the boys are back ~ wolyx

C'est toujours le cordonnier le plus mal chaussé. En l'occurence dans la situation actuelle : le mécanicien. Il a terminé sa journée de travail, tous ses collègues sont partis. Lui également n'est plus censé se trouver devant le bâtiment. Et pourtant... Capot du vieux pick-up ouvert. Il ne compte plus le nombre de fois qu'il tombe en panne au cours des derniers mois qui se sont écoulés. Son patron et ami Leo tente bien à chaque fois de lui souffler l'idée de changer de véhicule. En vain, car les mots rentrent par une oreille et ressortent quasiment aussitôt par l'autre. Et s'il déclare qu'il va y songer, c'est uniquement pour avoir la paix et clore le sujet. Ce vieux tas de ferraille à la couleur partie par endroits, aux multiples rayures, il l'aime bien. Il est amoché et puis ? Quelque part, les deux se ressemblent, chacun avec ses blessures. S'il s'évertue à réparer l'engin, il sait que pour les siennes, et en l'occurence sa jambe, c'est trop tard. Rééducation mal faite. Cicatrisation qui ne s'est pas déroulée comme il aurait fallu. Il boitera à jamais, et honnêtement, il s'en contrefout. La seule chose qui lui manque un peu, c'est de faire de la moto. Mais à la longue, il s'y fait. Et quand il ne peut pas oublier, l'alcool l'aide à arrêter de penser. Ce n'est pas bien, probablement qu'il en a conscience. Une fois encore, il s'en contrefout. Oui, il ne se préoccupe pas de beaucoup de choses Onyx. Pourtant, même si encore une fois, son moyen de locomotion est en panne. Et bien, une fois n'est pas coutume, il a songé à envoyer un message à Wolf. Ils se connaissent depuis longtemps ces deux là. Ils en sont même venus aux mains quand ils étaient jeunes. Deux têtes brûlées que le désamour de l'école a fini par rapprocher, le jour où le plus âgé s'est interposé pour venir au secours du plus jeune. Amitié en dents de scie avec son départ sur le circuit nascar. Ils ont toujours trouvé le moyen de se voir à l'occasion, dans une ville étape, alors qu'ils étaient tous les deux sur la route. En cette fin de journée, ils sont censés se retrouver dans un bar. Ce n'est pas dans l'immédiat vu que le vieux tacot refuse de démarrer. Ce n'est pas faute de le bichonner. Mais rien à faire. Caisse à outils ouverte, posée devant le véhicule. Il n'est pas loin de taper dedans même si ça serait une très mauvaise idée pour sa jambe. Alors, il met sa contrariété de côté, n'ayant aucun être humain à proximité sur qui passer sa mauvaise humeur. Il ne sait même plus ce qu'il a envoyé à Wolf en message. Soirée annulée ? Viens me chercher ? Obnubilé, il a balancé aussitôt après le téléphone sur le siège passager du véhicule. Il entre à l'intérieur de ce dernier, tourne la clé. Tente de démarrer... - Bordel de merde ! Allez démarre spèce de vieux tas d'ferraille ! Le cordonnier le plus mal chaussé, c'est bien ce qu'on dit, en effet.

