Here we go again - Tellamy#1
Nouvelle journée, nouvelle opportunité pour Bellamy. Laquelle me direz-vous et bien tout simplement celle d’aller emmerder ce cher libraire qu’est Teddy Porter. De base, il n’y va pas pour l’emmerder, il veut simplement faire affaire avec lui. Mais c’est qu’il était coriace le bougre, il lui résistait depuis six mois maintenant, depuis son arrivée en somme. Cependant, cela n’empêchait pas Bellamy d’insister encore et encore, espérant qu’il craque et signe la vente de sa boutique. Il faut dire qu’en haut, -sa hiérarchie- ça le pousse un peu au derrière. Son manager direct lui a dit plusieurs fois qu’il lui faisait confiance concernant l’ouverture et la gestion du Barnes & Noble, mais qu’il devait aussi tout donner. Et cela comprenait aussi -et surtout- la prospection aux alentours. C’était pour cela qu’on avait choisi Armstrong : il avait une belle gueule, mais aussi un charme et un bagou qui faisaient des merveilles. Oui, mais seulement voilà, Teddy Porter semblait être totalement hermétique à tout cela. Bellamy aurait pu laisser tomber après deux semaines, pourtant, il n’en était rien, il revenait à la charge très souvent et avec toujours le sourire aux lèvres.
Il avait donc laissé le soin à son assistant de fermer la librairie en fin de soirée, le temps qu’il prenne un peu de temps pour aller démarcher. C’était ça l’avantage d’être son -presque- propre patron, il gérait son temps comme il le voulait. Plutôt que d’aller directement au Wham! Bam! Comics, Bellamy flâne un peu en ville, fait du repérage pour de possibles achats, que ce soit professionnels ou personnels. Comme ces sels de bains par exemple, parfumés à la vanille, qui seraient parfaits après une dure journée de travail ou ce magnifique plaid pour rester au chaud devant un film. Oui, Bellamy était du genre dépensier, parfois compulsif, quand le moral n’était pas au beau fixe. Parfois, c’était juste pour se faire plaisir. Mais il n’en oublie pas son objectif pour autant. Ses pas le mènent devant une boutique -qu’ils appellent boulangerie- devant laquelle il hésite longuement, mais finalement, il passe son chemin. Les Américains pourront faire ce qu’ils voudront, jamais ils ne feront des viennoiseries aussi bonne qu’en France. Des viennoiseries ou même de la nourriture à proprement parler, on ne va pas se mentir. Lorsqu’il allait voir sa famille dans le sud de la France, il revenait toujours avec deux ou trois kilos en plus et je ne parle pas forcément de la valise… Est-ce que Bellamy était en train de retarder son arrivée chez le libraire ? Certainement pas.
Il passe la porte de la boutique qu’il connaît presque par cœur désormais et jette un regard autour de lui. Par chance, il n’y avait pas grand monde, ça ferait donc moins de témoins pour ce qui allait suivre : le malaise pour Porter et une humiliation pour Armstrong. Enfin façon de parler évidemment, parce que Bellamy ne l’a jamais pris comme tel, bien au contraire. Il le vit comme un challenge, même si ce challenge dure depuis des mois maintenant, je vous l’accorde. Mais il tirait une certaine satisfaction de voir le regard agacé du libraire lorsqu’il le voyait arriver. Ce bon vieux jeu du chat et de la souris… mais qui était le chat, qui était la souris, ici ? On se le demande bien. Bellamy le voit enfin, dos à lui et c’est avec un petit sourire qu’il s’approche doucement avant de s’arrêter à une distance raisonnable.
Nouvelle journée pour Teddy aussi, qui de son côté espère bien que celle-ci se passera sans le passage de l'autre emmerdeur à sa boutique. Oui, c'était quelque peu devenu malgré lui une sorte de rituel, renouvelé bien trop souvent à son goût. Même s'il devait admettre que niveau goût, l'autre libraire l'était tout à fait mais voilà, gros problème, il ne pouvait pas le supporter, lui et son attitude condescendante et mercantile, à vouloir le forcer à vendre pour que sa librairie de chaîne prenne le monopole. Car il sait très bien que c'est de ça qu'il retourne. Il les connait les Barnes & Noble's, en général ils ne font qu'une bouchée des petites librairies aux alentours quand ils s'installaient dans une ville, jusqu'à être les seuls en place mais là non, il tiendrait jusqu'au bout, hors de question qu'il vende. Cette boutique c'était son rêve, déjà, mais surtout c'était la maison de sa grand-mère et donc aussi, sa mémoire et il était inconcevable pour lui que cet endroit perde son âme pour devenir une boutique aseptisée de plus, où le lecteur était laissé de côté au mieux et au pire, forcez à acheter un bouquin qu'ils n'étaient même pas venu chercher de base. Oui, il est clairement conscient que ce combat là s'affichait être digne de celui de David face à Goliath mais de mémoire, c'est bien David qui remportait la mise au final alors il espère bien que pour une fois, ce ramassis de fables qu'était la Bible disait vrai.
