training season (rama)
En analysant son reflet dans le miroir, le jeune homme conserva un air dubitatif quant à son accoutrement. Pour la première fois de son existence, il avait enfilé une veste adaptée à l’activité du jour, une pièce en cuir bien trop grande pour sa carrure qu’il avait cru bon d’acheter d’occasion pour compléter son équipement. Muni de ses gants ajustés, d’un jean bien épais et de bottines aux extrémités renforcées, Anton se rendit peu à peu compte qu’il avait peut-être légèrement exagéré la dangerosité de la matinée qui l’attendait. Après tout, son instructeur n’était pas du genre inconscient, au contraire de celui qui lui avait fait vivre sa première expérience à moto, quelques jours auparavant.
“Mouai, pas dingue, soupira-t-il en ajustant son col roulé. Trop tard pour changer d’avis, réalisa-t-il ensuite, en voyant l’heure s’afficher sur son téléphone.”
Pressé, il attrapa ses clés et claqua la porte de son appartement, aussi impatient qu’il était inquiet. Cette leçon, cette découverte de la moto, il en était pourtant l’initiateur, mais le grand brun regrettait presque sa demande, conscient que sa maladresse et sa frousse n’allaient pas l’aider à apprivoiser l’engin, ni à apprécier la vitesse - du moins, le croyait-il encore à cet instant.
Les écouteurs dans les oreilles, le fils Lowe traversa le quartier à la hâte jusqu’au point de rendez-vous : le parking d’une grande surface, absolument désert en ce dimanche matin. Seule une silhouette brisait la vue dégagée, celle de Rama, nonchalamment installé sur son véhicule, des lunettes de soleil sur le nez, potentiellement occupé à vérifier les derniers échanges au sein de la conversation des Checkmates ou à poster sa plus récente composition sur les réseaux. Un sourire s’étira sur les lèvres d’Anton à cette vision et en quelques foulées seulement, il arriva à sa hauteur, prêt à utiliser le prétexte de cette activité pour éclairer les quelques doutes qui agitaient ses songes.
“Wow, franchement, ça le fait de te voir comme ça, complimenta-t-il entre envie et admiration. Posé contre la moto, à faire le beau gosse…”
Entre boutades et honnêteté, il laissa un rire s’échapper avant de serrer la main de son ami, essayant d’oublier la petite pointe de jalousie et d'inquiétude qui le perturbait. S'il était capable de reconnaître le charme potentiel de son acolyte, alors Luda pouvait elle aussi le remarquer et à cette simple idée, Anton se crispa. Il comptait bien profiter de leur moment privilégié pour creuser, en tant qu’ami intéressé par la situation amoureuse de son allié, certes, mais aussi et surtout en tant qu’homme, nouvellement possessif, qui voulait se rassurer.
“J’sais pas par quoi tu veux commencer ? S’enquit-il en observant l’engin d’un nouvel œil. Disons que j’ai légèrement été traumatisé lors de ma dernière expérience en tant que passager. Du genre : feux grillés, non-respect des limitations de vitesse et virages qui m’ont donné l’impression que j’allais crever… T’as la lourde tâche de me réconcilier avec ces machines.”
(Tenue) Lorsqu’Anton l’avait sollicité pour l’initier à la conduite d’une moto, Rama avait naturellement répondu présent. Il était toujours partant pour permettre à de nouvelles personnes de découvrir la conduite à moto, car elle était bien différente de celle en voiture. Le sentiment de liberté que cela apporté n’avait pas de prix. Il avait compris qu’Anton avait un mauvais souvenir d’une balade en moto en tant que passager. Il pouvait le comprendre, car il n’était pas en contrôle et les dangers que certains motards pouvaient prendre sur la route, pouvaient être stressants. L’idée du jour était de permettre à Anton de se sevrer de cette angoisse liée à la moto. Rama espérait pouvoir l’aider à mieux l’appréhender. Ils s’étaient donc donné rendez-vous sur un parking désert du supermarché du coin. Ce serait le cadre idéal pour le faire en sécurité sans représenter un risque pour quiconque. Le corps simplement posé contre sa Ducanti éteinte, Rama regarde ces dernières notifications, échangent quelques messages avec certains de ses amis et connaissances. Il s’efforce toujours de répondre à tout le monde, mais il lui arrive de mettre plus de temps lorsque son moral n’est pas au bon fixe, car à ces moments-là, cela lui coute une énergie monstre. En ce moment, il se sent mieux dans ses baskets. Il reprend du poil de la bête quand bien même, il sait que les pensées parasites ne sont pas très loin. Il lui suffit de tomber sur une nouvelle photo d’Elvia ou de Earth pour que ses regrets ne l’envahissent et qu’il se rende compte de tout ce qu’il a manqué ou perdu. Il a bien conscience que ces pensées ne le feront pas avancer, mais lorsqu’elles l’assaillent, il lui est bien difficile de s’en défaire. Il a le sentiment qu’il n’a point de contrôle sur elles. Il ne peut que les subir et espérer qu’elles ne feront pas trop de dégâts. C’est la voix de son ami qui l’arrache de ses réflexions et de l’objet de son attention. Un rire léger s’épanche hors de ses lippes alors qu’il vient ranger son téléphone dans la poche de son pantalon noir. « Dommage, il n’y a personne à séduire à la ronde. » Il lui indique alors qu’il vient serrer la main de son ami en venant l’entrainer dans une étreinte amicale, redevenue sa marque de fabrique, parce qu’il est et a toujours été tactile. Moins depuis son accident, mais sa rencontre dernière avec Ludmila lui a fait prendre conscience que pouvoir étreindre ses proches est indispensable à son équilibre. C’est ce qui a pu l’entrainer si longtemps loin de son équilibre. Un équilibre qu’il reprend peu à peu.
