'immensité du palais des songes qui s'étendait dans son esprit sans sembler posséder de limite. Heureusement pour son interlocutrice, il revint rapidement à lui en secouant doucement la tête, arborant un sourire légèrement gêné. « Je suis désolé. Je ne voulais pas paraître comme un monsieur-je-sais-tout, C'est seulement que le sujet de la cuisine me passionne beaucoup. Je dois vous bassiner. » Il baissa la tête en guise d'excuse et s'apprêta à retourner à son feuilletage pour la laisser tranquille. Après tout, elle n'avait fait que lui poser une seule petite question et il l'avait noyé d'informations.
La conversation prenait un drôle de tournant. Il semblait en connaître un rayon, le type à ses côtés, en termes de cuisine. Et pourtant, une certaine catégorie de nourriture - ou d’ingrédient, plutôt - semblait manquer à ses connaissances. Peut-être était-ce dû à son âge … aussi, avant de trop lui en parler, Sage préféra s’assurer ne pas converser avec quelqu’un de trop jeune.
Vingt-deux ; donc c’était légal pour lui de consommer. A la lueur de cette révélation, Sage s’épancha un peu plus sur le sujet. Et s’étonne quand il lui dit qu’il n’y aurait probablement pas de livres sur le sujet.
Elle n’y connaissait peut-être pas grand-chose en livres et en librairies, mais dans un endroit qui s'appelait le cactus bookstore, et qui avait un rayon dédié à des plantes qui font mal, elle serait quand même surprise de ne pas voir un seul truc sur les plantes qui font du bien.
Et puis, ils étaient en Californie. Au pire, elle attendrait avril, et le 420. Là, les rayons devraient être achalandés convenablement.
Mais son vis-à-vis s’était remis à parler, lui parlant d’innovation et de pommes de terre. Par politesse, Sage l’écouta, se demandant bien comment faire le quart des choses dont il lui parlait. Faire des hot dogs ? Ouais, non, enfin, le concept n'était pas bien compliqué, et elle avait vu son beau-père en faire … mais comme cuisiner ne lui avait quasiment jamais traversé l’esprit en vingt-cinq ans, faire des hot-dogs était un concept inédit. Il pourrait presque la convaincre d’essayer - à l’entendre, c’est facile.
Bon, il s’acharne un peu à penser que les munchies sont exclusivement des chips, mais elle ne pouvait pas lui en vouloir. Quand on ne connaît pas un sujet, on a tendance à se raccrocher à ce que l’on connaît, justement. Il fallait, parfois, accepter de ne pas tout savoir, et recevoir ces connaissances. Sage, avec la cuisine. Incapable de distinguer une mousse d’une crème, et pourtant capable de reconnaître une bonne dizaine de couteaux différents.
N’empêche, bouffer des chips avec des hot dogs faits maison, devant un match, ça pourrait bien la tenter.
Du coin de l'œil, observe un vendeur du magasin passer dans l’allée derrière le gars. Alors la blonde le contourne, pour mieux interpeller le libraire.
Sage n’était simplement pas au bon endroit. Rayon bien-être et développement personnel. Derrière son masque, elle arbore un large sourire - elle avait raison, après tout. A la recherche de ses précieux elle part, enfouissant le livre qu’elle tenait déjà dans l’une des poches de son pantalon.
Une fois dans le bon rayon, ses prunelles repèrent ce qu’elle cherchait en quelques secondes. Quelques livres sous un écriteau explicite - l’enthousiasme qui lui vient enfin. Si elle s’était décidée en premier lieu de prendre uniquement un livre de recette pour ses fringales, elle remarque aussi les couvertures permettant de cuisiner avec le THC … et si cela ne lui avait pas forcément traversé l’esprit avant, elle ne peut s’empêcher de s’emparer d’un exemplaire. Ne serait-ce que pour tourmenter le coach à cette idée.
Finalement, elle rebrousse chemin jusqu’au rayon cuisine, et retrouve, sans grande surprise, le garçon qui n’avait pas bougé de là.
