let the rain fall down (jamie)

tw: avortement (évocation), abus émotionnel

La pluie torrentielle qui s’abat sur la ville anime l’humeur morose d’Emily Williams. L’une et l’autre sont si rares à Oceanside…
Ce n’est pas tellement son genre, à Em, de regarder la pluie tomber depuis la chaleur de son appartement sans rien faire ni rien dire. En temps normal, elle aurait été occupée à organiser diverses visites de villas toutes plus luxueuses les unes que les autres à de potentiels clients, ou encore à gérer le prochain dîner hebdomadaire de la famille Williams. C’est une pile électrique, Em, à toujours courir de partout. Du moins, c’était le cas avant. Avant tout ça.
Ça fait trois mois maintenant que l’agente immobilière est parvenue à intégrer la Ocean Agency, un groupe influent sur toute la ville et même au-delà dans leur domaine. Un carnet d’adresse bien rempli, des ventes à plus de six chiffres, autrement dit une mine d’or et d’opportunités. Em se souvient de la fierté avec laquelle elle l’a annoncée à sa famille, ravie de voir les efforts de la petite dernière trouver récompense. Sa joie liée à ce sourire imperturbable ont amené une bonne humeur générale au sein de la famille.
Mais, aujourd’hui, Emily est bien incapable d’esquisser le moindre rictus. Aujourd’hui, il pleut.

Penn n’est pas rentré hier soir. Il s’est sûrement encore oublié dans les bras d’une autre ou il végète dans l’arrière cour d’un pub miteux. Penn peut bien faire ce qu’il veut, ça n’a plus tellement d’importance.
Penn devait être l’homme de sa vie, comme toutes les relations qu’Emily a eu auparavant. Véritable cœur d’artichaut, elle voit ce qu’il y a de bon dans l’humain quitte à parfois, souvent, s’emballer et finir plus que déçue. Combien de fois sa famille l’a ramassée à la petite cuillère ? Pire encore, combien de fois son jumeau a tamponné un mouchoir sur ces larmes inconsolables ? Parce que si Emily est un piètre menteuse, elle a caché bien plus de chagrins d’amour à ses proches que ces derniers peuvent penser. Seul Jamie la connaît par cœur, elle ne cherche jamais à passer entre les mailles de ses filets parce que voilà une tâche vaine. Et c’est justement lui, son jumeau, qu’Emily attend, la gorge nouée.
Car Penn n’est pas l’homme de sa vie, ne le sera jamais. Penn n’est plus qu’un boulet qu’Emily ne veut plus traîner à son pied. Qu’elle ne peut plus traîner. Parce que, dans un peu moins de neuf mois, sa vie va complètement changer.

La sonnerie d’entrée fait sursauter une Emily perdue dans ses pensées. Sa main droite se pose sur son cœur qui bat la chamade. “ J’arrive ! ” s’écrit-elle tandis qu’elle s’approche d’un miroir pour vérifier son état. Pitoyable. Elle tente tant bien que mal de se persuader que ses yeux ne sont pas rougis par les larmes qui ont coulées ces derniers jours, se pince les joues pour se redonner une contenance. Si son frère ne l’attendait pas derrière la porte, elle se serait précipitée vers son anti-cerne. Mais aucun artifice n'est suffisant pour dissimuler à Jamie ce qui se trame en elle.

“ Bonjour Jamie, c’est sympa d’être venu. ” qu’elle lance d’une voix un peu trop aiguë à son jumeau qui entre au plus vite s’abriter de la pluie. “ Quel temps de chien, hein ? ” continue-t-elle, presque l’air de rien. Elle attrape son manteau qu’elle accroche à la porte d’entrée puis se faufile jusqu’à l’espace cuisine. L’appartement n’est pas très grand, aussi peut-elle lui demander sans jamais se tourner vers lui : “ Tu veux boire quelque chose ? ” Emily repousse le moment où elle fera face à son jumeau, où il percera le mystère de son silence inexpliqué. La vérité, c’est que la jeune femme a peur de craquer rien qu’en attestant de l’inquiétude de son frère. Elle s’en veut, aussi, par avance du mal qu’elle va lui faire. De la peine qu’elle va lui causer à la révélation de son secret. Du plus gros secret qu’il lui a été donné de dissimuler jusqu’ici.
Du seul secret qui en vaut vraiment la peine.

