got a pistol for a mouth (franklin)
Rage qui bouillonne dans ses veines, prête à érupter avec la force d’un volcan. Chaque passage à la banque est un véritable supplice, le désir d’emplafonner le conseiller toujours aussi viscéral, ce connard n’ayant décidément aucune compassion pour leur situation, continue d’exiger plus, peu importe que Mal lui explique qu’il fait déjà de son mieux. Peut-être devriez vous songer à arrêter vos études, Monsieur Eastburn, et trouver un emploi. Les images qui lui traversent l’esprit dans ces moments-là sont d’une violence graphique qu’il ne faudrait certainement pas appliquer dans la réalité, mais ô combien tentantes, et il se demande s’il n’allait pas finir par vriller un jour à force d'être poussé à bout. Mal ne lui a bien évidemment pas parlé de la solution qu’il a récemment mis en place, l’argent qu’il a reçu depuis qu’il a commencé son onlyfan n'étant pas encore suffisant pour rembourser les dettes qu’il peut avoir, mais aide tout de même un peu au quotidien, payant pour les soins de sa mère ainsi que des ballerines, les dernières trop usées, commençaient à lui faire bien trop mal pour progresser correctement. Sauf qu’il doit être parfait. Cette dernière année était cruciale pour son avenir, pour se faire remarquer auprès d’un recruteur et percer enfin. Il devait être irréprochable, le meilleur de sa promo. Il quitte la banque la rage au ventre, les muscles tendus par l'échange. Il a déjà du retard, et se presse pour rejoindre sa voiture garée dans une rue adjacente. Il est encore très tôt mais ça ne l’a pas empêché de galérer à trouver un emplacement dans le centre ville, et il sait déjà que la place qu'il a osé s’approprier n’en est pas réellement une et il espère la retrouver au même endroit qu’il l’a laissé. Et alors qu'il l'aperçoit, son sang ne fait qu’un tour en voyant la dépanneuse de la fourrière en train de remorquer sa voiture, un homme en uniforme à côté. Fuck no. — Non !! Attendez ! S'écrit-il en réduisant la distance en courant. L’officier qui se retourne à l’interpellation est jeune, asiatique comme lui, mais s’il est surpris par les origines ou les traits juvéniles, il ne le montre pas, se postant entre son véhicule et celui de la dévoreuse qui tente d'embarquer son seul et unique transport. — Je suis là c’est bon, pas besoin de l’embarquer ! qu’il s’exclame agressivement, forçant l’homme en train d’attacher sa voiture à s’écarter. Il se tourne pour faire face à l’agent. — J’ai besoin de ma voiture, dites lui que c’est pas nécessaire, qu’il fulmine entre ses dents, trop énervé pour paraitre agréable. Il ne peut pas se permettre de la perdre lorsque l'école est si loin, il refuse de faire encore deux heures de transports en commun matin et soir, c'est bon là, c'est pas dramatique, je me suis garé à peine 20 minutes, c'est pas la mort ! Plutôt une heure, mais Mal ne va pas se tirer une balle dans le pied, déjà irrité de ce début de journée merdique. Ils ont pas mieux à foutre que de vérifier chaque véhicule et d'emmerder le quotidien d'honnêtes citoyens, franchement ?
Le calepin entre les mains, l'apprenti policier semblait calculer les bénéfices de sa productive matinée, satisfait de sa prestation. Cela ne faisait que quelques heures qu’il était sur le terrain et déjà, les infractions s’accumulaient : du ticket de stationnement périmé au refus de priorité, en passant par l’altercation publique. Ses interventions n’avaient certes, rien de gratifiant, sa présence n’en restait pas moins nécessaire. Et s’il s’était imaginé jouer un rôle un peu plus élaboré en rejoignant les forces de l’ordre, le jeune homme comprenait qu’il devait passer par ces tâches ingrates avant de toucher son véritable but : l’unité s’occupant des cold cases.
“Encore un peu de patience, se murmurait-il régulièrement, lorsqu’il sentait son poing le démanger face à un citoyen réfractaire.”
Alors il offrait ses doux sourires, ses mots compatissants et guidait les âmes égarées, offrant de simples remontrances aux énergumènes pourris par le vice, sachant pertinemment qu’il retenait leur faciès pour les retrouver, une fois la nuit tombée. C’était ainsi qu’il s’apaisait, acceptant son job de sous-fifre le jour, l’imagination travailleuse, créant divers scénarios concernant ses futures activités de noctambule. Et alors que ses pensées se perdaient, oscillant entre le calcul de l'amende qu'il rédigeait et l'état de ses phalanges endommagées par sa dernière virée, une voix affolée mit fin à ses rêveries.