La semaine neige a été un bon petit break dans ton quotidien de petit soldat rythmé par l’argent que tu peux entrer. Le retour n’a été qu’un retour à tes activités, Wolf, levé aux aurores, lit fait au millimètre, une séance express dans ton salon, te foutant bien que ça fasse chier le voisin d’en bras. A se demander si t’as vraiment quitté la taule, Wolf, la seule différence c’est ton errance dans les rues à moitié endormies au petit matin. Ton seul moment de répit avant d’être happé par une vie dont tu t’étais promis de rester éloigné, te lançant après tes rêves. Les regrets te mordent encore le cœur, profitant d’une seconde d’inattention pour venir te rappeler ce qui aurait pu être et ce qui a merdé. Un crochet du droit dans le vide pour te ressaisir et pas le temps de niaiser que tu traines ta carcasse aux différents endroits où t’es attendu aujourd’hui. Là où t’étais pas attendu par contre, c’est au garage où crèche Onyx, au bar ouais, pour descendre quelques bières depuis le temps mais pas sur le lieu de travail de ton pote. Maintenant que tu t’es offert une caisse -qui reste le plus souvent parqué sur le parking de la salle faute d’assurance-, faut croire que t’es sollicité partout. T’embarques dans le navire métallique et il te faut à peine dix minutes pour ramener ton cul, où t’étais pas loin des quarante-cinq minutes en transport en commun. Tu te rends compte encore une fois que ta mère a raison, ça va être un gain de temps qu’elle avait insisté alors que toi, t’y voyais aucun intérêt, ce serait gaspiller du fric pour rien. Mais comme t’as jamais su lui refuser quoique ce soit, t’as finalement plié. « C’est pas comme ça qu’elle va repartir » tu balances avec un sourire, signalant également ton arrivée, claquant le parechoc de la main droite pour le style. Comme t’es pas trop con Wolf, t’arrives à capter l’humeur de ton pote mais pourtant t’en rajoutes une couche « j’t’avais bien dit qu’elle allait bientôt crever » pas besoin d’être mécano pour savoir que le pick-up en avait plus pour longtemps à force de marquer l’arrêt à chaque occasion. « On va prendre la mienne » pour une fois que c’était toi derrière le volant, t’oscillais entre le bus ou Onyx quand vous vous voyiez. Date à marquer dans le calendrier, en espérant qu’il y ait pas de flic sur le route. « J’ai pas encore d’assurance, donc j’espère que t’as plus d’cul que moi en général » ce dont t’es pas trop sûr au demeurant. « Allez, viens on bouge, tu peux rien faire de plus de toute »

Il ne peut pas donner un coup de pied à son vieux véhicule capricieux. C'est un fait. Ce qu'il peut en revanche, c'est l'insulter. Il ne s'en prive pas. Et vu qu'il est incapable de s'arrêter là, le voici également à donner des coups rageurs sur le volant. Patience présente quand il s'agit de tous les véhicules qu'il répare, aucune alors qu'il est propos du sien. C'est paradoxal mais plusieurs choses le sont chez cet homme. Humeur assombri, visage qui se tourne vers son ami qu'il n'a pas entendu arriver. - J't'emmerde balance-t-il simplement pour la forme. C'est pas mal comme accueil, mais c'est régulièrement ainsi entre eux. Et si l'un comme l'autre n'était pas con parfois, il n'y aurait pas eu cette petite couche rajoutée qui, évidemment le fait réagir. - Tu crèveras avant elle si tu continues de l'offenser. Il se décide enfin, à descendre du véhicule, en claquant la porte de rage, car il n'en fait qu'à sa tête. Le pick-up, pas Onyx. Quoique... Wolf propose de prendre sa voiture. Il hausse les épaules en récupérant sa boite à outils qu'il vient déposer sur le siège passager du pick-up. - Ils annoncent un ouragan que tu prennes le volant ? Car son ami ne prend jamais celui-ci. A chaque fois qu'ils sortent, c'est toujours lui qui l'amènent. Pour le retour, c'est le moins éméché des deux qui conduit. - Mec on parle de moi, j'ai l'air d'avoir du bol ? J'suis ton pote, ça répond à la question. Peut-être des sous entendus derrière ces mots mais aucun de mal placé. Ils se sont souvent pris la tête quand ils étaient plus jeunes. Mais finalement leurs sales caractères sont assez proches et ils se retrouvent sur divers points. Onyx sait qu'il peut compter sur l'autre s'il en a besoin, et inversement. Il doute d'être d'un grand secours entre son portefeuille vide et son handicap, mais il le sera quand même. - ça va, j'arrive... Véhicule verrouillé pour la forme. Au moins il est déjà sur place pour le lendemain pour être réparé à l'ouverture du garage. Ou plus tard dans la soirée s'il n'est pas trop saoul. Le voici qui grimpe dans la caisse de Wolf. - L'habituel ou on change ?

