welcome to the jungle
Réveillée à l'aube, Preeda alla courir. Elle commençait toujours ses journées en courant sur trois kilomètres. L'air frais du matin lui faisait du bien. Il n'y avait pas beaucoup de gens à l'extérieur, ce qui était parfait pour l'avocate. Quand elle courait, elle détestait les foules. Elle devait faire constamment attention, afin de ne pas bousculer quelqu'un. Bref, Preeda était dans son élément, quand il n'y avait pas une foule. Après soixante minutes de course, l'avocate retourna chez elle à la marche, reprenant tranquillement son souffle. Une fois arrivée, elle alla directement dans la douche. Elle reste vingt minutes sous le jet d'eau chaude. Par la suite, elle enfila sa tenue et se regarda dans le miroir. Ce matin, Preeda n'avait pas le temps de manger un petit-déjeuner complet. Elle se contenta d'une tasse de thé vert, ainsi que d'un muffin aux bleuets. Il faudra qu'elle pense à prendre son déjeuner. Habituellement, Preeda était tellement concentrée dans son boulot qu'elle oubliait de manger. Ses collègues lui répétaient sans cesse, mais elle continuait quand même. Chaussures à talons hauts enfilées, elle quitta sa villa et se rendit au bureau.
Dès qu'elle arriva, ses collègues la saluèrent, ainsi que les réceptionnistes. Preeda les salua en retour, sans afficher le moindre sourire. Oui, elle n'était pas très sympathique, mais elle était une excellente avocate. Ça devait largement compenser. Du moins, c'était ce que Preeda pensait. Elle entra dans son bureau et la journée débuta enfin. Elle eut deux consultations avec des nouveaux clients. Preeda s'entendait avec tous ses clients. Elle avait des belles relations professionnelles avec eux. Ça ne devenait jamais personnel. Ce qui était important. Toutefois, il y avait une ou deux exceptions.
Un peu avant l'heure du déjeuner, Preeda entendit quelqu'un frapper à sa porte. — Entrez. Lorsque la porte s'ouvrit, elle remarqua un jeune homme. Preeda ne l'a jamais rencontré avant. Il devait s'être perdu. — Je crois que tu es au mauvais endroit.
Tu étais bien apprêté aujourd’hui. Faut dire que ça changeait des vêtements que tu revêtais pour ton travail actuel… C’est-à-dire, pas beaucoup. Vraiment pas habitué à être aussi bien habillé, tu ne pouvais t’empêcher de regarder dans l’immense miroir de ton salon cette allure que te donnais ce costume trois pièces et cette cravate ; tout cela mettant ton corps en valeur, admirant ce fessier légèrement bombé et tes lèvres que tu avais mis en avant grâce à ce gloss pailleté nourrissant que tu appliquais au quotidien pour les garder pulpeuse. Une petite photo pour immortaliser le moment et c’était le moment d’enfiler une jolie montre prêtée pour l’occasion par un ami plus fortuné que toi et de jolis souliers.
Aujourd’hui, Heesung reprenait sa vie en main. Tu reprends ta vie en main. C’est en tout cas ce que tu te dis tout en fermant la porte de ton petit appartement, de ce petit cocon que tu ne quittes généralement qu’en soirée pour rejoindre le Pandora normalement. Bien que l’immeuble soit un peu miteux et les murs pas très épais, le loyer qui était abordable te faisait rester ici ; et puis tu t’y étais fait. T’avais refait quelques peintures et installé quelques bricoles ainsi que beaucoup de plantes vertes que tu considères comme des enfants – presque mère d’une famille nombreuse. Tu avais aussi depuis quelques mois Charlie, ton petit chien, ton dernier fils. Recueilli dans le refuge du coin, ce petit corgi qui faisait quelques bêtises au début était devenu un amour plein de tendresse à te donner.
Heureux dans ta vie actuellement, aucune ombre au tableau. Même ton cœur semblait battre un peu plus vite en ce moment lorsque tu pensais à lui ; celui qui ne quittait plus tes pensées et que tu considérais désormais comme ton amoureux - le "premier" - même si lui n’était probablement pas sur la même longueur d’onde que toi, mais tu t’en moquais.
