hidden memories of the past (emily #2)

tw: aucun.

Les semaines passent et se ressemblent. Métro, boulot, dodo. Nausées, contractions, envies d’uriner incontrôlables. Ma grossesse touche bientôt à sa fin et je dois bien admettre que je n’ai pas vu les mois passer. Entre mon boulot déjà bien prenant avant cet événement, et ce dernier que je dois préparer, je n’ai pas vraiment eu de temps pour moi. J’ai essayé d’en prendre, bien-sûr, pour me reposer et préparer l’arrivée de ma fille, mais ce n’était pas toujours simple. Involontairement, je me suis aussi un peu isolée du monde extérieur et de mes amis. Si bien que quatre mois ont passé depuis nos retrouvailles avec Emily, et que je ne l’avais toujours pas appelée. Je lui avais promis de ne pas tarder à la rappeler, mais après tout, je pense qu’elle sera en mesure de comprendre que le temps passe à la vitesse de la lumière lors d’une grossesse. Et puis, que sont quatre mois à côté de dix ans ? Deux jours plus tôt, j’ai pris mon courage à deux mains et je l’ai appelé. À l’origine, je voulais simplement prendre des nouvelles et m’excuser de ne pas être revenue vers elle plus tôt. Finalement, je me suis embrouillée dans mes mots et je lui ai proposé de venir boire un café à la maison cet après-midi. En deux jours, il m’a fallu faire de l’ordre dans la maison, réclamer à mon traiteur de me préparer un gâteau et essayer de ressembler à quelque chose. La fin de la grossesse me donne une mine affreuse, je suis épuisée et le make-up peine à cacher mes cernes et les signes de mes courtes nuits.

Emily doit arriver pour quinze heures. Il est quatorze heures, et tout est prêt à la maison. Le salon est clean, le gâteau est prêt à être dégusté dans la cuisine. Il ne me reste plus qu’à me refaire une beauté, essayer, du moins. Je me perds dans mon dressing à la recherche d’une tenue confortable mais pas trop homewear. Je jette finalement mon dévolu sur une robe longue couleur vert canard. Je rejoins ma coiffeuse pour me re-maquiller un petit peu, mais je suis très vite coupé par la sonnette de la porte d’entrée. Un léger sourire s’affiche sur mon visage. Je suis vraiment heureuse de voir Emily aujourd’hui, à nouveau. En l’invitant chez moi, je la laisse pénétrer à nouveau dans mon intimité et je dois bien avouer que cela me déstabilise un peu. Aujourd’hui, nous ne serons pas coupées par des imprévus et nous pourrons avoir une réelle discussion. Entre autres, j’aimerai savoir ce qu’il s’est réellement passé, il y a dix ans. Essayer d’obtenir des explications sur des détails flous et imprécis. Mais là n’est pas la question, Emily m’attend à la porte et j’essaie de me dépêcher. J’ouvre l’entrée et lui offre un immense sourire avant de me pencher vers elle pour la prendre dans mes bras et la saluer. Ça ne me ressemble pas tellement, mais je ne cherche pas à comprendre. “Hello ! Ça me fait plaisir de te voir. Viens, entre.” Je m’écarte un peu pour laisser passer la blonde. Une fois qu’elle est entrée, je referme la porte derrière elle. “Bienvenue à la maison. Je te l’ai déjà dit au téléphone, mais je m’excuse de ne pas t’avoir appelé avant. Les mois sont passés très vite.” Je glisse une main dans mes cheveux. “Comment vas-tu ?” dis-je en l’invitant à me suivre au salon.

tw: aucun.

