the long-awaited pizza (kalen)

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La villa d'Amelia s'enveloppait d'une lumière douce, teintée des adieux délicats du soleil, comme si le crépuscule tissait une étreinte en velours autour de chaque recoin. Les notes sucrées des cocktails flottaient dans l'air, empreintes du soin méticuleux qu'elle avait mis dans leur élaboration. Elle espérait vraiment que cette soirée serait réussie, depuis le temps qu'ils l'attendaient. Après des semaines à jongler entre ses responsabilités au Country Club et la création d'un univers féérique pour les fêtes de fin d'année, Amelia avait finalement réussi son pari. L'énergie qu'elle avait consacrée à la décoration et à la planification d'événements grandioses pour ses clients fortunés avait atteint son apogée. Elle était fière, heureuse du travail accompli, mais (bien qu'elle ne l'avoue pas facilement) éreintée. Seule la perspective de retrouver Kalen pour la soirée lui avait insufflé une nouvelle énergie.

Sans qu'elle y prête consciemment attention, sa villa s'était drapée d'une ambiance feutrée. Les lueurs tamisées des lustres accentuaient la texture des toiles qui recouvraient les murs, créant un environnement où l'art et le lâcher-prise se mêlaient harmonieusement. Amelia, dans la tenue qu'elle avait pris plus de temps à choisir qu'elle ne l'aurait cru pour une soirée entre amis, commençait à ressentir une certaine nervosité. Etait-ce l'excitation, l'impatience ou l'appréhension d'enfin concrétiser cette soirée pizza dont ils parlaient depuis... Halloween ?! L'un comme l'autre avaient eu quelques imprévus professionnels ; ni les affaires du District 21, ni les clients fortunés du Club ne pouvaient attendre. Ces derniers mirent d'ailleurs un point d'orgue à retarder leur soirée, avec des attentes démesurées pour la période de Noël et du Nouvel An. Ils attendaient d'Amelia qu'elle se surpasse, et c'est précisément ce qu'elle avait fait, au détriment de sa vie sociale. Il était temps de remettre l'église au centre du village, comme le disait souvent Odetta.

Le claquement régulier de ses talons résonnait dans l'entrée alors qu'elle se dirigeait vers la porte. Elle n'avait pas touché son téléphone depuis des heures. C'était d'autant plus exceptionnel qu'il ne s'agissait pas d'une décision mûrement réfléchie, mais d'un total désintérêt.

La sonnette de la porte fit écho dans le silence, dessinant un sourire des grands jours sur son visage. La poignée froide sous les doigts, elle prit une profonde inspiration et l'ouvrit. « C'est pour la pizza ? » lança-t-elle avec humour avant d'enlacer son ami. Effleurée par l'air frais de la fin de journée, Amelia sentit le poids des semaines écoulées s'alléger. La soirée s'annonçait prometteuse. Sans fioriture. Sans prise de tête. Kalen était doué pour ça. « Entre, je t'en prie. Le four est chaud et les cocktails sont frais ! » Elle ferma la porte derrière lui, en lui soufflant au passage : « T'inquiète pas, j'ai aussi des bières. » Elle s'efforçait de trouver le bon équilibre, elle qui était habituée aux réceptions guindées que le flic exécrait. Et honnêtement ? Cela lui faisait le plus grand bien ! 

