I can do it with a broken heart. | Kalyste ♡

OOTD | T’avais pas franchement prévu de sortir aujourd’hui. Ni demain. Encore moins le reste de la semaine. Pour être honnête, ça fait maintenant quelques mois, que tu es loin d’avoir le même train de vie qu’auparavant. L’alcool, les paradis artificiels, tout ce genre de choses qui auparavant te soulageaient, maintenant t’angoissent. Enfin, c’est surtout de voir du monde, qui te fout en boule. Parce que tu ne veux pas voir les regards compatissants. Tu ne veux pas voir non plus les conseils, les mains sur les épaules, les « tu ferais mieux de t’en taper une pour que ça reparte » t’as juste envie d’avoir la paix. Tu sais que ce n’est pas bon. Rester dans ton lit à te morfondre et trouver la moindre excuse pour ne pas sortir, tu sais que c’est con. Et pourtant… t’es là, à 11H15, à te rouler dans ton lit. 11H15 ? Ça vaaa c’est loin d’être ton record de flemme et d’inertie. Parfois, il t’arrive de te lever seulement quelques minutes avant l’ouverture du cabaret. Heureusement, t’as Phyllis, pour te seconder. Elle déchire et surtout, elle est mille fois plus consciencieuse que toi. Enfin, disons qu’elle a le sens des priorités ? T’es pas censé bosser, aujourd’hui, et ça t’arrangeait pas mal. T’avais prévu de rester dans ta bulle, avec ou sans avoir de quoi planer, à ta convenance du moment. C’qui est bien, quand on ralentit la teuf, c’est qu’on ralentit le reste, fatalement. C’est la vibration de ton téléphone, qui t’a réellement sorti de ta torpeur. Une réponse de Poppy, à un message que t’as envoyé un peu plus tôt, entre deux eaux. Tu ne sais pas pourquoi, mais tes réveils, le matin, se font toujours en deux temps : d’abord, tu te lèves. Fais craquer ton dos comme un vieux, l’impression désagréable d’être un bout de bois, que le moindre de tes os a décidé de se faire la malle et de faire de toi un putain de puzzle 72 000 pièces. Pause clope, trop tôt pour vivre, tu te rendors. Tu ne penses généralement pas à grand-chose, durant cette prise de température de la vie. En général, du moins. Parce que ce matin, tu t’es juste senti un peu coupable de t’être barré sans crier gare du groupe de parole. T’en as pas grand-chose à faire des autres, pourtant. Mais tu n’aimes pas l’idée d’avoir planté Poppy. Elle n’a rien demandé. Elle est gentille, compréhensive et surtout, elle et toi avez le même genre de vécu. Ceux du genre à ne plus jamais te donner envie de faire confiance à qui que ce soit. On t’avait mis en binôme avec elle, lors de ton arrivée dans le groupe. Tu n’aimais pas spécifiquement l’idée qu’on t’impose les choses ainsi, sans doute à cause de ton côté contradictoire. Mais avoir Poppy pour marraine avait été de loin la meilleure idée du monde.

T’as répondu positivement à sa proposition d’aller au cinéma. Dans moins de deux heures, vous vous retrouveriez dans l’un de ces fauteuils confortables et moelleux qui n’ont pas vu tes fesses depuis une éternité, maintenant. Ni une ni deux, t’avais confirmé le rendez-vous avec la blondinette et t’étais jeté sur ta salle de bains. T’y passes pas beaucoup de temps, d’habitude. Juste le strict nécessaire pour qu’on ne dise pas de toi que t’es un crasseux et que tu te sentes bien. L’hygiène élémentaire qu’a ton sens, beaucoup de gens n’ont pas acquise. Mais ce n’est pas le débat du jour. Douché et séché, t’as enfilé un pantalon rouge vif, dans lequel t’as rentré les pans de ta chemise noire à poids rouges : t’as beau avoir un style qu’on remarque, t’as pas l’envie ni l’intention de te grimer en clown. Ceinture noire en cuir, converses noires en cuir pour ton côté ado rebelle, ne manque plus que la touche finale : cheveux savamment dressés en brosse, moustache pour une fois soignée, t’as quitté ton domicile en sifflotant, étrangement léger. Une fois devant le cinéma, tu lui adresse un signe de la main et réponds à sa bise dans un sourire « ça va ! Et toi ? » tu hoches la tête et reprends « grave ! J’ai l’impression de ne pas être sorti depuis 1902 ! » et tu n’es pas très loin de la réalité, en fait. Mis à part ton boulot, tu ne t’autorise plus grand-chose depuis quelques temps. Tu lui tends ton bras et, enjoué, tu lui demande « on y va ? » avant d’aller demander deux billets que tu payes, puis en tends un des deux à ta précieuse compagnie « pop corn ? » bah oui : que serait une séance sans cochonneries à boire et à manger ?