C’est avec une grande joie mais aussi une appréhension qu’Emily reçoit un message de Danae. Elle l’invite à passer chez elle, tout simplement. Un message qui pourrait être anodin pour certain, qui ne l’est pas pour Em. Alors oui, elle lui a proposé son aide pour la grossesse, s’est montrée avenante à l’égard de Danae et ce message n’a rien d’effrayant en soi. Au contraire, même, il devrait réjouir l’agente immobilière. Leur dernière rencontre s’est bien passée, elle a apprécié le temps passé en compagnie de son ancienne petite-amie et espérait, secrètement, recevoir un tel message. La retrouver, c’est retrouver un second souffle. C’est calmer sa propre honte. Danae, en acceptant une conversation et à présent l’invitant à la rejoindre chez elle, lui permet de calmer ses démons au regard de leur passé. Plus précisément, de la fin de leur relation où Em ne s’est pas montrée des plus franches, des plus correctes. Dans un même temps, cette invitation expose à une proximité qui inquiète la mère de famille. Non qu’elle ne veuille pas se confier ou que Danae se confie à elle, bien au contraire, mais plus dans le sens où elle craint que les sujets fâcheux soient remis sur le tapis et qu’ils réveillent en elle des sentiments et émotions qu’elle préfère garder enfoui sous un tas de babiole. C’est donc plutôt stressée qu’elle s’enferme dans les toilettes luxueuses de son agence immobilière. Elle rapplique du rouge à lèvres qui s’est quelque peu effacé à cause du déjeuner d’il y a plusieurs heures, applique des patchs anti-sébums pour moins briller et se parfume à nouveau. En règle générale, Em préfère la simplicité mais dans le cadre de son travail, elle ne peut pas se le permettre. Son apparence compte pour beaucoup dans la prestation offerte aux clients, c’est donc perchée sur plusieurs centimètres de ses Yves Saint-Laurent préférés et munie de son sac Hermès qu’elle salue ses collègues. “ Déjà ? ” s’enquit une collègue, véritablement surprise que sa patronne termine sa journée avant quinze ans (enfin… avant vingt heures plutôt). Elle tire la langue en guise de réponse tandis que des chuchotements se font entendre quant à la raison de son départ mystérieux et précipité. De son apparence, également, particulièrement retouchée. Emily rayonne. Elle se préfère au naturel pour une question de praticité, mais le maquillage lui sied à ravir, ce qui ne la dérange pas en l’espèce. Quelque part, elle aurait pu passer par chez elle si vraiment ça la dérangeait de se montrer aussi apprêtée devant Danae. C’est ce que son associée lui a rétorqué. Là encore, Emily lui a concédé une langue pendue.

Elle se sent presque ridicule de se présenter aussi affutée devant cette porte qui est celle de Danae. Sans vraiment savoir pourquoi, ça lui fait tout drôle de se montrer à elle ainsi, celle qu’elle est devenue. Celle qu’elle n’a jamais été face à son ancienne relation. Le trac lui monte également, cette fois-ci sans qu’elle ne veuille comprendre pourquoi. Il lui faut une force surhumaine pour lever sa main et appuyer sur la sonnette. Elle déglutit difficilement et s’affute d’un sourire crispé. “ Oui, moi aussi, merci. ” répond-elle un peu bancalement à une Danae plus que chaleureuse qui l’enlace un instant pour la saluer. Encore une fois, ça lui fait tout drôle à Em, mais elle s’engage dans la maison comme on attend d’elle. Son regard se perd sur toutes les informations prises sur la décoration, l’agencement des meubles. Déformation professionnelle. Tu n’es pas là pour le boulot, Em ! Et puis calme-toi ! “ Oh non ne t’en fais pas, j’étais moi-même prise par le travail, désolée. ” Tel un robot, elle suit son amie (?) jusqu’au salon. “ Oh eh bien, ça va ça va. C’est surtout à toi qu’il faut demander ça ! Comment se porte cette fabuleuse grossesse ? ” Elle s’attarde sur ce ventre étiré dissimulé par le tissu, un sourire qui, cette fois-ci, n’a rien de faux.  

tw: aucun.

Je suis vraiment très heureuse de recevoir Emily aujourd’hui. J’aurai pu la voir bien avant, je le sais bien, mais la vie est parfois compliquée. Le temps passe surtout très vite, encore plus avec ma grossesse. J’ai l’impression que l’insémination a eu lieu hier et pourtant, ma fille me rejoindra dans quelques semaines. D’un amas de cellules à une véritable vie. La médecine est une chose incroyable quand on y pense. C’est bien pour cela que ça a été mon choix professionnel. Une des seules choses que je n’ai pas regretté dans ma vie. Enfin, bref, Emily est maintenant là et je l’accueille avec un immense sourire. Je la laisse entrer et en profite pour m’excuser de ne pas l’avoir rappelé avant. Ce à quoi elle me répond qu’elle aussi était occupée, par son travail, visiblement. Je sais qu’elle a un poste important désormais et j’imagine qu’elle doit énormément travailler. “Le temps passe vraiment vite.” répondais-je, avant de l’inviter à me suivre vers le salon. Je lui demande comment elle va, c’est la moindre des choses. Son regard s’attarde sur mon ventre rond et je lui offre un léger sourire quand elle me demande à son tour comment je me porte. “Ça va… j’ai hâte d’en finir, honnêtement. J’ai l’impression d’être un éléphant et ne plus être libre de mes mouvements commence à m’angoisser sérieusement. Ce n’est plus qu’une histoire de semaines, désormais.” Je lui offre un léger sourire avant de l’inviter à s’asseoir sur le canapé. “Est-ce que tu veux boire quelque chose ? J’ai à peu près tout. Du thé, du café, des sodas. De l’alcool aussi, si tu en veux.” Nous n’avons plus 20 ans, mais si Emily rêve d’un verre de vin ou d’une bière, je peux bien lui offrir cela. Pour le reste des boissons, ma cuisine est toujours remplie grâce à mon traiteur. Le café, je n’en manque jamais. Pour ce qui est du reste, je sais qu’il y a une tonne de référence dans le réfrigérateur du cellier alors je suis certaine de réussir à trouver quelque chose pour mon ancienne petite-amie. Je lui offre à nouveau un sourire. “Ta fille va bien ? C’était Ovie, c’est ça ?” lui demandais-je en souriant. J’essaie de m’intéresser sérieusement à elle. J’ai envie d’apprendre à mieux la connaître… avant de réclamer des réponses à des questions du passé encore trop sombres.