Il est vrai que Fawn manquait d'informations sur ce sujet-là. Il n'a jamais eu de fréquentations de ce genre, finalement. Aucune occasion ne s'était présentée à lui afin de goûter à ce genre de choses. Et puis, ça aurait été bien difficile d'expliquer son état à sa famille super croyante. Déjà que ses frères étaient sur son dos pour une simple photo un peu sexy sur son instagram, alors il ne voulait même pas imaginer leur réaction s'il leur disait qu'il avait essayé la drogue. Son homosexualité avait été dure à accepter pour sa famille, il ne pensait pas en rajouter une couche. De toute façon, Fawn était un garçon sage. Assez pour ne pas savoir que munchies, ça voulait forcément dire drogue.
Après lui avoir présenté ses excuses, Fawn la laissa le contourner. Le vendeur lui indiquerait bien mieux que lui ce qu'elle cherchait. Il était donc retourné à ses occupations. Pourquoi était-il venu, déjà ? Ah, oui, il voulait chercher un livre de recettes pour démarrer l'année sur de nouvelles bases. Chaque année, il venait ici pour en trouver et il avait une étagère remplie de livres de cuisine, tous ayant une année bien précise. Mais pour l'instant, il ne trouvait pas son bonheur. Il n'y avait pas grand chose de nouveau qui le bottait particulièrement. Des revisites, encore des revisites. Alors qu'il soupira en reposant le dernier livre, résigné à quitter cet endroit sans rien acheter, voilà que son interlocutrice revint en lui tendant un bouquin. Un sourcil haussé, Fawn le prit et observa la couverture. « Oh... » Il remarqua les feuilles de canabis qui ornaient la couverture ainsi que le titre assez explicite. « Oh ! Alors c'est ça, les munchies. » Il sourit aimablement. Mais en réalité, il se sentait bête. Il avait bien compris qu'il s'agissait de drogue lorsqu'elle lui avait dit que les munchies, c'était les envies de gras quand on est défoncé. Mais ce qu'il avait vraiment compris, c'était que quand on est défoncé, on a faim et envie de gras. Il ne s'était pas imaginé qu'en réalité, elle voulait cuisiner la drogue. « Ah, je me sens bête, maintenant. » Fawn passa sa main dans sa nuque pour la masser en riant doucement. « Non, je ne suis pas cuisinier. Mais... Pour être honnête, ce serait très mal vu dans mon entourage si je m'y essayais. Et puis, ce n'est pas quelque chose qui m'intéresse. » Son sourire devint crispé de gêne avant de se rendre compte qu'elle lui avait offert l'ouvrage. Alors, il se rattrapa. « Ah ! Mais je vais l'étudier quand même et peut-être que je trouverais des recettes plus simples ou innovantes, si jamais on se recroise. Merci beaucoup pour ce cadeau. » Il se pencha pour la remercier, comme il avait été éduqué. Et enfin, il décida de se présenter. « Je m'appelle Fawn Reed. »
Ce n’est pas un cadeau. Ce n’est même pas une bonne intention.
Juste Sage, qui tente d’avoir le dernier mot, quelque part. Un peu bornée, un peu marteau ; vouloir gagner alors qu’il n’y a pas de bataille, encore moins de conflit. Pourtant, elle s’était emparée d’un livre supplémentaire, avec la ferme intention de le donner au gars du rayon cuisine. Ravie d’avoir trouvé ce qu’elle cherchait, malgré les suspicions du garçon. Ravie d’avoir trouvé quelque chose d’un peu inspirant, malgré les futures protestations du coach, qu’elle pouvait déjà entendre.
Et c’est trop gras et c’est pas sain et y’a pas de légumes et c’est que de la friture. Et ça, ce n’était que le livre sur les munchies. Sage doutait qu’elle soit autorisée à exécuter la moindre recette du second livre.
Fawn, c’était curieux aussi. Le genre de curiosité qu’elle appréciait - qu’elle collectionnait.
Fawn en savait désormais un peu plus sur ces fameux munchies. Tout savoir était bon à prendre de son avis, alors il signifia qu'il gardera le livre pour le bouquiner. Et il croyait en ses paroles, il était convaincu qu'il pourrait trouver des recettes qu'on ne trouve nulle part ailleurs que là-dedans. Il fut tout de même rassuré qu'il n'y ait aucune drogue dans l'exemplaire qu'elle lui avait offert. Il eut alors un sourire reconnaissant puis son regard se dirigea vers le rayon bien-être. Aucune chance qu'il aille y faire un tour un jour, en tout cas, pas pour ce genre de recherche.