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Enfin, c'est le grand jour. Celui de la fameuse soirée pizza dont ils parlent depuis plusieurs semaines. Initialement prévue pour Halloween mais qu'ils ont dû annulé à cause des imprévus de chacun. Report de quelques jours, qui se transforment en semaines. Quand la date est enfin calée, c'est décembre qui est déjà entamée. La proximité des fêtes, l'engrenage de la période qui se fait déjà ressentir autour de soi. Les mois s'enchaînent, le quotidien également. Et les fêtes n'attendent pas, c'est quelque chose qu'il a appris grâce à sa mère. Lui qui ne raffole pas vraiment de toute cette agitation mais qui se prête au jeu à l'occasion. Heureusement que cette soirée n'entre pas dans ce moule, et se place sous des auspices beaucoup plus détendus. Même si c'est encore une fois la rencontre entre deux mondes. Deux opposés qui entretiennent une amitié depuis douze ans à présent. L'une gardant le secret du second, même à sa plus proche amie qu'ils ont en commun. L'autre acceptant quelques écarts farfelus qu'il ne ferait pas en temps normal. Amelia et lui n'appartiennent pas au même monde. La mère de Kalen les a pourtant rapprochés. Une surveillance discrète demandée découlant sur leur lien qui a perduré même quand la mère de Kalen s'est mariée. Amelia continue à voir la vieille dame, sans fioritures, partageant des moments avec elle sans rien attendre en retour. C'est une chose que le brun apprécie beaucoup chez elle, cette dévotion sans attente. Loin de ce monde du country club où tout doit être perfection. Il se rend rarement dans ce lieu, détônant avec les habitués. N'ayant surtout pas leurs centres d'intérêt. Mais ce n'est pas là qu'il se rend en cette soirée, alors qu'il gare la moto devant une maison de North Valley. Façade familière même s'il vient rarement et que généralement ils se rencontrent dans des lieux neutres. Quand ils y arrivent car leur relation est entretenue surtout par des échanges de messages. Beaucoup plus facile avec leurs métiers prenant. Il est heureux de pouvoir décompresser, même s'il ne l'avouera pas forcément, également de venir dans cette maison, à l'opposé de son petit appartement. Quelques jours auparavant sa mère l'a relancé, sur le fait de trouver autre chose, de plus convenable. A quoi bon ? Il passe beaucoup de temps au District 21 et l'appartement lui sert essentiellement pour dormir. Sauf qu'un imprévu est tombé dans la journée, ce qui fait qu'il est très légèrement en retard pour la soirée. Imprévu qui l'a décalé. Le vieil immeuble va avoir besoin de travaux. Les résidents sont priés de séjourner ailleurs durant au moins deux semaines. Problème dont il n'a pas encore choisi la solution. Aller à l'hôtel ce qui lui fera des frais, ou séjourner chez sa mère et son beau-père. Il ne sait pas encore, il réfléchira, bientôt. Le doigt qui se presse sur la sonnette. Cheveux en bataille à cause du casque qui recouvrait sa tête. Ce n'est qu'une soirée entre amis et pourtant il a fait un léger effort pour s'apprêter. Au jean, il a rajouté une chemise. Et puis cette éternelle veste en cuir, un jour il se décidera à la changer. Quand on le forcera à le faire car lui n'est pas décidé. Porte qui s'ouvre et le sourire apparait à la vue de la silhouette féminine. - C'est pour la fameuse pizza de presque noël réplique-t-il en répondant à l'étreinte, enlaçant doucement son amie contre lui. Il entre suite à son invitation, posant le casque avec ses gants à l'intérieur sur le premier meuble venu, tout en l'écoutant. - Tout est prêt ou quasiment de ce que j'entends, la perfection ou rien d'autre n'est-ce pas. Il la taquine un peu passage mais c'est naturel entre eux. Les références à leurs différences, ils ne le prennent pas comme une critique, c'est tout le contraire. - Une bière ça m'ira, mais si tu as du whisky, tu feras mon bonheur. J'ai bien besoin d'un verre. Il ne veut pas penser à son appartement ni à l'immeuble, mais juste profiter de cette soirée en sa compagnie, et être détendu. - Je peux t'aider pour quelque chose ? Même s'ils sont chez elle, il n'est pas du genre à se mettre les pieds sous la table et à ne rien faire. Cela donne toujours l'impression d'être spécial et c'est quelque chose dont il est loin de se sentir.

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Des mondes apparemment inconciliables. Les quotidiens, diamétralement opposés, de Kalen et d'Amelia semblaient tracés sur des orbites différentes. Là où l'un jonglait avec les affaires sérieuses, parfois sinistres, du District 21, l'autre orchestrait des événements grandioses au Country Club, pour une clientèle avide de "toujours plus".