"Bonjour monsieur, rétorqua-t-il, procédurier, de son habituel ton ferme. On va commencer par baisser d'un ton, c'est pas la peine d'ameuter le quartier."
D'un signe de tête, il indiqua au dépanneur de poursuivre sa manœuvre, bien décidé à camper sur ses positions, peu importe les plaintes du propriétaire. Cela faisait déjà une bonne quarantaine de minutes qu'il s'était retrouvé bloqué dans cette ruelle du centre-ville, forcé d'effectuer les démarches par lui-même puisqu'il n'avait, aujourd'hui, pas son habituelle coéquipière à ses côtés. Alors, cette vulgaire Audi, il ne voulait la voir qu'à la fourrière, et nulle part ailleurs.
"J'vois qu'en plus du stationnement sur une place réservée, vous n'avez pas décidé de vous montrer très honnête en ce bon matin, commenta-t-il en jetant un coup d'œil à sa montre, certain que le jeune homme mentait pour tenter d'arranger sa situation. On ne parlera pas de votre vignette d'assurance, inexistante. Et du contrôle technique, dépassé depuis bientôt deux mois."
Ses petites vérifications terminées, Franklin reporta finalement son attention sur le désagréable propriétaire, remarquant enfin son apparence et ce style vestimentaire, bon chic, bon genre. Un gosse de riches, certainement, irritant personnage qui se croyait bien au-dessus des lois, de la politesse et de la courtoisie parce qu'il possédait les relations, l'argent, mais surtout cette belle gueule. On ne naissait clairement pas tous égaux, Franklin en avait, encore une fois, la preuve face à lui.
"Votre véhicule sera disponible à la fourrière de Peacock à partir de demain matin. Vous avez la ligne 12 pour vous rapprocher, mais faudra faire une petite demi-heure de marche, précisa-t-il en se délectant un peu trop de la punition qu'il infligeait. J'vous conseille donc de troquer vos petits mocassins pour une bonne paire de baskets, ça vous fera pas de mal."
Un sourire narquois s'était ancré sur ses lèvres, réaction que l'étudiant ne cherchait même pas à camoufler, trop honnête quant à ses intentions. Il termina ses annotations avant de tendre son papier à l'inconnu, le regard brillant de défi.
"L'amende est à régler au commissariat le plus proche de votre domicile."
Il y a des jours où on se dit qu’on aurait mieux fait de rester couché, et en ce fort désagréable samedi matin, Mal sait qu’il s’agit clairement de ce type de journée. Il l’a su dès le réveil en réalité, lorsque sa mère a dû finalement le réveiller en urgence parce qu’il était trop fatigué pour entendre l’alarme de son téléphone. Entre les courbatures, les bouchons sur la route, la difficulté à trouver une place, son rendez-vous désagréable avec le banquier et maintenant ce connard d’officier, l'étudiant regrette amèrement de ne pas être tout simplement resté au fond de son lit.
Si seulement il pouvait se permettre un tel luxe.
Méprisant, abusant de son pouvoir pour faire chier son prochain, juste parce qu’il le peut, parce qu’il aime ça, s’il y a un genre d’individus qu’il exècre, c’est bien celui-là. L’officier malpoli garde le nez plongé dans son calepin alors qu’il s’adresse à lui d’un ton condescendant, et c’est bien à cause de ce stupide uniforme que Mal se retient de lui rentrer dedans. Alors que son manque d’honnêteté et de rigueur sont remis en question, il sent ses joues se colorer, à la fois d’embarras et de colère. — Un simple oubli, je vous assure… prétend-il les dents serrées, ravalant le déluge d'insultes menaçant de déferler.
