do you remember me ? (jamie)

tw: aucun.

Le temps n’est pas très glorieux ce matin à Oceanside. La chaleur estivale laisse peu à peu la place aux fraîcheurs automnales. L’été indien s’amenuise quand octobre s’installe, laissant arriver les festivités de la fin de l’année. J’ai toujours aimé le mois d’octobre. Ce mois qui signe la fin de l’été, ce mois entre la fin de la joie des vacances et le début des joies liées à Noël et Thanksgiving. Cette année, il a une saveur particulière puisque c’est également mon dernier mois de grossesse. Le terme est prévu le mois prochain, si bien que le mois d’octobre est le dernier que je passe encore seule à la maison. Les préparatifs pour l’arrivée de ma petite fille sont quasiment terminés, il ne me reste plus qu’à commencer ma valise de maternité et terminer les machines à laver de layettes. La grossesse a été à la fois rapide et interminable. J’ai été malade et nauséeuse tout au long, si bien que je commence à croire que je serai nauséeuse jusqu’à la naissance. D’ailleurs, c’est une nausée qui m’a réveillé ce matin, comme tous les jours depuis bientôt huit mois. Heureusement, je ne travaille pas aujourd’hui et je m’autorise à prolonger la nuit de plusieurs heures. Il est quasiment dix heures lorsque je décide enfin de me lever. Rien au programme aujourd’hui, simplement me reposer et avancer sur les derniers préparatifs. Puisqu’il pleut, je décide de passer la journée à la maison. Je lance une machine à laver, puis me lance dans l’inventaire des affaires du bébé pour identifier les choses manquantes ou non. J’en dresse une liste et décide d’aller acheter quelques-unes des affaires manquantes dans l’après-midi au centre commercial. Cette sortie me fera prendre un peu l’air, et je serai à l’abri de la météo capricieuse. L’heure du déjeuner sonne et je me contente de ma lubie du moment : un sandwich au thon avec de la mayonnaise. Rien de bien glorieux, mais je pourrais en manger jour et nuit si je le pouvais. Je termine mon repas avec une pomme avant de prendre la route du centre commercial.


Visiblement, je ne suis pas la seule à avoir eu cette idée : il y a du monde. Je commence par m’arrêter récupérer un café à emporter, puis m’aventure dans le magasin de puériculture. Au milieu d’un rayon, je sens mon téléphone sonner dans mon sac et je soupire un peu. Par pitié, que ça ne soit pas le travail. Je n’ai pas le courage d’enfiler ma blouse aujourd’hui. Je fouille dans mon sac pour y trouver mon téléphone, et laisse tomber mes clés. Eh merde. Je ferme les yeux un instant avant de me motiver à m’accroupir, en prenant le risque de ne jamais réussir à me relever, je le sais. Je récupère mes clés et m'assieds par terre deux minutes. Me relever sera plus simple. J’en profite pour regarder mon téléphone : numéro inconnu, je raccroche. J’essaie de me relever, un peu difficilement. Et lorsque je lève la tête, je reconnais une tête familière en face de moi. Jamie. Le frère d’Emily, mon ex petite-amie. “Jamie. Quelle surprise.” Je lui offre un immense sourire. Je suis heureuse de le voir – nous étions proches à l’époque. Devoir m’éloigner de lui suite à ma rupture avec sa sœur jumelle avait été difficile. Ça l’est toujours un peu, par moment. Jamie est le frère que je n’ai jamais eu. “Ça fait tellement longtemps. J’espère que tu ne m’as pas vu galérer à me relever, sinon, je m’excuse du spectacle.” Je soupire un peu en passant la main dans mes cheveux. “Comment vas-tu ?” Je souris à nouveau.

