Apologizes - pv Alexis

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Depuis combien de temps je suis là ? Je ne saurai le dire précisément. A mon arrivée, le soleil brillait encore haut dans le ciel. Désormais, il a entamé sa descente vers son lit, sa luminosité se faisant moins puissante, ses rayons plus doux sur ma peau de porcelaine. Je n’ai guère bougé entre les deux états de l’astre solaire. Je suis toujours là, debout, dans ma robe à fleurs effleurant mes genoux et recouvrant mes bras, mes chaussures plates en cuir noires plantées dans le sol, à l’angle de ces rues. Je n’ai que quelques pas à faire pour m’engager dans la rue du Pit stop diner et rompre la distance qui me sépare d’Alexis. Enfin, je le suppose. J’ignore si elle travaille aujourd’hui. Je ne connais pas ses horaires précis. Je sais simplement qu’elle est cuisinière dans ce diner. L’envie de la revoir après deux semaines de disparation est forte. Cependant, l’appréhension de sa réaction me fige sur place. Elle aurait toutes les raisons de m’envoyer sur les roses. Moi la jeune femme insignifiante, ennuyante, que pourrait-elle me trouver d’intéressant ? Mon charme peut-être ? Elle m’a sûrement oubliée et a repris le cours de sa vie. Je devrais probablement en faire de même. Nos mondes sont trop différents. Pourtant, mon cœur désapprouve cette idée. C’est d’ailleurs lui qui m’a forcée à revenir dans le coin. Il s’est attaché à la blonde.

Un attachement étrange, inhabituel, innovant. Je ne saurai mettre des mots sur ce qu’il m’arrive. C’est la première fois qu’une personne préoccupe mon esprit. Alexis a été la première personne me poussant involontairement à mentir à mes parents. Je suis sortie en douce pour la voir, prétextant une visite chez une camarade de classe pour un devoir de groupe. Alexis a été la première personne à me faire me sentir libre. Ce sentiment nouveau m’a fait peur. Je ressens le poids d’un boulet d’une tonne attaché à ma cheville. Et dire que je ne suis pas encore devant la porte de l’établissement. Je n’ose imaginer ma tension au moment de pénétrer à l’intérieur. Il faut pourtant que je le fasse. Je lui dois des explications. Tant pis si elles sont bizarres pour mon âge et qu’elle risque de me rire au nez voire de me rejeter. Je ne suis pas certaine de les assumer pour être honnête. Je me dois au minimum de lui présenter mes excuses. Je m’en veux d’avoir coupé les ponts. J’ai vécu une torture mentale chaque jour de ma punition en pensant à elle. J’y pense une énième fois en l’instant. Son doux visage se forme dans mon esprit. Sa beauté me donne la force d’avancer. Un pas après l’autre, je traverse le virage. Plus que quelques mètres et je serai face à l’entrée.

Face à la porte, je souffle profondément, m’apprêtant à pénétrer dans l’arène. Sur le point de franchir le seuil, une silhouette quitte les lieux. Je reconnais immédiatement cette chevelure de blé virevoltant, elle n’a rien perdu de sa superbe en quinze jours. Mes opales se posent sur son visage, un sourire crispé étirant mes lippes. « Bonsoir Alexis… » Mon regard se détourne vers le sol, accompagné d’un rougissement de gêne venant teinter mes joues. Je désirais cette rencontre. Maintenant qu’elle a lieu, je ne sais pas quoi lui dire. A tous les coups, elle est passée à autre chose. Je n’aurai pas dû venir. Il est trop tard pour reculer. Face à moi, je n’ai aucune échappatoire possible. Au final, ce n’est pas plus mal. Il est plus que temps que j’agisse en adulte responsable. Mes mirettes légèrement embuées, je relève ma tête. Je trouve le courage de fixer ses iris et d'y affronter toutes les émotions qu'elles y affichent. « Je suis désolée… » Cela vaut ce que ça vaut. Elle peut lire la sincérité dans la lueur de mes opales. Je ne suis pas en train de jouer, d’essayer de l’amadouer. Je suis simplement une fille paumée, apeurée, qui a besoin d’aide. Mais cela, elle va devoir le lire entre les lignes. Si elle s’en donne la peine. Sinon elle peut me fuir et me laisser me débrouiller seule. Comme les autres.