La remarque sur la "pizza de presque Noël" fit naître un sourire subtil sur les lèvres d'Amelia, mélange d'amusement et de déception contenue. Leurs emplois du temps avaient orchestré un ballet de reports et de changements, transformant une simple soirée pizza en un rendez-vous qui semblait jouer à cache-cache avec les jours du calendrier. Les torts étaient partagés, mais la brune se sentait frustrée ne pas réussir à contrôler tous les pans de sa vie comme elle l'entendait, d'autant plus lorsqu'il s'agissait de passer du temps en compagnie de ses proches. Son golden circle, qu'elle avait rapidement ouvert à Kalen.

Douze ans que les taquineries étaient l'essence de leur amitié. Kalen, fidèle à lui-même, entama les hostilités avec une notion de perfection qu'elle ne connaissait que trop bien. Un point pour lui. Le casque et les gants trouvèrent rapidement leur place sur un meuble, tandis qu'elle lui répondit avec un sourire espiègle : « J'aime quand une mission se déroule sans accroc. » Eux seuls pouvaient comprendre la finesse de cette boutade, et le sous-entendu par rapport à l'ancienne vie de Silas.

Kalen offrit son aide ; ce qui révélait, selon elle, l'empreinte indélébile de son besoin de se sentir utile. Amelia, qui connaissait cette facette de sa personnalité, lui confirma honnêtement : « Tout est prêt, tu m'connais. » avant d'ajouter « Si ce n'est les glaçons, ça t'ennuie d'en sortir quelques-uns ? Tu te souviens où sont les bols ? » Il était déjà venu plusieurs fois à la maison, mais il ne semblait pas toujours à l'aise dans cette cuisine qui faisait presque la taille de son appartement. Deux mondes opposés, deux caractères opposés, et pourtant : ils trouvaient toujours un équilibre. Contre toute attente, avec quelques adaptations, cela se faisait même assez naturellement.

Amelia s'empressa d'attraper une bouteille rare de whisky, qu'elle n'ouvrait que pour des occasions spéciales. Cette soirée, et son convive, étaient tant attendus qu'elle considéra qu'il s'agissait d'une occasion spéciale. L'étiquette portait l'inscription "Dalmore King Alexander III", un choix précis pour ravir le palais de son ami. Le son doux du liège s'échappant de la bouteille était comme une mélodie feutrée dans la pièce, prélude à un moment exceptionnel -bien qu'elle n'en boirait pas une goutte.

Elle versa soigneusement le liquide ambré dans le verre. Le parfum riche et tourbé du whisky emplit l'air. « Voilà, pour toi. » dit-elle en tendant le verre à Kalen, un sourire complice aux lèvres. Puis, sans détour, elle lui lança un regard curieux. « Maintenant, dis-moi, pourquoi as-tu besoin de ce verre ce soir ? C'est pour quelque chose en rapport avec le District ? » Un léger froncement de sourcil trahissait son désir d'en savoir plus.

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Deux mondes opposés. Une recherche de la perfection chez l'une dans beaucoup d'aspects de sa vie, mais quasi inexistante chez le second, en dehors de son travail. C'est à se demander ce qui les unit. Cette petite phrase répondue, est certainement une première réponse à la question. Un secret partagé depuis quatre années désormais. Rares sont les mots qui sortent sur ce passé. La jeune femme respecte et préserve son intimité. Habituée à le nommer Silas, c'est avec une aisance qu'elle a basculé sur Kalen le moment venu. Amenant un peu de douceur à cette transition placée sous une dure réalité. Besoin de préserver une identité, de s'assurer d'une certaine sécurité, pour lui, mais également pour son entourage. Elle l'a aidé, à s'habituer à la formulation de son second prénom,  devenu le principal. Elle l'étonne régulièrement, comme là, avec cette petite allusion à son passé, mais également à une vieille série très connue. -  Tant que tu ne me sors pas cette phrase avec un cigare entre les lèvres, tout va bien.

