haut les coeurs (skylar)
La chaleur qui se fait étouffante dans la naissance des premiers prémices de l'été. Les bouquins d'espagnol, les traces de feutre sur tes doigts qui s'enlèvent enfin. T'essaies de te vider la tête Francesca, de ne plus être la prof, de redevenir la femme, essayant de combler les moments d'ennui. Tu organises une grande escapade, à grand coup de sel marin, de cheveux qui s'entremêlent et de premiers émois. Voilà pourquoi tu te retrouves là, déambulant dans les bouquins, à la recherche du coup de cœur, de celui que tu embarqueras, t'évanouissant dans les imaginaires, regardant la chute vertigineuse des vagues sur les rochers. Là, dans ce moment repêché en plein vol, tu peux dire que tu es heureuse, vraiment. Tout qui s'imbrique enfin parfaitement, ton meilleur ami qui trouve doucement le bonheur avec une fille bien, toi qui commence à regarder Jesus autrement, ton sourire se faisant doux en pensant à tout les moments que tu pourras passer avec lui pendant ces deux mois de pause. Pour une fois, tu essaies de penser à toi, de ne plus mettre constamment ta famille en priorité, tes amis non plus, t'essaies de ne plus te faire bouffer par la culpabilité qui incombe à la sœur ainée. Tu résisteras à ce sentiment amer, le temps de ton passage dans cette librairie, ça serait déjà une belle victoire. Tu te retrouves là, à la caisse, derrière deux personnes, les livres pesant finalement assez lourds, toi qui as toujours du mal à te décider. La première personne qui cherche son porte-monnaie qui prend son temps et toi qui analyse la personne juste en face de toi. Grand, une bonne tête de plus que toi, se basculant d'un pied à l'autre, et son odeur qui t'enivre de suite, encore trop présente dans ta mémoire que pour qu'il y ait le moindre doute. Ton myocarde en bandoulière qu'il a toujours détenu, le sang coulant encore sur ses mains meurtrières. Tu pensais en avoir fini avec lui, putain. Tu l'entends, parler avec sa voix si affirmée, toujours si foutrement poli, la vendeuse lui faisant un grand sourire, il lui plait c'est certain, il a toujours su y faire avec les femmes, avec toi. Laisse le partir, ne fait pas de bruit, baisse la tête, laisse le enfin partir de ta vie. il se dirige vers la sortie, ouais tu as bien fait. Tu sens ta gorge qui se serre quand tu salues cette fille, elle scannant beaucoup trop rapidement tes livres, toi payant trop vite. Lui qui est resté devant la porte, essayant de ranger sa carte dans un portefeuille que trop rempli. t'es revenu alors ? que tu sors, ne sachant finalement pas quoi dire, tu aurais du continuer de baisser les yeux, aller dans un autre sens, faire un détour si besoin. Il t'a quitté, de la pire manière qu'il soit. Même pas eu droit à la scène de dispute, aux verres brisés, aux supplications. Non, tu es simplement rentrée chez toi et il n'était plus là, un simple post-it qui collait à peine sur la table, te disant que c'était fini, qu'il était désolé. Il a même pas fallu quelques jours avant qu'il s'affiche avec elle sur les réseaux, te brisant en milliards de morceaux, qui ne se recolleront plus jamais. Tu n'avais jamais été qu'un second choix, tu y as cru, il te l'a fait payé au centuple. Tu aimerais tout lui claquer dans la gueule, lui dire à quel point il t'a détruit, que tu commences seulement à te reconstruire, des années plus tard. Il n'a pas le droit de revenir, pas maintenant, pas maintenant que tu ne le cherches plus à tout les coins de rues, que tu as cessé de refaire le scénario, cherchant finalement le pourquoi. Pourquoi il ne t'a jamais été autant que toi tu as pu le vénérer. T'essaies de contrôler tes larmes, de ne pas lui sauter à la gorge, de ne pas espérer qu'il te prenne dans ses bras. T'essaies de ne pas redevenir cette Frankie sans confiance que tu étais alors, te grandissant en fonction de son regard. C'était pas assez bien là bas ? tu t'étonnes de ta propre dureté, ton palpitant en cavale, te maudissant de tes sentiments qui reviennent t'éclater à la gorge, t'asphyxiant presque. Tu pensais en avoir fini avec lui.