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Alexis accueille la fraicheur de la soirée avec grand plaisir. Les clients sont agréables ce soir. Cela change. Les têtes sont connues. Des clients habitués qui l'aident à surmonter les difficultés quotidiennes de ce métier, enfin surtout de ce poste en particulier. Elle discute souvent avec plusieurs. Des gars, des filles. Des gens de la ville ou bien des voyageurs. Elle aime ce côté sociale. Même si elle est derrière les fourneaux et que quelqu'un d'autre apporte la plupart des plats, elle se fait toujours le plaisir d'aller à la table elle-même, quand elle connaît et apprécie le client.

C'est comme ça qu'elle fait leur connaissance. Ils commencent principalement par parler nourriture. Eh, pas étonnant dans un diner, vous diriez ! Et puis après des fois ça évolue. Elle discute actu, sport, travail. Des sujets communs mais qui ont le mérite de ne fâcher personne. Elle raconte sa vie ? Nan. Ca, elle aime pas trop. C'est de l'ordre du privé. Il faudrait qu'il y ait un lien spécial qui se crée avec un client. Une personne qui réussirait à la mettre en confiance. Elle qui peine à s'ouvrir à de nouvelles rencontres en ce moment. Depuis son divorce, quelque chose s'est refermé en elle. Elle qui était toujours partante, toujours avenante, a maintenant une certaine peur de se montrer à un nouvel être. Alors imaginer cela possible dans ce p'tit boui-boui. Impossible à l'imaginer.

Enfin, cela c'était avant Hope. C'est tout récent. Deux petites semaines à peine. Et pourtant.. et pourtant pour Alexis, les heures qu'elle a passé avec elle lui ont fait l'effet de plusieurs semaines. N'allez pas croire, Alexis sait ce qu'il se passe. Même si elle en a peur. Elle se connaît. Elle est attirée. Quelle femme aimant les femmes ne le serait pas face à Hope. Elle a tout pour elle et tant à offrir. Une beauté ravageuse sublimée par sa douce jeunesse. Une gentillesse teintée de timidité absolument craquante. Un esprit drôle et attachant comme on en trouve rarement dans sa vie. Tout cela à laisser à Alexis l'envie sans cesse renouveler, jours après jours, de partager pleins de nouveaux moments avec la jeune femme.

Pourtant un jour, Hope ne vint pas. Au début, pour Alexis, ce n'était sans doute qu'une incompréhension. Elles devaient s'être dit qu'elles se reverraient que la semaine d'après. Hope était occupée avec ses études. Normale qu'elle ne puisse pas, tout le temps, venir la voir au Diner. Alexis avait du mal comprendre, se réconfortait-elle. Mais quand la semaine suivante arriva, et qu'il y avait toujours pas de signe de l'étudiante, une nouvelle ombre envahit le coeur d'Alexis. Avait-elle été encore trop vite ? S'emballer pour une fille à ce point. C'était digne de ses années lycées. Elle valait mieux que ça. Et pourtant, les jours s'enchainant, le manque se faisait sentir.

Deux semaines plus tard, Alexis s'était faite une raison. Cela avait été une parenthèse enchantée dans son monde terne. Un petit soleil d'hiver qui réchauffe le temps de quelques heures avant que la pluie ne retombe. Maintenant, il fallait oublier.. et avancer. Alexis avait l'habitude, se relever et continuer. Ce n'était pas la première fois. La fois de trop peut-être ? Elle aimerait cesser d'être déçue. Et triste.

