every rule, every word
A vouloir en faire qu'à sa tête, à souvent écouter son égo plutôt que sa tête, il finit un jour par arriver des petites mésaventures. C'est l'une d'elle qui oblige en quelque sorte Onyx à se rendre à un rendez-vous avec un avocat. Non, qu'il risque la prison, disons plutôt que c'est une amende qu'il va devoir payer, et vu ses faibles moyens, ce n'est pas gagné. Sauf s'il se décide à arrêter d'acheter de la malbouffe, et qu'il commence à cuisiner. Pas forcément cinq fruits et légumes par jour, mais des plats qui lui reviendront moins cher. Autant dire qu'à l'heure actuelle, c'est un peu mission impossible pour lui. Il ne se voit pas, et surtout il n'a pas envie de changer de style de vie. Ce dernier lui convient depuis de nombreuses années à présent. C'est peut être à cause de cela qu'il est toujours célibataire, avec sa poupée vaudou comme le dirait si bien la petite racaille de Kinaï. Il vaut mieux ne pas penser à elle pour le moment, la contrariété le gagnerait et il serait une nouvelle fois à agir sans écouter la raison. Bref, le vieux pick up se gare devant le bâtiment où il doit rencontrer cet avocat. Il n'a pas voulu savoir le nom. Encore moins si c'est un homme ou une femme. Cela ne changera rien à ses yeux. La personne sera là bénévolement pour lui donner de vrais conseils ou bien juste pour faire sa petite B-A du moi car son patron l'y oblige. A force de regarder des films, il sait ce que c'est, puis souvent les concernés se prêtent au jeu en traînant les pieds, pour plus vite repartir sur des affaires juteuses. Il descend du véhicule, mais oublie sa veste posée sur le siège passager. Vieux jean élimé, et simple tee-shirt ne couvrant pas ses nombreux tatouages. Tant pis, il est au naturel, il faudra faire avec. Porte du bâtiment franchi, il se présente à l'accueil où il indique à la personne son nom et qu'il a rendez-vous pour quelques conseils. Enfin, il omet de préciser que ce n'est pas de sa propre volonté et qu'on l'oblige un peu, cela ne la regarde pas. La personne se lève pour l'accompagner jusqu'à une porte qu'elle ouvre. Elle l'invite à entrer dans la pièce, en lui indiquant que l'avocat arrivera sous peu, qu'il a été prévenu de son arrivée. Il n'est plus temps de reculer et de repartir, c'est ce qu'il se dit en entrant dans la pièce et en allant s'installer sur l'un des fauteuils. Il étire les jambes devant lui, se mettant à l'aise, un peu comme s'il est chez lui. Monde étranger, monde qui n'est pas le sien, fait de cambouis, de bruits de moteurs, de rigolades. Il se doute qu'ici tout doit être sérieux, et bien trop droit. Il imagine déjà un avocat portant un costume équivalent à plusieurs mois de son salaire de mécanicien. Ou bien une avocate avec un tailleur lui donnant un air beaucoup trop stricte. Pitié, pas de lunettes, ça ferait presque cliché. Il aimerait voir débarquer quelqu'un vêtu d'un jean et d'un tee-shirt, tout comme lui. Il aimerait mais il se doute que ce ne sera probablement possible que dans une réalité parallèle à laquelle il n'appartient pas et à laquelle il n'appartiendra jamais.
C’était un temps qu’elle se dégageait loin de son bureau une fois par mois. Pendant quelques heures, elle offrait ses conseils et ses services pro bono. Ça lui tenait à cœur. Parce qu’elle avait bien conscience que tout le monde n’avait pas accès aux mêmes ressources et que tout le monde n’était certainement pas égaux quand il était question de justice ou de faire valoir ses intérêts. Bien souvent, les plus fortunés étaient les mieux représentés. Les autres devant se contenter au mieux d’avocats commis d’office, pas toujours très qualifiés ni même appliqués dans leur travail. Alors, même si elle sait qu’elle ne pourra pas changer le cours des choses pour tout le monde, elle tente d’apporter sa pierre à l’édifice en prodiguant quelques conseils ou en répondant à des questions sur des sujets de droit divers et variés. Cela lui permettait également de dépoussiérer régulièrement ce qu’elle avait appris à l’université et la forçait à se tenir à la page des diverses évolutions législatives qui pouvaient être pertinentes. Ces séances de conseils bénévoles étaient organisées en lien avec une association de la ville qui mettait également à disposition des locaux permettant de conserver le secret professionnel. Ce qui se disait entre elle et les gens à qui elle venait en aide ne sortait pas de ses murs et personne d’autre n’avait accès au contenu des échanges. Elle ne savait en général rien de la personne qu’elle allait rencontrer avant l’heure du rendez-vous et ne savait pas non plus pour quel type de question, ses services étaient demandés. Aujourd’hui n’échappait pas à la règle. Elle avait un rendez-vous à l’heure habituelle sans pour autant savoir de quoi il s’agissait. Quand elle arrive dans le hall du bâtiment et se dirige vers l’accueil, la jeune femme l’indique que l’homme qu’elle va rencontrer aujourd’hui est déjà là et l’attend dans le bureau qu’elle occupe quand elle vient ici. Elle se dirige donc dans le couloir qui la mène jusqu’au bureau qu’elle a déjà occupé des dizaines de fois, pose la main sur la poignée, puis ouvre la porte pour rentrer. L’homme est de dos et elle prend donc la parole pour indiquer sa présence, alors que ses talons claquent sur le sol. “Bonjour, je suis Delilah …” Elle s’arrête net dans sa phrase quand elle se retrouve en face de l’homme. La main tendue pour le saluer. La fin à peine audible. “...Birkin.” Le visage est familier. C’est le regard qui l'interpelle et elle lève un sourcil interrogateur à l’attention de l’homme assis en face. S’il s’agit bien de l’homme auquel elle pense, c’est la première fois qu’elle le revoit depuis plus de quinze ans. Aussi, les années ayant fait leur travail, elle ne s’aventure pas, préférant si elle lui semble toute aussi familière avant de poser quelconque question.
