Tu n’es plus là où tu étais mais tu es partout là où je suis [ft. MarylouJasper]

tw: langage grossier

T’es là, à attendre. T’es arrivé avec trente minutes d’avance et tu sais pas bien pourquoi tu t’es mis à attendre ici alors que le café est juste en face. Tu restes droit comme un piquet à attendre que la petite tête qui a fixé le rendez-vous ne daigne montrer le bout de son nez. T’as pas osé bouger depuis que t’es arrivé. T’as sûrement peur qu’elle fasse demi-tour si tu n’es pas à cet endroit précis au moment où elle arrivera. Jasper, tu ne veux pas l’avouer, mais tu paniques un peu.
Une clope entre les lèvres, tu tires nerveusement dessus en agitant ta jambe. Tout ça te donne l’air d’un mec qui va soit tomber dans les pommes dans la minute qui va suivre ou alors un futur meurtrier qui va commettre un crime. Ouais, t’as l’air complètement fou, Jasper. Tu sais pas bien ce que tu peux foutre de ton corps à l’instant T, tout te parait lourd de conséquences. Elle veut te revoir après tant d’années, ça te semble être un cadeau empoisonné. Pas contre elle, non mais tu sais que tu vas tout foirer et qu’elle va ignorer ton existence pour les quinze prochaines années. Ne merde pas, ne merde pas, te répètes-tu pendant que les minutes passent.

Est-ce que tu dois vraiment croire ce Nash ? Le poulet qui t’a mis en lien avec elle ? Qui l’a fait pour elle ? Faudrait que tu le tiennes à l’œil, lui. Tu le trouves bien trop proche de ta sœur, sans même connaître véritablement leur lien. T’auras une bonne surprise… Ou pas. Puis tu te figes en tirant sur ta clope, ce qui laisse échapper la fumée par tes narines. Elle est là. Tu pourrais la reconnaître entre mille car, les liens du sang ne trompent pas. Marylou, ta petite sœur qui marche sur le trottoir d’en face.
Soudain, c’est la panique. T’aurais dû être en face, dans ce café où elle t’a donné rendez-vous, mais comme un idiot t’as attendu en face. Tu te précipites presque, dérapant au passage en jetant ta clope n’importe où. En quelques enjambées, tu as traversé la route et tu rejoins ta petite sœur et aller lui tenir la porte pour qu’elle entre. Attention à la marche. Que tu balances en posant ton regard bleu sur elle. C’est stupide, parce qu'y a même pas de marche à l’entrée du café, Jasper.

tw: langage grossier

♫ Elle est surexcitée, Marylou, véritable pile électrique qui ne tient plus en place, son appartement en témoigne, elle a dû dévaliser toute sa garde-robe pour trouver une tenue qui lui semble correcte, alors qu’au fond, il doit bien s’en fiche, lui, de comment elle est habillée, mais tout de même. Elle n’en revient pas, ne parvient pas à décrocher de son petit nuage depuis que Nash lui a dit qu’il a retrouvé son frère. Elle a cru à une blague, s’est un peu moquée de lui lorsqu’il le lui a dit, déjà surprise de découvrir qu’il n’avait pas oublié ses quelques confidences légèrement alcoolisées. Et puis, lorsqu’elle a compris qu’il était sérieux, sa première réaction a été de pleurer, bêtement, fondre en larmes dans ses bras sans s’imaginer un instant que ce jour serait possible, à portée, après tant d’années sans nouvelles. Elle a bien cru qu’il n’arriverait jamais, que son frère était perdu à jamais, disparu après quelques brèves discussions maladroites presque quinze ans plus tôt. Elle ignore à quel point il a changé, ce qu’il a pu vivre, ce qu’il sait d’elle, ce qu’il a fait depuis, où il était, tout ce temps. Et elle a un peu peur de le découvrir, aussi, un peu tétanisée à l’idée de le découvrir pleinement, tous deux adultes, sans autre lien que le sang, et l’éternel inconnu de leur passé.
Elle s’interroge, aussi, sur ce qu’il sait déjà, ce qu’il a pu apprendre depuis, et puis, irrémédiablement, se questionne sur les raisons qui l’ont poussé, lui, à disparaître à nouveau sans jamais donner la moindre nouvelle. Est-ce que lui en veut ? Sans doute un peu. Le temps a passé mais elle n’a jamais oublié cette journée de 2008, cet espoir fané de le retrouver.

Elle a proposé un rendez-vous à l’extérieur, un endroit neutre pour un premier contact qu’elle a jugé plus approprié, une assurance, aussi, qu’elle ne se laissera pas trop aller dans l’expression de ses ressentis. Plus elle s’approche, et plus son cœur tambourine, à deux doigts de l’explosion dans sa poitrine alors qu’elle est terrifiée de ce qui pourrait arriver aujourd’hui. Et puis, que va-t-elle lui dire, elle ? A quelques mètres du café, elle s’arrête, la main sur le cœur, le souffle court, alors qu’une brise lui caresse les joues et fait virevolter ses cheveux. Une petite hésitation, puis elle fait demi-tour, succombant au stress, prête à rentrer chez elle, avant de se retourner à nouveau pour se diriger vers le lieu de rendez-vous. Elle n’a sans doute jamais été aussi angoissée de sa vie. Elle va pour ouvrir la porte, finalement, avec l’idée de l’attendre à l’intérieur s’il n’est toujours pas arrivé, et à peine a-t-elle fait un geste en direction de la poignée qu’une main masculine l’attrape pour la laisser passer en premier. Elle se retourne. « Merci. » fait-elle, levant déjà le pied alors qu’il n’y a de toute façon pas de marche devant ce café, trébuchant alors légèrement tout en comprenant la personne qu’elle a en face d’elle. Elle s’arrête alors, interdite au beau milieu de l’entrée, les battements de son cœur qui se stoppent avant de rattraper leur course effrénée. « Jasper… » qu’elle chuchote presque. Le temps se suspend, bulle fragile au coeur de l’agitation, et elle ne sait plus comment agir, redevenant la petite fille fragile qu’elle était avant, devant les yeux de ce grand frère qu’elle a vu disparaître à plusieurs reprises. « Tu es vraiment là, alors ? » Une petite envie de lui toucher le visage pour vérifier lui prend, mais elle se retient, se contentant de sourire bêtement devant l’impensable. « Je… on s’installe ? » Elle a l’air ailleurs, Marylou, hébétée par ces retrouvailles qu’elle n’aurait jamais cru venir, alors qu’elle a déjà envie de pleurer, comme en témoignent ses yeux humides qui le fixent sans pouvoir s’en détacher.