Elle se change après son travail. Un vieux blue-jean confortable, léger, mais pas très affriolant. Un p'tit débardeur noir ample avec des fines bretelles, parfait pour cette chaleur. Elle ramasse ses affaires et sort par devant. Elle referme la porte derrière elle avec son pass magnétique. Les lumières sont encore allumées. La patron est encore à l'intérieur. Il a encore plein de choses à faire avant de partir, surement par l'arrière comme à son habitude. Elle se retourne, prête à rejoindre son arrêt de bus. Mais elle se retrouve nez à nez avec quelqu'un.

Alexis est soufflée de choc. Elle ne s'attendait pas à la revoir. Hope est là, devant elle. "Hope.. Mais qu'est ce que.?" Les mots lui manquent aussi. La surprise est totale. Bonne ? Trop tôt pour le dire. Elle cherche rapidement une façon de réagir, mais c'est impossible, elle ne peut que rester figer pour l'instant. Alors elle observe. Elle passe outre la beauté de la jeune femme , pour se concentrer sur ce qu'elle remarque plus précisément. Hope semble si peiné, si terne. Elle finit par décrocher un mot, enfin trois petits pour être précis. Alexis expire de tendresse. Mais elle ne doit pas. Elle doit avant lui faire comprendre quelque chose."Tu m'as fait de la peine... Je.. je me suis fais du soucis pour toi." Ses mots sont posés, son ton calme. Cherchant à la faire réfléchir. Qu'elle comprenne que ce qui s'est passé entre elles, l'a touché, tant en bien qu'en mal.

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Le silence ne m’a jamais dérangé. J’y suis habituée. Il est un ami de longue date apprécié, surtout lors de mes moments où je dessine. En l’instant, il me pèse. Il est loin des silences ordinaires de nos rencontres, apaisants, reposants. Celui-ci est lourd et accablant en dépit des quelques mots offerts précédemment. Je ne peux m’en plaindre. Je le mérite amplement. Je devrai même m’estimer heureuse de savourer son silence et non un flot de reproches. Je suis apte à me limiter à notre communication oculaire tant ses yeux sont sublimes. De plus, ils ont l’avantage de ne jamais mentir contrairement aux mots. Les miens, légèrement humides, en témoignent. Au bout de plusieurs secondes, elle se décide à refaire usage de sa parole. Le couperet tombe malgré la calme de sa voix. Je découvre tout le mal que j’ai causé, toutes les angoisses, toutes les peines. Mon cœur saigne à chacune de ses syllabes. Chacun de ses propos me poignarde, me serre les entrailles. Je m’aperçois avoir tout gâchée, avoir blessée une personne que j’apprécie. La honte revient teinter mon visage angélique du rouge de la honte. « J’en suis désolée… » Je risque de répéter cette phrase en boucle. J’endosse tous les torts de cette histoire. Si j’en avais le courage, j’accuserai mes parents également. Mon comportement est le fruit de leur éducation. Je ne peux cependant pas me réfugier seulement derrière ce prétexte. Je suis majeure, je possède mon libre arbitre, je suis juste trop lâche pour affronter leur autorité. Paradoxalement, je ne crains pas d’affronter celle de cette blonde, une quasi inconnue. Je ne l’imagine pas me vouloir du mal. Son aura est trop douce pour cela. Même dans sa déception, elle dégage de la tendresse. Je manque sûrement d’objectivité à son égard. Je dois admettre que mes pensées sont troublées en sa présence. Je ne suis plus totalement lucide. Je le suis suffisamment pour avoir entendu qu’elle s’est inquiétée de ma personne. Hormis mes parents et deux amies, personne ne se préoccupe de moi. Elle fait partie d’un cercle rare et précieux. Je gagne une motivation supplémentaire à la préserver dans ma vie. « Moi aussi… J’aurai aimé te prévenir, mais j’avais rien pour le faire… » Pas de numéro de téléphone, pas de réseaux sociaux, rien. Avec du recul, j’avais des solutions. J’aurai pu demander à Elsa de se rendre au rendez-vous à ma place et lui signifier mon absence. Après, cela aurait impliqué que je la mette dans la confidence. Malgré notre forte complicité, je ne me sens pas capable de discuter de ce sujet. Je ne tiens à soulever des questionnements dont je n’ai pas les réponses. Ce jour arrivera quand mon lien avec la cuisinière sera plus clair. S’il perdure avant tout. A agir de la sorte, il pourrait se rompre rapidement. « J’ai fait au mieux pour revenir te voir. Je pouvais pas avant… » En étant punie de sorties, toute incursion dans les environs m’était impossible. Le manque a été difficile à gérer. Son aura, son regard, ses sourires, tous ont été terriblement absents. Ma mémoire a eu beau se les rappeler chaque jour, la vision en réelle est plus égayante. « Je peux me faire pardonner d’une quelconque façon ? » Un acte vaut mieux que mille paroles. M’être déplacée est déjà un acte en soi. J’ai dû me battre contre mes démons intérieurs. J’ai dû me préparer à cette rencontre. J’ai fait énormément d’efforts pour elle bien qu’elle n’en a pas conscience en ignorant ce qui me ronge. « On mange d’excellentes glaces ici. » Un timide et franc sourire étire mes lèvres tandis que je pointe de mon index un glacier au bout de la rue. Il fait des glaces artisanales. Il est spécialisé dans les parfums exotiques. Je suis personnellement friande de sa saveur melon. « Je t'en paye une ? » Je ne cherche aucunement à acheter son pardon. L'argent ne régit pas les sentiments et il en faudra beaucoup plus pour espérer obtenir son pardon. Une gourmandise de la sorte est une suggestion pour amorcer la marche sur le chemin de ma rédemption.