tw: ràs

♫ « Ok attends, attends, je passe en visio, ce sera plus simple ! » Il pouffe doucement de rire, remuant la tête alors que Louise attend à l’autre bout du fil. Il lui faut quelques secondes pour comprendre comment passer en mode caméra lors d’un appel, et c’est sur ses sourcils froncés que celle-ci se déclenche. Son bref mouvement de recul déclenche une mignonne moquerie de sa femme, et il l’accompagne avec complicité, avant d’enfin pointer le petit objectif de son téléphone sur le vêtement de bébé qu’il a repéré. Ce genre de boutique, c’est aujourd’hui un énorme piège pour lui. Aurora a potentiellement bien assez de vêtements, mais ça ne l’empêche pas d’avoir envie de la gâter toujours plus, alors qu’en vérité, d’ici un ou deux mois, ce qu’il achètera aujourd’hui ne lui ira même plus. « C’est quelle taille ? » Elle se penche légèrement, comme pour voir d’un peu plus près l’étiquette, et il rapproche donc la caméra pour mieux lui indiquer. « 6 mois. » Elle hésite. La même hésitation que lui quant à la taille de leur petite princesse, qui gigote dans les bras de sa mère en babillant. « Ceci dit, ça pourra peut-être lui durer pour cet hiver, non ? » Il acquiesce, pensif, alors que son regard se retrouve bien -trop- vite attiré par des petites chaussures placées en évidence, comme pour accompagner le manteau qu’il regardait. Immédiatement, il pointe la caméra dessus, déjà beaucoup trop enthousiaste. « Et si je prenais l’ensemble ? Elle serait trop mignonne dedans ! Hein, Rora, ça te plairait ça ? » Sa voix se transforme lorsqu’il s’adresse à son bébé, décidément complètement gaga de cette petite blondinette -enfin, les paris sont encore lancés sur la couleur de ses cheveux-, et le rire de Louise vient vite étouffer le micro de son téléphone. « Plus jamais je laisse papa tout seul dans un magasin pour bébé, hein, Rory ? » Ils s’en amusent tous les deux, puis il finit par se décider à attraper les deux articles, après un rapide débat sur leur prix et la raison qu’ils sont souvent incapable d’écouter. Il raccroche ensuite, un trop large sourire aux lèvres pour quelqu’un qui se trouve seul.

Son portable rangé au fond de sa poche, il se retourne pour s’approcher de la caisse, mais face à lui, une femme est assise sur le sol, enceinte jusqu’au cou, et ce visage, il le reconnaît, malgré les années qui ont passées depuis leur dernière rencontre. Il se fige, sans trop savoir comment agir, alors qu’il est déjà au courant de ses retrouvailles avec sa jumelle, et du fait qu’elle soit enceinte. A la voir ainsi sur le sol, il s’inquiète qu’elle ait glissé, mais c’est avec un sacré effort qu’elle parvient à se relever tandis qu’il s’approche prudemment d’elle, son bras droit déjà prêt à la rattraper au cas où. Si on lui avait dit qu’il la recroiserait ici, il n’y aurait jamais cru. Il est un peu hésitant, tâtonnant un sourire sans avoir la moindre idée de comment la future mère pourrait réagir. Il l’a déjà entraperçue à plusieurs reprises, de loin, dans un coin de rue, aux abords de certains magasins, mais au vue de comment l’histoire entre elle et sa soeur s’est terminée, il n’a jusqu’alors jamais osé la recontacter, ne sachant pas réellement quelle pouvait être sa place dans toute cette histoire. Et pourtant, elle lui a manqué. Et c’est d’ailleurs la seule partenaire de sa sœur qu’il a véritablement appréciée, et à qui il a pu accorder sa confiance.

Elle relève finalement la tête sur lui, désormais à à peine un mètre d’elle, et son sourire, la chaleur dans sa voix malgré la surprise, le rassurent immédiatement. Il lui rend la pareille, un sourire teinté d’émotions après autant d’années sans se parler. « Ça pour une surprise… » Il s’en amuse un peu, ses mains ne lâchant plus les articles qu’il a trouvés plus tôt, en bon témoignage de son léger malaise, puis éclate de rire à sa remarque, avant de pincer ses lèvres en une petite moue disgracieuse. « Ah, malheureusement je crois que le spectacle ne m’a pas échappé ! » plaisante-t-il, retenant déjà une envie de la prendre dans ses bras. « Je vais bien, je vais bien, je… » Il se tait un instant, cherchant comment formuler la suite, avant d’abandonner. « Ça fait longtemps. » lâche-t-il dans un soupir qui en dit long sur le soulagement qu’il ressent à la retrouver. « Et toi, comment ça va ? Félicitations ! Tu en es à combien de mois ? C’est pour bientôt ? » Il indique joyeusement son ventre proéminent d’un geste, avant de lui accorder un large sourire. « Je suis content de te recroiser. » Sa sincérité se lit dans ses yeux, et à la façon dont ses lèvres se tordent sur un côté de sa joue. Mais avec cet aveu viennent les regrets qui l’ont tourmenté un long moment, toutes ces années où, pour le nouvel an, noël, son anniversaire ou une toute autre occasion, il a hésité à lui envoyer un message sans jamais oser le faire. Son regard s’abaisse sur le petit manteau qu’il tient, ses doigts en grattant nerveusement l’étiquette. Après un très léger silence, son regard se dirige à nouveau sur elle. « Désolé de ne pas avoir pris des nouvelles… Je savais pas comment… » La vérité éclate, honteuse, alors qu’il aurait eu des tas de moyens ces dix dernières années de reprendre contact. Aujourd’hui, il se dit que c’est une belle occasion pour rectifier cette erreur.