Le policier daigne finalement le regarder, et il peut sentir qu’il n’a aucune intention d'arrêter la procédure, campant sur ses positions tel un gamin borné. Il s’en réjouit même. Il le lit à la lueur maligne dans son regard sombre, à son sourire narquois qu’il ne cherche même pas à cacher, sachant pertinemment que le conducteur était baisé, se foutant ouvertement de sa gueule. Enfoiré. Mal ne pourra même pas récupérer sa voiture s’il ne fournit pas la preuve de l’assurance, qu’il n'a jamais souscrite, et entre ça et le montant de l’amende, il sait d’ores et déjà qu'il n’est pas prêt de la récupérer de si tôt. Alors que Mal tourne son visage vers son précieux moyen de transport, désormais remorqué, il se mord la lèvre, réfléchissant à vive allure à comment se sortir de ce pétrin. Comment allait-il pouvoir regarder sa mère en face quand elle apprendra qu’il lui a menti sur la voiture et qu’il roulait en toute illégalité depuis tout ce temps. Il ne pourra même plus l’emmener à ses séances de kiné, sans parler de toutes ses choses du quotidien qu’une voiture rendait bien plus aisée. Putain, il peut pas se permettre de perdre son véhicule.
Il tourne la tête dans la direction du policier, son regard sondant davantage l’homme qui lui fait face dans l'espoir de mieux le cerner. Il fait jeune, dans le milieu de la vingtaine, aussi grand que lui, les épaules larges, pas moche si on aime les visages banals. Pas de bague au doigt, mais des phalanges qui ont vu de meilleurs jours, adeptes d’une violence suspecte pour un prétendu représentant de la paix. Attrapant le ticket tendu pour en lire brièvement le contenu, il retient un grognement agacé. Il lève les yeux vers l’officier, soupesant les choix qui s'offrent à lui. Il aurait préféré avoir à faire à un officier plus âgé, souvent plus corruptible lorsque des années de frustrations se mêlent à des finances discordantes. Il l'a vu maintes fois avec ses camarades d'école, avec quelle facilité l’argent l’emportait sur la bienséance. Si l'argent ne faisait pas le bonheur, il y contribuait énormément, et Mal n'attend plus que le jour où il pourrait enfin s'élever au même rang, et ne plus devoir se soucier de ses dettes ou que son vilain secret n'éclate au grand jour. Mais celui-ci est encore bien jeune, la tête probablement bourrée de principes idéalistes, à se prendre pour le héros de ses comics. Habituellement il aurait tenté de faire miroiter de l’argent, mais son instinct le pousse à utiliser une autre méthode. C’est quitte ou double, mais si ça peut lui permettre de récupérer sa voiture, alors c’est peu cher payé.
Doucement, il réduit la distance, son regard s’attardant sur le badge où l’identité de l’officier est indiquée. Franklin Reed. Il retient une grimace. Prénom banal pour un type tout aussi banal. — Officier Reed… Je pense qu’on est parti du mauvais pied vous et moi… Est-ce qu'on ne pourrait pas trouver un arrangement ? Il s’humecte les lèvres, offrant son sourire le plus charmant. — Je suis en tort, vous avez raison, je m’excuse pour le désagrément. Je promets de faire rapidement le contrôle technique, et de coller l'étiquette d’assurance dès que je rentre chez moi, qu'il jure d’un ton se voulant plein de remords, étouffant d’une sincérité factice. Soudain plus candide, il se mord distraitement la lèvre, ses doigts effleurent le bras de l'officier alors qu'il se penche un peu plus en avant pour lui murmurer à l’oreille. — Pour me faire pardonner, je peux peut-être vous offrir un verre après votre service ? Je connais un endroit sympa où on pourrait se retrouver après si ça vous dit, je saurai me montrer très reconnaissant, susurre-t-il en baissant sa voix d’un octave, plus suave, celle qu’il réserve habituellement à ses abonnés lors de ses streams, espérant avoir vu juste au sujet de Reed.
“Il va me falloir vos papiers et ceux du véhicule.”
Face aux efforts vains du jeune homme qui peinait à se justifier, Franklin resta de marbre, hochant à peine la tête à l’audition des excuses et des explications. Cela ne faisait que quelques années qu’il avait rejoint le parcours pour entrer au sein des forces de l’ordre et pourtant, ces balivernes, il les connaissait déjà par cœur. À coup de tentatives sentimentales, d’histoires larmoyantes ou de provocations pour le faire céder, il était désormais devenu insensible aux jérémiades de ces citoyens en effraction. Un sourire poli, quoique légèrement satisfait, il se contentait de tendre son petit papier, n’autorisant aucune émotion à traverser son visage. C’était là peut-être un léger manque d’empathie, mais surtout l’habitude qui s’installait et de fortes valeurs qui s’exprimaient. Fils d’ouvriers, il considérait que si lui -ses maigres revenus et son passé cabossé- parvenait à mener sa vie en toute légalité, alors n’importe qui pouvait s’en donner les moyens.