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Alexis cherche encore comment réagir. Elle fonctionne comme ça. Elle laisse pas les émotions dictées sa vie. Elle devrait pourtant. C'est ce qu'elle avait commencé à faire lors des rencontres avec Hope. D'arrêter d'être dans le contrôle. Alors là elle cherche. Elle voudrait lui en vouloir, tourner les talons et rentrer chez elle. Mais ça serait nier ses sentiments naissants. Elle pourrait s'énerver, mais là c'est encore moins son genre. Surtout qu'elle n'aurait pas de légitimer. La brune ne lui devait rien. Et ne méritait pas cela. Elle décide d'attendre, elle en a la capacité, même si ça la referme sur elle-même pour l'instant. Retrouver leur relation d'avant la séparation sera pas facile. Le temps sera la clé. Et être en sa compagnie aussi.

Le temps, en parlant de lui, est aux excuses de la part de Hope. Elle les y réitère. Alexis aimerait les accepter et oublier, mais son contrôle de soi l'en empêche. Elle ne veut pas que cela devienne une habitude entre elles. Des excuses et on passe à autre chose. Alexis estime mériter plus que ça. De là à le demander à Hope, c'est une autre histoire. Hope n'a pas à lui faire de promesse.

Les explications commencent. Elles peinent à convaincre Alexis, mais elle tâche de ne pas le laisser paraître. Si c'est tout ce que la brune est capable de lui donner pour l'instant, elle s'en contentera. Elle comprend. Hope n'a pas à tout lui raconter. Même si au fond d'elle, elle aurait apprécié qu'elle soit complètement honnête avec elle. Alexis écoute, se plonge dans son regard, tente de sonder son âme. Elle reconnaît au moins la sincérité dans son discours. Cela la rassure pour la suite de leur rencontre. Cela aurait pu tourner court. Si elle ne ressentait aucune confiance à cet instant là, le dilemme qui trottait dans sa tête précédemment serait vite pris. Alexis serait rentrée immédiatement chez elle. Question de protection.