Il vient d'arriver. C'est à peine s'il a posé ses affaires que déjà, il propose ses services. Habitude chez lui, peu importe le lieu où il se rend. Mère célibataire l'ayant élevé, il a appris très jeune à aider, et à faire sa part de tâches, adapté à son âge au fil des années. Mais s'il se montre serviable, cette volonté d'aider tombe rapidement dans les oubliettes. Il aurait dû s'en douter. Tout est prêt avec Amelia. Sans accroc, n'est-ce pas ? Tant pis. Quoique... Finalement, elle lui donne une petite mission. Ce n'est pas grand chose mais c'est suffisant à ses yeux. - Toujours à la même place dans le placard qui leur est attribué et parfaitement alignés. Oui je m'en souviens. Petit sourire au coin des lèvres. Ce n'est aucunement de la moquerie. Juste de l'observation les quelques fois qu'il est venu chez elle. Déformation professionnelle, davantage celle de sa précédente vie que de l'actuelle, même si dans le fond, il y a pas mal de similitudes. Il s'affaire, s'exécutant, sortant un bol, puis frôlant la jeune femme au passage pour aller sortir quelques glaçons. Il suit du coin du regard ses gestes, repère la vignette de la bouteille. - Tu es sûre ? Je peux me contenter d'une bière. Il se doute que le prix du breuvage doit être exorbitant. Il ne veut même pas comparer celui-ci à son propre salaire. Mais déjà le parfum du whisky se dégage, parvenant jusqu'à ses narines. C'est un bon. Non, un excellent. Il le sait, sans même l'avoir goûté. Verre rempli tandis qu'il s'approche avec le bol de glaçons. - Merci. Verre récupéré. Avec une pince, il attrape un glaçon et le fait glisser dans le verre. Il ne le porte pas à ses lèvres, patientant qu'elle se serve également un verre. Mais la curiosité prime sur la volonté de l'accompagner pour l'apéritif. - Ce n'est pas grand chose. Il hésite. Problème qui est le sien et non celui de son amie. Il ne désire pas l'ennuyer avec ce qui le chagrine. Goutte d'eau éloignée du monde dans lequel elle vit. Situation qu'elle ne doit jamais rencontrer et qu'elle ne rencontrera probablement jamais, tant tout est bien huilé dans sa vie. - Ce n'est pas en rapport avec le boulot non. Ni avec ma mère avant que tu t'inquiètes pour elle. Il anticipe avant que la prochaine question ne surgisse, se doutant qu'elle puisse songer à sa mère. Ou même à sa soeur adoptive. - J'ai appris qu'il va y avoir de gros travaux dans mon immeuble. Et que certains locataires, dont moi, sont priés de séjourner ailleurs quelques temps. Sauf si je veux rester dans un appartement sans eau, et possiblement sans électricité durant quelques semaines. Faire du camping en quelque sorte. C'est envisage mais cela risque de rapidement le lasser. - Rien d'inquiétant, je réfléchis juste à ce que je vais faire. D'où le besoin de ce verre. Tu bois quoi, d'ailleurs pour m'accompagner ?

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Amelia connaissait les deux versants de la Lune. La médaille, et son revers. Elle connaissait Kalen, comme elle connaissait sa vie antérieure, quand il répondait encore au nom de Silas. Une époque soldée par une sombre affaire de crime et de coeur. Elle connaissait l'homme derrière le nom. Avec finesse, elle avait réussi le pari d'être présente sans être oppressante, de ne pas en faire trop, à soutenir sans étouffer. Elle lui avait laissé le temps de digérer cette douloureuse transition, en s'efforçant de l'accompagner avec discrétion. Comme il lui avait été difficile de rester mesurée, alors qu'il dérivait. Amelia avait toujours été de celles qui remuent ciel et terre pour son cercle proche, comme une lionne qui protègerait les siens au péril de sa vie. Son énergie avait alors été employé à prendre soin de la mère de Kalen, avec qui elle avait noué une relation de confiance. C'était une manière détournée, et plaisante, de se rendre utile pour lui.