Il perçoit la tension dans l’échine de son ami, qui semble prendre son essence dans son aversion pour sa moto qu’il observe d’un mauvais œil. « Je m’en suis douté… » Il lui indique en venant doucement lui tapoter l’épaule. « Tu sais, la moto n’y est pour rien. C’est ce que l’homme qui l’utilise en fait qui la rend dangereuse. A première vue, cette personne n’a absolument pas pensé à ta sécurité alors que c’est son rôle. » Il lui indique naturellement dans un sourire bienveillant en venant glisser son bras autour de son cou dans un geste qui lui est naturel. « Tu n’étais en contrôle d’absolument rien. » Il ajoute avant de poursuivre : « Ce que je peux te proposer, c’est que tu deviennes acteur afin d’apprivoiser la machine, mais avant de se lancer dedans : je te propose de monter derrière moi pour quelques tours sur le parking. Comme ça, pas de feux grilles, de risque de dépasser les limitations de vitesse. On ira au pas. Qu’en penses-tu ? » Il le questionne naturellement en venant tourner son visage près du sien. Ses prunelles brillent de cet éclat empreint de bienveillance et de tendresse qu’il a naturellement pour ses amis. Son but aujourd’hui est de lui permettre d’être plus rassuré à côté d’une moto afin de pouvoir laisser ce mauvais souvenir derrière lui, tout simplement.
“Qui sait, rétorqua-t-il sur le ton de la plaisanterie. C’est peut-être sur ton téléphone que la séduction opère…”
À mi-chemin entre l’humour et le début de sa petite enquête, le grand brun espérait creuser et obtenir des informations sans que son acolyte ne remarque son petit jeu. Une investigation qui s’avérait complexe lorsque, comme lui, le tact, la finesse ou encore la manigance, ne faisait pas vraiment partie intégrante de son vocabulaire. Anton, c’était plutôt le type capable de rougir ou de bégayer lorsqu’on osait l’interroger à propos de sujets sensibles, et bien souvent, on préférait le laisser s’enfermer dans son silence, que de le pousser à se révéler.
Acceptant l’étreinte de son ami, il s’étonna presque de ne plus se crisper à la sensation du contact, heureux de constater qu’il s’améliorait avec les années. Lui qui avait toujours éprouvé des difficultés à la moindre tentative de pénétrer son espace personnel, il réalisait que certaines personnes avaient finalement trouvé une faille. Rama, Luda, Iseul, leur tendresse n’était plus qu’un réflexe apprécié - même si l’étudiant préférait toujours saluer d’un signe de la main lorsqu’il se retrouvait face à une ribambelle de personnes à accueillir.
“Ouais, j’imagine que t’as raison, concéda-t-il en inspirant profondément, le regard toujours méfiant envers le véhicule. J’crois que le mot sécurité ne faisait pas partie de son vocabulaire, marmonna-t-il en se remémorant cette manière dont il avait presque été obligé d’enjamber l'assise, donnant sa totale confiance sans se douter que le conducteur s’amuserait de la situation.”
Il laissa peser ses mots, réalisant qu’il parlait de sa nouvelle rencontre pour la première fois à voix haute, d’ordinaire habitué à déblatérer à propos de ce genre de constatations au sein de sa caboche. Ce garçon, il ne savait en parler qu’en utilisant des termes négatifs, qu’en décrivant ses nombreux défauts, étonnamment, comme s’il refusait que l’on puisse s’intéresser à Wonbin, que l’on désire le rencontrer, peut-être dans une volonté qu’il reste secret - qu’il reste à lui.