“J’ai conscience qu’on a tous nos problèmes, commenta-t-il en vérifiant la carte grise puis celle d’identité, son regard tiquant sur l’étonnant prénom et son diminutif. Mais, pour s’en sortir, il faut savoir se donner… Un peu plus de Mal.”
Se croyant malin grâce à son jeu de mots, le stagiaire s’étonna en sentant que le propriétaire de la voiture préférait réduire la distance qui les séparait plutôt que soupirer face à sa boutade, auteur d'une approche totalement différente.
“Un arrangement ? Lança le futur inspecteur en fronçant les sourcils, décidant de jouer le jeu du flic débutant qui se laissait aisément embobiner.”
La tentative de séduction pour se sauver de l'amende, il en avait déjà fait l’expérience avec quelques femmes de l’âge de sa propre mère, mais de la part d’un homme, c’était une première et il fallait avouer que la situation l’amusait beaucoup. À ses yeux, il était toujours aberrant de voir jusqu’où certaines personnes étaient prêtes à aller pour se sauver, offrant leurs corps autant que leurs âmes pour l’affaire de quelques dollars. Mais s’il pouvait trouver une certaine logique chez les nécessiteux, il ne comprenait pas le comportement de l’héritier qui lui faisait face. Lui avait-on coupé les vivres pour qu’il semble si inquiet ? S’était-il froissé avec ses riches parents ? Avait-il refusé d’épouser la femme qu’on lui avait sélectionnée depuis sa naissance ? Débordante de scénarios pouvant justifier le comportement de l’inconnu, son imagination se stoppa net lorsque celui-ci tenta un contact physique, se penchant même à son oreille. Culotté, présomptueux, captivant et séducteur, il était tout ce que détestait Franklin, tout ce que lui, n’était pas et ne serait jamais.
“Par très reconnaissant, est-ce que vous entendez quelque chose de plus… Intime ? Demanda-t-il en adaptant sa voix à celle du tentateur. Tous les deux ?"
Intérieurement, le grand brun s’amusait presque de cette mascarade même s’il se sentait, en comparaison, un bien piteux acteur.
“Si c’est le cas… Je me sens obligé de vous expliquer quelques détails à mon sujet avant notre rendez-vous, souffla-t-il en conservant cette dangereuse proximité qui le mettait, en réalité, fort mal à l’aise tant il était si peu habitué à séduire. Premièrement, je déteste le vin, alors on commandera plutôt de la bière. Puis, on fera ça chez moi, j’ai horreur des hôtels, poursuivit-il en se prenant au jeu de la manipulation. Et pour finir, on va essayer d’éviter la tentative de corruption, puisque c’est évidemment punie par la loi.”
Brusquement, le policier s'empara de cette main qui s'aventurait sur son avant-bras depuis quelques secondes déjà, emprisonnant le poignet au sein d'une paire de menottes dont il accrocha le second bracelet métallique à la poignée de son véhicule de patrouille. Satisfait, il imposa alors une distance bien plus professionnelle entre leurs corps tout en tapotant le capot de sa voiture d’un air faussement menaçant, sans lâcher l'autre du regard.
"Vous vous rendez compte des risques que vous prenez ? Soupira-t-il, incapable de saisir les raisons qui poussaient un aussi beau garçon à se mettre autant en danger. Heureusement que vous tombez sur moi... J’imagine que je n’ai pas besoin d’aller jusqu’à vous embarquer ? Le message est bien passé ? S’enquit-il alors que l’idée d'imposer un petit séjour au commissariat au dénommé Malcom, rien que pour lui donner une bonne leçon, le tentait bien.”