Le soutien qu'elle lui offrait dépassait sans doute les frontières de l'amitié. Mais depuis le début, leur lien était particulier. Un rebondissement tel qu'un changement d'identité aurait pu tout faire disparaître. Silas aurait pu la rayer de sa vie, pour redémarrer un nouveau chapitre sans la moindre trace de son passé. Amelia aurait pu s'éloigner discrètement de cette situation étrange. Mais ils étaient restés là tous les deux. Cette transition, pour la brune, était devenue une évidence, une continuité naturelle qu'elle n'avait jamais envisagé de rompre. Silas, Kalen : peu importait, il était le même - à quelques séquelles près. A aucun moment, Amelia n'avait penser à fuir. D'abord, parce que l'abandon ne faisait pas partie de son vocabulaire. Puis, pour cette connexion inexplicable les unissait, malgré leurs différences évidentes. Depuis le premier jour, ou presque. Elle avait, bien sûr, pensé à cette alchimie comme à l'éventualité de quelques sentiments amoureux. Bien que ni l'un, ni l'autre n'ait jamais effleuré la question, ils y avaient sans doute pensé tous les deux, à un moment donné. Pourtant, Amelia n'imaginait pas qu'il se soit posé la question. Ils étaient si différents. Dans sa bulle dorée, elle avait parfois l'impression d'être à mille lieues de la vraie vie, du quotidien de Kalen. Au fond d'elle, et c'était extrêmement rare, elle ne se sentait pas candidate, pas à la hauteur. Elle était sûrement "trop" : trop riche, trop occupée, trop sollicitée, trop. Elle ne pouvait pas avoir de regrets, puisqu'elle considérait simplement que c'était comme ça. Alors, elle s'était positionnée dans la sphère amicale et leur relation avait évolué sans heurt.

Lorsque Kalen frôla Amelia pour prendre le bol, une microseconde de retenue dans sa respiration révéla ce qu'elle soupçonnait à peine. Elle se répéta intérieurement qu'ils étaient juste amis, juste amis, comme s'il fallait qu'elle s'en convainque une nouvelle fois. Cela faisait des années que ça fonctionnait, alors pourquoi diable réagissait-elle de cette manière ces derniers temps ? Si Tully savait ça... Et si Odetta le savait ! Bon sang, cette dernière lui dirait forcément que les planètes s'alignent enfin, depuis le temps qu'elle se dit persuadée que Kalen est son âm... Bref.

Malgré cette agitation intérieure, elle se contenta de sourire et de porter son cocktail à ses lèvres, remarquant au passage que le whisky plaisait à Kalen. Elle grava le nom de ce nectar dans sa mémoire, tandis qu'il lui annonça devoir quitter son appartement quelques semaines. Elle l'écouta avec attention, prête à lui proposer quelque chose qu'elle gardait précieusement dans sa pensée. « Je bois pour décompresser après ma grosse journée, mais surtout pour profiter d'un bon moment en ta compagnie. » admit-elle sincèrement, avant de profiter de l'occasion pour ajouter, d'une simplicité que peu de monde lui connaissait : « Ça pourrait être plus fréquent, si tu le voulais. » Un lapsus révélateur, un moment où ses mots semblaient prendre une tangente inattendue, laissant planer une proposition voilée. Comme si cette pensée s'était échappée sans contrôle, elle ajouta avec un rictus gêné : « Enfin, je veux dire, s'installer ici quelques temps. La maison est bien assez grande pour deux, tu sais. » Elle espérait qu'il n'avait pas relevé son moment d'honnêteté imprévu, lui laissant l'opportunité de prendre cette proposition comme il le souhaitait. Une invitation déguisée, peut-être, pour le garder un peu plus près.

