lady & the tramp. (frankie)

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Il s’était réfugié aux toilettes, Jesus.
Un mètre carré, à peine plus. Son sanctuaire pour quelques minutes. De quoi se faire oublier, de quoi réfléchir à ses prochains mouvements.
Il avait eu de quoi s'offrir une bière sur le comptoir d'un bar ; d'observer la vie de ces dizaines d'américains pour qui c'était une habitude. Une preuve de normalité, une part de leur quotidien. Des âmes esseulées comme la sienne, la misère entre deux verres. Maintenant, il lui faudrait repartir, son dû payé et ses poches vides, affronter le silence et la solitude de son nouveau mode de vie. C'est pourquoi il vole ces derniers instants, planqué dans un recoin.

Pourtant, quand il en sort, ses certitudes se retrouvent figées un instant. La femme, posée sur le tabouret à côté du sien depuis un moment, était encore en train d'attendre.
Il ne connaissait que les bribes qu'ils avaient échangé. Elle s'appelait Frankie, et elle attendait des amies ; qu'elle lui avait dit.
Son espagnol était juste, et son attention principalement portée ailleurs. Jesus ne l'avait pas dérangé ; pas vraiment. Lui avait partagé son nom et les recherches de travail sur son téléphone - il en avait fait le tour, répondu à certaines offres et attendait des retours.

Toujours personne à ses côtés.
Jesus n'était attendu nulle part ; alors il se permet de revenir vers le tabouret qu'il avait occupé jusque-là ; demande la permission avant de s'y installer.
- Chula ... si tu veux … je peux attendre avec toi. Pas certain que ces personnes existent ; ou qu'elles viennent. Possible aussi qu'elle attende un date qui lui posait un lapin.
Possible aussi, qu'elle n'attendait personne et qu'elle voulait profiter de sa tranquillité. Qu'elle l'envoie paître dans quelques secondes.

Pourtant, il espérait qu'elle lui accorde un moment. Pour tuer la solitude qui allait bientôt étirer son ombre sur lui, pour parler, en espagnol, sans avoir trop besoin de réfléchir à ce qu'il allait dire, sans avoir besoin de traduire.

tw: tw.

L'ambré dans ton verre comme seule accalmie dans un cœur meurtri. Tinder réinstallé que depuis quelques heures, un premier date avec un mec lambda, parce qu'au fond t'espères juste qu'on te remarque, que tu sortes un peu de ton ombre, que t'entres dans la lumière. T'étais pourtant pas arrivée en avance. Faut te faire désirer que te sortais Leslie quand tu lui disais que tu voyais un mec aujourd'hui. Toujours une épreuve. T'as plus vraiment fait ça depuis quelques temps. T'as aimé, on t'a rejeté, tu t'es brisée, tu t'es terrée. Ca doit bien faire deux ans, même plus, que tu t'es enfermée dans ton boulot, faisant des régimes qui ne fonctionnent jamais, ayant pour seule compagnie masculine ton meilleur ami. T'as toujours eu la trouille, de montrer tes failles, de donner une occasion de te détruire. T'es déjà assez bancale comme ça Frankie. Alors quand ce mec t'accoste dans le bar, prenant place à côté de toi, tu lui dis simplement que tu attends des amis. Parce que c'est plus facile à entendre, à accepter. T'as honte, de dire que t'attends un mec qui a pas l'air de se ramener, regardant ton téléphone plus que de raison, pour voir si une excuse, un simple mot d'excuse apparait. Rien. T'es directement interpellée par son accent, à ton compagnon de bar, les mots en anglais qui sonnent faux. Le sourire qui se fait grand quand tu commences à lui parler en espagnol en ressentant directement le soulagement. Cette idée de ne plus être l'étranger que personne ne remarque, de se sentir accepté dans ce monde hostile. Un verre, quelques mots et puis il s'en va et t'espères toujours que l'autre arrivera. Une porte qui s'ouvre, toujours pas lui et finalement t'es soulagée quand il revient se poser près de toi, Jesus comme seule indication que tu as de ton interlocuteur. c'est gentil ... je pense que j'ai encore le temps. Je te paie un verre ? après tout, vaut mieux discuter avec lui, que rester seule à te morfondre, que ruminer ce date qui n'en sera finalement jamais un. j'attends pas des amies en fait que tu sors alors que tu prends un autre shot. je devais rejoindre un homme ... un premier rendez-vous tu vois ? le sourire jaune qui se fait naissant sur tes lèvres clairsemées. faut croire qu'il ait oublié où qu'il a trouvé mieux, après tout, toi non plus tu ne voudrais pas de toi. et toi Jesus, qu'est-ce que tu fais là ? T'es à Oceanside depuis longtemps ? clairement pas envie de rentrer chez toi, de retrouver ta solitude, emmurée dans ton appartement banal.

tw: mentions ; alcool

Le bar vibrait des énergies indisciplinées, des habitués de tous horizons parmi lesquels Jesus faisait figure de pustule. L'étranger, le défaut, celui qu'on ne veut pas voir. Il n'est pas là pour rester, s'est réfugié dans cette antre pour pouvoir profiter de la connexion Wi-Fi, et dépenser ses quelques pièces dans un semblant de normalité.
Reste Frankie, électron libre avec qui il a échangé quelques banalités ; seule sur le coin du bar. Personne pour le remplacer. Personne pour lui tenir compagnie. Il se dirige à nouveau vers elle en attendant de se faire renvoyer paître, de retourner aux inconnues, de poursuivre son voyage dans le soleil couchant.
Mais il s'avance et ose lui demander si elle s'accommoderait de sa compagnie, un peu fébrile à l'idée de retrouver sa solitude. La présence d'une hispanophone lui avait un peu remonté le moral dans sa recherche de travail ; c'était retrouver un semblant de sa normalité, ici.

A sa surprise ; elle confirme avoir le temps de prendre un verre avec lui. Qu'elle le lui offrait. Déclaration plutôt encourageante, qu'il ne s'agissait pas de refuser. Ses finances lui diraient presque merci. - Avec plaisir. Avec sa chance, ses amis arriveraient avant la boisson. Il ne perd donc pas de temps pour s'installer sur le tabouret, finalement invité, et faire un signe au barman, de l'autre côté. Il acquiesce quand il pense comprendre qu'il lui demande s'il veut la même chose, et espère qu'il ne se retrouvera pas avec de la flotte.
Se retient de tout commentaire sur les amis de la rousse ; mais ça doit finir par se lire sur son visage, car elle commente leur absence en premier.
- Oh … tant mieux, je commençais à penser que tu en avais besoin de nouveaux. L'observe commander un autre verre également. Puis lui détailler la vraie raison de son attente solitaire. Un rendez-vous unilatéral, le genre qui fait mal.
- C'est peut-être ma présence, alors ? Jesus ne fanfaronne pas ; il est même plutôt désolé pour elle et tente de rattraper les choses. Un malentendu était si vite arrivé - peut-être que son prétendant l'avait cru déjà en compagnie d'un autre. Ou quelque chose est arrivé … Il ne croyait pas vraiment à ses paroles … mais le mexicain tentait de la rassurer. Sans savoir exactement depuis combien de temps elle patientait, sans savoir combien de temps il lui restait. Aussi embrasse-t-il la bière qui s'est matérialisée devant lui, noyade des idées sombres dans le liquide clair.
Quant à lui - ce qu’il faisait là … grande question, pour une réponse si faible. - Je … Personne ne s’en était vraiment inquiété, jusque-là. Autrement que dans la perspective de l’embaucher. Le mensonge qui tente ses lippes, teinte ses propos. - Je cherche encore. Du travail, et si je vais rester par ici.  Je suis arrivé dans le coin il y a quelques semaines. Et toi ? Tu connais bien la ville ? Suffisamment de vérité, diluée dans l’évitement d’une réponse trop franche. Trop vraie.