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Son sourire ahuri ne quitte pas ses lèvres, alors qu’il s’est laissé surprendre par cette pluie diluvienne, en sortant de chez Louise. En ce moment, tout lui apparaît comme une bonne nouvelle, incapable de ressentir le moindre pessimisme face à n’importe quelle situation, beaucoup trop heureux de ce à quoi sa vie ressemble actuellement pour se plaindre de quoi que ce soit. Bientôt quatre mois qu’ils sont ensemble et, déjà, il sait pertinemment qu’il n’y aura plus personne d’autre qu’elle. Des présentations à la famille à peine un mois après qu’ils se soient mis ensemble, un imprévu qui est finalement tombé à pique, lui offrant l’opportunité parfaite pour l’intégrer à sa famille. Certes, il a bien senti les regards désapprobateurs d’Eddie, et la méfiance de ses parents, mais il n’aura fallu qu’une discussion avec sa mère pour que celle-ci s’adoucisse. Il est heureux, Jamie, complètement amoureux d’elle, prêt à se lancer dans un remake de Chantons sous la pluie, mais se retient, par pudeur.

Il prend le chemin jusqu’à chez sa sœur, rendez-vous presque habituel, puisque l’un ne peut composer sans l’autre. Sa voiture se gare dans l’allée en face de son bâtiment, et s’il regrette un peu de ne pas avoir de parapluie, sa part la plus enfantine ne rêve que de sauter dans toutes ces flaques d’eau qui se créent sur le chemin. Il se contente de rejoindre rapidement l’appartement d’Emily, accélérant légèrement le pas pour éviter de trop se tremper. Trop tard, cependant, puisqu’au moment de sonner, il doit déjà secouer sa tête comme un chien mouillé pour y voir quelque chose. Il attend patiemment, reniflant en se balançant, tantôt sur la pointe des pieds, tantôt sur ses talons, distinguant finalement la voix de sa sœur résonner au loin pour lui indiquer qu’elle l’a bien entendu. Un sourire se dresse à nouveau sur son visage, et pourtant, s’il connaît par cœur les habitudes de sa jumelle, le temps lui paraît plus long que d’ordinaire.

Les mains dans les poches, épaules hautes et tête basse, il se redresse en voyant enfin la porte s’ouvrir devant lui. « Hey ! » lance-t-il d’un ton enjoué. Elle le salue à son tour, sans trop le regarder dans les yeux. Sa voix dissone, et il tique, un petit froncement de sourcils tandis qu’elle tend ses bras pour attraper son manteau, l’air presque maussade qui traverse son visage en lui parlant de la pluie et du beau temps -surtout de la pluie. Il marque un petit arrêt, le sourire qu’il avait jusque-là sur le visage s’évanouissant. Il la connaît, sa sœur, par cœur, et sans doute mieux que quiconque. Il se doute que quelque chose cloche, et s’il ne fait pas immédiatement par de son inquiétude, se contentant de la suivre dans la cuisine en acquiesçant à ses mots, il ne compte pas pour autant la laisser comme ça. « Oui, c’est arrivé d’un coup, en plus ! » Il se frotte la chevelure, la plaquant en arrière pour éviter d’avoir des gouttelettes ruisselant sur son visage, observant bien sa soeur alors qu’elle fait apparemment tout pour éviter de croiser son regard. Elle lui propose à boire et il hoche la tête à nouveau, un petit sourire qui se replace sur ses lèvres. « De l’eau, je veux bien, merci ! » Un petit silence s’installe entre eux, le temps pour elle de lui servir son verre d’eau.

Il prend une gorgée, sans la lâcher du regard, inquiet de son attitude, qui ne lui ressemble pas le moins du monde. Il repose ensuite son verre, de pince les lèvres, puis se décide enfin à lui tirer les vers du nez. « Em… qu’est-ce qui se passe ? » Elle ne lui fera pas, à lui. Impossible pour elle de lui cacher quoi que ce soit, pour lui non plus d’ailleurs. Ils n’ont jamais été capables de se mentir, et ce n’est pas prêt de commencer. Il est le gardien de ses secrets, et elle est la sienne, ça a toujours été comme ça. Il essuiera toutes ses peines, aussi longtemps qu’ils seront vivants. « Je le vois bien, que quelque chose te tracasse… dis-moi… » Il n’aime pas la voir comme ça, son petit rayon de soleil qui s’évanouit, et le ciel qui a l’air de l’accompagner. Il note l’absence de Penn aujourd’hui, mais à vrai dire, ça l’arrange bien, il n’a jamais été très fan du bonhomme, bien qu’il le supporte. Il pense immédiatement à une rupture, une malheureuse habitude dans la vie de sa sœur, qui attarde un peu trop son grand cœur sur ceux qui n’en valent pas la peine. Sauf une, qu’il notera, mais ils n’en reparleront probablement plus.

