don't wanna cry ( soobin )

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Le café était ouvert seulement depuis quelques heures mais déjà, les bourdes et les erreurs s'enchaînaient. C'était certainement un jour sans, tentait-il de se rassurer en son for intérieur; le genre de moments de faiblesse qu'il fallait accepter. Après tout, il ne pouvait pas se montrer tous les jours efficace, ni totalement maître de lui-même, c'était tout simplement impossible. Mais même s'il tentait de se l'ancrer dans la tête, de prendre du recul, d'être conciliant, Soobin sentait toujours son souffle s'accélérer dans ce genre d'instant, lorsqu'il sentait ses défaillances. Parfois, il renversait une énième tasse, d'autres fois, c'était de violents tremblements qui l'empêchaient de correctement rendre la monnaie.
Son corps avait, certes, su se réveiller plus tôt dans l'année, il s'était montré docile face à la rééducation, mais le trentenaire, redevenu jeune homme, ne pouvait s'empêcher d'être rongé par l'impatience. L'impatience de redevenir lui-même, que tout soit comme avant.

Cette petite escapade dans les toilettes de l'établissement touchant à sa fin, le nouvel employé retourna enfin dans le café tout en resserrant son typique tablier autour de sa taille. Maître dans le camouflage de ses émotions, le grand brun se mit à faire le tour des tablées, vérifiant que personne ne manquait de rien, qu'il s'agisse des gourmands clients comme du contenu des vases qui paraient l'échoppe. Au détour de son petit contrôle, auquel s'ajoutaient quelques salutations lorsque de nouveaux consommateurs faisaient leur entrée, Soobin remarqua un visage familier.

"Minho ! S'exclama-t-il tandis que sa bouche s'étirait d'un large sourire communicatif. C'est pas ton emplacement habituel..."
Les sourcils froncés, l'ancien avocat pivota pour chercher une justification à cette étrange nouveauté, comprenant rapidement que le concerné s'était fait voler sa place qu'il savait pourtant si rassurante.
"J'crois qu'il va falloir que je fasse fabriquer une plaque à ton nom pour la visser sur ta table, plaisanta-t-il sans réaliser que ses propos pouvaient être un peu trop pris au pied de la lettre par le professeur. Tu bosses sur un truc ?"
Et sans attendre de réponse, l'employé tira la chaise face à Minho pour s'y installer, décidant qu'il méritait bien une petite pause. Levi, le patron, n'étant pas présent ce matin, il pouvait se permettre de laisser une autre recrue gérer les commandes pendant quelques minutes.

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Légèrement amusé par la mine déconfite de son homologue, Soobin tenta de camoufler le rictus que lui inspirait la vision de son visage déçu, visiblement perturbé d’avoir été déplacé à quelques mètres de sa chère table. Il avait bien du mal à comprendre comment on pouvait s’attacher à de telles routines, mais il n’aborda pas plus la question, par respect de leurs différences. Peut-être était-ce simplement son absence de souvenirs qui faisait de lui un habitué du néant, naviguant constamment dans le flou, tandis que les autres vivants préféraient s’ancrer et répéter des habitudes rassurantes.
L’employé se passa une main sur le visage, puis dans les cheveux tout en s’installant, réalisant qu’il était en fait épuisé par cette simple matinée. Son lit lui manquait déjà, regrettant de l’avoir quitté malgré la fatigue, mais il se sentait bien trop redevable envers son meilleur ami que pour manquer un jour de travail.

Intrigué par les lectures de Minho, il lui enviait son statut de professeur, s’imaginant parfois à la tête de conférence ou bien comme simple enseignant de primaire, avant de se rappeler qu’il était loin de posséder le même degré de patience que son client.
“C’est quoi le sujet ? S’enquit-il en tapotant l’ordinateur comme pour lui indiquer de le rouvrir et de lui montrer les travaux.”
Son aisance naturelle, digne de celle d’un adolescent qui discutait avec un pair lycéen venait contraster avec son apparence de trentenaire. Il était évident qu’avec sa mémoire, Soobin avait aussi perdu certains codes sociaux, certaines limites, et même le filtre qui avait trié ses paroles pendant de nombreuses années.

“Ouais, ça va, on peut dire ça, soupira-t-il en répondant en toute honnêteté à sa question. Disons que chaque jour est une nouvelle découverte…”
Son petit sourire s’évanouit tandis que les questions internes l’assaillaient. Hors de question de monopoliser la conversation pour autant : même s’il sentait qu’il pouvait s’étaler, que ses confidences resteraient secrètes et que Minho était ce qui se rapprochait le plus d’un journal intime, l’ancien avocat ne souhaitait pas le surmener.
“J’ai encore eu quelques flashs l’autre jour, mais comme d’habitude, impossible de savoir si ce sont de réels souvenirs ou si c’est juste mon imagination qui s’amuse.”
Il laissa peser ses mots quelques secondes dans l’air, se repassant le film de son baiser surprise échangé avec le patron du Brews & Blooms, comme si Minho allait pouvoir apporter des réponses aux questions qui le torturaient.