Elle sembla se méprendre sur ses paroles. Fawn eut un rire léger, un peu gêné. « Ah, non, ce n'est pas... Ce n'est pas la cuisine qui est mal vue, bien au contraire. Dans la famille, on cuisine tous un peu. Mais... Comme ils sont très croyants, la drogue est un sujet dont il ne faut pas parler, sous peine d'avoir droit à un sermon de la majorité familiale. » Il avait pris soin de ne pas se mettre dans le lot. La religion, ça faisait bien longtemps qu'il n'y croyait plus. Et dès qu'il y pensait, le visage de Faye apparaissait dans son esprit, chose qui lui tordait bien trop souvent l'estomac.
« Oh, non. J'espère que tu plaisantes. Je ne vais pas reposer un cadeau, aussi enrichissant qui plus est. » Après s'être présenté, Fawn avait jugé qu'il était bon de la tutoyer. De toute façon, elle le faisait déjà depuis le début mais Fawn, trop respectueux d'autrui, préférait le faire après être certain que cela ne soit pas perçu comme un manque de respect. « Enchanté Sage, » dit-il avec un sourire bienveillant. Un regard sur le livre qu'elle venait de lui offrir, une certaine satisfaction lui emplit le coeur. Il comptait partir sans rien dans les mains mais voilà qu'une parfaite inconnue venait de lui offrir de quoi s'occuper l'esprit. Les yeux relevés sur son visage, il réfléchit quelques instants. « Eh bien... Je suis auteur. De Webtoons. Je dessine sur mon ordinateur mais je le fais aussi sur des formats plus traditionnels. Mais... Enfin, je vends aussi des crèmes glacées au Thrifty Ice Cream. » Ce n'était pas un job des plus gratifiants mais il pouvait payer son loyer avec ça. « Tu sais, si tu y passes quand j'y suis, une glace te sera offerte. Aucun refus ne sera toléré ! » Son sourire devint complice, tout autant que son regard.
Un poids s’était enlevé de sa poitrine. Rassurée, peut-être. D’avoir enfin complété la demande du coach - même s’il ne s’attendait sans doute pas à cela. Mais - elle devait l’avouer - être sortie de la villa, et s’être présentée ici l’avait aidé, aujourd’hui. Sage était moins … nerveuse, qu’à son arrivée.
Néanmoins, elle s'écorche sur son malentendu, dérape contre ses explications, se morfond en excuses.
Il l’amuse quand même un peu ; à ne pas vouloir reposer le livre malgré ce qu’il venait de dire sur sa famille. Penche la tête un peu sur le côté quand il répète son prénom. Le cœur qui balance entre l’effroi et le ravissement - tant pis, les regrets pour plus tard. De toute manière, il avait quand même fini par piquer sa curiosité, et elle se laissa une dernière question pour assouvir sa curiosité, avant de le laisser tranquille. En l'occurrence - s’il ne cuisinait pas, que faisait-il (à part gâcher un probable talent ?) ?
Elle espérait ne pas le mettre trop dans l’embarras ; mais il n'était probablement qu’un étudiant. C’est juste qu’elle n’y pensait pas vraiment, parce qu’elle avait lâché les études après le lycée. Il lui répond finalement être dessinateur - ce qu’elle n’aurait sans doute jamais imaginé - et bosser dans une chaîne de crèmes glacées. Sans doute un taff alimentaire, qu’elle peut aisément imaginer.
Se serait éventuellement retrouvée à faire de même si elle n’avait pas eu la chance de pouvoir intégrer une équipe pro. Ses yeux s’arrondissent finalement à ses dernières paroles, piquant son intérêt.
Ombre mouvante encombrée de trois livres, qui disparaissent au fond de ses poches quand elle quitte enfin la librairie, ses nouveaux biens payés. Pour mieux retrouver sa routine et ses nuages noirs, c’est la fin de la récréation - il est grand temps de retrouver clavier souris concentration routine scores et équipe. Valorant pour seule valeur.
- ps:
- je crois que c'est tout pour moi