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C’est le dos qu’Emily présente à son jumeau puis une tête penchée, concentrée sur l’eau qu’elle verse dans un verre. La tâche semble inaccessible et interminable puisque sa concentration est en réalité entièrement tournée vers ces larmes qu’elle tente de retenir. Elle le sait, Em, qu’elle ne va pas tenir très longtemps. Elle lutte, lutte et lutte encore plus quand elle a fini de le servir et qu’il pose la question qu’elle a tant souhaité qu’on lui pose mais qui, presque paradoxalement, est celle qui réveille la douleur. Telles des aiguilles plantées dans le bas de son ventre, le corps de la jeune femme la supplie de ne pas se terrer dans le silence. Tout son être veut répondre à la première perche lancée par Jamie, mais il faudra attendre la seconde pour qu’elle finisse par craquer. Les pics s’accentuent et sa gorge brûle. Un incendie réveille tout son être. Alors Em ne peut plus tenir. “ Jamie, je… ” A peine prononce-t-elle ces quelques mots qu’elle pleure abondamment. Se laissant enfin aller, son corps accueille cet instant tant attendu pour se relâcher complètement. C’est ainsi qu’Emily s’écroule derrière le plan de travail de la cuisine, disparaissant de la vision de son jumeau. Allongée sur le sol, Em est incapable de se calmer pendant plusieurs minutes. Incapable de bouger, incapable d’offrir une meilleure vision de son état à Jamie. Elle ne veut pas trop l’inquiéter, elle sait pourtant que c’est raté. Ce n’est pas à ça qu’elle devrait penser, à se soucier du mal que son secret fait dors et déjà à son jumeau, sans même avoir encore craché le morceau. Son regard se trouble quand les pleurs s’alimentent de diverses images ô combien douloureuses. Depuis le dos que Penn lui présente avant de claquer la porte de l’appartement pour de bon jusqu’au packaging bleu et blanc qu’elle a maintenant en horreur. Bientôt rejointe par Jamie, la jeune femme parvient à dire : “ C’est Edward qui avait raison. ” Son aîné n’a jamais apprécié Penn, pas plus que Jamie d’ailleurs, mais ce dernier a toujours tenté de laisser une chance aux gens. Sur ça, les jumeaux se retrouvent plus que jamais. Parce qu’elle y a cru, Em, que tout irait pour le mieux. Elle qui s’accroche tant à l’amour, qui y croit fort, elle qui est à présent tout à fait détruite. Encore incapable de pointer le réel problème, elle se contente de préciser : “ A propos de Penn. ” Elle y parvient avec un effort surhumain avant de replonger dans les larmes. Ces dernières lui font penser à son petit-copain : elles lui font autant de bien que de mal. C’est du moins à cette comparaison qu’elle s’accroche, ça lui briserait le cœur de réaliser que Penn a définitivement basculé du côté du mal.