Je cherche encore qui je suis, ici ou ailleurs. Où je suis ? Je cherche encore mais j’suis pas sûr de pouvoir lire le panneau qui me donnera la bonne direction. Ni même de le trouver. Sûr de rien. Mais je pouvais pas abandonner avant d’essayer.

tw: tw.

Au fond t'as peut-être pas perdu au change Frankie. T'essaies de te rappeler la tête de ce Steve, de vos échanges qui finalement n'étaient rien. Directement à passer à l'acte parce que "je préfère parler en vrai que sur cette application". Tu trouvais que c'était un bon point, t'as surement encore beaucoup de choses à apprendre. En une dizaine de minutes, tu as plus parlé avec Jesus qu'avec ce type et tu te dis que si t'avais eu le choix, t'aurais pas voulu que ça se passe autrement. Tu ne peux pas t'empêcher de le regarder longtemps, un peu plus âgé que toi sans aucun doute, plutôt bien foutu, envoyant des messages à Leslie pendant qu'il ne regarde pas, imaginant ce qui pourrait se passer si vous sortiez de ce bar. Te demandant si tu aurais le courage, de te dévoiler à un inconnu, à être cette fille de passage, le temps d'un désir, de disparaitre le matin et au fond, tu le sais Frankie. Tu sais que cette nana là, c'est pas toi. Tu n'as plus jamais été touchée, plus jamais été embrassée depuis Ben. Les critiques qui se forment en étau autour de toi à chaque fois que tu essaies de franchir un cap, retournant en arrière, dans l'ombre, en sécurité. Tu trinques avec lui, sentant la chaleur de son regard sur ta peau, ne regardant que toi quand le bar est empli de monde, de pleins d'autres. ma présence si seulement, lui si naif, qui ne comprends surement pas à quel point les gens peuvent être cruels. Non, tu as eu l'habitude d'être le second choix, celle qu'on ne choisit que par dépit. Les gens préfèrent les femmes qui rentrent dans les cases, toi t'en débordes de partout. Surement que Steve est avec une autre, sa main sur sa hanche, ayant déjà totalement oublié qu'il devait te rejoindre ici. Si seulement les gens pouvaient se rendre compte de l'impact de leurs choix sur la vie des autres. Si seulement ils pouvaient savoir à quel point ça peut briser des gens comme toi, avec une confiance en soi qui frôle le néant. je pense surtout qu'il a du trouver une autre fille plus intéressante et qu'il a pas jugé bon d'annuler avec moi. La joie des rencontres en ligne. une impression amère que les rencontres amoureuses ne peuvent se faire que par ce biais là dorénavant, à l'époque où les gens sont trop scotchés sur leurs écrans, ne faisant plus attention à ce qui les entoure. c'est vraiment gentil ... d'essayer de lui trouver des excuses mais je pense que j'ai juste eu affaire à un beau connard que tu lui sors en rigolant, un deuxième verre de demandé, trinque, shot. tu recherches dans quel secteur ? Ca serait cool que tu restes dans le coin, tu verras c'est vraiment une chouette ville avec des personnes sympa qui te reste dans la gorge, parce que c'est pas toujours vrai, cette ville est comme toutes les autres, remplies d'hypocrites, nuance d'ombre et de lumière qui fait toute sa beauté. Tu espères vraiment qu'il sera accepté, parce que tu le sais qu'on cloisonne sous fond de différence, comme on a pu le faire pour toi, parce que l'étranger doit rester dans les noirceurs des bas-fonds. je suis née ici, j'ai jamais réellement bougé. J'ai déjà voyagé quelques fois mais c'est tout ... Je suis prof d'espagnol au lycée de la ville raison de ton bilinguisme, toujours attirée par autre culture que la tienne. Je pourrais te faire faire un tour de la ville si tu veux ? une proposition de se revoir, pour qu'il ne t'oublie pas, que ton nom reste dans sa mémoire, parce que t'en as marre d'être un nuage de fumée T'es à quel hôtel ? la question qui te semble si légère, qui reflète une réalité tout autre.

tw: mentions ; alcool, précarité, vulgarité

L’amertume qui trépigne au fond de son verre, mais Jesus n’y prête pas encore attention. Pour le moment, il est en sursis, à l’abri. Assis sur le tabouret, au comptoir, à apprécier le verre offert. Remarque sur sa présence à ses côtés, à l’absence de son rendez-vous. Il capte pas grand-chose à la technologie, Jesus, se débrouille pourtant bien avec son téléphone, mais ça s’arrête là. Avec son frère, ils avaient prévu pas mal de choses, en anticipation de son voyage. Les idées, les sites, le compte en banque, le visa, les recherches. Maîtrise correcte ; en comparaison aux réseaux sociaux et aux sites de rencontre, aux conneries du MetaWorld ou MetaUniverse, il sait pas trop, puis il en a pas grand-chose à faire non plus.
- C’est pas … Oh, non, Jesus se rattrape avant de juger les actes d’un mec qu’il ne connaît pas. Tu lui as demandé ? C’est pas parce qu’elle le pense que c’est la vérité ; et puis, il l’a bien vu pianoter sur son téléphone, aussi. Se demande un instant si elle bombarde son pseudo-date de messages. Elle pourrait.
Elle lui réplique qu’il n’a pas à trouver des excuses à l’autre, à l’inconnu, en affirmant que ce n’était qu’un connard. Soit. - Alors c’est un connard. Pas bien difficile à convaincre, le Jesus, qui se mettra à voguer là où le vent l’emporte, se rangera du côté où souffle l’alizé.

Il l’observe alors qu’elle tente d’en demander un peu plus du côté de ses recherches d’emploi ; son enthousiasme à l’idée qu’il reste en ville le perturbe. Se pince les lèvres machinalement ; y’a tant à dire qu’il n’évoquera pas ici, ni maintenant. Trop d’oreilles aux alentours, trop de vérités encrassées, trop de desseins qui pourraient lui porter préjudice.
Pour lui, cette ville ressemble à la précédente, à la suivante. Il s’y est fait quelques semaines, à vivre comme un prince dans cette villa sur les hauteurs, a rendu les clefs quelques jours auparavant. Gagne un peu de temps en buvant, pourtant il sait que sa réponse ne sera pas à la hauteur de ses questions. - Un peu de tout. J’ai pas vraiment le luxe de pouvoir faire le difficile. Non, Jesus n’évoquera ni l’absence de diplôme ni l’absence de green card, parlera pas d’son manque d’expérience, à tous les niveaux, ni le fait que même s’il en avait, la barrière de la langue resterait problématique dans la plupart des taffs traditionnels. Il a un peu raté la saison des oranges, il ira les ramasser l’année prochaine avec un peu de chance.
Préfère réfléchir les questions sur elle ; plutôt que de s'étendre à son propre sujet. Apprendre que c’est une locale ne le surprend pas tellement ; ça explique qu’elle voit sa ville d’un bon oeil. Jesus pourrait parler de Guadalajara avec passion, et n’acceptera jamais une Tequila faite hors de Jalisco.
Sourit à la mention de son métier. - Alors ça explique ton espagnol … J’ai jamais eu l’occasion de voyager, avant d’arriver aux Etats-Unis. T’es partie où ? Quelques semaines d’explorations bancales, au gré des opportunités qu’il cherche, trouve, par écran interposé. Est-ce que ça l’intéresserait, de faire le tour de la ville ?
Pas franchement.
Mais il s’verrait pas lui dire non, s’faire insulter de connard dès qu’il aura le dos tourné, lui aussi. Faire disparaître le sourire qu’elle semble avoir retrouvé. Il hausse quand même les épaules, histoire de ménager ses attentes. - Pourquoi pas. C’est pas comme si j’avais du travail … Pas d’impératif, pas d'attente. Une liberté relative qui l’effraie. - Au contraire, ça serait une bonne chose. Pourrait repérer les quartiers où cibler ses recherches, les terrains où planter ses racines. Ou ça finirait de le convaincre de reprendre la route.
S’étonne un peu de la question suivante. Jesus ne s’attendait pas à celle-là, pour sûr. Se serait pas aventuré à ses côtés, s’il avait su. - J’ai pas … Balance sa tête de gauche à droite. Croise son regard et espère qu’elle comprendra, qu’il n’aura pas à le dire à haute voix. J’ai pas encore trouvé d’hôtel pour ce soir, il pourrait toujours lui dire ça. J’ai pas l’argent pour une chambre d’hôtel ce soir, vérité qu’il préférerait ne pas avoir à sortir. Encore une fois, c’était pas l’endroit.
Il espère qu’elle comprendra. Qu’ses prunelles en disent plus long que sa langue.

tw: tw.

