if we’d go again all the way from the start. {jessie}
Cela fait quelques mois que je suis revenu à Oceanside. Le but premier étant d’ouvrir une nouvelle agence. Encore une. Pourquoi ici plutôt qu’ailleurs ? Sûrement parce que j’aime cette ville, parce que j’y ai vécu et grandi. Et puis, c’est ici que j’ai connu le véritable Amour. J'imagine certainement que mes clients auront la même chance que moi. Bien qu’après toutes ces années, j’ai de plus en plus l’impression que ce bonheur était éphémère. Temporaire. C’est donc pour cette raison qu’il y a cette touffe blonde dans mon lit lorsque j’ouvre un œil. Une de plus. Ou une en moins, tout dépend du point de vue. Je me tourne une fois ou deux avant de me lever. Mes deux pieds à peine au sol que mes yeux plongent presque aussitôt sur mon smartphone. Je consulte mes mails et mes messages tout en me rendant dans la salle de bain pour prendre une douche. Première action afin de me réveiller correctement, l’eau qui ruisselle de ma tête jusqu’à mes pieds permet de me détendre avant une nouvelle journée de travail principalement remplie de réunions pour finaliser l’ouverture de la nouvelle agence. La deuxième action pour me réveiller complètement reste le petit-déjeuner. Le café en priorité. La blonde qui dort encore et dont j’ai oublié le nom m'est déjà sortie de la tête. La villa est peut-être grande mais elle retrouvera la sortie toute seule, j’ai une journée chargée.
Pour je ne sais quelle raison, j’ouvre l’application tinder et relis la conversation que j’ai eu avec ce match, cette femme qui semble avoir un quelque chose qui m’intrigue. C’est sans aucun doute pour cette raison que je lui ai proposé un café. Aujourd’hui, d’ailleurs. Un bref soupir lorsque je verrouille mon téléphone et m’installe autour de cette table pour la première réunion de la journée. Les débats vont bon train, les nouvelles sont, pour la plupart, bonnes. Le projet avance à un rythme qui me ressemble : vite. Pas le temps de lésiner ni de chômer, date d’ouverture annoncée pour septembre de la même année, les travaux touchent à leur fin tandis que les commandes pour l’aménagement débute tout juste. Fin de réunion annoncée, je suis le premier à me lever et à quitter la salle. Sur mes talons, mon assistant qui ne s’arrête jamais de déblatérer, que ce soit d’une agence ou d’une autre.
La pause déjeuner arrive rapidement. Habitué à manger sur le pouce pendant l’heure de midi, tout particulièrement lorsque l’un de mes projet approche du lancement. C’est sûrement le seul moment de ma journée dont j’apprécie la solitude. Le calme et le silence. Énième café en main, regard absent qui observe l’extérieur, la vie paisible d’Oceanside qui change du tout au tout en comparaison à San Francisco ou New-York. Ville paisible, bien plus colorée de nature que de buildings. Café maintenant froid que je termine d’une traite, je replonge dans le travail, occupe mon esprit qui divague vers cette femme avec qui j’ai rendez-vous dans quelques heures, autour d’un café pour faire plus ample connaissance. Et plus si affinités.
Quand je mets un pied hors du bureau, juste le temps de retirer ma cravate et de défaire au moins les deux premiers boutons de ma chemise que c’est déjà l’heure de retrouver cette fameuse Jessie. Le hasard fait bien les choses et, inconsciemment, c’est peut-être pour cette raison que je m’entête à prendre un café avec elle. Ce prénom qui me projette des années en arrière, ces années à la fois belles et innocentes. Les années d’insouciance, celle où j’étais trop con pour voir que je baignais déjà dans le bonheur sans voir que je jouais avec le feu, debout sur la corde raide. Au fil du temps, l’espoir de la revoir s’amenuise et la colère qui grandit en moi me pousse à bosser encore et encore. Toujours plus pour ne pas laisser l’opportunité de me rappeler que je suis le seul fautif dans cette histoire qu'était la nôtre. Et quelle histoire merveilleuse. Le bon comme le mauvais, chaque souvenir est chérit. En cours de route, je fais composer un bouquet de fleurs simpliste mais délicat avant de me diriger tout droit à notre point de rencontre : le revolution roasters, un café pas très loin de la plage, ce qui peut nous permettre de finir avec une balade sur le sable si le feeling est là.
Je pousse les portes, balayant la salle du regard avant d’aller m’installer à une table près de la vitre dans l’idée de la voir arriver. Je passe une main dans mes cheveux puis, pour patienter, je plonge la main dans ma poche et en sort mon téléphone, réflexe des années à bosser d’arrache pied. Sans relever les yeux de l’écran quand une silhouette me fait de l’ombre, je demande : Bonjour, un café, s’il vous plaît. Merci. Je ne réalise mon erreur que lorsque la silhouette ne disparaît pas. Fronçant les sourcils, je lève les yeux et m’excuse sans attendre tout en me levant : Navré, je pensais que c’était un barman. Mes yeux s’arriment aux siens et le temps semble se suspendre sans que j’en sache la raison.