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Il remarque immédiatement que quelque chose ne va pas dans l’attitude de sa sœur, à sa manière de lui tourner le dos, sa gestuelle, son air triste et cette façon qu’elle a d’éviter son regard, bien loin de la Emily qu’il connaît un peu trop par cœur. Elle lui sert un verre d’eau sans le regarder plus, et il ne peut s’empêcher de lui poser la question, n’ayant pas envie de laisser traîner ce suspense plus longtemps. Il s’inquiète, réitère sa question en la voyant fuir un peu plus, ses yeux apparemment aux bords des larmes. Elle ne le regarde toujours pas et ça lui fait presque peur. Ils n’ont pourtant pas de secrets l’un pour l’autre, rien à se cacher et aucun jugement à s’apporter. Elle sait, pourtant, que rien ne viendrait entacher son image à ses yeux. Il l’observe alors qu’elle craque totalement, un flot de sanglots qui s’assaille soudain tandis qu’elle prononce son nom. Il se dégage immédiatement du comptoir, prêt à s’approcher d’elle, et elle s’écroule face à lui, déclenchant plus d’inquiétude encore chez lui. « Em ?! » Il s’empresse de la rejoindre, s’agenouillant auprès d’elle. La scène est tragique et lui arrache le cœur. Voir sa sœur aussi mal, les pleurs incessants qui lui déforment le visage, c’est une peine qu’il ne voudrait plus voir traverser ses traits. « Qu’est-ce qui s’est passé, dis-moi… » Il pose une main sur son genou, en soutien, prêt à tout pour lui arracher quelques sourires, une fois qu’elle lui aura tout raconté. Elle commence à expliquer, si vaguement qu’il a bien du mal à comprendre. « Ed ? Comment ça ? » Les sourcils froncés, il continue de l’écouter, sa main toujours posée sur le genou de sa sœur, lui-même aussi proche d’elle que possible, au cas où elle aurait besoin de son épaule. Le nom de son petit-ami prononcé, son air s’assombrit et il serre le poing de sa main libre, définitivement prêt à toucher deux mots à celui qui aura osé mettre sa jumelle dans un tel état. « Penn ? Qu’est-ce qu’il a fait ?! » Il se rapproche encore un peu d’elle, s’asseyant à ses côtés en l’incitant à se caler contre lui, entourant son épaule de son bras. « Raconte-moi, Em… Tu veux que je lui casse la figure ? Je peux hein ! » Il rigole légèrement. Tout le monde sait qu’il n’a jamais frappé personne, que ce n’est pas tellement son genre. Mais si elle le lui demandait, il le ferait certainement. « Tu peux tout me dire, tu le sais. Y a que comme ça que je pourrai t’aider… » Il lui sourit encore, embrassant gentiment son front. Ils sont tous les deux sur le sol, le dos appuyés contre le comptoir, et il n’a aucune idée que la vie de sa sœur est sur le point de changer, et la sienne avec.

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Et Emily s’effondre. Qu’elle a été naïve de penser pouvoir dissimuler son malheur à son jumeau. Est-ce qu’elle croyait à ce mensonge ? Probablement pas. Si elle se montre tout à fait honnête, Emily sait qu’elle craquerait. Jamie sait tout d’elle, quitte à ce que ce soit parfaitement étrange, mais c’est la réalité. A eux deux, ils confirment les rumeurs invalidées du lien si particulier qu’ont les jumeaux. Ils savent détecter lorsque l’autre ne va pas bien rien que part un silence un peu trop soutenu, un mensonge même lorsque l’autre se donne un mal fou à le tenir. C’est comme ça, c’est tout. Alors oui, Emily s’effondre devant celui qui finira toujours pas tout savoir. A quoi bon lutter ? Alors elle laisse ses larmes rouler à mesure que la vérité se déroule à son tour. Mais elle se montre avare de détails, encore dépassée par la situation. Et honteuse, aussi, en un sens. Terriblement honteuse.
Le contact physique de mon frère la réchauffe et la rassure, mais elle demeure silencieuse de mots, bruyante de larmes. Lorsqu’elle évoque Ed, elle s’empresse toutefois de nuancer ses mots et précise sa pensée : “ Oui, il n’a jamais apprécié Penn tu sais… ” Rien que d’entendre sa voix prononcer le nom de celui qui ne serait plus jamais celui qu’elle a tant aimé, pour lequel elle a donné tant d’énergie, de temps, d’espoir, lui provoque un sursaut. “ Il avait putain de raison. ” Elle ne pense pas réellement ces mots. Bien entendu qu’elle aurait dû écouter son aîné quand il lui a dit de se méfier de Penn, de ne pas foncer tête baissée dans cette relation, mais c’est ainsi qu’elle est, Emily. La main sur le cœur, une amoureuse de l’amour. Elle se connaît bien en la matière pour avoir eu de nombreuses relations amoureuses, mais Penn a quitté le navire de la pire des manières et dans la pire des temporalités.
Emily est bien tentée de répondre positivement à la proposition de son frère. Elle aurait aimé avoir réagi différemment. Pas d’avoir fait usage de violence, mais d’au moins avoir pu trouver une réponse. Rien qu’un mot. Mais rien n’est sorti, rien. Rien si ce n’est un torrent de larmes lorsqu’il lui a donné son dos. “ Il le mériterait mais je te rappelle qu’il fait du crossfit donc… Sans offense, bien sûr. ” C’est d’être blottie contre Jamie qu’elle trouve le courage de plaisanter en retour, profitant de cette accalmie pour se moucher. Mais cette dernière n’est que passagère, Emily replonge dans les larmes. L’aide de son frère est précieuse, mais en l’espèce il ne peut rien faire. Il est bien trop tard. Des spasmes la parcourent tandis que les larmes persistent. Elle tente de se calmer en faisant des exercices de respiration par la bouche. “ Il m’a quittée. ” commence-t-elle, encore incapable d’aller plus loin. Elle pleure tant que l’interrogation sur une fin prochaine de ses pleurs se pose. La gorge irritée, le corps fatigué, Emily a cette impression d’être dans une impasse, d’avoir définitivement gâché sa vie. D’être à un point de non retour. Elle lance un regard vers son frère et dit, un sourire particulier aux lèvres : “ Et il m’a laissée un sacré cadeau avant de partir. ” Son regard glisse vers ses deux mains liées qui se dirigent progressivement vers son ventre. Alors il lui faut une force surhumaine pour lâcher la bombe : “ Je suis enceinte, Jamie. ” Et elle ignore comment réagir, quoi faire, que dire.