Avec réticence, il extirpe le portefeuille de son manteau, présentant comme demandé ses papiers d’identités. Le regard perçant, il se retient de justesse de rouler des yeux au jeu de mots, peu impressionné par la “vivacité” d’esprit dont l'officier fait preuve, se croyant sans doute intelligent. Au moins n’a t-il pas osé énoncer le prénom tant haï de vive voix, ce qui restait une victoire en soi. Il se mord la langue pour ne pas répliquer, à deux doigts de lâcher une remarque acerbe pour effacer ce sale sourire satisfait de son faciès. Mais ce n’est pas en crachant son mépris qu’il arrivera à se sortir de cette impasse. Non, il va devoir employer un autre moyen. Il s'attendait à ce qu’il perde un peu de son assurance, qu’il soit intimidé par leur rapprochement. Mais sa réaction est différente de ce à quoi il s'attendait. Contrarié, il s’empêche de tiquer, ses doigts continuant de jouer avec le tissu de son uniforme tandis que son souffle taquine le visage de l'américain qui rétorque avec trop de confiance pour que ce soit réellement satisfaisant. Sa mâchoire se crispe imperceptiblement, il n’aime pas quand ça ne se déroule pas comme prévu. — Oui, rien que tous les deux, assure-t-il d’une voix suave, s’accrochant malgré tout à cette possible porte de sortie, ignorant la sonnette d’alarme retentissant dans un coin de son esprit. Mal l'écoute commencer à énoncer ses exigences, comme s’il pouvait se le permettre avec sa tête à claque. Urgh. Tout dans sa façon de parler jusqu'à sa manière de le regarder l’irrite et le tend, mais il s’efforce de garder une expression séduite quand tout en lui le pousse à le frapper violemment. Il finit par comprendre rapidement pourquoi son comportement le dérange lorsque son intonation comme ses propos deviennent lourds de menaces. Fucking bastard. Il se moquait de lui depuis le début. Mal sursaute à la soudaine sensation de métal sur sa peau, pas assez rapide pour détecter le mouvement vif de l’officier, les yeux exorbités en réalisant qu’il vient de le menotter à la portière de son véhicule. — Putain ! Qu’est-ce tu fous !! Le masque s’effrite, les traits ravagés d'une expression assassine, tirant inutilement sur le poignet comme pour s'assurer qu'il ne rêvait pas. — T'es con ou quoi, pourquoi tu me menottes, qu’il siffle rageusement alors que ce dernier, insupportable, se permet de lui faire une leçon de morale. Avant qu’il ne puisse empirer son cas, quelqu'un se racle bruyamment la gorge, attirant l'attention de Mal vers le dépanneur qui, intimidé, restait jusqu’ici en retrait, simple spectateur de l’échange bruyant. En croisant le regard étincelant du danseur, ce dernier grimace légèrement, se tournant rapidement vers l’officier pour lui signaler qu’il avait fini de remorquer le véhicule, lui tendant les documents. Mal jure avec véhémence, ignoré par les deux hommes poursuivant leurs affaires sans se soucier de lui, ignorant le garçon fulminant qui se retient d'envoyer un bon coup de pied à la portière. Impuissant, il ne peut que regarder son véhicule s’éloigner, écumant de rage, se demandant comment il allait bien pouvoir expliquer à sa mère qu’il se retrouve sans voiture, ni comment il allait devoir gérer son emploi du temps maintenant qu’il s’était rajouté presque deux heures de transport en commun matin et soir. Son animosité affluant par vague envers le policier qui décide finalement de revenir à ses côtés, Mal secoue son poignet pour le urger de le détacher. Qu’il le libère de son véhicule et de sa présence. Alors que ce dernier s’exécute, Mal attrape son poignet endolori entre ses doigts pour se masser, sa peau légèrement rougie par l'entrave. — C’est bon, t’es content ? De ruiner la journée des gens ? Et parce qu’il se sent particulièrement humilié et rancunier, il poursuit d’un ton odieux, essuyant l’affront du rejet. — Oh moins j’aurai pas à faire semblant d’apprécier ta sale gueule autour d'un verre.
Jeté dans une cellule comme un vulgaire criminel, Mal a cessé depuis son arrivée au poste d'insulter le jeune officier, ayant déversé tout le venin dont il était capable durant le trajet. Indigné de se retrouver à partager sa cellule avec un toxico et une vulgaire prostituée, il attrape à travers les barreaux celui qui avait vraiment décidé de lui pourrir la vie. — Tu vas vraiment me laisser avec… eux ? Il lui lance un regard “Tu m’as bien regardé ? Comment tu peux me foutre avec ces vermines ?” Mais connaissant déjà la réponse, il s'empresse d'ajouter sur un ton sans réplique, bien décidé à faire jouer ses droits. — J’ai le droit de passer un coup de téléphone, non ? Laisse-moi appeler quelqu'un. Même s’il ne voulait pas impliquer un ami d'école, il réalise qu’il n’a pas le choix, n’ayant personne vers qui se tourner que son rival qui ne manquera pas d'en profiter.