Tu lui offres un deuxième verre. Les langues se déliant à force d'alcool, les sourires se faisant grandissant, le monde émergeant autour de vous. Et vous êtes là, seuls, le monde n'étant que brume, parlant dans une langue que personne d'autre ne comprends, le lien se créant doucement entre deux autres, que personne ne regarde réellement. Entre deux phrases, tu finis par repenser à ce Steve, regardant rapidement si il a répondu à ton message. Silence radio. Pas grave, ciao Steve, à jamais. Parfois tout est question de choix, d'un swipe à gauche où à droite, de la manière d'aborder une personne ou pas, de choisir entre deux femmes qui proposent un rendez-vous le même jour, accepter de parler avec un type solitaire qui ne parle que espagnol. Tu ne peux t'empêcher de te demander ce qui serait arrivé à Jesus si Steve était venu. Est-ce qu'il aurait été voir une autre femme, est-ce qu'il serait parti, et si son séjour à Oceanside dépendait de votre rencontre. Tant de chemins différents à explorer, tellement de possibilité. Qui sait, peut-être qu'à un moment tu remercieras Steve de t'avoir poser ce lapin. Néanmoins, ce jour est pas encore arrivé. ouais, je lui ai envoyé quelques messages, pour savoir si il arrivait, un autre pour dire que j'étais là, et puis encore un quand j'ai remarqué que ça faisait trente minutes qu'il aurait du être là trinquant encore avec lui. si je reçois un message demain avec une bonne explication, je retirerai peut-être mon "connard" mais pour l'instant c'est comme ça qu'on l'appellera les mots qui s'extirpent difficilement de ses lippes, comme un secret trop lourd à porter. Vous faisiez une sacrée paire, toi la fille en robe rouge, parlant plus que de raison, lui l'homme en noir, la barbe trop longue, ne parlant que par bribe, ne lâchant pas plus d'info que de raison, comme si à tout moment, on pouvait lui tomber dessus, lui passer les menottes et qu'il ne devienne qu'un souvenir à raconter. Il est la lune où toi tu es le soleil, deux mondes qui s'apprivoisent doucement, toi et ta curiosité totalement inassouvie, alors que chaque question est une torture mentale pour ton interlocuteur. faudrait peut-être que tu le laisses, sans doute que tu es de trop Frankie. veut peut-être boire sa bière tranquille, ne te parle que pour avoir des consos gratuites. Idée vite balayée. Je connais pas mal de personnes en ville, je pourrai essayer de demander demain si tu veux. Des boulots où t'aurais pas besoin de forcément parler en anglais constamment il te semble qu'on cherchait un jardinier y a quelque temps, peut-être que la place est encore disponible. des boulots sans forcément de formation, y en a quelques uns, je suis sûre que tu vas finir par trouver et si je peux t'apporter mon aide ça serait avec plaisir. t'as toujours été de celles qui aident au maximum les gens, récupérant le bonheur des sourires heureux des autres. j'ai été en Espagne, Madrid pendant quelques mois pendant mes études. J'ai toujours eu une bonne base d'espagnol mais ils pensaient que c'était bien de partir à l'étranger pour s'imbiber de la culture. J'aimerais bien faire le Mexique aussi. J'essaie d'organiser un voyage avec mes élèves. bien plus facile de parler de ton métier, seul élément de ta vie que tu maitrises, seul point dont t'es fière. Après tout pour enseigner, on s'en fout de tes peines de cœur, de tes troubles, de ton poids, seules comptent tes compétences, et faut dire que t'es plutôt douée dans ta branche. c'est pas comme si j'avais du travail bien que tu sentes directement le désintérêt de Jesus pour la ville, tu ne peux t'empêcher d'ajouter il y a souvent des affiches de recherche d'emploi, on pourrait essayer de commencer par là, et puis si tu travailles dans le coin, ça serait bien que tu saches te repérer non ? troisième shot, santé, buvez. Tu caches à peine le fait que t'essaies de vite te saouler pour oublier la finalité de cette soirée chaotique. Tu pensais pas Frankie qu'une simple question viendrait bousculer autant Jesus et tu comprends direct, que en sortant d'ici, ce n'est pas dans un lit qu'il ira dormir. Ton regard qui se fait lourd de sens. Je vois à peine soufflé, comme un secret. Je sais qu'on se connait à peine mais ... réfléchissant avant de poser la question, réfléchissant aux possibles conséquences, sentant déjà le regard désapprobateur de Leslie te traitant de cinglée j'ai un canapé lit chez moi ? C'est pas très grand mais au moins tu serais pas ... dehors ton sourire qui se fait doux, tes yeux se plongeant dans les siens. tu pourrais rester ... le temps de trouver autre chose ? parce que t'es pas de celles à laisser les gens dans la merde, et que ça a l'air d'être un mec vraiment chouette, essayant de chasser de ton esprit la vision que devrait avoir son corps sans ses vêtements.

tw: mentions ; alcool, précarité, vulgarité

Deuxième bière qu’elle lui offre, la dernière qu’il peut déjà compléter. La troisième du jour. Presque un festin pour celui qui n’est plus habitué à consommer autant sur le coin d’un bar, encore moins à se faire rincer par une femme qu’il connaît si peu. Pourtant, elle a le verbe facile, et son date planté aura au moins eu pour effet de briser la glace entre eux.
S’il parle de ses recherches de travail, c’est parce qu’elle l’a déjà vu faire, quelques minutes auparavant. Aussi se contente-t-il d’assouvir sa curiosité certaine, en atténuant un peu la réalité. L’omission coud les coins de sa bouche, de peur d’en dire trop, d’effrayer, d’se faire attraper. De se retrouver seul, à nouveau.
Jesus ne s’attendait pas à la voir s’emballer de telle manière, à offrir son aide pour trouver. Il ne sait même pas quoi lui répondre ; on lui a jamais proposé de l’aider. Pas comme ça, pas tout d’un coup, encore moins sur un plateau d’argent. Elle l’effraie dans sa bonté.

- Je … j’y penserai. A lui demander de l’aide s’il en a besoin ; pas forcément ce qu’il était venu chercher auprès d’elle en premier lieu. Il avait voulu se débarrasser du poids de la solitude, pour quelques instants - on peut dire qu’il avait au moins réussi cette partie-là.
Frankie l’emmène un instant en Espagne, évoque un potentiel voyage au Mexique. Sa mère patrie ; si proche, et si éloignée à la fois. Il se contente d’acquiescer, Jesus, peut pas commencer à imaginer le nombre de gamins aux racines d’Amérique du Sud dans les classes des lycées, par ici. A l’image de la population Californienne, sans doute.