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Ça lui écorche le cœur de la voir ainsi, assaillie par des sanglots qui ne semblent pas vouloir s’arrêter. Il s’inquiète, se rapproche immédiatement pour espérer lui apporter du soutien, une épaule sur laquelle se reposer, comme ils l’ont toujours fait. Il ne l’a que rarement vue aussi mal; certes de nombreuses fois blessée par ses déboires amoureux, mais cette fois, c’est différent, il le sent. Il l’entend prononcer le nom de son petit-ami et une envie de lui faire subir malheurs du monde lui vient, instinctivement. Ses lèvres se pincent et il serre les dents en représailles, élaborant presque un plan pour le prendre par le col. « Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce qu’il a fait ? » Il se doute évidemment que s’ils sont à présent sur le sol, sa sœur dans un état pareil, c’est que Penn ne fait plus partie de la vie d’Emily, mais ce qui l’intéresse surtout, c’est tout le mal qu’il a pu lui faire en partant.

Il propose de lui casser la figure comme s’il en était capable, plaisantant un peu au passage pour essayer de lui faire reprendre son joli sourire, et, sa tête alors posée sur son épaule, elle réagit comme la sœur qu’il connaît si bien. Sa répartie lui arrache un petit rire, tandis qu’il caresse gentiment le bras d’Emily pour la réconforter, sa joue posée sur le sommet de son crâne. Les pleurs reprennent et il la laisse faire, évacuer autant que nécessaire, pour lui laisser le temps de lui expliquer, à son rythme. La mâchoire encore serrée, il respire calmement, passant sa main dans les cheveux de sa jumelle dans un essai de réconfort. Elle finit enfin par lâcher les mots, une conclusion dont il se doutait déjà mais la voilà, la confirmation. Il ferme les yeux et respire un grand coup, maudissant toutes les relations qui ont laissé sa sœur dans un tel état. Il voudrait tellement la voir heureuse dans une relation qui lui corresponde, quelqu’un d’assez bien pour elle, qui la traiterait de la bonne manière, et l’aimerait comme elle mérite de l’être. « Shhht… » commence-t-il doucement, sentant les sanglots d’Emily reprendre. « Il te méritait pas. C’est le plus grand des imbéciles… » Il lui embrasse le sommet du crâne, puis rattrape son regard en lui glissant un sourire qu’il veut rassurant.

Son sourire à elle le perturbe, quelque chose de différent qui se dresse à la commissure de ses lèvres, une sensation étrange qui lui parcourt l’échine alors qu’elle parle d’un cadeau que le type lui aurait laissé. Il suit le regard de sa sœur, ses mains qui descendent jusqu’à son ventre, et il sait, à cet instant, ce qu’elle s’apprête à lui dire. Son cœur tambourine déjà à l’intérieur de sa poitrine, à peine a-t-elle prononcé les mots. Il se redresse, silencieux le temps d’assimiler l’information, ne quittant pas Emily du regard. « Quoi ? Comment… Depuis quand ? » Il a envie de se réjouir, et son sourire en coin qu’il ne parvient pas à dissimuler le montre bien, et pourtant, la situation est loin d’être évidente. « Mais attends… il le sait, lui ? Me dis pas que c’est pour ça…? » Il ne l’appréciait déjà pas énormément, mais à présent, il sait que si leur chemin se croise à nouveau, il ne pourra pas se retenir de lui sauter à la gorge. « Quel enfoiré… J’vais le massacrer ! » Les poids serrés, la mâchoire tout autant, il est prêt à se lever immédiatement pour retrouver ce sale type, et envoyer un message à son frère pour qu’il vienne l’aider. Il se ravise finalement, préférant se concentrer sur sa sœur, et elle uniquement. « Qu’est-ce que… tu comptes faire ? » Il parle sans jugement, sans a priori, seulement une inquiétude latente pour elle, et une petite pensée à l’idée de, peut-être, devenir tonton, attendant son verdict pour réagir de manière appropriée.