“Et toi ? Lança-t-il enfin en se penchant vers son interlocuteur, comme pour jauger dans son regard son degré d’inconfort. Tout va bien ? Est-ce que tu veux que j’aille baisser un peu la musique, peut-être ?”
Même s’il souhaitait bien faire, connaissant désormais une infime partie des difficultés que pouvait rencontrer le professeur dans son quotidien, Soobin restait extrêmement maladroit dans ses attentions.
“Surtout, tu me dis si tu veux un autre latte.”

tw: violence

L’air intrigué, l’employé plissa des yeux en entendant le sujet du devoir que son interlocuteur avait proposé à ses élèves. Un thème singulier mais certainement passionnant, mais surtout un sujet sur lequel il aurait, personnellement, éprouvé de grosses difficultés. Même si ses souvenirs restaient bien vagues, Soobin se savait tout de même bien plus doué sur les matières scientifiques que littéraires et une telle dissertation lui semblait être un exercice redoutable.
“On dirait que t’es le genre de professeur à vouloir creuser leurs méninges, à tenter d’en découvrir davantage sur eux… C’est tout à ton honneur, déclara-t-il en faisant la comparaison avec ses années lycée, ayant totalement oublié le déroulé de ses propres études supérieures. J’ai l’impression que c’était différent à mon époque. Enfin, je parle comme si j’étais retraité.”
Un sourire s’étira à cette pensée. Il n’avait jamais pensé à son futur, mais depuis qu’il reprenait goût à cette nouvelle vie, il s’imaginait aisément vieillir entouré de fleurs et de grains de café.

“J’espère, souffla le grand brun avec une petite mine qui se voulait rassurante, loin de souhaiter plomber l’ambiance générale par ses lamentations. Peut-être qu’un jour, tu viendras à ta table habituelle et ce sera un autre qui te servira, parce que tout me sera revenu et que j’aurais tout plaqué.”

La sonnette annonçant l’arrivée d’un nouveau client retentit et le trentenaire tourna immédiatement la tête, vérifiant que la personne était bel et bien prise en charge. Mais étonnamment, ce fut Levi, le patron du café, qui fit son entrée, le visage fermé, à l’opposé de son habituel sourire communicatif. Soobin lui jeta un regard, espérant obtenir au minimum un signe de tête, mais la froideur de son ami ne fit qu’instaurer une gêne évidente.
“Pas très commode le patron aujourd’hui, plaisanta-t-il pour camoufler que cela le peinait, avant de reporter son attention sur Minho. Catastrophique, tu dis ? Des insomnies ? Je sais ce que c’est… On a des infusions si tu veux tenter, c’est pas grand-chose, mais quelques fois, ça aide.”

Soudainement, on entendit le son d’une tasse qui se cassait sur le carrelage. Un des employés venait de renverser son plateau, brisant la porcelaine et son contenu près d’un client dont la veste fut tachée. Ce dernier monta immédiatement dans les tours, usant de menaces et d’intimidation, jetant un véritable froid au sein du Brews & Blooms, d’ordinaire si chaleureux et accueillant.
“Monsieur, intervint rapidement Soobin en se redressant de sa chaise pour défendre son homologue acculé. Il me semble que mon collègue s’est excusé, maintenant on peut vous proposer de nettoyer votre chemise, de rembourser le pressing, mais ce n'est pas la peine de devenir insultant.”
Croyant avoir calmé la situation, l’amnésique détourna le regard un instant, espérant pouvoir reprendre sa discussion en compagnie de son client favori lorsqu’un poing vint se loger dans son visage. Soobin, affaibli par sa nuit difficile et son corps encore meurtri, bascula sur la table de Minho, s’écrasant sur son café et sa part de cake, incapable de réagir face à cette agression gratuite.

tw: blessures

"Tu retournerais à ta vie d'avant, si tu venais à te souvenir ?"
L'employé laissa son regard fuir à la recherche d'une réponse, prenant étonnamment la question avec un peu plus de sérieux que de raison. Serait-il capable de réellement abandonner tout ce qu'il avait construit ces derniers mois s'il retrouvait la mémoire ? Oserait-il dire au revoir à cette ville, cette vie, s'il découvrait que son ancien lui avait réalisé bien plus grand que l'actuel ?
"J'imagine que le doute est permis, admit-il en se gratouillant le menton, démangé par la repousse de ces poils qu'il préférait raser tous les matins. Je crois que je serais incapable de reprendre là où ça s'est arrêté. De faire comme s'il ne s'était jamais rien passé. Mais me connaissant, j'ai pas dû accomplir grand-chose, alors j'me fais pas de soucis."
Si ses mots pouvaient sonner comme de simples phrases qu'il se répétait pour se rassurer, l'homme en était véritablement persuadé. Ce n'était pas dans sa nature de construire un empire, ni de fonder une famille, il en était certain, loin de se douter que sa nouvelle personnalité était à mille lieux de l'ancienne.