Mais la conversation revient étrangement sur sa recherche d’emploi, et il reste à l’écouter, sans trop savoir comment l’interrompre, sans trop comprendre tout ce qu’elle peut lui proposer.
- Je ne sais pas quoi dire pour tout ça … C'est trop. Trop d'un coup. Mais il ne peut pas vraiment lui dire ça … si ? - C'est … trop … Hm, si, il pouvait le lui dire. Maladroitement.
Il ne la suit pas, alors qu’elle entame un troisième shot d’alcool. Peut-être que c’est à cause de ça qu’elle se montre particulièrement généreuse … il en sait rien. Se contente de trinquer avec elle avec sa deuxième bière, qu’à moitié consommée.
Et puis ; elle l’assomme. D’une question un peu trop … complexe. Qui ne trouve réponse qu’en deux mots, au bout de ses lèvres. Flingué. L’hôtel qui sera pas une option ce soir. Il va pas se plaindre, non plus - Mars en Californie, les températures restent plutôt clémentes, même la nuit. Jesus savait dans quoi il s’embarquait en venant ici. Mais en parler à haute voix nécessitait un tout autre courage, qui lui échappait.
Il comprend pas plus tout ce qu’elle lui propose cette fois. Au moins, la rousse a l’intelligence de ne pas lui poser plus de questions, semble comprendre ce qu’il ne lui dit pas. L’immigré la connaissait depuis si peu de temps … et elle lui proposait son canapé ? Savait pas trop dans quel problème il s’engageait, en acceptant sa proposition. Son regard tente de déchiffrer le sien, mais il arrive à rien. Jesus était stupide - pas au point de refuser.
- T’es sûre que … je vais pas déranger ? L’incrédulité qui sème encore le doute dans son esprit, voudrait pas s’imposer. Surtout pas. Il accepte sa proposition avec retenue. - Un canapé, c’est … déjà beaucoup. Pour … ce soir ? Oserait pas profiter d’elle ou de sa bonté, voudrait pas s’imposer à durée indéterminée. Le temps de trouver autre chose - et une infinité de possibles.

tw: tw.

Funambule sur une corde raide. Tu ne sais pas trop quoi dire, la générosité en bandoulière. T'as toujours été de ces filles là, compensant un physique banal par un grand sourire et une générosité sans faille. Tétais la gamine qui aidait tout le onde pour se faire des amis, t'étais la fille trop gentille qu'on prenait pour une conne. Et toi, tu disais rien, pour un sourire, pour exister. Néanmoins tu espères secrètement, que le schéma ne va pas se reproduire, qu'il ne va pas prendre les miettes que tu lui donnes, pour t'oublier la seconde d'après, pour une fille plus intéressante, plus belle, mieux que toi, toujours mieux que toi. Le duo qui s'apprivoise tout lentement, à force de bribes de conversation, de main tendue, qu'il prend en hésitant. Echange rocambolesque entre l'homme qui n'a jamais rien eu et la femme qui donne tout, sans sourciller. Les habitudes bousculées et les pas vers l'autre se faisant prudemment. Drôle de danse que celle là Francesca. T'en fais sûrement de trop, toi l'éternelle tout, tout donner, tout perdre. Il ne voulait sûrement qu'un verre, discuter, passer le temps, pas une nana du pôle emploi. T'en fais trop, ça te perdra. une seconde, tu t'autorises à le regarder autrement, ne voyant pas l'étranger avec un seul sac à dos comme univers, tu vois l'homme derrière, te demandant quel gout à sa peau, si elle est chaude au contact, si il respire fort quand il dort. oui d'accord. Hésite pas. Tais toi, bois, ne dis plus rien, attend que ça vienne de lui, qu'il parle. Toi t'en dis trop, ne lui laissant même pas l'occasion de s'envoler, de se tirer, tu l'emmures, prêt à étouffer. Noie toi dans ton verre, attends que ça pousse. T'en fais pas, je suis sûre que tu sais te débrouiller, mais si jamais, je suis pas loin. ouais voilà, slow down. On dirait une pauvre fille en manque d'attention, lui donnant tout pour un regard, pour un geste tendre, pour une nuit dans tes draps que trop souvent lisses. Tu aimerais être cette femme forte, indépendante, te faire désirer. T'as jamais été comme ça, donnant tout avant même qu'on te le demande, sans jamais nourrir le désir, pas étonnant que tu sois constamment seule, parlant avec ton meilleur ami des plans qu'il se tape, pendant que toi tu regardes des films merdiques, seule, devenant folle face au silence. L'intérêt qui revient quand tu lui proposes de dormir chez toi. Dans d'autres circonstances, tu aurais fait un regard aguicheur, proposant ton lit à la place du canapé, mettant ta main sur sa cuisse, une voix sulfureuse près de sa barbe. Sauf que 'tes Frankie et que Frankie, elle fait pas ce genre de choses, parce qu'elle est sûre de se prendre un rateau, l'interlocuteur rigolant du quiproquo et t'en as clairement pas la force ce soir. Non t'en fais pas ça me dérange pas, je vis seule. malheureusement. Si ça peut t'aider, même si ce n'est qu'un jour. Y a pas de soucis la bière qui se termine, le troisième shot bu et te voilà déjà debout. Finalement le Steve ne viendra jamais. Tu veux rester encore un peu où on part ? Je n'habite qu'à 5minutes d'ici l'heure qui tourne et la soirée qui se termine d'une manière totalement inattendue. Leslie va te tuer quand il va savoir ce que t'es en train de faire, ça t'en es sûre. L'air frais qui te fait du bien, le contraste avec le monde qu'il y avait dans le bar avec le silence d'une nuit de mars. J'habite ici. que tu sors en tournant la clef, les escaliers comme seul sport quotidien. Le cœur battant en pensant à ton intimité que tu dévoiles, le laissant rentrer, dévoilant les nombreuses photos que tu as au mur - la plupart avec Leslie - ayant soigneusement plié le coin où se trouve Randall ou des photos de tes sœurs. Fais pas attention au désordre un plaid pas plié, une tasse et une assiette près de l'évier, rien de bien méchant, assez que pour donner source de critique selon toi. Ton sourire qui se fait timide alors que tu fais le tour du propriétaire.

tw: mentions ; alcool, précarité

A cet instant, au comptoir de ce bar, se tenait la personne la plus vénérable qui soit, et sans doute un peu vulnérable aussi. Un sauveur qui émerge des flots, qui rince son prochain, l’abreuve et l’immortalise entre ses yeux. Prophète aux paroles encourageantes, aux solutions évidentes, à l’abri partagé.
A ses côtés, un Jesus éprouvé.
Qui essaie péniblement d’assimiler les nombreuses solutions qui semblent si faciles, si évidentes dans ses propositions. Pourtant Jesus, il sait qu’avec le mauvais visa, la plupart de ces solutions sont mirages, dans un futur plus ou moins proche. Des limites avec lesquelles plus d’un jouent ; faut dire que les postes tout en bas de l’échelle sociale, n’attirent pas l’américain moyen. - N’attirent pas plus l’immigré moyen, mais le choix n’existe pas.
Ou presque. Tant qu’il le peut, il brûlera les bouts de chandelles, les petits boulots et les expériences, sa vie et les mauvais souvenirs. S’il peut, pour ce soir au moins, s’inclure dans une parenthèse, alors il accepte. Dans l’hésitation. C’est si facile de proposer ; et de réfléchir après, de refuser, de trouver un prétexte et de décevoir.
Il ne prend qu’un morceau de ce qu’elle semble prête à donner, en espérant pouvoir le garder. Un canapé, une nuit. Avec un peu de chance, le repas aussi.