Ton psy appellerait ça une avancée ou un progrès. Toi, tu préfères qualifier ça de pire connerie de ta vie, ou plus généralement d'épreuve. Mais tu sais pertinemment que tu n'es pas objectif et qu'il a raison, ce con de psy : n'importe quel être humain a besoin de sortir, d'avoir un cercle de proches, de trouver un sens à sa vie. Le tien de sens à ta vie, il y a longtemps que tu l'as perdu. Bien sûr il y a le cabaret, les spectacles, tout ce que tu as créé de tes propres mains. Mais pourtant tu te sens vide comme si rien n'avait d'importance depuis qu'il était parti. Tu sais que tout ça est faux, tu sais que c'est ton pessimisme qui prend le dessus mais pourtant des fois, ce serait tentant de l'écouter. Aujourd'hui tu as décidé de lui fermer son clapet une bonne fois pour toute. Tu as donc dit oui à Poppy, bouleversant par la même occasion toutes tes habitudes. Mais merde à la fin tu as jamais été le roi du train-train quotidien. Parfois tu te demandes où est passé le Kalyste capable de sortir à 2h du matin juste pour le fun, de s'enfermer dans ses paradis artificiels le temps d'une nuit, de danser, de boire, faire la fête avec ou sans potes, de toute façons pas stressé de sortir seul puisque tu étais capable de t'en faire sur place des amis. Tu profitais de tout comme bon te semblait, juste pour le kiff mais aussi parce que tu avais peur de te dire, quand tu serais plus vieux que tu n'avais pas profité.

Cette idée te frappe le crâne violemment depuis quelques temps. En fait depuis que tu es prostré chez toi à te demander pourquoi les choses ont tourné de cette façon. En vérité tu ne comprends même pas pourquoi tu réagis ainsi. Tu as juste conscience que c'est un mécanisme de défense contre le monde tout pourri qui t'entoure. Tu ne veux plus rien faire, tu ne veux plus rien savoir, tu ne veux plus voir personne: au moins tu es sûr de ne pas être déçu. Un peu extrême comme idée sans doute. Mais jusqu'ici ça marche pas mal. Tu aurais bien poussé le vice jusqu'à t'enrouler dans du papier bulle et attendre que ça passe, mais la livraison d'une aussi grande quantité de papier bulle était sous 3 mois : pas merci Aliexpress.

Pour autant tout n'est pas noir non plus. Le seul point positif que tu vois jusqu'à maintenant, c'est que grâce au groupe de parole, tu as su te faire une amie. Incroyable ! Ça se fêterait presque ! C'est sans doute pour ça qu'au lieu de faire tourner les serviettes, tu lui as offert la place de cinéma, vas savoir. À sa remarque tu as hoché la tête «je suis content de savoir que tu vas mieux. C'est vrai qu'on dirait pas comme ça, mais c'est vachement sous le côté le soleil quand même ! Et les gens, aussi. J'aurais pas cru mais c'est cool de sortir.» tu ricanes légèrement et lui adresse un clin d'œil «honnêtement j'adorerais! Ce serait génial !» oh mon dieu ! Est on en train de retrouver Kalyste le vrai et pas son ombre insipide ??

Son bras sur le tien, tu as souri et tu l'as suivi volontiers vers les seaux de pop-corn. Amusé par sa hype concernant le gros seau aux couleurs du film, tu as hoché la tête «tu sais quoi ? On va même en prendre 2. Yolo la vie est trop courte pour ne pas choper le diabète devant un bon film !» tu ricanes, et, amusé, tu attrapes deux seaux de pop-corn et un coca pour toi, laissant à la jeune femme le soin de prendre la boisson qui lui fera plaisir.

Depuis la trahison dont tu as été la victime, tu as érigé autour de ton coeur une muraille que personne ne peut escalader. Tu ne laisses plus faire. Tu ne veux plus qu’on se joue de toi, t’as eu trop mal, t’as trop bataillé pour t’en sortir, tu ne veux plus revivre ça. Certains diront que tu passes à côté de belles histoires, peut-être même à côté de l’amour de ta vie. Ils n’ont pas tort, mais tu n’es pas prêt. Tu ne veux plus de ça. Peut-être qu’un jour les choses seront différentes pour toi, mais pour le moment, ta situation te convient, ou plutôt, disons que tu fais avec. T’arrives à refaire confiance suffisamment pour te faire des potes, chose qui n’était pas gagnée il y a encore quelques mois, tu t’y refusais.

Les efforts payent, visiblement. Dans tous les cas, c’est ce que tu te dis, pensif, en attendant pour assister à la projection aux côtés de Poppy.Tu te sens chanceux d’avoir fait sa rencontre, au groupe de parole. Encore plus qu’entre vous, ça ait marché suffisamment, ce feeling tant attendu, pour que vous puissiez parler sans peur du jugement. Mieux encore, vous pouvez vous comprendre, sur certains aspects de vos vies. T’étais clairement pas chaud pour sortir, mais finalement, tu te dis que c’est cool, de ne plus sentir la naphtaline. Vos places en votre possession, vous vous arrêtez tout naturellement sur le stand de friandises et de boissons. Une question t’effleure alors l’esprit : comment font ceux qui ne font jamais d’arrêt ici ? Tristes sires, c’est incontestable, t’as presque de la peine pour eux. Tu ris à la réaction de Poppy, tout aussi émerveillée que toi face aux seaux de pop corns, mais bien plus expressive que toi. Tu dis rien, mais tu l’observes. Ce côté enfantin qu’elle laisse entrevoir t’arrache un sourire, tant tu trouves cet aspect de sa personnalité attachant. Une fois tout ce que vous vouliez en votre possession, tu lui adresses un large sourire « yup ! Ça me va ! Tu veux que je te porte quelque chose ? » tu regardes ton téléphone. Vous êtes largement en avance. Cool, avec un peu de chance, vous allez chopper les meilleures places. « ready à en prendre plein les yeux ? » que tu demandes, avec un grand sourire, tandis que tu lui tiens la porte de la salle, la laissant choisir où vous vous installerez.