Alexis ne répond pas aux explications. Elle se contente d'hocher de la tête. Le moment où elle aura la force de demander plus d'explications à Hope viendra, mais pas maintenant. Elle sort de son mutisme ensuite. Quand Hope demande ce qu'elle pourrait faire pour se faire pardonner. Elle aimerait demander un câlin, une embrassade avec la brune. La toucher à nouveau. Sentir son parfum, son shampooing, ces choses qui l'ont manqué. Dieu qu'elle est accro à cette fille en y repensant. Mais elle manque de courage cette-fois là. Cela est surement un peu tôt. Pour toutes les deux. Elle craint l'instant où il faudra se séparer de son contact et cela elle n'en a pas la force. Et ça serait demander à Hope une chose, qu'elle n'a peut-être pas l'envie de faire tout de suite. "Si tu commençais par me donner ton numéro ?" Nettement plus facile comme demande. Serait-ce une sécurité pour Alexis ? Avoir un petit rebord sur lequel s'accrocher si la brune devait disparaître à nouveau. Cela ne fait aucun doute, oui. Elle affiche un sourire après sa demande, en tendant son propre téléphone vers l'étudiante.

Hope lui propose de prolonger la rencontre en public en mangeant un glace. Elle hésite. Comme tout à l'heure, elle se contente de hocher de la tête. Faire des réponses complètes est compliqué. Elle ne veut pas donner d'espoirs à la jeune femme en face d'elle. A tout moment, ses propres insécurités peuvent ressurgir et la crainte de souffrir à nouveau la pousser à ne plus la revoir. C'est la première fois qu'elle ressent ça avec Hope. La crainte d'un nouvel échec. Cette absence semble avoir laissé plus de séquelles qu'il n'y paraît.

Sur le chemin, elle reste également silencieuse. Et tient ses distances. Elle peut paraître froide, mais elle s'en fiche. Là tout de suite, elle a besoin de se protéger. Elles commencent à faire la queue pour commander. Et rapidement le besoin de sortir ce qui la ronge arrive, et de clarifier les choses. Pour être sûr d'être entendue, elle cherche le regard de la brune. "Écoute, je t'apprécie, beaucoup, vraiment." Elle prend le temps que les mots soient bien comprises par son interlocutrice. Elle fait une pause sans laisser croire que son discours est terminé. "Cependant, je.. je me sens un peu fragile en ce moment. Émotionnellement, je veux dire." A ces mots, elle porte la main à son cou. Pour sentir sa chaîne et son alliance pendu à elle. Mais les deux sont absents. Elle les a jeté à l'océan la semaine dernière. Et ce soir elle regrette peut-être un peu ce geste. "Donc, si tu es là pour passer une heure avec moi et disparaître encore dans la nature plusieurs semaines, je préfèrerais que tu rentres chez toi dès maintenant." La phrase n'est pas un reproche, juste une requête, elle laisse une chance à la brune de faire ce qui est le mieux pour Alexis. Puis, cette dernière préfère détourner le regard. Sentir l'absence vaut mieux pour elle que de regarder Hope s'en aller.