C’est d’un pas enjoué que tu te rends dans le quartier de North Valley ; loin des bâtiments pourris de Peacock, ici tout est flamboyant et respire le luxe. Arrivé devant ce cabinet d’avocat, ton cœur bat à tout rompre, la respiration se veut courte.
Et si c’était trop tard pour reprendre tes études ?
Et si tu n’en étais plus capable ?
Et si l’on ne te donnait pas de seconde chance ?
Et si ? Et si…
Pourtant, tu toques, tu entres, tu essaies de garder la tête haute et l’air serein alors qu’à l’intérieur c’est tout ton corps qui te crie de t’enfuir, que tu n’as pas (ou plus) ta place ici.
“Bonjour…” Tu ne l’avais jamais vu non plus pendant tes quelques stages dans la prestigieuse entreprise. “Je suis venu voir Maître Breeden. Est-il présent ?” Ce que tu ne savais pas c’est que le vieil avocat avait pris sa retraite depuis quelques mois maintenant et qu’il avait déménagé loin d’ici. Ce dernier était autrefois un grand monsieur dont la renommée n’était plus à prouver, il t’avait appris beaucoup de choses et tu l’avais abandonné du jour au lendemain sans même lui dire merci… Ni même au revoir. Ton seul regret. “Je vais bientôt reprendre mes études, j’étais ici auparavant et je souhaiterais revenir… Je voudrais en discuter avec lui, ou quelqu’un.”
Preeda aimait travailler au cabinet d'avocat. Elle aimait être en contact avec les clients et les aider. Mais, surtout, elle aimait le salaire qui accompagnait cette carrière. Ça la motivait encore plus. Preeda désirait devenir la meilleure avocate du cabinet. Elle n'avait que trente et un ans, mais elle savait qu'elle y arrivera. Preeda en était persuadée.
Le départ de Maître Breeden ne fut pas une surprise pour les employés du cabinet. Il a eu une très belle carrière en tant qu'avocat, mais il était temps de passer le flambeau aux plus jeunes. Preeda a adoré travaillé en sa compagnie. Il lui a appris plusieurs trucs, afin de devenir une meilleure avocate. Elle ne complimentait pas souvent les gens, mais, quand c'était le cas, ils étaient véridiques. Preeda ne serait pas la même avocate, s'il n'avait pas été présent. Il a même déménagé. Du coup, l'avocate n'a pas gardé le contact avec lui. Ça ne la dérangeait pas réellement. Preeda était trop occupée avec le boulot pour prendre des nouvelles.
Elle était occupée à son bureau et devait bientôt aller manger. Même si elle savait parfaitement que son déjeuner sera quelques bouchées de salade et une bouchée de pomme. Preeda préférait travailler et ne pas perdre de temps sur un repas avec les autres employés. Elle était exigeante envers elle-même, mais l'assumait parfaitement. Preeda n'allait jamais changer. Elle vit un jeune homme entrer dans son bureau. Il portait bien le costume trois pièces, mais il semblait nerveux. Preeda en avait l'habitude. Les gens nerveux étaient nombreux. Particulièrement dans un cabinet d'avocat. — Je suis sincèrement désolée, mais Maître Breeden a pris sa retraite, il y a quelques mois. Il a même déménagé. Je ne me souviens plus où il vit désormais. Preeda n'avait jamais connu cet inconnu. À moins qu'elle n'ait pas pris la peine de le connaître, pendant qu'il était stagiaire. — Je peux t'aider?
Elle te fit sursauter, la thaïlandaise, tu ne t’attendais pas à ce qu’elle t’annonce de but en blanc le départ de ton vieil ami - que tu avais abandonné lâchement - pour sa retraite bien méritée. Tu soupires, s’il n’est plus là alors tu pouvais sans doute faire marche arrière ; c’est lui qui avait vu en toi ce que les autres ne voyaient pas, ce qu’ils n’esseyaient pas de voir, il t’avait offert une magnifique chance de briller à la barre parmi tant d’autres avocats. Chance saisie puis bafouée par ton jemenfoutisme ; par cette envie de te sentir libre à nouveau, de choisir qui tu avais envie d’être, crise d’adolescence apparue trop tard qu’a foutue en l’air une bonne partie de ta vingtaine. Tu diras pas que tu regrettes d’être au Pandora, ça serait mentir parce que t’as plus jamais envie de quitter l’endroit ; cette seconde maison où tu peux enfin être toi-même ; pas Heesung, pas l’avocat – mais Dino, ce danseur extravagant aux interdits inexistants.