Le bureau est mis à disposition par la ville, ceci il le sait. Il n’en demeure pas moins que l’avocat qui va se présenter vient réellement d’un autre monde que le sien. Ce n’est pas tant le contenu de la pièce qui l’interpelle quand ses opales jettent un œil autour de lui. C’est davantage la taille de la pièce. Quasiment la même, voire un peu plus grande que sa chambre. Et encore, il possède cette chambre uniquement car il est en colocation dans une grande maison. S’il doit payer un appartement, ça serait un taudis. C’est une certitude. Aucune trace d’effet personnel que ça soit sur le bureau, ou bien sur les quelques meubles autour. Pas d’indice sur la personne qui va se présenter. Sans doute, que cela change en fonction des jours, des semaines, et des mois, pour offrir à chaque avocat grassement payé l’opportunité de faire sa bonne action de l’année, dont il pourra se vanter à un fameux dîner avec des gens aisés. A ces pensées, un léger grognement franchit les lèvres du brun. Il déteste ce monde de paillettes et d’apparence. Un avocat en jean et tee-shirt, c’est tout ce qu’il demande, par pitié. Sauf que, lorsque la porte s’ouvre et qu’il entend le bruit de talons, son espoir s’évapore par le battant ouvert. Des talons, ça ne va pas avec une tenue décontractée, à moins de se moquer éperdument de son apparence. Et il doute que l’avocate, puisque c’est une femme, ne s’en préoccupe pas. Il réprime un profond soupir alors qu’il commence à franchir ses lèvres. C’est parti pour un rendez-vous ennuyeux. Le mécanicien ne prend pas la peine de se lever, encore moins de se redresser. Qu’importe la première impression, il ne compte pas faire sa vie avec cette femme. D’ailleurs, elle prend la parole pour le saluer et se présenter en s’approchant de lui. A la mention du prénom, il tique à peine. C’est un prénom qu’il entend peu mais qu’il connaît. Main tendue vers lui, son visage se relève pour regarder la femme qui se tient face à lui. Quand le nom de famille sort, c’est une certitude. - Bordel de merde… lâche-t-il sans même s’en rendre compte. Cela était prévisible que son karma s’acharne sur lui. Maudite poupée vaudou de la racaille. Elle lui en fait baver, il va devoir la stopper en l’envoyant dans le premier container en partance pour l’autre bout du monde. Avec un aller simple, sans retour. Delilah Birkin. Son avocate du jour. Accessoirement sa petite amie du lycée. Et bien, la demoiselle a mieux tourné que lui, mais ceci ne l’étonne même pas vu sa famille. Elle n'a jamais manqué de rien et malgré les coquilles familiales, au moins elle avait une famille, contrairement à lui. - Ça fait longtemps Lilah balance-t-il en se levant enfin, la surplombant de sa haute taille. Il se décide enfin à tendre également la main pour serrer brièvement celle qu’elle lui tendait. Aventure lycéenne. Chemins prenant des directions différentes à la fin du lycée. Ils ont fini par se perdre de vue, omettant de rompre, laissant faire le cours de la vie pour eux. Quelque part, ce n’est pas plus mal, cela leur a évité des phrases assassines comme celles que l’on a tendance à prononcer dans ce genre de moment. - T’es apte à t’occuper d’mon dossier vu notre passif ou j’dois demander un autre avocat ? demande-t-il assez sérieusement. Cela le gonfle déjà de devoir demander les conseils d’un avocat, alors s’il doit en chercher un autre, autant qu’on lui dise de suite avant que ça n’épuise le peu de patience qu’il possède pour ce genre de choses.