he got eyes, but he can't see (w/ziggy)

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Elle avait une folle envie de jouer, chanter. Un besoin compulsif d’évacuer. De laisser ses doigts courir sur sa basse, de chantonner quelques paroles, d’écrire peut-être quelques mots au passage. Besoin de déconnecter son cerveau, de se débarrasser au moins des millions de pensées tournant en boucle dans son crâne. Même si elle ne peut pas. Même si c’est vain, interminable. Au moins, quand il y a la musique, tout est un peu plus supportable. C'est pour cela qu’elle ne s’en passe pas, Nailea. Pour cela qu’elle vit, dort, mange, respire musique. Jour et nuit. Quelque chose que ses parents n’ont pas compris. Quelque chose que ne comprend pas la majorité des gens. Sauf ceux qui sont tombés là-dedans. Ceux qui le comprennent le mieux, ce sont les autres membres de Low Hysteria. Ces quasi-inconnus devenus amis. Il y avait bien Ziggy, qu’elle connaissait déjà, qui en était sans doute déjà un. Mais les autres, elle a appris à les connaître avec ce groupe. Et jamais, au grand jamais, Nailea, elle ne pourrait regretter, de les avoir rejoints.
Parce qu’avec eux, sa carrière musicale a décollé.
Parce qu’avec eux, elle a trouvé des amis, des vrais.
Parce qu’avec eux, elle se sent juste, à sa place.

La musique est omniprésente, au fond.
Elle a presque toujours envie de la retrouver, Nailea. Même quand elle n’en joue pas, elle écoute, ou elle chantonne, ou ses doigts, ses mains, ses jambes, bougent en rythme - à la recherche du moindre son, de la moindre mélodie. Elle a l’impression de ne jamais décrocher, jamais s’arrêter. Mais c’est sain. Plus sain que l’addiction à laquelle elle s’accrochait, trop jeune, il y a encore quelques années. Qu’importe ce qu’en pensent ses parents, maintenant.

Elle avait une folle envie de jouer, de chanter, alors. Alors, elle est venue au studio.
Elle n’y était pas seule. Il y avait Ziggy, aussi. Ziggy, qu’elle a adoré retrouver. Avec Ziggy, ce n’est pas pareil qu’avec les autres. Ce n’est même pas pareil qu’avec Ashton. Elle le connaissait avant, Ziggy. Il est devenu son ami dans un autre contexte. Il est celui qui l’a emmenée ici. Elle aime bien, discuter avec lui. De choses et d’autres. Se sent toujours la bienvenue, toujours à sa place. Toujours bien. Toujours en paix. Elle ignore combien de temps ils sont restés là, au studio, à jouer. Mais le temps a passé, il est maintenant l’heure de rentrer. Peut-être.
Ils sont là, déjà, en train de partir, sur le parking. « Je te ramène ? » propose-t-elle. Autant le faire, un détour ne la dérangera nullement. Cela évitera à Ziggy de la marche à pied, ou encore de se coltiner les transports. Dieu sait qu’ils doivent être bondés, à cette heure. Et puis, cela lui ferait plaisir. Elle gagnerait quelques minutes en plus avec son ami, en-dehors du studio. Peut-être à se parler un peu plus, parce qu’ils n’en avaient finalement pas tant pris le temps. Trop occupés à jouer - c’est pour cela qu’ils étaient venus, après tout. « Je sais même pas quelle heure il est, j’ai déjà faim. » laisse-t-elle échapper en riant, attrapant son téléphone pour regarder l’heure. En effet. L’heure du dîner approche. Elle pourrait s’acheter quelque chose en rentrant.