♩ • L’amour surgit dans nos vies avec une étrange imprévisibilité. Il peut être une promesse ou une illusion. Parfois, il nous élève, puis nous laisse tomber sans prévenir. J’ai connu le grand, le véritable Amour. Mais il est parti, sans un mot, emportant avec lui bien plus que ce que je pouvais imaginer. Cet amour m’a brisée, mais il m’a aussi forgée. Chaque cicatrice, chaque leçon apprise a façonné la femme que je suis devenue. J’ai appris à me reconstruire, à ne plus dépendre de personne. Depuis, les histoires sont devenues des échappatoires. Des moments où je vis sans m’attacher, goûtant à la passion sans envisager l’avenir. La nuit passée ne fait pas exception. Un autre inconnu, une autre nuit. Quelques heures d’évasion, puis l’oublie. Je maîtrise désormais la situation. De retour chez moi, je file sous la douche, laissant l’eau brûlante effacer les traces de la veille. Café en main, je me prépare pour une nouvelle journée bien remplie.
Portable en main, j’ouvre l’application Tinder pour relire ma conversation avec mon rendez-vous de ce soir. Il a quelque chose de différent. Charmant, respectueux, loin des séducteurs insistants. Peut-être est-ce pour toutes ces raisons que j’ai accepté de prendre un café avec lui. J’en ai informé mon bras droit la veille, mais je lui répète à nouveau ce matin. Je veux vivre ce rendez-vous pleinement, sans me soucier du Maxdon’s. Ce matin, les clients affluent pour leur café. Rires et histoires s’échangent dans une atmosphère chaleureuse. Je les observe, sourire aux lèvres. Chaque instant ici me rappelle ma vocation. Ce pub est mon espace, mon refuge, dont je suis devenu propriétaire en début d’année.
La pause déjeuner arrive plus vite que prévu. Habituellement, je ne m’accorde jamais vraiment de pause. Pas le temps pour ça. Mais cette fois, je retrouve une amie au Popeyes. Olivia, curieuse de nature, me questionne sur mon rendez-vous. Je réponds, souriante, mais une légère appréhension monte. Ce n’est pas mon premier rendez-vous, pourtant, quelque chose semble différent. De retour au travail, je m’occupe de la routine quotidienne, supervisant également les préparatifs d’un concert intimiste prévu pour la fin du mois. Malgré cela, mes pensées s’évadent vers cet homme avec lequel je dois prendre un café. Une simple rencontre ou peut-être plus, qui sait ? Le temps fil, après avoir vérifié que tout soit en ordre, je quitte le pub pour me préparer.
Sous la douche, je prends un moment pour me détendre après cette journée. J’opte pour une robe décolleté noir, élégante, puis des escarpins à talons qui renforcent mon assurance. Je choisis un maquillage nude, quelques accessoires dont un long pendentif s’arrêtant à la naissance de ma poitrine et une touche de parfum. Fin prête, mon perfecto en cuir glisse sur mes épaules. Un dernier regard dans le miroir. Puis, son nom me frappe : Rome. Echo d’un passé révolu, qui réveille en moi des souvenirs teintés d’amertume. Ce fut ma plus belle et ma plus triste histoire. Une vague d’émotion me submerge. Mais je me ressaisis. Ce soir, je vais rencontrer un autre homme. Peut-être passerai-je un moment agréable qui se prolongera autour d’un dîner, ou plus, si affinités.
J’arrive au Revolution Roasters avec un léger retard. Le café est baigné d’une lumière douce, filtrée par les rideaux qui laissent entrevoir la mer calme en arrière-plan. Dehors, le soleil illumine la journée, tandis qu’à l’intérieur, une ambiance cosy et réconfortante règne. Autour de moi, les bruits feutrés des conversations se mêlent aux doux cliquetis des tasses en porcelaine. Je prends une inspiration, savourant un instant l’odeur de café fraîchement moulu qui embaume l’air. L’endroit parfait pour une rencontre, songe-je avec un sourire intérieur. Mon regard parcourt la pièce, cherchant mon rendez-vous. Il est là, assis près d’une fenêtre dont la vue donne sur la plage. Excellent choix. Je remets une mèche de cheveux en place, puis j’avance vers lui, alors qu’il est absorbé par son téléphone. Une fois devant lui, je lui dis d’une voix claire : - Bonjour… A ces mots, je me contente de lâcher un léger rictus, puis d’attendre qu’il daigne enfin lever les yeux. Ne me voyant pas partir, il réalise alors son erreur et se lève.
Soudain, tout vacille. Le temps ralentit, le monde se suspend. Je reste figée, incapable de comprendre ce que je vois. Comme si une partie de moi refusait d'accepter l'évidence. Puis, la réalité s'impose, brutale, inéluctable. Ce visage, ce regard… Rome. Mon cœur se serre en prononçant son nom dans ma tête, me tirant brusquement de mon déni. Dans un geste instinctif, mes mains se crispent sur les manches de mon perfecto, incapable de cacher ma stupeur. Une vague de souvenirs me submerge, alors qu'un frisson parcourt mon être. Chaque instant partagé, chaque promesse non tenue, chaque blessure remonte à la surface avec force. Comme si ma vie défilait sous mes yeux. Extérieurement, je reste impassible, mais intérieurement, c'est une toute autre histoire. Mon regard s'accroche au sien, cherchant des réponses sur sa venue. Pourquoi maintenant ? Pourquoi, lui, après tout ce temps ? Mes lèvres se plissent à peine sous l'émotion contenue, alors que la colère monte en moi. - Toi… Ici ? Ma voix est plus mordante que je ne le veux, mais rien ne laisse deviner l'ouragan qui menace d'éclater. Pas lui. Pas maintenant. Je veux fuir, mais je reste droite, les pieds fermement ancrés au sol. Pourtant, tout en moi me hurle que je ne devrais pas être là.