Et comme si c’était tout, comme si c’était bon, signé, acté, elle ne leur laisse pas de temps pour changer d’avis. Termine la bière en deux gorgées, sans trop savoir s’il est prêt à suivre Frankie. C’est l’inconnu, pour lui - mais pour elle aussi, sans doute. Elle aurait sans doute préféré que sa soirée se termine avec un autre, avec son date qui n’aura finalement pas pointé le bout de son nez ; elle se récupère un Jesus, un non-croyant, une hérésie, un défaut dans la société.

Il se fait ombre alors qu’il la suit à l’extérieur, s’étant levé pour toute réponse à sa question. Selon ses dires, elle n’habite qu’à quelques minutes de là.
- Faut que je récupère ma moto. Seul moyen de locomotion, qu’il poussera jusqu’à chez elle. - Désolé, je n’ai qu’un casque … C’est pas le luxe sa moto, c’est plus simple de marcher, voudrait pas lui faire peur non plus sur la bécane branlante et ronflante. Il aurait préféré avoir les moyens d’acheter une voiture, mais il fallait se rendre à l’évidence ; une voiture à un prix abordable, aurait signifié beaucoup de problèmes, à court ou moyen terme. S’il aurait pu dormir à l’intérieur, et y stocker potentiellement plus d’affaires, les problèmes mécaniques se seraient sans doute multipliés, et la consommation de gasoil n’aurait pas été la même. Une moto avait été un choix plus juste, car plus simple à réparer, et à camoufler. Mais il devait aussi composer avec les petites sacoches pour entreposer ses maigres possessions.
En bas de l’appartement, il replace l’antivol, avant de la suivre. L’appréhension qui lui serre un peu le cœur, la gratitude au bord des lèvres. Son regard sur ses boucles rousses quand il la suit, dans son intimité.
A l’intérieur, ses prunelles font le tour de la pièce, par réflexe. Il y voit la chaleur d’un appartement bien rangé, des traces de vie sur tous les murs, des couleurs réchauffant son cœur. - Merci, encore. Pour … me laisser dormir ici.
Avant de la suivre alors qu’elle lui présente les commodités - tour de l’appart succinct, pas besoin de cinquante explications. - Je ne ferai aucun commentaire. Sur le désordre qu’il ne voit même pas, de toute façon. Elle, elle n’est pas venue dans sa maison, à Guadalajara. Elle aurait pris ses jambes à son cou.
Il est de trop. Clairement. Ne sait même pas ce qu’il peut faire, ce qu’il peut dire. Hésitant, il pose son sac au sol, près du canapé. En toute honnêteté, il aurait pu dormir sur le sol.
- Je … Je ne voudrais pas te déranger. Je ne sais pas ce que tu comptais faire ce soir … enfin, si tu n’avais pas eu ce rendez-vous … Fais comme si je n’étais pas là, peut-être ? J’essaierai de ne pas gêner … Lui qui culmine à presque deux mètres, se ratatinera sous une chaise si elle le lui demandait. En attente d’un geste, d’un ordre, d’un signe. En attente d’elle.

tw: tw.

Toi, qui a tellement été dans cette solitude morne. Cette habitude de ne rien devoir à personne, d'errer entre tes murs blancs. T'as plus eu quelqu'un dans ta vie depuis Ben, depuis qu'il s'est cassé, y a des années. Les mots dans ce sms qui te hantent encore, qui te poussent sans cesse à faire un pas en arrière quand tu as une opportunité de voir une lumière au loin. Trop peur de souffrir alors tu te fermes, n'ouvrant ton coeur qu'aux quelques personnes spéciales. A Leslie principalement. Malgré ta gentillesse exacerbée et ta générosité, tu n'aurais jamais pensé proposer quelque chose comme ça. Laisser un homme, un inconnu, rentrer dans ton écosystème, lui donner une opportunité de voir tes failles. Pourquoi Jesus, tu ne sais pas. Peut-être parce que t'as vu cette étincelle, ce regard que tu as si longtemps porter aussi, de te sentir perdue dans un monde qui allait trop vite pour toi, de te sentir invisible, sans personne pour t'aider quand tu te noies. Tu sais pas vraiment, mais c'est sorti si naturellement, comme si tu étais destinée à le rencontrer, dans ce bar. Le hasard fait parfois bien les choses. Ton cœur qui bat à mille à l'heure quand tu tournes la clef dans ta serrure. Plus aucun homme n'est venu ici - sauf Leslie évidemment mais ça compte pas. Tu t'étais jurée de ne plus inviter personne depuis qu'il t'a brisé le palpitant, te laissant seule dans des draps froissés, imbibés de tes larmes de regrets, de ton ressentiment. Et pourtant, ça te semble naturel avec Jesus, tellement respectueux, osant à peine te regarder, comme si il s'attendait à tout moment que tu changes d'avis, que tu le renvoies à sa vie froide. Sans doute que t'aurais un peu hésité si t'avais senti le moindre désir, le moindre regard. Il ne te voit pas comme ça. Aujourd'hui, t'es qu'une tenancière, celle qui lui permet de dormir au chaud, rien de plus, pas une femme qu'il aurait pu avoir. Seule curiosité qui l'a poussé à venir te parler dans ce bar, rien de plus, pas toi, pas ton corps, reste dans la noirceur. Tu analyses chacune de tes photos, chaque objet qui pourrait lui donner une info sur toi. Irréprochable, jamais tu donneras le bâton pour te faire battre, clairement pas toi. Tu restes ici autant que tu veux. Fais comme chez toi. un peu de baume sur ton palpitant, parce qu'au fond, t'en as marre aussi, de parler toute seule, de rentrer dans le silence, sans personne qui ne t'attend jamais. Au fond, tu dois l'avouer, que ça te manque, de voir un peu de vie ici. Le bordel inexistant parce que tu n'es jamais là, essayant constamment d'être ailleurs, pour te pas te confronter à ta propre solitude, te confronter à ce que ta vie est devenue. T'es du genre bordélique toi ? que tu sors face à sa réaction, le rire discret. Si c'est aussi rangé, c'est parce que je traine pas beaucoup ici la confidence qui se fait douce, une petite parcelle de toi J'ai ... peur du noir. Toujours peur qu'un type avec un couteau se soit planqué en dessous de mon lit alors tu dors parfois chez Leslie, parfois chez des copines, souvent dans ton canapé avec la télé qui tourne toute la nuit, revérifiant plusieurs fois tout ton appartement. J'ai sûrement vu trop de films ... que tu lances en retournant dans ton salon, les tons orangers réchauffant directement les âmes. je ne voudrais pas te déranger si seulement il se rendait compte, à quel point tu as autant besoin de lui, que lui a besoin de toi. chut, je ne veux plus entendre ça que tu sors en gigotant tes doigts dans tout les sens. Ton ventre qui gargouille de concert. je crève de faim. De base, il devait m'emmener diner au resto. T'as faim toi ? déjà près de ta cuisine, essayant de te contrôler pour ne pas sortir ta balance, pour mesurer chaque grain de riz prêt. Non pas ce soir. T'aimes bien les champignons ? Je vais faire un risotto, ma grande spécialité bizarrement plus personne ne veut y gouter. Pourtant t'y mets du cœur, faut juste croire que t'es pas douée. Tu mets un vinyle en attendant que ça cuise, histoire de pas rester dans le silence, qu'il se sente moins mal à l'aise. C'est prêt que tu chantonnes, apportant tout à table. Tu me diras si c'est bon toi toute fière, heureuse de ne plus être seule, le temps que ça durera.

tw: mentions ; alcool, précarité

Jesus a encore du mal à réaliser. Ce qui lui arrive, ce qui change, pour ce soir, ce qu’elle dit. Il ne la connaissait que depuis si peu, et elle lui ouvrait déjà les portes de son appartement, d’un toit, d’un morceau de canapé.
D’ordinaire, c’est plutôt lui qui donne, ce qu’il a ce qu’il n’a pas, alors il a un peu de mal à accepter la situation inverse. De se retrouver face à une femme qui ne voit aucun problème à lui donner ce dont il pourrait avoir besoin, et plus. Plus, plus, presque trop ; il avait tenté de la freiner, au bar - mais ils étaient chez elle et ses promesses revenaient. Dont la plus tentante, la plus terrifiante aussi : celle de rester son invité aussi longtemps qu’il le souhaitait.