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Quand il y a la musique, le reste n’existe plus vraiment. Le monde continue de tourner, pourtant. Mais Nailea, elle est a l’impression d’être alors dans un monde différent. Dans son monde à elle, dans sa bulle. Parfois, il y a les autres. Quand ils jouent, tous ensemble. Parfois, c’est juste Ashton et elle. Dans leur bulle, même s’ils ne devraient pas le faire. Parce qu’à chaque fois, il y a ce truc dans l’air. Cette alchimie indéniable, contre laquelle les autres ne peuvent rien. Ce n’est même pas volontaire, sinon ils s’en passeraient bien. S'éviteraient des maux – Nailea, en tout cas. Parce qu’elle, elle ne s’imagine pas que cela puisse aussi travailler Ash. Que cela puisse l’obnubiler, le déranger, l’obséder. Ce n’est pas leur faute, à eux – ils n’ont rien demandé. Mais parfois, la vie s’en mêle. Parfois, on fait des rencontres qui la changent du tout au tout. Elle n’avait rien vu venir, Nailea, quand Ziggy lui a parlé de son groupe, lui a proposé de le rejoindre. Même quand elle a fait des tests avec eux, rien n’était sûr, encore. Mais cela a pris, tout de suite. Tous les cinq. Et puis, Ash et elle, au chant. Alors elle est restée, la brune. S'est sentie dans ce groupe, comme dans une seconde famille. Tous les cinq, quand ils jouent, c’est un autre monde. C'est le leur. Et elle s’y plaît. Oublie sans problème tout le reste. Tout ce qui ne va pas, tout ce qui l’inquiète, et puis les disputes incessantes avec sa famille.

Aujourd'hui, elle avait besoin d’un moment en musique. Besoin de jouer de la basse, et puis, d’écrire. Besoin de se changer les idées, s’apaiser. Se retrouver dans le calme ambiant du studio de musique. Calme temporaire, bien vite ébranlé par quelques notes. Mais calme tout de même. Elle a ressenti ce sentiment de quiétude, tant espéré. C'est peut-être aussi parce qu’il y avait Ziggy. Elle apprécie la douceur de leur amitié, de leurs échanges, de sa présence. Ne se sent jamais jugée, ou jamais de trop. C'est lui qui a largement contribué à lui permettre de se sentir bien dans le groupe, dans un premier temps. Si elle n’avait connu personne, peut-être n’aurait-elle même pas tenté sa chance.
Il est l’heure de rentrer, à présent. Pourtant, elle n’en a pas tellement envie, Nailea. Voudrait bien profiter encore du soleil, pas si bas dans le ciel. Voudrait bien profiter de la douceur du printemps, des soirées agréables qui s’installent depuis quelques temps. Sans doute que, pour rien au monde, au fond, elle ne quitterait la Californie – habituée à son climat, qui lui convient très bien comme cela. Elle ne sait pas ce qu’il en pense, Ziggy, lui. Il avait prévu de rentrer à pied, comme il est venu. Mais, alors qu’ils arrivent sur le parking, elle lui propose de le ramener en voiture – s’il le souhaite. Elle ne lui forcera pas la main, comprendrait qu’il veuille profiter du grand air. Elle aimerait bien, aussi. Peut-être pourrait-elle s’arrêter quelque part en chemin. En tout cas, Ziggy accepte, elle en est ravie. « Chouette ! Ça me fait plaisir. » répond-elle avec enthousiasme, en souriant. Contente de gagner quelques minutes avec son ami, en-dehors du studio. Sans forcément parler musique, mais peut-être d’autre chose. Elle laisse alors échapper qu’elle a une petite faim, regardant l’heure qu’il est pour constater qu’il est plus tard qu’elle ne l’imaginait. Il semble faire de même, Ziggy, indiquant que l’heure est bien indiquée pour manger. De quoi lui arracher un rire, à la brune. « Complètement d’accord. » Leurs estomacs semblent en tout cas en accord. Elle est à deux doigts de sentir le sien gargouiller. Ne s’attendait pas à l’invitation de Ziggy – mais après tout, pourquoi pas ? « Avec plaisir ! La prochaine fois sera pour moi. » S’en voudrait presque d’accepter. Mais, sans doute que de la même façon qu’elle, il ne le proposerait pas s’il n’en avait pas envie, Ziggy. Ne se sent pas obligé de quoi que ce soit. Elle l’espère, Nailea, en tout cas. Et puis, il lui parle de petits restaurants près de la plage, et la voilà convaincue. « Oh, mais c’est une trop bonne idée ! Tu me donnes envie d’aller voir la mer. » Ce sera l’occasion. De voir et d’entendre les vagues s’écraser sur le sable, de sentir les embruns, et puis, l’air marin. « En route, alors. » l’invite-t-elle à s’installer, dans sa voiture. Les projets improvisés l’ont convaincue, la réjouissent – oui, décidément, elle est heureuse de gagner un peu de temps en plus avec son ami. Car, même si elle aime la musique, même si elle aime le groupe, jouer avec chacun d’entre eux, elle les aime aussi en tant qu’amis, aime les voir et faire autre chose avec eux, en-dehors des concerts et des répétitions.
Ouvrant la portière de sa voiture, elle s’assied sur le siège conducteur, attendant que Ziggy s’installe et soit prêt, pour qu’ils puissent y aller.