tw: aucun.

“ Oui, bien trop vite. ” souffle Emily en guise de réponse sur la remarque du temps qui passe vite. Il est vrai qu’elle n’a pas le temps de vivre ses journées que les voilà terminées. Son travail est un rouleau compresseur qui avale les jours et les nuits, en un cercle infernal. Bien heureusement, Em a trouvé un équilibre et du bonheur sans souffrir de tournis. Elle profite aujourd’hui de ce temps si rare pour son travail, mais aussi sa fille, sa famille et ces moments comme celui-ci : impromptu, surprenant, réconfortant. Car même si ça lui fait tout drôle d’avancer dans l’antre de son ancienne petite-copine, ça a aussi pour effet de l’apaiser comme lorsque l’on savoure une pâtisserie de son enfance. Danae a autrefois été son roc, sa maison, son repère. Alors aujourd’hui, face à ce ventre qui marque que le temps est passé, que les choses ont changées, demeure toujours une familiarité qui fait du bien. “ Je comprends, à la fin de ma grossesse je n’avais qu’une hâte : rencontrer ma princesse. ” Un rire lui échappe aux mots de la belle, non une moquerie mais un soutien positif face à cette période si particulière. L’envie de rencontrer son enfant, de pouvoir pleinement le toucher, le sentir, en prendre soin, l’aimer. L’appréhension, aussi, de l’accouchement, de l’après. La fin d’une grossesse n’a rien d’anodin. C'est un temps où se jouent bien des choses et où il est nécessaire de ne pas trop se fatiguer. C’est pourquoi Em remercie Danae et se dirige vers la cuisine. “ Assieds-toi, je vais chercher ce qu’il nous faut. Qu’est-ce que tu veux boire ? ” Aucune possibilité de se rétracter de sa proposition n’est proposée. Elle va même jusqu’à l’inviter à s’asseoir dans le canapé avant de prendre le chemin de la cuisine. Quand Danae a passé commande, son invitée se sert un jus vert et prend quelques petits gâteaux disposés sur un plateau qu’elle vient délicatement poser sur la table basse. Voilà qui est mieux. “ Je me permets. ” formule-t-elle une fois assise sur le canapé, en pointant du doigt ses talons hauts. Son regard demande la permission à la maîtresse des lieux de pouvoir retirer ces fichus chaussures qui déteignent de l’humeur de la rencontre.
“ Oui, c’est bien Ovie. ” affirme-t-elle en hochant de la tête, contente sans grande raison que Danae ait retenu ce prénom si cher à son coeur. “ Elle va très bien. Elle parle, beaucoup. Et bouge beaucoup. A croire qu’elle a tout pris de sa mère… ” Tout en donnant des nouvelles, Em attrape son téléphone à la recherche d’une photo récente d’Ovie qu’elle finit par montrer à Danae. “ C’est une grande sportive… pas comme sa mère pour le coup. ” plaisante-t-elle, avant de réaliser. “ Au fait, je ne t’ai pas demandé la dernière fois mais c’est une fille ou un garçon ? Les deux peut-être ? ” Em ne réalise pas que sa phrase laisse à penser que le ventre de Danae puisse contenir deux bébés. Elle est bien trop impatiente de rencontrer la merveille créée par cette fabuleuse femme.