Il fera de son mieux pour ne pas déranger - ce qui aura au moins le don de la faire réagir. Il ne lui répondra que par un pâle sourire amusé, complice, pour tout commentaire sur son côté bordélique. Pas exactement. Encore faudrait-il avoir suffisamment de possessions pour se permettre de les déranger, de les oublier. Mais il n’était pas le plus ordonné, non.
Elle se confie sur ses peurs - plutôt étrangères pour Jesus. T’as qu’à faire en sorte que personne puisse se planquer sous ton lit … ou dormir avec un couteau sous ton oreiller. Solutions pratiques, sortant d’un esprit encore plus simpliste. Oserait pas lui dire qu’elle pouvait commencer par ne pas inviter de parfaits inconnus (comme lui) chez elle. Il ne pourra jamais se mettre à la place d’une femme vivant seule, mais il a entendu des histoires, lui aussi.
Mais le tour de son appartement se termine et Jesus s’excuse. Pour tout. Il interrompt une routine peut-être bien millimétrée, un emploi du temps strict. Il dérange. N’est-ce pas. Car sans doute qu’une part de lui voudrait l’entendre le dire. ”Finalement, c’était une mauvaise idée, pars.” Accepter d’être hébergé se révélait plus difficile qu’une nuit dehors. Et Jesus n’était pas certain d’avoir tant de courage.

Alors qu’elle lui intime de ne plus s’excuser, il se tait. Se promet d’essayer. Est-ce qu’il a faim ? Toujours. Il mangera aujourd'hui pour demain et les jours suivants. - Un peu, oui. La bière a rempli son ventre, mais d’ici peu, le vide viendrait se rappeler à lui. Voudrait pas abuser, ni vider son frigo, alors il minimise - mais parvient à ne pas s’excuser de nouveau. - Un risotto ? Ce serait parfait. Les champignons ne me dérangent pas. Il n’aurait su dire depuis combien de temps il n’avait pas mangé ce plat en particulier, mais il aurait pu se contenter du riz seul. Par-dessus, elle pouvait bien rajouter ce qui lui faisait envie. - Ce qui est bon pour toi, sera bon pour moi. Hmm … tu veux que je t’aide pour quelque chose en particulier ? Mettre la table ? Parce qu’il est là, un peu comme un con, les bras ballants, à bouffer son oxygène sans rien faire en retour. Elle avait déjà le nez dans ses placards, affairée à sa cuisine. Visiblement à l’aise avec l’idée de l’héberger, et même à l’idée de le nourrir.
Se permet même de lancer de la musique, et cela aide étrangement Jesus à se sentir bien, ici. A se détendre enfin un peu, à accepter son sort. Ses épaules se relâchent, la tension se libère un peu de ses muscles. Il finira même par oser aller aux toilettes avant que le plat ne soit prêt.
C’est si étrange, la petite table, et puis eux deux. Dans cette drôle de proximité forcée, Jesus s’intéresse au risotto, devant elle. - Tu aimes cuisiner ? qu’il demande, parce qu’il sait plus trop quoi dire ou quoi faire. Il demande avant de goûter, goûter … un risotto avec pas trop de goût, finalement. Son regard glisse sur le plan de travail de sa cuisine, à la recherche de sel, de poivre, d’épices, de sauce piquante. Rien à l’horizon. White people … Tant pis. Dira rien. Vaut mieux que ça n’ait pas trop de goût qu’un goût trop prononcé, le genre qui te hante toute la nuit. Il continue de manger, même, avant de complimenter son hôte. C’est très bon, merci. Je pourrai tenter de cuisiner demain … pour te remercier. Juste retour des choses. Lui-même ne se considérait pas comme un grand cuisinier … mais il le faisait depuis aussi loin qu’il pouvait s’en souvenir. Un jour sur deux, avec son frère. Un jour sur deux, quand ils avaient de quoi faire à manger.
Il aurait pu lui en parler. De son frère, de leurs rituels. Mais cela impliquait … beaucoup trop de choses. Son passé, un peu trop lourd, n’avait pas à s’inviter à la table de ce soir. Un jour, peut-être - mais ce n’était pas le moment.

tw: tw.

Rencontre un peu lunaire de deux âmes en pleine solitude. Un peu de vie, même si c'est que quelques instants, un jour ou deux. Tu ne peux t'empêcher de sourire, en pensant au fait que ça fait bien longtemps que personne n'est venu ici à part Leslie. Toujours eu du mal à laisser les gens rentrer dans ta bulle, dans ton univers. Lui, tu lui offres une petite partie de toi, laissant tomber quelques miettes pour qu'il apprenne à te connaitre. Un simple sourire sur son visage, assez que pour que tu te dises que tu aimerais qu'il le garde sans cesse. J'ai entendu l'histoire d'une fille qui a juste laissé sa porte ouverte pour aller chercher son courrier. Ca a suffit pour qu'un psychopathe aille se planquer en dessous de son lit ouais, décidément tu regardes trop de trucs, tout ce qui pourrait te prouver que t'as raison de flipper sans cesse. elle l'a capté, a été se planquer dans sa salle de bain et s'est échappée par là toi tu vis au troisième étage, même si ton corps pourrait faire un peu airbag, t'es pas sûre de t'en sortir. Prochaine fois, tu prends un truc au rez-de-chaussée. Ma mère vit dans une grande maison avec trois étages, j'ai toujours flippé. Souvent j'appelais mon meilleur ami, le temps de faire le tour de toutes les pièces encore quelques miettes. Toi qui parle rarement de ta famille, décomposée, partie en morceau, depuis que ton père s'est tiré avec une autre, que ta mère n'a plus jamais eu l'étincelle dans ses yeux. Tu t'appliques à ton risotto, essayant de pas tout cramer, te rappelant des recettes que tu as lu des dizaines de fois, essayant de lui montrer que tu sais ce que tu fais. oui je veux bien, les assiettes sont dans ce placard, les couverts juste en dessous tu le sens de suite, qu'il se sent de trop alors tu fais en sorte qu'il ne se sente pas en touriste. Au fond, tu serais comme lui, gênée, ne sachant pas où te mettre, profitant d'une situation. Le vinyle d'Elvis qui commence à tourner, toi qui chantonne, dansant doucement lorsque suspicions mind commence. Il te faut trente minutes - peut-être un peu moins - avant que tout soit prêt. t'aimes cuisiner qu'il te sort alors que tu analyses chacun de ses gestes, de son regard, pour voir si lui aussi, va te dire que c'est pas ta meilleure compétence. j'aime bien oui. J'ai toujours cuisiné, pour mes petites sœurs. On trouvait ça normal, j'étais l'ainée tu omets de dire que pendant que tu cuisinais, ta mère était dans le fauteuil, un éternel verre de vin à la main, se remémorant tout les jours ce qu'elle a pu faire pour foutre sa famille en l'air, comme si c'était de sa faute. sérieux ? T'aimes bien ? Tant mieux. D'habitude on aime pas du tout ma cuisine. On me dit que je me débrouille sans cesse pour cramer un truc ou pour que ça n'ait pas de gout A tel point que tes amis se défilent quand tu les invites à diner, proposant constamment de rapporter quelque chose, de cuisiner eux. T'as l'habitude maintenant. Peut-être que ton style de cuisine se rapproche plus des gouts mexicains ? Sans doute ça, les américains n'ont pas le palet assez fin. Tu pourras m'apprendre un ou deux plats de chez toi ? Tu cuisines beaucoup ? l'ambiance qui aurait pu être romantique quand falling in love with you démarre, que l'ambiance est tamisée, que les verres de vins se vident doucement. Néanmoins la gêne prend plus de place, trop que pour penser une seule seconde à une issue romantique. T'essaies de voir, si il te regarde autrement, mais tu ne vois que son regard vers une échappatoire, comme un oiseau en cage, cherchant une issue. T'aimes bien Elvis ? ouais tu sais pas quoi dire d'autre, faut croire que vous êtes deux à ne pas avoir la conversation bien riche.