“Vous êtes avocate, n’est-ce pas ?” Lui dis-tu après avoir réfléchi un instant. Si elle possède son diplôme, elle pourrait sans doute t’aider dans ta recherche et peut-être même te redonner ton ancienne place de stagiaire que tu possédais autrefois, à ses côtés. “J’ai besoin d’une entreprise où faire mes stages pour mes cours.” Tu lui attrapes ensuite les mains, la suppliant du regard. “Acceptez moi en tant que stagiaire ! Mes cafés sont délicieux et j’sais même me servir de l’imprimante !” Généralement c’est ce genre de tâches qu’on donne aux apprentis, au début. Au bout d’un certain temps, tu t’étais rendu au tribunal avec maître Breeden. Interdiction de l’ouvrir, tu pouvais juste observer ce qu’il s’y passait, mais c’était tellement beau, tellement instructif, ça te conforte dans l’idée d’être un futur avocat. Et puis en dehors du café et des photocopies, tu savais faire tellement d’autres choses. Tu connaissais le code pénal par cœur, par exemple. “Oh, euh… Pardon.” Tu t’écartes d’elle, laissant un bon mètre entre vos deux corps et puis courbe doucement l’échine, sourire aux lèvres. “Je m’appelle Heesung. Enchanté !”
Lorsqu'elle lui avoua que Maître Breeden avait pris sa retraite, le jeune homme semblait surpris, voire déçu. C'était totalement compréhensible. Il est probablement entré dans le cabinet avec la détermination de reprendre son boulot de stagiaire, afin de devenir avocat. Preeda aurait aimé lui donner une meilleure nouvelle. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Maître Breeden n'allait plus revenir au cabinet, maintenant qu'il était à la retraite. Preeda se demandait souvent comment il allait et s'il était heureux. Ayant connu cet homme, l'avocate savait qu'il adorait son emploi. Il arrivait tôt et finissait tard. Il manquait le travail uniquement quand il était malade, ce qui n'arrivait pas souvent. Bref, il était un homme admirable.
Preeda lui demanda alors si elle pouvait l'aider. Normalement, elle n'aurait rien ajouter, mais il a été le stagiaire d'un grand avocat, donc elle pouvait être cordiale avec lui et essayer de découvrir ce qu'elle pourrait faire pour ce jeune homme. D'ailleurs, Preeda ne connaissait pas encore son prénom. Allait-il finir par lui dire? — Oui, je suis avocate. La jeune femme pensait que c'était évident, mais, apparemment, ça ne l'était pas pour lui. Elle était sincèrement curieuse de savoir ce qu'il voulait lui proposer. Certains diront que la curiosité est un vilain défaut, mais Preeda ne le pensait pas. Avec la curiosité, elle a appris plusieurs choses. Encore aujourd'hui, l'avocate continue d'apprendre. Il lui proposa de devenir stagiaire en sa compagnie. La jeune femme était surprise, mais flattée. Il serait son premier stagiaire. Elle réfléchit pendant plusieurs minutes et le jeune homme se rapprocha. Preeda fronça les sourcils, se demandant pourquoi il était aussi proche. Il était mignon, mais aucunement son genre. La seule personne qui lui plaisait était Joona, la femme de sa vie. Évidemment, il s'agissait d'une autre histoire. — Heesung, enchanté. Je m'appelle Preeda Willems. Je dois avouer que tu serais mon premier stagiaire. Habituellement, on prendrait ton curriculum vitae, mais tu as travaillé avec Maître Breeden, donc on va dire que ce n'est pas nécessaire. Elle sourit légèrement. — J'ai une question. Pourquoi revenir maintenant?