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Ziggy est l’une de ces douces amitiés qui font du bien. L'une de ces amitiés dans lesquelles Nailea se sent bien. Se sent à sa place, légitime, libre d’être elle-même sans craindre de quelconques jugements. Elle ne le connaissait pas aussi bien que maintenant, cependant, quand elle a rejoint le groupe. Dieu sait qu’elle est heureuse que Ziggy le lui ait proposé. Qu’il ait pensé à elle, qu’il ait eu confiance en elle. Et tout cela, le groupe réuni, complet, cela a fait des étincelles. C'est comme s’ils s’étaient trouvés. Comme s’ils étaient faits pour jouer ensemble, composer. Depuis, la vie de Nailea a complètement changé. Celle des autres membres du groupe, aussi. Et tout cela, elle croit qu’elle le doit à Ziggy. Qu’ils le lui doivent tous. Il a été comme un entremetteur musical, trouvant peut-être juste pile poil ce qu’il leur manquait. Ce qu’il manquait à Nailea, aussi. Jouer, chanter. Elle qui n’avait plus de groupe, se languissait de remonter sur scène - pas décidée pour le solo. Pas de taille à le gérer toute seule. Mais parmi les Low Hysteria, elle se sent bien. Se sent à sa place, safe, et s’est trouvé des amis, aussi. Ziggy en fait bel et bien partie.

Cela fait longtemps qu’elle ne s’est pas retrouvée tout à fait seule avec lui – ou avec d’autres. Avec Ashton, c’est encore plutôt courant – ils se retrouvent pour écrire, composer, souvent. Pas de quoi calmer les ardeurs de son cœur. Mais Ziggy ? Aujourd’hui, cela changeait des habitudes, au studio. Ce n’est pas plus mal. Elle apprécie de le raccompagner, à présent, pour grapiller encore quelques minutes de sa compagnie. Elle va même gagner plus que cela, puisqu’il l’invite à manger un morceau. Évoque même quelques restaurants qu’il connaît, près de la plage. « Ouais. Je crois que je pourrais pas vivre loin de la mer. » Et lui ? Est-ce qu’il se voit rester toujours là, à Oceanside ? Ou est-ce qu’il verrait un jour sa vie ailleurs ? On ne peut pas savoir, on ne peut pas prévoir. Ils sont bien jeunes, encore. Dans l’immédiat, mieux vaut se concentrer sur le fameux repas. Les deux amis désormais installés en voiture, Nailea peut mettre le contact et démarrer, direction la plage. Laquelle ? Ziggy semble avoir quelques idées. Des idées qui ont tôt fait de la séduire, Nailea. « Non, c’est une très bonne idée. On y trouvera forcément notre bonheur. » Elle peut déjà imaginer les délicieuses odeurs émanant des foodtrucks. Cela la fait saliver d’avance. « A voir. Un truc bien consistant. » Elle lâche un rire, la brune, gardant le regard sur la route. « Un hamburger ? Ou des tacos, mais de qualité. » Elle y mettrait un point d’honneur, Nailea. Elle a ses exigences à ce niveau. « Et toi, quelque chose te fait envie en particulier ? » demande-t-elle avec curiosité. Qui sait, il pourrait avoir une bien meilleure idée, qui conviendrait parfaitement à son estomac. Elle n’est pas difficile, au fond, Nailea. Elle suivra. En tout cas, après quelques minutes, elle arrive en vue de la fameuse plage, se gare bientôt au parking. Ils vont bientôt pouvoir manger, et elle en est impatiente, la brune.

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Ce soir, étrangement, elle n’a pas envie de rentrer tout de suite.
Pas envie de se retrouver seule chez elle, dans le silence et le vide.
Pas envie de se retrouver non plus avec ses pensées envahissantes.
Pas envie de retrouver ses petits démons.
Pas envie de penser à Ashton, encore.