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La plaisanterie est de courte durée car vient bientôt le moment d’annoncer la terrible nouvelle à Jamie. Son compagnon, Penn, l’a quittée. Un couteau semble percer son cœur et se loger entre des côtés cassées. La douleur est physique, provoquée par celle bien moins impalpable. Celle qui s’incarne dans le corps tant elle lacère. Emily ne peut rien faire pour apaiser sa souffrance. Blottie contre son frère, elle se sent à l’abri d’une nouvelle attaque tandis que son corps doit déjà faire face à la précédente. C’est déjà ça. Les mots de Jamie, aussi, résonnent en elle mais ils ne parviennent pas à apaiser la dure réalité de la situation. Penn ne la mérite pas, elle en est la première convaincue. Mais pourquoi est-ce que son cœur et son âme ne peuvent pas se l’ancrer ? Pourquoi n’arrive-t-elle pas à le voir comme le loser qu’il est et, en un sens, a toujours été ? Elle le savait, pourtant. Et elle sait depuis longtemps qu’il n’est pas l’homme de sa vie. Mais son cœur ne l’entend pas ainsi, ses espoirs non plus. Em s’est accrochée à une image fausse de cet homme qui n’est qu’un bon à rien. Mais la douleur n’en est pas moins présente. C’est comme si Penn parvenait à maintenir un voile trompeur en face d’une Emily déboussolée. Comme s’il parvenait à encore représenter l’homme avec lequel elle se voyait créer une famille… A cette pensée, la jeune femme songe au fait qu’elle ne se montre pas tout à fait honnête à l’égard de son jumeau. Qu’une vérité, la seule qui a vraiment de l’importance, peine à sortir en mots. Tandis que son corps s’éloigne de tout contact mais demeure à proximité de ces bras réconfortants, les mains d’Em descendent en direction de son ventre. Elle annonce alors la grossesse, sa grossesse. C’est encore irréel pour la jeune femme qu’elle est alors, inconcevable au regard de la situation. Elle ? Mère célibataire ? Elle en est incapable… Est-ce qu’elle aimerait être mère ? Ce n’est pas une question qu’elle s’est posée. En y repensant, elle s’est toujours imaginée le devenir un jour. Mais… comme ça ? Dans ces conditions là ? “ Aucune idée. ” souffle-t-elle, au bord des larmes à nouveau, aux questions de Jamie. Elle a juste pissé sur pas un mais trois tests qui se sont avérés positifs. Ça laisse peu de place à l’erreur, mais tant aux interrogations. “ Je sais juste que je suis enceinte. ” Le répéter afin de rendre la chose plus réelle, le répéter afin de s’assurer de ne pas être dans un cauchemar. “ Si, c'est précisément pour ça que Penn est parti. Il m'a dit qu'il n'était pas prêt, que nous deux ça fonctionnait plus de toute façon et que je n'avais pas le droit de lui faire ça. ” Une fois de plus, elle pèse ses mots et prononce ce prénom qui lui inspire plus du dégoût qu’autre émotion. Ce trouillard a pris le prétexte car, en réalité, ça fait des semaines voire des mois qu’il veut la quitter. C’est du moins ce qu’il lui a dit juste après son annonce concernant la grossesse. Peut-être qu’une fois de plus ce n’est qu’un mensonge pour ne pas passer pour un lâche. Il reporte la faute et une soit-disant folie sur elle, se faisant passer à nouveau pour la victime de toute leur relation. Malgré les tourbillons qui s’emparent de son corps et son esprit, Em reste lucide et sait très bien que, certes, il s’est éloigné ces derniers temps, mais que la grossesse est la raison première de son départ. Combien de temps serait-il encore resté chez elle, à ses frais, sans cette annonce ? Alors en un sens, la grossesse est exactement ce qui lui fallait. Ce qui leur fallait à eux deux. Pour Penn, un moteur pour enfin se montrer courageux et vite déguerpir. Pour Emily, un moyen de se rendre compte et de se débarrasser de ce bon à rien (mais ça, elle ne le sait pas encore). Quand vient la question de ce qu’elle compte faire, Em se montre tout de suite catégorique. “ Je vais le garder. ” Affirmation qui n’invite aucune remise en question possible. Ses mots et son ton expriment une volonté profonde de garder ce futur enfant. Ce n’est peut-être pas ainsi qu’elle avait imaginé être mère mais, sur le moment, elle ne voit pas d'autre alternative que celle-ci. Être mère.