“On peut essayer, oui, confirma-t-il en hochant la tête à la proposition, bien que dubitatif à l’idée de devenir acteur de cette session moto, plus à l’aise derrière le guidon de son fidèle vélo.”
Machinalement, le fils Lowe enfila le second casque, adepte de l’ultra prudence, même s’il ne s’agissait que de quelques tours de parking. En s’installant derrière l’artiste, il essaya d’éviter de se remémorer sa dernière virée et surtout la rapidité avec laquelle il avait été obligé de s’accrocher aux flancs du conducteur pour ne pas être projeté lors d’un virage. Curieux, il posa quelques questions en jetant un coup d'œil sur le tableau de bord, intrigué par le fonctionnement de cette Ducati. Ce qui semblait être une arme de destruction massive entre les mains de Wonbin, ne devenait qu’un adroit mécanisme entre les mains de Rama.
“T’as déjà désensibilisé quelques demoiselles pour te montrer si pédagogue ? Questionna-t-il dans une boutade, sans révéler qu’il était tranquillisé à l’idée d’avoir un instructeur aussi appliqué.”
L’imagination fructueuse, Anton projetait déjà son ami aux côtés de Luda, installé sur la bécane pour un tour d’Oceanside qui aurait pu les rapprocher, sans savoir si ce scénario s’approchait de la réalité ou s’il n’était que divagation.
(Tenue) « Non même pas. C’est vraiment le dessert total de ce côté. » Il réplique naturellement dans un rire léger. « Tu crois le contraire ? » Il le taquine, car ce dernier semble intéressé par sa situation amoureuse.
Il l’observe même avec curiosité quelques secondes avant de venir serrer sa main et l’entrainer dans une étreinte amicale comme à ses habitudes. Une étreinte accueillie de manière mitigée par son ami, qui contrairement à lui n’est pas du genre tactile, mais qui accepte de l’être en sa compagnie. Très rapidement leur intérêt se dirige vers la moto. La raison pour laquelle ils se retrouvent aujourd’hui afin de permettre à son ami d’appréhender cet engin de la mort comme il semble le considérer. Rama est navré qu’il ait vécu une mauvaise expérience, mais il lui précise que ce n’est pas la machine le problème, mais ce qu’en font les hommes lorsqu’ils ne le font pas correctement et à première vue, l’expérience de son ami entre pleinement dans ce cas de figure. Ce que son ami lui concède bien obligeamment, quand bien même la tension ne semble pas se décroitre dans ses épaules. Il ne cherche pas à découvrir l’identité de l’homme en question. Rama était conscient que chacun avait son jardin secret et il le respectait généralement. Si Anton voulait lui en parler, il le ferait lorsqu’il le jugerait nécessaire et qu’importe s’il lui divulguait quelques brides d’un ensemble, il se contenterait de ces éléments pour avoir une vue d’ensemble et permettre à son ami de dépasser son animosité pour la moto. Par conséquent, il lui propose naturellement de monter derrière lui pour faire quelques tours sur le parking afin qu’il se familiarise avec le sentiment d’être sur une moto dans un environnement sécurisé. Anton confirme sa proposition et vient s’emparer d’un casque tandis que lui enfile le sien. Il s’installe sur sa Ducanti, laisse son ami prendre place derrière lui. Il attend qu’il soit bien en place, répond naturellement aux questions techniques qu’il lui pose sur sa moto. Lorsqu’il le sent bien installé, il élance sa moto sur le parking à un rythme lent pour lui permettre de s’adapter au fait d’être passager, avant d’accélérer pour prendre un peu de vitesse au moment où il entend la question de son ami qui lui arrache un rire léger.
« C’est vrai que c’est un bon moyen pour se rapprocher d’une fille, mais ça fait bien des années que je ne le fais plus. » Il lui réplique simplement alors qu’il accélère un peu plus, utilisant les poteaux pour réaliser des virages.
Anton suit naturellement le mouvement de la moto et semble moins crispé au fil des minutes.
« Je n’en menais juste pas large la première fois que j’ai eu une moto dans les mains, alors je m’applique juste à suivre la même démarche que j’ai suivi. Si je suis vraiment pédagogue, demain tu vas vouloir passer ton permis et t’acheter une moto. » Il lui indique alors qu’il vient ralentir pour s’arrêter, mettant son pied au sol pour stabiliser sa moto à l’arrêt.
« Alors comment te sens-tu ? » Il le questionne en venant le regarder par-dessus son épaule. « On augmente la vitesse ou tu te sens plus à l’aise pour tenter de contrôler la machine ? »
Il s’adaptera en fonction de la réponse de son ami, soit en reprenant le volant, soit en lui cédant pour lui permettre d’appréhender ses premiers mètres, seul s’il le souhaite.