tw: mentions ; alcool, précarité, dépréciation

Il doit avouer que ça lui manquait, de simplement converser dans sa langue natale. Sans avoir à se soucier de ce qu’il dit - quoi que si, il se censurait tout de même, faudrait pas mordre la main tendue, celle qui accepte de l’héberger ce soir. Sans avoir à traduire, ou du moins à essayer de traduire. Sans avoir à ressentir une certaine frustration, à devoir se servir de son téléphone ou de ses mains.
Alors, elle pouvait bien parler, et parler encore, Frankie - il ferait un très bon auditeur, ce soir. Se laisse emporter par les histoires bien tristes d’une échappée dans une salle de bains, par le conte d’une jeune Frankie qui s’planque derrière ses amis pour faire le tour des pièces de chez elle. Se demande un bref instant ; si c’est toujours le cas.
Si aujourd’hui, c’est lui, cet ami en question. Qu’elle va lui demander de vérifier derrière le rideau de douche et sous les lattes de son sommier. Lui n’a jamais eu de telles peurs. D’autres, oui - celle-ci, non. Il ne répond rien, Jesus, voudrait pas lui faire peur ou lui mettre de mauvaises pensées en tête. Il ne compte pas l’agresser, ou profiter d’elle - a déjà l’impression que c’est le cas, sa seule présence reste étrange.
Qu’avait-elle pu voir en lui, pour décider de l’aider plutôt que de s’enfuir dans l’autre direction ?

Alors qu’elle s’affaire en cuisine, Jesus contemple le malaise droit dans les yeux. Certaines personnes, certaines cultures ne tolèrent pas que leurs invités fassent quoi que ce soit. Mais Jesus avait besoin d’un peu de normalité, aussi demande-t-il à être inclus dans sa routine. Demande à l’aider, et se laisse guider avec soulagement dans les placards de la cuisine. C’est moins étrange, comme ça. - D’accord. Embarque les assiettes avec lui, dans un premier temps, avant de revenir pour les couverts. Entre deux, l’observe, elle. Concentrée sur la cuisine, et sur la musique tout à la fois. Témoin privilégié de sa routine, probablement. Chantonnant avec la musique, ondulant avec le tempo. Et lui de trop.
Il est un peu étonné que sa présence ne l’empêche pas d’agir ainsi, et en même temps, ça le rend moins … étranger à tout ça. S’éclipse pourtant un moment, part aux toilettes avant de revenir pour manger.

Jesus se tasse sur sa chaise, tente de paraître moins grand, moins imposant qu’il ne l’est réellement, au-dessus de cette table un peu petite, même pour deux. Peut-être que son estomac aura l’air moins grand aussi, l’air de dire qu’il ne videra pas ses placards une fois qu’elle aura le dos tourné.
La réponse à sa question, un peu bête et un peu simple, le ramène vivement à ses propres souvenirs. Il tente cependant de ne pas projeter sa propre expérience sur elle ; sans doute qu’elle ne cuisinait pour ses sœurs qu'occasionnellement, de temps en temps, ou juste des gâteaux, ou juste le dimanche, ou parce que ses parents tout à fait normaux et charmants bossaient le midi. - Je cuisinais avec mon frère, aussi. Un peu, qu’il rajoute, alors que c’est pas tout à fait ça. Ils bouffaient ce qu’ils pouvaient, comme ils pouvaient.
En revanche, sa cuisine n’était pas … tout à fait à son goût. Mais il n’allait certainement pas critiquer, faire le difficile, et encore moins l’assassiner de telle manière. Sauf que c’est elle qui s’allonge sur les rails, en attendant que le train passe. Jesus écarquille un peu des yeux, trouve un truc, vite. - Tu peux toujours épicer après … Suggestion douce, mais Jesus ne la connaît pas assez et ne sait pas si elle comprendra le message. Il y a sans doute un peu de vrai … Au moins ne s’en offusque-t-elle pas, et lui demande de lui apprendre quelques trucs.
- Je suis loin d’être un bon cuisinier … car, mine de rien, les astuces ne vont qu’à un certain point. Le manque d’argent, le manque de moyens et d’ingrédients bride les possibilités. A souvent fini par brider son inspiration. - Mais, peut-être ? Y’a sans doute quelques trucs simples ? Un guacamole ? Voilà, un truc avec juste un peu de préparation, et pas de cuisson. Si elle avait l’habitude de cramer des trucs … la technique était sans doute de ne rien cuire.
En attendant, il mange son risotto un peu fade, mais qui cale sa faim. Il goûte sa chance de l’avoir croisé, d’avoir décidé de retourner à ses côtés. Au fait que le type qui devait venir la voir, ne se soit pas pointé. C’était foutrement égoïste, mais la vérité. Ce soir, il dormira au chaud, le ventre plein. Frankie le ramène dans une réalité tangible, et le laisse confus. Elvis ? - C’est quoi, Elvis ? C’est quelqu’un, ça se mange ? La réalisation quand il pense deviner. - C’est la musique ? Euh … ça va, je suppose. C’est pas trop mon style. Il a pas vraiment de style musical, ni de grande culture de ce côté-là. Il n'a jamais trop eu le temps d’écouter la radio, alors il hausse les épaules. S’en fiche, ça ne le dérange pas plus que ça, et puis il ne cherche pas trop à comprendre les paroles non plus.
Il aimerait juste, peut-être ... que cette soirée ne s'éternise pas trop. A remarqué, les verres qu'elle a vidé au bar, et le vin qu'elle a servi. Lui a goûté, mais ce n'est pas dans ses habitudes de boire ça avec son plat, alors il n'y a pas retouché. En revanche, il a peur qu'elle se laisse emporter par l'alcool ... et n'a pas très envie de s'en occuper. Ce serait bien étrange, non ? Que l'invité borde l'hôte ?

tw: tw.