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Je n’ai jamais su gérer mes émotions. Mon visage est un livre ouvert les exprimant en permanence. Je suis incapable de cacher ce que je ressens. Je ne suis gère plus capable de mentir pour tenter de tromper mon monde. La honte se manifeste dans la seconde même où un mensonge franchit la barrière de mes lèvres. Que ce soit du rouge sur mes joues, une fuite de regard, ou encore une liaison nerveuse de mes mains, j’affiche toujours un signe annonciateur de ma tromperie. Dans ce cas, le rouge de mes pommettes n’est que le résultat de ma gêne. Je m’en veux de l’avoir blessée. La culpabilité m’écrase de tout son poids. Je crains d’avoir brisée le début de notre relation. Une relation dont j’ignore la nature. Je ne sais ranger la blonde dans une case. Cependant, je suis certaine de désirer la conserver dans ma vie. Sa présence m’égaye, me permet de m’évader de mon quotidien. Elle m’offre une échappatoire à la cellule de ma routine. Et si j’en ai eu peur, le manque forcé dû à ma punition m’a démontré son importance. J’ignore si la réciprocité est vraie. Sûrement étant donné qu’elle ne me rejette pas, qu’elle témoigne même plutôt d’une envie de proximité à travers sa demande aussi basique soit-elle. « Bien sûr. » Une chose élémentaire que nous aurions dû faire depuis longtemps. Son téléphone tendu, je ne le saisis pas. Je connais la puissance de l’intimité de cet objet et je ne tiens pas à tomber sur quelque chose qu’il ne faudrait pas. Je me contente de sortir mon propre téléphone de mon sac à main. Je précise que je n’ai nullement l’intention d’exposer mon aisance financière via mon geste. Je déverrouille l’écran de veille. Je patiente qu’elle me donne ses coordonnées et les rentre dans mon portable. Enregistrées, je ne lui dicte pas mon numéro en retour. A la place, je lui envoie en sms. Elle peut lire « C’est Hope ;) » dans mon message. Je ne sais expliquer pourquoi j’ai ajouté ces smileys. Autant le clin d’œil est amusant, autant le cœur peut être troublant et aurait pu/dû être évité. Je n’ai pas réfléchis sur l’instant. Je me suis laissé porter par mon instinct. Le même instinct qui me pousse à lui proposer une glace. Un moment gourmand propice au pardon. Et bien qu’elle se terre dans un mutisme pesant, elle m’indique accepter d’un signe de tête. Et si cela n’est pas forcément un signe de paix, c’est au moins signe qu’elle ne fait pas la guerre. Sans rompre le silence, souriante, je prends la direction du glacier. En dépit de la distance qui nous sépare, je ressens la puissance apaisante de son aura. Face au marchand, elle n’a d’autre choix que de se rapprocher pour attendre notre tour dans la file. Si je ne dis rien, je suis ravie du monde présent. Cela me permettra de passer plus de temps à ses côtés. Enfin, je ne suis pas certaine de m’en réjouir à l’entendre. Je ne suis pas la seule à avoir des craintes. Si nos peurs sont différentes, elles sont toutes des freins dans notre relation. Mais je ne veux absolument pas qu’elle pense que je me joue d’elle. Ce n’est pas du tout le cas. Je suis juste piégée dans le placard de qui je suis vraiment. « Alexis… » Mon bras se tend afin d’attraper délicatement ses doigts. « Je… Non, c’est pas ce que tu crois… Je… Je veux pas te faire du mal… » Facile à dire une fois le mal fait. Les dégâts paraissent plus profonds que ce je pensais. J’ai l’air d’avoir réveillée certaines de ses blessures. « Je te ferai plus jamais de faux bonds sans te prévenir, je te le promets. » Plus jamais je ne la blesserai par une absence silencieuse. Je prendrai toujours le temps de la prévenir en cas d’annulation d’une rencontre, espérant devoir le faire rarement voire pas du tout. Tout dépendra de la dictée de mon temps libre par mes parents et/ou de ma capacité à me défaire de leur emprise. « J’ai pas envie de rentrer chez moi… J’ai envie de passer du temps avec toi… » Cette fois-ci, je n’arrive pas à retenir mes larmes. Des perles amères roules sur mes joues. Je les essuie du revers de ma main de libre et lâche ma prise sur ses doigts. La balle est désormais dans son camp. A elle de décider de la suite des évènements. Et dans l’immédiat, elle consiste à se décider si elle désire une glace. En effet, la queue s’est vidée et c’est à notre tour.