Et il y croit, vu que la plupart de la journée est déjà passée à ce stade. Il a pu faire un peu de paperasse, passer deux nouvelles commandes dont une spéciale pour une habituée qui voulait un exemplaire un peu spécial d'un livre qu'il lui avait fait découvrir -juste l'avoir en français mais traduit, elle apprenait le français en ce moment et ça l'aidait-. Il avait aussi pu faire un peu de rangement, après les fêtes, bien nécessaire histoire de se débarrasser des quelques petites décos qui trainaient encore ça et là et surtout d'enfin ranger son sapin de Noël artificiel -pas qu'il était flemmard de le faire, même si bon, il l'était un peu mais c'était surtout parce que Sam et Wise adoraient jouer à cache-cache dedans-. En somme oui, une journée banale pour lui dans sa boutique quoi. Et sans la présence de l'autre pour venir l'emmerder, une bonne journée. Mais il s'était réjouit un peu trop vite pour le coup, car il entend la clochette de la porte résonner et surtout, Lyra qui jappe et quitte son panier où elle était bien docilement couchée jusqu'à présent et ça, ça ne pouvait vouloir dire qu'une chose, c'est que l'autre imbécile venait de franchir le pas de sa porte...
Et ça ne manque pas, le voilà le retour du regard agacé sur le visage de Teddy dès qu'il entend la voix de Bellamy et le soupir qui va avec. « Si seulement je pouvais en dire autant à votre égard... Mais non, toujours pas le cas et vu que ma grand-mère m'a toujours dit que de mentir c'était mal, j'vais pas commencer aujourd'hui juste pour vos beaux yeux. » Parce que c'est vrai, qu'il en avait de beaux, il ne pouvait pas dire le contraire. Il se retourne donc enfin et l'observe du coin de l’œil, lui offrant ce sourire forcé de circonstance et le contourne pour aller vers la caisse avec un carton sous le bras, histoire de ranger tout ça dans l'arrière boutique. « Vous connaissez le chemin de la sortie depuis le temps, j'vous raccompagne pas hein... » déclare-t-il alors qu'il se glisse derrière le comptoir, sa chienne sur ses talons, à qui il lance un regard noir, qui dit bien qu'il lui en veut légèrement de cette trahison éhontée qu'elle a encore eu à l'égard de ce type. Pourtant sa chienne avait bel et bien du flair, mais ça, il était encore un peu trop dans le déni pour s'en rendre compte hélas. Il passe donc à l'arrière pour poser son carton et ressort, grognant de dépit quand il constate que Bellamy était toujours là. Lui aussi pouvait être une sacré tête de mule, voilà ce qu'il se dit, mais Teddy l'était encore plus et ça, il finirait bien par le comprendre. « La question est toujours la même et ma réponse le sera toujours aussi alors franchement, faites nous gagner du temps à tous les deux et barrez-vous. » Ouais, c'était très clairement la délicatesse incarnée notre cher Teddy quand il le veut... et encore, là, il se retenait...
Il est vrai que généralement, les petites boutiques de ce genre ne faisaient pas le poids face à ces gros mastodontes qu'étaient ces gros groupes. Une mécanique bien rôdée, des commerciaux triés sur le volet à qui on met la pression, parfois de manière éhontée, pour faire du chiffre et encore du chiffre. Bellamy n'avait pas échappé à cette pression, notamment ces derniers mois. Son arrivée ici s'était faite en douceur, après tout, on parlait d'une implantation importante, il fallait donc chouchouter le petit personnel ainsi que son gérant. Mais plusieurs mois étaient passés et désormais, la maison mère réclamait plus, toujours. S'implanter ne suffisait apparemment pas, il fallait également s'étendre et éradiquer la concurrence, aussi petite soit-elle. Le gérant avait déjà discuté avec certains propriétaires du coin, en avait même convaincu quelques-uns, mais évidemment, il fallait toujours d'irréductibles petits libraires. Et ce cher Teddy Porter en faisait partie. Si le contexte avait été différent, la situation aurait été comique dans le sens où chaque fois que Bellamy arrivait ici, il se prenait le râteau du siècle, professionnellement, on s'entend bien. Mais cela ne le décourage pas et il revient, inlassablement, faire sa proposition.
Vous vous dites sûrement qu'Armstrong est un forceur… oui et non. À vrai dire, il n'avait pas tellement le choix que d'insister, car derrière, on le pousse au train. Et puis il y avait quelque chose d'excitant de venir ici pour mettre l'autre en rogne. Parce que oui, Porter ne mâchait jamais ses mots et ne se privait pas pour l'envoyer sur les roses parfois de manière très imagée et ça, bah ça plaisait à Bellamy. Masochiste ? Peut-être un peu oui, mais avec le temps, il avait pris tout cela comme un challenge qu'il comptait bien remporter. Bon, l'avenir nous dira qu'il se plante sur toute la ligne… La chienne du propriétaire des lieux vient immédiatement à sa rencontre et ça, c'est encore une chose qui le fait doucement sourire, car il n'avait peut-être personne de son côté ici, par contre, il avait la chienne dans la poche. Il va même jusqu'à faire quelques grattouilles sous la mandibule de l'animal histoire de le provoquer un peu, bah quoi, c'était de bonne guerre non ?