Une simple rencontre fortuite dans un bar qui te rappelle ce sentiment délectable de compagnie. Tu n'as jamais été seule avant. T'as dormi des années entière avec ta sœur et quand tu es partie de chez toi, t'as connu Ben. La rupture encore sanguinolente et le silence qui t'a percuté. Tu t'en es pas rendue compte avant que Jesus ne le comble, doucement, une seule soirée, pour te rappeler à quel point tu pouvais aimer ça, de cuisiner pour quelqu'un, de ne pas danser toute seule sur des musiques gringe.  Tu ne peux pas t'empêcher de laisser voguer quelques parcelles de ton âme, de tes failles, parlant de tes sœurs, de Leslie, à peine, juste assez que pour combler le vide d'une relation qui n'aurait jamais du commencer. Tu te demandes un instant un instant seulement, si tu as bien fait de lui proposer de venir ici, ne voulant pas passer pour la nana désespérée à la recherche d'un mec. Clairement pas ton intention. T'as toujours été cette nana trop généreuse, la bonne poire, la bonne conne, qui donne tout, pour ne rien recevoir en retour. La meuf naïve qui ne comprend pas que les gens puissent être cruels, qui pourrait passer des heures à tout donner pour un sourire naissant sur un visage inquiet. Un instant tu redeviens l'adolescente qui avait peur de tout, peur de soi-même, tu redeviens cette fille qui se cachait dans l'ombre, le temps d'une confession. La peur du noir qui ne t'a jamais quitté, qui t'a même poussé à te demander si tu aurais pas du retourner chez ta mère après la rupture. Ridicule non ?
Si seulement il savait, si seulement il savait toutes tes blessures, à quel point tu te détestes, à quel point c'est un effort pour toi de ne pas compter chaque grain de riz, à quel point inconsciemment tu fais tout cramer pour manger moins, à quel point tu es seule. Est-ce qu'il s'en irait, est-ce qu'il sentirait le traquenard ? Run boy, run. Tu te concentres sur la musique, Elvis, toi dansant sur les pieds de ton père, essayant de te souvenir de son odeur, du son de sa voix quand il état en colère. Il devenait flou et tu étais vachement en colère pour ça. De lui, tu ne retiens que le gout des chansons démodées, des vieux riffs de guitare. Toi qui cuisine, lui qui met la table, une envie qu'il ne parte pas, que ça devienne le quotidien, une idée sporadique qui part en volute de fumée. Tu ne le connais pas, vous n'êtes que deux inconnus, vous retrouvant sur le même chemin que l'espace d'une nuit, de deux, de plus, peut-être. Vous avez l'air de deux pantins sur ces chaises, lui trop grand, toi trop large, une sacrée paire. Aucun de vous deux ne rentrant dans les beaux moules dorés, une des raisons qui font que vous panser vos blessures, que vous vous êtes reconnus dans ce bar bondé. La coquille qui s'ouvre doucement alors qu'il te sort une de ces premières infos, il a un frère. As-il eu un trampoline lui aussi, courrait il derrière un cerf-volant avec son frère comme toi avec tes sœurs. Aide moi à t'apprendre. T'es l'ainé aussi ? pour rajouter au point commun, aux responsabilités sur vos épaules fragiles. Toi qui a tout fait pour montrer l'exemple aux deux petites, pleurant en silence, prenant les flèches. La discussion qui tourne autour de ta cuisine, où plutôt de ton manque de don en la matière. Le risotto miraculeusement cuit mais sans gout. Au fond, tu comprends que plus personne ne veuille de tout ça, même toi tu trouves ça dégueu la plupart du temps. Qui sait, tu pourras t'améliorer avec lui ? J'en ai en plus, curry, paprika ... mais j'ai toujours peur d'en mettre et que ça soit de trop tu ne peux pas t'empêcher de rire, ouais peut-être que là, ça aurait pas été du luxe. ça me va, demain on se met à la préparation d'un guacamole, j'irai chercher des avocats naturellement, comme si il allait rester demain, et les jours d'après. La chanson romantique qui rend l'ambiance encore plus ... bizarre. Ouais, ça aurait pu être un date, là tu serais occupée d'embrasser Steve, il aurait mis la main en dessous de ta robe. Le visage de Steve qui laisse place à celui de Jesus. Stop. Elvis, ouais Elvis. Et ton sourire qui se fait grand quand tu te rends compte que lui, ne sait pas du tout qui est cette star internationale, étrange pour toi qui a écouté ça toute ton enfance. C'est genre l'un des meilleurs chanteurs de son époque. C'est quoi ton style à toi alors ?
La soirée qui se termine doucement, les verres qui se vident, ta tête qui tourne légèrement, pas assez que pour délier plus les langues. Tu le vois bailler, tu le suis de suite. Tu te lèves pour lui apporter un oreiller, une couverture. Il commence à se faire tard, je pense qu'on a besoin tout les deux d'une bonne nuit de sommeil et de vous remettre de cette rencontre, de ce dénouement inattendu, de ton envie de voir à quoi il ressemble sous son t-shirt. Si tu as besoin de quoi que ce soit ... fais comme chez toi, je serais dans ma chambre un simple signe, un regard avant d'envoyer directement un message à Leslie quand tu claques la porte de ta chambre.

tw: mentions ; précarité, dépréciation

Les secondes s’écoulent et avec elles vient le sentiment de sécurité. Pour ce soir, pour quelques heures. Il peut respirer, sans penser à sa survie immédiate - demain, tout recommencera. Mais, ce soir, il pouvait appuyer sur pause. Ce soir, Jesus pouvait profiter d’un plat chaud et de compagnie chaleureuse, d’un canapé qui serait forcément plus confortable que le sol, de la douceur d’un appartement habité, de la musique étrangère qui noyait ses idées sombres dans son flot indistinct.
D’une présence.
Bien qu’il soit l’étranger, l’invité, son hôte se plaisait visiblement dans son rôle. Sans aucune obligation ni contrainte, elle lui avait ouvert son foyer, son appartement, son intimité. En grand, Jesus n’aurait eu qu’à tendre les bras pour se servir de la générosité qu’elle lui offrait. Il évoque son frère, et il l’entend rebondir aussitôt, intéressé par le peu qu’il pouvait bien raconter. C’était nouveau. - Non … C’est lui. Tiago en premier et Jesus ensuite.
Puis l’abandon du père, la déchéance de la mère, la traversée du désert.
Ils ne s’attardent pas sur ce sujet, parlent plutôt du risotto dont la triste mine s’étale dans leurs assiettes. Un peu fade, mais là. Un peu moyen, mais là. Pour lui. Pour son estomac. Sans contrepartie. Jesus veut être honnête, mais il ne veut pas la blesser. Tant bien que mal, ils finissent par parler d’autre chose. D’un autre repas,
d’un autre jour. - Ok. Mais tu sais les choisir, au moins ? Pauvres avocats, préfère encore y aller lui-même. Ou l’accompagner. A l’écouter, c’est si simple.
Quand rien ne l’était. Accepter ce qu’elle pouvait lui donner, c’était plus difficile qu’il ne l’aurait cru. Lui, qui n’avait jamais réellement été indépendant, qui n’y avait goûté que quelques mois, à peine quelques années … Après tant de galères, c’était difficile de voir que c’était … si facile. De s’imaginer rester ici, dans l’ombre de cette femme.
Ils parlent musique - un sujet sur lequel Jesus n’a pas vraiment d’opinion. Il hausse les épaules, ne connaît pas ce chanteur plus qu’un autre. - Je ne sais pas. A rajouter dans la longue liste de ce qu’il doit encore déterminer. Ses goûts. Ses couleurs. - Ce qui passe à la radio ? Pas franchement le luxe d’écouter autre chose que ce qui passait sur le vieux poste de radio. Des classiques du Mexique, des classiques importés des USA, aussi. Ne sait pas, et s’en fiche assez.

Et le temps qui passe, Jesus s’affale lentement. Glisse sur le bout de sa chaise, lentement mais sûrement. L’effet de la gravité, et de la soirée qui avance. Appréhende étrangement le reste de la soirée. Manger, c’était encore relativement simple. Pouvait-il utiliser sa salle de bains ? Avait-elle une couverture ? Le canapé ne serait-il pas plus petit que lui ?
Comme si elle avait entendu ses pensées, c’est elle qui les extirpe de la torpeur qui s’était installée entre eux. Lui ramène tout le nécessaire - à croire qu’elle avait déshabillé son propre lit pour faire le sien. Il la remercie, encore … et peu après, il ne reste que lui.
Dans cet appartement à la fois si grand et si petit. Jesus erre, un peu. Malgré la fatigue, en dépit du sommeil qui l’appelle. Il tourne en rond et s’approprie l’espace, les bruits sourds. Tente de déceler un piège inexistant, avant de capituler. Dormira mal, il le sait, d’un œil seulement.
Et elle, y arrivera-t-elle ? A sombrer avec Morphée, quand un inconnu prend place dans son salon ?