Forcément Onyx est d’humeur de chien, ça t’arrache un sourire, comme le je t’emmerde qui claque en guise de salut. Loin d’être impressionné et tu sais que c’est pas le but, alors tu laisses couler. Tu le connais suffisamment pour savoir que c’est sa façon d’être plutôt qu’une invitation à grimper sur le ring. Pour ça que tu prends à la rigolade Baxton, toi que l’on voit toujours monter au créneau au moindre regard de travers. Tu réagis pas non plus à sa menace de te faire crever avant, pire ton sourire s’agrandît. « j’kifferais voir ça » t’appartiens au rang de vermine Baxton, de celles qui sont increvables malgré qu’elles se fassent rouler dessus. Les coups sont accueillis et le corps se relèvent continuellement, toujours prêt à affronter ce qui se présente. « j’avais la flemme de marcher jusqu’au bar » t’as pas assez de thunes pour les dépenser avec Uber et au fond t’avais pas non plus envie d’annuler. Des semaines à cravacher, l’idée de détendre avec une bonne pierre a rapidement trouvé de l’importance dans ton esprit, au point que tu sortes ta caisse de son coma. Onyx ce que tu pensais déjà, deux poissards qui vont traverser la ville avec une caisse non assurée, ça sent le plan de merde. Une de ces idées qui pue sur le papier et sans doute encore plus en vrai. « Tentons notre chance » que tu conclus en haussant les épaules, la décision est déjà prise et advienne que pourra. T’as pu faire l’aller sans rencontrer de flic, tu croises les doigts pour que ça se poursuive. Derrière le volant, t’attends qu’Onyx grimpe à son tour et tu démarres sans plus attendre. « L’habituel » t’es pas le gars le plus porté sur les changements et surtout, les prix correspondent beaucoup plus à l’état de ton compte en banque. Sur la route, tu pries pour qu’aucun flic ait décidé de se mettre sur ton chemin et faut croire que ça paie parce qu’il y a personne en uniforme pour te rappeler que l’assurance est obligatoire. « P’tain, j’crois qu’on commence à avoir du cul » c’est ta conclusion de ces dix minutes de trajet, peut-être que tu devrais t’acheter un ticket de loto, on sait jamais. A l’intérieur, tu repères une table un peu à part des autres qui offre une vue sur la salle, sale habitude de taulard qui doit voir venir l’attaque. « une pinte de brune » la serveuse a un petit sourire, l’air de dire comme d’habitude, ouais, t’es comme ça Wolf, attaché à ta routine. « on s’prend un truc à grignoter ? »

Son cercle restreint de proches lui plaît. Il n'y a pas plus naturel que lui avec eux, ils le connaissent, ne le jugent pas. Autant pour ses grossièretés que pour ses menaces. Tout ceci balancé en l'air car l'idée ne lui vient même pas de s'en prendre à l'un d'eux, encore moins à Wolf même si ce dernier semble aimer l'agacer. Lui pense ainsi, mais s'il arrive un malheur un jour, pas certain qu'il soit crédible face aux forces de police. Non, pas du tout même, surtout avec cette petite poisse qui semble l'accompagner depuis toujours. Le karma. Le destin. Peu importe ce que c'est, pour lui, c'est une bitch, sinon il serait encore sur les routes, et mécano sur le circuit nascar. Haussement d'épaules. La flemme, genre Baxton va lui faire croire qu'il lui arrive d'être motivé. Sans doute une exception qui le motive à traverser la ville au volant d'une voiture non assurée. - Ouais allons-y, mais si on s'retrouve derrière les barreaux avant la bière, tu vas m'entendre. Soirée qui tombera à l'eau. Des heures dans une cellule. Lui finira par sortir avant l'autre, et il sera emmerdé car il lui faudra marcher. Ouais soit ça, soit il appellera Leo. Ou Izzy. A voir si la poisse s'abat sur eux. Il se décide enfin à monter, adressant un dernier regard à sa prunelle - encore - en panne. Direction le bar habituel, cela lui convient. Pas qu'il déteste les nouveautés mais là-bas, il sait à quoi s'attendre. Autant sur les clients, que sur le personnel ou les boissons. Et même les cacahuètes. Trajet qui se fait sans heurt, et sans l'ombre d'un flic. - Achète un ticket vieux, ça s'reproduira p'têtre pas cette chance. Les deux hommes franchissent le seuil de leur antre habituel. - Comme d'hab réplique-t-il à la suite de Wolf pour sa commande. - Autre que des cacahuètes ? T'as d'la tune ? Car moi j'dois avoir... Il plonge la main dans sa poche pour fouiller, faisant les fonds. Il sort Hamilton et Jefferson. - Douze dollars, j'suis riche mon pote.