Qu'on lui foute la pression aux fesses, en soi, ça n'était clairement pas son problème et lui aussi avait la pression, faut pas croire. Alors certes, vu qu'il était dans la maison de sa grand-mère et que cette dernière lui avait légué l'endroit dans son testament, il n'avait pas de loyer à payer pour la boutique contrairement à d'autres, mais il n'en restait pas moins qu'il avait des frais pour la faire tourner et vu qu'il était du genre coulant, on peut presque dire que la plupart du temps, il tournait à perte ou pas loin. Donc oui, sur le papier, il serait complétement dans son intérêt de vendre, de simplement accepter le bon gros chèque bien juteux que lui remuait Bellamy sous le nez avec sa promesse de vente mais non, il ne céderait pas à la facilité. Cette boutique c'était son bébé et il n'irait pas le refourguer à quelqu'un d'autre pour qu'il devienne dieu sait quoi par la suite. Même si ça voulait aussi dire que ce type continuerait inlassablement à venir l'emmerder pour lui forcer la main. Car même si tout ça l'agaçait profondément et il ne s'en cache pas d'ailleurs -pourquoi aurait-il à le faire de toute manière-, il s'était en quelque sorte habitué à ces échanges avec l'autre, un brin maso lui aussi faut croire...
Mais évidemment, ça il est hors de question qu'il l'admette, encore moins devant le principal intéressé, vous pensez bien. Alors oui, aussitôt qu'il aperçoit Armstrong dans son magasin, Teddy passe en mode ronchon et l'envoie balader sans plus tarder, comme il le fait toujours tout en variant la forme pour le faire -faut bien varier les plaisirs non ?-. « C'est pas Bellamy que vos parents auraient du vous appeler mais Narcisse... » rétorque-t-il tout en secouant la tête, histoire de pas lui donner de fausses idées sur le fait qu'il lui plaisait -même si c'était pourtant totalement le cas-. Il le congédie donc une fois de plus, l'invitant à tirer sa révérence au plus vite mais évidemment, il n'en fait rien et ça l'agace parce que oui, il a d'autres trucs à faire lui que de l'écouter parler pour ne rien dire. « Et pourtant vous êtes encore là, donc soit vous êtes devenu aveugle entre temps ou juste définitivement chiant. » balance-t-il pour bonne mesure avant d'aller dans l'arrière boutique pour y déposer ce qu'il avait dans les bras. Ouais, on ne peut pas vraiment dire qu'il se retenait pour faire comprendre à Bellamy qu'il était tout dans son intérêt de se barrer au plus vite mais comprenez-le aussi. Ça vous plairait vous, d'être pour ainsi dire, harcelé de cette façon alors que toute votre vie et votre avenir était en jeu ? Non, on le sait bien et voilà pourquoi il n'en démordrait pas, en bonne bourrique qu'il était.
Mais Bellamy l'est tout autant, pas de chance pour lui et en plus Lyra continuait de lui coller le train -traitresse- alors oui, il commençait à réellement s'agacer et lui fait comprendre que l'argent ne l'intéressait pas et il l'écoute alors lui sortir sa belle excuse. Mais au moins oui, il avait compris que de jouer au plus malin avec lui comme d'autres pouvaient le faire avec moins de scrupules, ne ferait que l'encourager à être encre plus borné -oui oui, c'est possible je vous assure-. « Correction: je m'estime heureux d'avoir une boutique avec une âme, où les gens viennent avec plaisir, sachant qu'ils seront bien accueillis et qu'on les écoutera sans les forcer à acheter le dernier best-seller sorti pour se faire une prime si on arrive à atteindre son cota. Contrairement à vous, moi j'aime ce que je fais et c'est pour ça que je continuerais à le faire, avec plus de passion encore précisément pour qu'ils voient la différence avec votre usine à vendre. » dit-il en pointant son index vers lui pour ponctuer ses dires, accompagné d'un léger sourire sardonique. « En fait, j'me demande là... à quel moment vous avez abandonné la vôtre pour lui préféré un gros chèque en fin de mois ? » l'interroge-t-il soudain, prenant appui contre la table derrière lui tout en croisant les bras sur son torse tout en l'observant. Nan parce que bon, il sentait bien que Armstrong aimait les bouquins et la littérature en général, mais oui, il se posait la question de savoir quand l'appât du gain avait fini par avoir raison de sa passion. Question légitime, vu les circonstances, vous en conviendrez.