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Il faudrait qu'Alexis s'ouvre à nouveau. Là, elle se renferme. Elle est aveuglé par ses peurs, celles de se laisser aller avec une personne pour qui manifestement elle a des sentiments. Et celles de souffrir par la suite. Au point qu'elle ne pourrait remarquer l'autre être blessé à son tour, en agissant de la sorte. Après cette absence, ce n'est surement pas les retrouvailles qu'espéraient la brune, même cela Alexis ne l'anticipe pas non plus. Malgré cette barrière qu'elle s'est auto installée, la culpabilité de Hope la marque. Alexis commence à réaliser que la fille avec qui elle a déjà passer des bons instants, est la même qui est revenue la voir ce soir. Que peut-être, cette absence n'était pas du fait de la cuisinière et que des circonstances extérieures à elle avaient poussé Hope à ne pas revenir la voir.

Elles s'offrent une pause dans son obscurité en s'échangeant leurs numéros. La brune préfère se passer chacun leurs coordonnées, plutôt que d'accepter directement le téléphone d'Alexis qu'elle proposait dans ses mains. Alexis ne réagit pas à cela. C'est une façon comme une autre de le faire, elle trouvait juste cela plus facile. Alexis n'a pas de secrets (dans son téléphone), à part son compte pro, pour parler de son projet, elle n'a pas de réseaux sociaux. Juste un numéro et une adresse mail, comme tout à chacun. Néanmoins, elle offre un beau sourire à Hope en lisant son message. Son petit coeur lui fait plaisir. Sans vraiment réfléchir à son tour, elle lui renvoie le même. Avant de ranger son téléphone et de réaliser s'être laissée emportée. La coquille se referme l'instant d'après.

Mais la pression est trop forte. Son imagination à propos des jours prochains s'emballe. Celui d'elle surveillant la porte d'entrée du Diner à chaque tintement de la cloche, en espérant la voir arriver, puis en réalisant qu'elle s'est évaporé dans la nature comme lors des semaines précédentes. Ou bien maintenant guetter son téléphone à chaque notification, dans l'espoir que ses messages ne restent pas sans réponses. Ca serait trop dur. Pas là, pas maintenant. Pas quand enfin elle arrive à oublier sa douleur. Voir ses efforts être anéantis et repartir à zéro de sa reconstruction, elle ne s'en imagine pas capable. Alors elle vide son sac. Elle ne cherche pas à faire du mal. Ne veut pas remuer le couteau dans la plaie. Juste à se prémunir du futur.

La réaction de Hope est immédiate et a le mérite de surprendre la blonde. Elle ne s'attendait pas à ce niveau de sincérité. Cela transparaît inévitablement dans le discours et dans les expressions de Hope. La chaleur de la main de l'étudiante la surprend également, elle n'avait pas imaginé ses propres mains aussi fraiches, et cette sensation réconfortante a le pouvoir de remonter bien plus haut, jusque dans sa poitrine.

Une petite voix dans sa tête continue de se manifester, à la promesse de Hope de ne pas lui refaire cela. Elle lui souffle que les promesses sur l'instant sont toujours aisés à prononcer, mais bien plus ardus à tenir dans le temps. Et en ce moment, c'est bien lui qui terre Alexis dans ses murs intérieurs. Mais la jeune femme l'étouffe immédiatement face aux larmes qui coulent devant elle. Et la perte du contact avec sa main scelle le destin de son prochain geste. Sans réfléchir une fois de plus, elle se jette à son cou en montant sur la pointe des pieds. Elle l'enlace au milieu de la file du glacier, se serrant à elle sans réaliser la proximité de leurs corps. "Je suis désolée, je ne voulais pas te faire pleurer." Lui souffle-t-elle à l'oreille. Elle respire dans ses cheveux et se libère d'un poids à chaque inspiration de son parfum. "Passer du temps ensemble, c'est tout ce que je désire !" Elle s'étonne elle-même de se sentir sourire.