Si tes anciens te voient aujourd’hui, ils auraient dû mal à le croire, toi qui as toujours une dizaine de personnes gravitant dans ton cercle le plus proche, une trentaine si on ajoute les connaissances, aujourd’hui qu’une poignée. Quand t’étais au sommet, ils traînaient tous leur cul autour de toi, paroles doucereuses et croyance que tu pouvais compter sur eux, puis tout s’est cassé la gueule, il te restait plus qu’à compter ceux qui sont restés. Très peu, Onyx en fait parti et au fond, ça te va. Tu préfères la simplicité de ta vie aujourd’hui, un compte banque vide mais t’as retrouvé ta liberté, ça n’a pas de prix comme dirait l’autre. Et puis, tu commences à avoir un peu de chance, ne pas croiser de flics deux fois dans la même soirée te laisse penser que t’as peut-être conjuré le sort « Ouais, j’pense que ça te tente. Imagine je gagne le gros lot » t’as un sourire sur les lèvres, amusé par ta propre hypothèse parce que t’as beau être con tu t’es jamais bercé d’illusions, tu réalises que ce serait surtout quatre dollars foutus à la poubelle. A table, tu commandes la même chose et Onyx aussi, t’es tenté d’égayer un peu la soirée, se payer des airs de gars qui en ont un peu dans les poches, un minimum « ouais, ca va, ça paie de faire du babysitting durant le réveillon » c’est comme ça que tu la vois ta mission de garde du corps, un babysitter pour adulte complètement alcoolisé, chiant mais ça rapporte. « j’vais prendre un burger avec frites » tu demandes même pas le prix Wolf, toi, qui es habitué à traîner dans les endroits qui vendent tout au rabais, tu te la joues grand seigneur ce soir Baxton « prends ce que tu veux, je régale » ça arrive pas souvent, ce duo bien assorti de poisse et de dèche « ‘fin j’ai que cinquante balles après » un homme riche ce Baxton.

Deux gamins de la ville, ayant touché en quelque sorte la belle vie du bout des doigts avant que le destin ne les rattrape. Le compte bancaire ne suit plus. Une partie de leur corps non plus. Ils semblent revenir à la poisse de leur enfance. Plutôt que de se morfondre, ils voient quand même le bon côté et emmerdent les obstacles qui se mettent sur leur route. Riant même d’une probabilité tellement infime qu’elle ne se produira jamais. Alors, c’est un ricanement qui franchit les lèvres de celui qui porte le nom d’une pierre. - L’jour où tu gagnes l’gros lot, j’ferai vœu d’abstinence. Heureusement ça s’produira jamais pour l’deux. Il ne sait même pas à combien est le prix d’un ticket de loto et la vérité, c’est qu’il s’en contrefout. Ce n’est pas un morceau de papier qui va les tirer de leur vie. De toute façon, la sienne lui plaît, et celle de Baxton n’a pas l’air de lui déplaire non plus. Dans tous les cas, s’il se plaint, ce n’est pas auprès de lui. Bière commandée pour sa part, il fait le fond de ses poches quand il est question de se rassasier d’autres choses que des cacahuètes. - Babysitting ? Elle est bien foutue au moins ? qu’il ricane en se moquant légèrement de son pote. C’est à peine s’il fait attention à la serveuse qui attend la suite de leur commande. Elle a l’habitude de ces deux énergumènes, même s’ils font une exception dans leur commande, une fois n’est pas coutume. - J’vais prendre aussi l’burger avec frites. Après tout, son ami vient de dire qu’il régale. Ils sont riches à eux deux. Soixante-deux dollars. De quoi se faire un festin. - C’est la paie ou juste l’pourboire ta richesse ? J’vais finir par croire qu’Leo paie mal. Il mentionne son patron et ami depuis de nombreuses années. En vrai, il n’est pas tant que cela à plaindre Onyx. C’est juste qu’il a une conception particulière des dépenses. Il pourrait s’en sortir mieux, s’il faisait une croix sur la malbouffe. Mais hors de question pour lui que de se mettre dans une cuisine. Ce n’est pas son truc et ça ne le sera jamais. Alors, il dilapide stupidement, depuis de longues années.