Pour de multiples raisons, elle est heureuse alors que la soirée avec Ziggy s’étende. Ce ne sont pas des raisons vraiment égoïstes - elle ne se sert pas de lui pour fuir ses maux. Mais ils sont amis, et de vrais amis peut-être se font du bien, même dans les pires moments. De vrais amis ne sont pas là pour faire tapisserie. Ils sont là, souvent, quoi qu’il arrive – pour désenclencher les angoisses, entraver le fourmillement de pensées parasites, éviter la dégringolade mentale, et bien plus encore. Ils sont là pour les bons moments aussi, et heureusement. Elle ne sait pas si elle osera parler de ce qui la travaille, Nailea – de toute façon, ce n’est pas pour cela qu’elle lui a proposé de manger ensemble. Elle voulait simplement prolonger ce moment à deux, parce qu’il est son ami, et qu’ils ont passé tout leur temps au studio à répéter, travailler.

Ils sont sur la route, à présent, direction la plage des boucaniers, comme Ziggy l’a suggéré. Ne reste plus que le choix du repas – hamburger ou bien tacos, ou encore autre chose. Ziggy l’a dit : il y a moult foodtrucks sur la plage, ils ne manqueront pas d’idées. Peut-être même finiront-ils avec un cornet de glace, qui sait. Dans l’immédiat, le choix n’est pas encore fait, reste malléable : ils sont encore en train de décider. Pas de soupe de potimarron, en tout cas, ce n’est pas vraiment la saison. Nailea demande alors son avis à Ziggy, qui parle de tteokbokki, de dumplings ou encore de souvláki. « Ça donne super envie. » commente-t-elle, remettant maintenant ses choix en question – elle ne va pas s’en plaindre. Cette diversité de possibilités, au contraire, la ravit. Et quand Ziggy conclut en disant qu’il pense prendre un peu de tout, elle rit. « Si tu l’offres si gentiment... J’avoue que goûter un peu de tout ça ne me déplairait pas. J'ai plus du tout envie de tacos. » Nouveau rire léger qui s’échappe des lèvres de la brune.

La voiture désormais garée, il faut marcher quelques instants sur l’asphalte, avant de rejoindre enfin le sable fin. Nailea croit déjà sentir la délicieuse odeur des victuailles, préparées dans les foodtrucks. À ce moment-là, Ziggy finit par faire remarquer qu’il a l’impression qu’ils ne se sont pas parlé depuis trop longtemps. C'est vrai, dans le fond – Nailea a la même impression. « C’est vrai. Pas seul à seul en tout cas, il y a toujours les autres. » Elle lâche un léger rire, avant de reprendre : « Enfin, leur présence est pas du tout désagréable, bien sûr. » C’est juste que dans le fond, ils ne peuvent pas parler des mêmes choses quand ils sont tous ensemble, que lorsqu’ils sont à deux. Et dans le groupe, Ziggy reste probablement celui dont elle est la plus proche, Nailea. Il y a bien Ashton, mais ce n’est pas la même chose, ils ne sont pas proches de la même façon. Chose qui la fait bien flipper, d’ailleurs. Parce qu’elle aime un peu trop passer du temps avec lui, Nailea. Même si ses joues rougissent, pas loin de virer violine. Même si son cœur bat trop fort en sa compagnie. Elle voudrait pouvoir ignorer ce qu’elle ressent, parce qu’il a un copain, Ashton. Mais ce n’est pas sa faute. Elle n’a pas l’esprit machiavélique, Nailea. Sait que ce n’est pas un couple fictif, et ne souhaiterait certainement pas sa rupture. Il faudrait de toute façon plus qu’un abracadabra et un peu de poudre de perlimpinpin. Est-ce qu’il a remarqué quelque chose, Ziggy ? Nailea se le demande en entendant sa question. Se le demande à ce qu’elle entend dans sa voix. Il n’est pas du genre à quémander les confidences – plutôt à faire comprendre qu’en cas de besoin, il est là. Nailea le sait, mais cela fait du bien de le sentir, encore. « Pas trop mal. » C’est sincère, sans trop en dire. Pas tout de suite, en tout cas. « Je veux dire, c’est génial ce qui nous arrive, pas vrai ? Qui s’en plaindrait ? » Léger rire qui s’échappe encore de ses lèvres. Il y a un mais. Le sent-il venir, Ziggy ? « Mais ça fait pas tout. Je crois que mes parents digèrent vraiment pas que j’ai choisi cette carrière-là. » Parler de ses parents, pour éluder encore Ash. Un petit temps. « Et toi, alors ? » Elle écarquille les yeux, pose ses prunelles sur Ziggy. Dans le fond, il a raison : cela fait longtemps qu’ils ne se sont pas parlé. Comment va-t-il, lui ?