Face aux difficultés que semblait traverser Minho, le grand brun se contenta de grimacer, conscient que parfois, la verveine et la mélisse n'étaient pas suffisantes pour endormir les cerveaux les plus actifs.

Leur discussion coupée par l'intervention de ce client belliqueux, Soobin se retrouva confus, usant de l'aide offerte par son client pour se redresser et retrouver ses esprits. Le tablier couvert de café, il grommela en regardant ses collègues repousser le consommateur à l'extérieur, frustré de ne pas avoir su réagir à temps. Avait-il aussi perdu ses réflexes avec sa mémoire ? À quoi donc lui servait ses années de karaté s'il n'était même pas capable d'éviter un simple coup ?
"Désolé que tu aies assisté à ça, s'excusa-t-il immédiatement en se sentant responsable de situation, tandis qu'il acceptait de s'asseoir quelques instants. Je crois que ça va, oui... Même s'il ne m'a pas loupé."
Par réflexe, le trentenaire tenta de passer une main sur son visage tuméfié, mais la simple sensation de la pulpe de ses doigts sur son épiderme lui arracha une plainte. Son sang bouillonnait, rendant l'idée de poursuivre son assaillant de plus en plus tentante, une pulsion qui s'éloignait du doux Soobin auquel les clients du Brews & Blooms étaient habitués. Peut-être était-ce simplement sa personnalité d'antan qui se frayait un chemin à la surface...

"J'vais nettoyer tout ça et t'offrir la même chose, pour compenser, déclara-t-il en se redressant un peu trop vite pour se remettre au boulot."
Déterminé à passer un coup de serpillière et à ramasser les morceaux de porcelaine, l'employé fit un aller-retour expéditif afin de rapporter son matériel. Il retira alors son tablier tâché pour poursuivre sa mission en chemise, conscient que celle-ci aussi nécessiterait un petit tour chez le pressing. Mais alors qu'il épongeait le sol en poursuivant la discussion, Soobin se stoppa, soudainement livide.
"Minho, ça tourne, souffla-t-il en comprenant que son corps réagissait enfin à la violence de l'impact. J'veux pas t'inquiéter... Mais j'crois que j'vais tomber dans les pommes. Sous peu."

tw: blessures, vulgarités

Un sourire s'étira sur son visage à la réponse de son homologue qui semblait toujours trouver les mots justes, emplis d'un bon sentiment. Pourtant, la vérité s'éloignait bel et bien des croyances de Minho : le garçon de café n'avait jamais été aussi doux qu'aujourd'hui. Et si lui-même n'osait s'imaginer un passé grandiose, la vérité était toute autre. Autrefois avocat aux talents vicieux, l'homme avait mené son existence sans prendre en compte la sensibilité d'autrui, ni les valeurs ou l'honneur inculqués par ses géniteurs, véritable égoïste qui n'avait été guidé que par l'appât du gain et l'évolution de son statut social.
"C'est gentil, souffla-t-il véritablement touché par ces paroles rassurantes."

Tête de mule, Soobin resta sourd aux conseils de son client, préférant s'activer plutôt que de prendre le temps d'encaisser la violence dont il venait d'être victime. Et une fois que son corps l'abandonna, le trentenaire se sentit misérable, bien incapable de poursuivre le service comme s'il ne s'était rien passé. Saisi par les épaules, il se laissa enfin faire, acceptant l'assise que lui imposait le grand brun et le verre d'eau proposé par son collègue.
"Quelle journée de merde, ricana-t-il entre deux gorgées. Et dire que tu viens au Brews & Blooms pour un moment privilégié et voilà ce que tu récoltes... Un serveur amoché et du café éparpillé."
Une main accrochée à la table, Soobin semblait lutter pour ne pas faiblir davantage, relativement frustré d'être celui dont il fallait s'occuper. Ce sentiment, il l'avait bien assez connu ces derniers mois, où totalement alité, il n'avait pu compter que sur l'aide des soignants puis de Levi pour s'occuper de sa nourriture à sa toilette. Et depuis qu'il s'était sorti de cet état, à force de soins et d'efforts, l'employé refusait que l'on puisse lui venir en aide.
"J'vais prendre un taxi, assura-t-il en minimisant sa condition pour endormir l'inquiétude des personnes qui lui portaient assistance. On ne va pas déplacer une ambulance juste pour ça."
D'un geste de la main, il rassura son équipe, refusant de se mettre en position latérale de sécurité, visiblement satisfait par la chaise sur laquelle il s'était installé.
"Ta commande, c'est pour la maison, fit-il à Minho, sans lui laisser le choix. J'espère simplement que ta prochaine visite sera... Plus douce."

Difficilement, Soobin s'empara de son téléphone portable afin de naviguer sur une application, faisant appel à un chauffeur proche du café pour le conduire.
"Pas la peine d'apporter des fleurs, j'compte seulement faire un check-up, s'amusa-t-il pour annoncer qu'il quittait son service pour un passage aux urgences. Si tu peux juste... M'accompagner jusqu'à la voiture, que j'me casse pas la gueule sur le trottoir, s'il te plaît."

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