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Il est abasourdi par la nouvelle, lâchée comme une bombe au milieu d’une situation déjà chaotique. Il n’a jamais songé à cette éventualité, pourtant évidente, qu’elle pourrait tomber enceinte. Ils n’en ont jamais vraiment parlé, tous les deux, du moins jamais sérieusement, et si ça avait été le cas, ils n’auraient sans doute pas imaginé les choses de cette manière. Il reste un temps sans rien dire, encore chamboulé par l’annonce qu’elle lui fait, assemblant peu à peu les pièces du puzzle. Elle ne sait pas depuis quand, n’a donc sans doute pas encore été confirmer tous les détails auprès d’un médecin. L’information fait le chemin dans sa tête et il comprend alors. Penn est parti, et le hasard est trop gros. Il pose tout de même la question, incrédule face à l’évidence, un brin d’espoir qu’il n’ait pas été lâche à ce point. La confirmation de sa sœur est brute et douloureuse. Ce n’est pas qu’il lui manquera, ça, certainement pas, il se dit même que cette séparation ne pourra être que bénéfique à sa jumelle. Seulement, disparaître sans aucune intention d’assumer ses responsabilités face à elle, sans la soutenir, ça le met hors de lui.

Il se contient. Détourne le regard pour serrer son poing contre sa bouche en se retenant d’exploser. Parce que s’il y a bien un moment où il pourrait exploser, c’est celui-ci. Il ne le tenait pas en haute estime, n’approuvait pas franchement cette relation qu’il jugeait déjà malsaine depuis trop longtemps, et sa fuite ne fait qu’accentuer cette impression. Il voudrait le pourchasser dans la ville pour lui faire regretter tous les malheurs qu’il a causés, et cause encore, à Emily. Le faire revenir à coups de pied aux fesses pour qu’au moins, il assume. Sa mâchoire se serre et s’il s’imagine déjà jouer les gros bras, ça ne se fera pas sans l’accord de sa sœur. « Tu veux que je le retrouve ? Qu’il puisse pas s’en sortir comme ça ? » Il ne sait pas exactement comment il fera, mais est prêt à s’y mettre, et puis, il n’aurait qu’à mettre au courant Eddie pour avoir un soutien en plus. Sans compter Nash, qui, lui aussi, serait prêt à se joindre à eux. Finalement, ce ne serait pas si difficile de le ramener de force.

Un instant de calme, une petite hésitation et il se décide à lui poser la question. La plus importante, sans doute : que compte-t-elle faire ? Sa réponse est catégorique, tranchée. Ses sourcils se haussent à la surprise, mais il apaise bien vite son regard, attrapant la main de sa sœur en acquiesçant, un sourire sincère aux lèvres. « Alors dans ce cas… » Il se lève, lâchant sa main une seconde avant de tendre la sienne à nouveau en sa direction, l’invitant à se relever à son tour. « T’es pas toute seule. » Un sourire étend une nouvelle fois ses lèvres, se voulant rassurant. Il sait que ce n’est pas tout à fait pareil, que la situation n’est pas idéale, qu’avoir un enfant dans ce contexte, c’est particulier. Mais elle ne sera jamais toute seule. « Je ne suis peut-être pas son père, mais je serai là, moi. » Emily à présent debout, il réduit la légère distance entre eux pour la prendre dans ses bras, en grand frère qu’il n’est qu’à quelques minutes près. « Et toi, tu vas être une maman incroyable. Aucun doute là-dessus. » Il caresse l’arrière de sa tête d’une main, puis lui embrasse le coin du front, d’une façon appuyée qui signifie qu’au fond, il la soutiendra toujours. Qu’il croit en elle comme en personne d’autre.