lost in yesterday (w. joe).

tw: —

Fuck.
C’est le premier mot qui lui vient en tête ce matin, premier mot qui ne doit pas sortir de sa bouche tandis que Milo se tient au bout de son lit, grand sourire aux lèvres et Aela, elle le retient de toute ses forces. Montrer l’exemple, elle a encore du mal à le faire même après neuf ans, même après tout ce temps. Et elle a le pied sur un morceau de lego, qui lui rentre dans le dessous du pied et toute la douleur qui accompagne une mésaventure de cette sorte. Combien de fois lui a-t-elle demandé de ramasser ses jouets? Un million de fois. Par jour. Tous les jours, le même disque qui joue dans leur appartement, leur maison — leur cocon ; certaines fois avec une certaine pointe d’embêtement dans le ton, d’autres fois avec le même ton doux et ferme que toutes les autres fois et ce matin, alors que les premiers rayons du soleil commencent doucement à se filtrer à travers ce rideau inutile, qui ne camoufle rien du tout jour et nuit, il y a ce sourire sur les lèvres de Milo qui aide petit à petit à effacer ce début de colère, d’agacement et ses lèvres à elle commencent à former un sourire. Celui où elle montre les dents. Ce vrai sourire dissimulé du monde entier. Un sourire qui se fait rare, qu’elle offre une bonne majorité du temps à Milo. Puis aux autres qui comptent, mais souvent Milo. Parce qu’elle lui en a fait la promesse à sa naissance, durant sa grossesse.

Si la matinée a mal débutée, sa journée se passe relativement bien aux yeux de Aela. Milo à l’école, elle a la journée entière à elle seule. On ne l’attend pas à la boutique de vêtements, on ne l’attend pas ailleurs. Elle est libre de faire ce qu’elle a envie de faire et sa journée débute souvent par un petit nettoyage de l’appartement qui lui prend souvent tout l’avant-midi, selon la playlist choisie. Le beau temps est aux portes, le soleil frappe encore très fort lorsque Aela s’octroie une pause, assise sur le canapé, un restant de la veille dans une assiette. Assiette lâchement abandonnée au bout de quelques bouchées sur la table de salon, la porte qui claque derrière elle et ses pas qui se dirigent vers un quartier qu’elle connaît pratiquement par cœur maintenant. Se retrouve dans l’un de ses thrift store favori, celui où elle réussit à dénicher à peu près tout et n’importe quoi, celui où elle a trouvé la moitié de sa garde-robe et Aela, par envie, laisse sa main se balader sur les présentoirs à vêtements, pas la moindre idée de ce qu’elle recherche finalement. Ça vient avec le temps, avec le feeling. Se promène à travers les rayons, regarde quelques articles, s’arrête devant des vêtements, devant tout et n’importe quoi. Se sent comme un enfant dans un magasin de bonbons. Continue son chemin, aperçoit une figure pas très loin, s’avance un peu plus sans en tenir compte, commence doucement à reconnaître cette figure. « Merde. » Soufflé tout bas, ses pas s’arrêtant d’un coup sec et la panique commence à se faire sentir. Elle s’accumule et s’accumule jusqu’à monter, atteignant sa gorge et l’étouffant presque. Partir. Disparaître ; comme elle a fait, il y a des années, au petit matin. Comme si son passage n’existait pas encore dans l’écriture de ce chapitre et tout doucement, c’est ce que Aela tente de faire. D’abord en tournant les talons silencieusement, c’est son bras qui vient perturber le silence qui règne en frappant un article au sol qui vient briser sa tentative d’évasion. « Fuck. » Deuxième fois en une journée, ça doit être un record quelque part, mais cette fois, le mot traverse sa bouche et s’élève dans les airs. « Hey. » Par habitude, par envie de bien paraître, son dos devient plus droit et sa tête se tient haute.

Une histoire d’un soir, voilà ce que c’était, voilà ce que c’était supposé rester.
Voilà que ça ne l’est plus.