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Tout est si fluide et naturel entre eux depuis toutes ces années, malgré leur appartenance à des mondes différents, opposés à bien des égards. Si leur relation perdure depuis si longtemps, c'est sans doute car ils mettent ces petits éléments parasites capables de faire s'ouvrir un gouffre qui ne se refermera jamais. Amelia ne l'a jamais pris de haut depuis qu'ils se côtoient. Pas une fois, elle a fait déballage de sa richesse. Restant naturelle en sa présence, ou en présence de sa mère. Une jeune femme tout ce qu'il y a plus normal, si on ne pense pas une seconde à son compte en banque bien rempli. De son côté, il n'a jamais pris cette richesse avec un certain dédain, ni même une jalousie, acceptant cette différence. Apprenant à la connaître doucement au fil des années pour ce qu'elle est réellement, et non pour ce qu'elle représente aux yeux de quelques personnes envieuses. Ensemble, ils restent dans la simplicité, et c'est ce qui fait que cette alchimie opère et perdure. Cette amitié est précieuse aux yeux du capitaine, sûrement la plus précieuse de toutes celles qu'il possède. Et il ne souhaite pas la perdre, sur bien des égards. Il s'ouvre à elle, à son amie, à sa confidente. Elle l'a vu au plus haut mais également au plus bas de sa forme. Moral vacillant. Cœur meurtri. Amelia toujours présente, à proximité ou dans l'ombre. Non, il ne s'imagine pas la perdre un jour. La peine serait sûrement plus intense que celle qu'il a vécu quatre ans auparavant même s'il est incapable d'expliquer pourquoi. Peut-être qu'il le ferait s'il prenait le temps de s'attarder dessus et de se poser les bonnes questions. Il les évite, préfère les mettre de côté car il se refuse à emprunter une pente qui ferait s'écrouler ce lien entre eux, ces petits moments qu'ils partagent, en rires ou plus sérieusement. Comme cette petit discussion qui s'ouvre. Il se confie sur les petits soucis d'appartement qu'il rencontre, sur la réflexion qui évidemment s'impose pour des choix qu'il va devoir faire. Rester dans cet appartement ou déménager temporairement. Définitivement souffle la petite voix de sa mère dans sa tête, elle qui voit toujours ce logement comme insalubre et qui ne comprend pas pourquoi il y reste.Il fronce les sourcils à la remarque de son amie. - Plus fréquent ? demande-t-il quelque peu incrédule. Il ne comprend pas le capitaine, où elle veut en venir. Œillères posées depuis de nombreuses années pour ne pas remarquer ce qui se trame sous son nez avec son flaire de policier. La jeune femme reprend et là il comprend. Un invitation à venir dans cette maison. - Je ne te disais pas ça pour te pousser à y songer, tu le sais n'est-ce pas ? Il préfère éclaircir les choses entre eux directement. Cette idée ne lui est pas venu à l'esprit et il ne veut pas qu'elle y pense, qu'il songe à profiter d'elle, de sa richesse, de sa demeure. Jamais il ne le fera. - Je ne sais pas, c'est tentant mais je ne veux pas te déranger. J'ai des horaires improbables avec le boulot. Il marque une pause, réfléchit, le verre tournant entre ses doigts. - Laisse-moi y penser. Toi aussi de ton côté, que ça ne soit pas balancer sur un coup de tête avant que tu ne regrettes. Par contre, n'en parle pas à ma mère. Elle sauterait sur l'occasion pour me faire déguerpir de cet appartement "immonde" comme elle le désigne... Il réclame du temps pour réfléchir mais inévitablement il est déjà en train de le faire. Se demandant s'ils sont capables de vivre en colocation quelques temps. Est-ce que cela aura des répercussions sur eux. Et si elle découvre plein de choses qu'elle n'aime pas du tout en le voyant plus souvent et que ça la pousse à changer d'avis et à s'éloigner. De nombreuses questions sont inévitablement formées dans son esprit, aucune avec des réponses si ce n'est qu'il faut tenter pour découvrir. - Je risquerai de vider ton stock de whisky en m'installant ici quelques temps souffle-t-il en plaisantant.

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