“Ce sera à quel nom ? S’enquit le remorqueur en confiant la documentation.
- Eastburn, répondit Franklin, le nez plongé dans le portefeuille du concerné, vérifiant l’authenticité de la carte d’identité et du permis de conduire. J’vous remercie pour le déplacement.”
D’un signe de la tête, il salua l’employé qui démarra son engin, emportant au loin le précieux bien du danseur qui s’agitait, visiblement dérangé d’avoir été menotté au véhicule de patrouille, comme un véritable criminel. Si son visage, étonnamment souriant, semblait trahir à quel point il appréciait d’être en position de supériorité, le jeune officier ne prenait pas pour autant la situation à la légère. La clémence qui lui était commune, se faisait peu à peu remplacer par l’envie de donner une bonne leçon. L’agitation, les gesticulations, les insultes : tout du comportement de ce rejeton bourgeois commençait à attirer l’attention, et le jeune homme ne pouvait rester les bras croisés. Refusant de laisser l’image de la police se dégrader davantage dans les regards et les messes basses des passants, le fils Reed libéra l’inconnu, le laissa masser ses poignets, avant de l’attraper brusquement par le col, visiblement désappointé par l'impolitesse de ses paroles.
“Et bien, j’ai l’impression que le message n’est pas passé, commenta-t-il en l’obligeant à baisser la tête pour l’installer sur la banquette arrière de son véhicule de patrouille. Tentative de corruption, et maintenant outrage à agent, vous cumulez. Faudrait apprendre à la fermer pour éviter les problèmes, ajouta-t-il en s'installant derrière le volant. Ouvrez grand vos oreilles, je vais vous citer vos droits jusqu'à ce qu'on arrive au poste.”
Installé derrière son petit bureau de l'open-space, le grand brun faisait tournoyer son stylo entre ses doigts, reproduisant une petite ruse qu'il avait apprise au détour d'une vidéo youtube. Dans un long soupir, il jeta un coup d'œil à la pendule, lassé de patienter. Pour s’occuper, il avait déjà tenté quelques allers-retours entre la machine à café et le bureau d’accueil, vérifiant que son rendez-vous n’était pas encore arrivé en passant devant la cellule où était enfermée sa rencontre matinale.
"Un problème ? Avait-il osé rétorquer lorsque le dénommé Malcom s'était plaint de ses conditions de détention. J'vois rien de choquant, seulement un mufle bien à sa place."
Un gobelet à la main, Franklin avait hésité à proposer quelques gorgées de son café au jeune homme - traitement de faveur qu'il mettait certainement sur le coup de cette belle gueule qui lui faisait toujours de l'effet, malgré ses comportements irritants - mais il s'était retenu de céder, restant professionnel.
"Votre contact d'urgence a déjà été appelé, assura-t-il l'air nonchalant, les mains dans les poches. C'est de famille de se faire autant désirer ?"
Au fur et à mesure de la discussion avec la mère du prévenu, le flic n’avait pu que regretter son ton précédemment moqueur. Face à lui, se tenait une femme à la santé fragile et à la courtoisie irréprochable, une personne bien éloignée des clichés qu’il s’était mis en tête en gérant l’esclandre provoqué par le fils de cette dernière. Presque gêné, il la pria de signer quelques documents, sans s’épancher sur la vulgarité, ni sur la tentative de séduction de son rejeton, espérant préserver la femme de soucis supplémentaires.
"C'est un bon garçon, mon Mal vous savez, souffla-t-elle en saisissant la main du jeune homme entre les siennes. Je suis certaine qu'il s'en veut énormément...
- Je... Je n'en doute pas madame, bégaya Franklin qui s'autorisait à jeter quelques petits coups d'œil vers le principal concerné dont l'expression avait totalement changée depuis l'arrivée de sa génitrice."
L'étudiant se redressa, gratouillant son menton comme pour évacuer le malaise qui s'était instauré avant de se diriger vers la cellule, indiquant d'un signe de tête que la détention du jeune danseur arrivait à sa fin. Déverrouillant la porte, Franklin resta pour autant dans le passage quelques secondes, le temps de lui glisser un mot à l'oreille, presque fraternel.
"Que je ne t'y reprenne pas, conseilla-t-il en osant enfin le tutoyer en retour. Ce matin, tu n'étais pas le fils qu'elle m'a décrit avec autant de fierté."