Tu te sens seul, Joe. Tu te sens seul dans cette villa bien trop grande que tu as achetée à ton retour en ville. Tu te demandes pourquoi tu as pris si grand, Joe. Peut-être par habitude ? Tu vivais dans une villa sur les hauteurs de Los Angeles, lorsque le groupe était encore là. Mais cette villa était bien plus habitée que celle-ci. Tu n’étais pas seul. Tu avais quelques employés Joe. Ils prenaient soin de ton chez-toi lorsque tu étais en tournée. Et puis tu invitais souvent du monde. Tu faisais souvent des soirées. Comme pour combler un manque. Un trou béant dans ta poitrine qui prenant de plus en plus de place. Tu y invitais des filles, aussi. Des inconnues, la plupart du temps. Mais elles ne restaient pas longtemps, elles. Le temps de quelques heures, ou d’un week-end. Tu étais entouré à ce moment-là, Joe. Jamais vraiment seul. Mais peut-être qu’intérieurement, tu l’étais. Tu ne trouves aucune excuse à tes actes, à ta consommation excessive, à tous ces débordements. Mais peut-être bien qu’une partie de tes choix venaient de là malgré tout. Tu avais beau avoir la vie parfaite pour beaucoup, tu n’étais pas le plus heureux des hommes. Certes tu as rêvé de ça toute ta vie. Certes tu profitais du mieux que tu le pouvais. Tu ne croyais pas les gens quand ils te disaient que tôt ou tard, ça finirait par te changer. Tu leur rigolais au nez. Maintenant, tout s’est effondré. T’es de retour ici. Encore plus seul que jamais. Vivant dans cette grande villa dans les terres de ta ville de naissance. Ce qui est le plus triste finalement, ce que tu n’es pas si seul que ça. Tu as retrouvé ta famille, tes proches, ton frère. Ces personnes que tu as mises de côté pensant bien des années et qui sont toujours là pour toi. Et même s’ils ne sont pas loin de toi, aujourd’hui, tu te sens seul. Alors tu attrapes tes lunettes de soleil, tes clefs et tu te rends dans un autre quartier.

Pas dans le centre-ville, non. La peur qu’on te reconnaisse, qu’on te pose des questions concernant le groupe, sur le pourquoi tu es ici et par à Los Angeles. Tu évites les foules, les lieux trop bondés. T’as besoin d’un peu de temps pour toi, alors le premier réflexe que tu as, c’est de t’engouffrer dans cette petite friperie. Il fait calme. Il n’y a presque personne. L’odeur du cuir et du jeans te fait sourire. Tu as toujours aimé les thrift shop, ces petites boutiques hors du temps et tu aimes fouiller et trouver quelques pépites. Lunettes maintenant sur la tête, tu te permets d’être naturel, car il n’y a presque personne. Pas de soucis pour que l’on te reconnaisse ou du moins, pas maintenant. Tu te diriges directement vers les blousons, vêtement que tu adores. Tu regardes, touches les matières, les analyses. Tu en prends une sur le bras. Tu l’essayeras quand tu auras terminé ton choix. Tu déambules dans les allées quand un bruit te fait tourner la tête. Cœur qui se serre directement. Peur qu’on accoure vers toi. T’as jamais aimé tout ça. Les foules autour de toi, les paparazzis, ces gens qui courent vers toi pour une photo ou un autographe. Mais là, pas d’affolement. Juste cette jeune femme non loin de toi. Tu plisses les yeux. Son visage, il t’est familier. Alors doucement tu t’approches d’elle alors qu’elle tournait visiblement les talons. Elle te parle. Te lance un simple “Hey”. T’es à sa hauteur maintenant et ton cœur s’emballe. Parce qu’elle n’a pas changé. Parce que même si ça n’a été le temps que d’une nuit, elle t’a marquée, la brune.

— Hey. Que tu lui réponds aussi, léger sourire sur le coin de tes lèvres. — On s’est déjà croisé, non ? Bête question, car tu connais déjà la réponse. Mais ça remonte à il y a tellement longtemps, que tu ne sais pas trop comment réagir, Joe. — Aela, si j’me souviens bien ? T’as un sourire un peu joueur qui ne disparaît pas. — Celle qui s’est volatilisée au petit matin. Tu plaisantes, Joe, presque heureux de la revoir, après toutes ces années.