Elle détache ses bras de son cou, quand elle sent les personnes devant elles finirent par quitter la file. Elle ne lâche pas son sourire, maintenant un peu teinté de gène, qu'elle offre quand même à la brune. "Si on allait la manger, cette glace." Dit-elle pour se redonner un peu de constance. Elle perd tout contact avec Hope quand elle se penche pour observer la quantité de parfum dont il dispose. Elle passe ses cheveux derrière ses oreilles en cherchant son bonheur. Elle rit silencieusement de malice quand elle y parvint. "2 boules saveur passion, sans cornet, s'il vous plaît." Demande-t-elle.

Elle patiente que son amie commande puis lui demande. "Tu veux t'assoir ou tu préfères te balader ?" Dans les deux cas, la proposition s'accompagne d'un sourire et d'une main tendue vers elle.

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Alexis n’est pas la seule à être fragile émotionnellement. Je traverse une tempête émotionnelle depuis qu’elle est entrée dans ma vie. Elle chamboule mes principes, mes refoulements. Je ne joue pas avec elle même si elle pense sûrement le contraire. Je ne peux la blâmer. Je comprends parfaitement ses doutes, son besoin de se protéger si la chute nommée déception venait à lui arriver. Elle lui est certainement déjà arrivée suite à ma disparation. Sinon, elle ne m’aurait pas mise en garde. Maintenant, en acceptant ma présence, en posant des mots sur ses maux, elle démontre l’importance que je représente à ses yeux. Elle m’offre une seconde chance, probablement une dernière chance. En tous cas, je ne prendrai pas le risque de tester combien de fois elle est prête à me faire la faveur de son pardon. Je ne veux plus la blesser. Je l’ai déjà trop fait. Et si mes larmes reflètent tout ce qui se bouscule dans mon esprit, mes questionnements, elles sont surtout le reflet de ma culpabilité. Voilà de quoi lui donner une autre raison de me fuir. Qu’aurait-elle à faire aux côtés d’une pleurnicheuse ? Je ne saurais le dire. En tous cas, je remarque qu’elle se montre réconfortante. Je me délecte de sa douce étreinte, de la tendre chaleur qui émane de son corps. Un contact qui a le don d’accélérer mon rythme cardiaque. Mon cœur tambourine fort dans  ma poitrine, emballé par les sensations que me procure cette proximité. Je l’enlace à mon tour en réponse, mes bras s’enroulant autour de sa taille, tentant de la rapprocher encore un peu plus de moi. L’instant est si magique et si court. Pourquoi fallait-il que nous soyons dans une file d’attente ? Je me console en découvrant le sourire sur ses lèvres. D’un timide hochement de tête, je valide sa décision. Je choisis la saveur melon en cornet comme à mon habitude tandis que mon invitée porte son dévolu sur le parfum passion en pot. Je sors un billet de mon porte-monnaie pour payer nos achats. Nos gourmandise prêtes, nous n’avons plus qu’à nous en régaler. « M’asseoir, sinon je risque de me tacher, mais on peut se balader après. » Je n’ai rien de prévu ce soir. Je ne compte pas rentrer de sitôt chez moi. En fait, je ne rentrerai que quand elle le décidera, quand ma compagnie ne lui sera plus la bienvenue. J’espère que le soleil sera couché depuis un moment même si je ne souhaite pas imposer ma présence. Si demain j’ai ma matinée de libre n’ayant pas cours, je doute qu’elle ait cette chance avec son travail. Balayant l’espace de mon regard, je repère un banc libre surplombé de l'ombre d’un arbre de plusieurs mètres de haut à quelques pas. Je saisis délicatement sa main tendu pour nous y rendre. Mes fesses à peine posée, je m’empresse de laper ma glace commençant à fondre sur mes doigts. Mes papilles sont ravies. Mon ventre et ma bouille en sourient. Je me sens détendue. Je me sens bien. Cette situation me rappelle les circonstances de notre première rencontre. A une différence notable. Aujourd’hui, je me sens pousser des ailes. Je me sens portée par son aura. Alors j’ose rompre le silence la première. « Que fais-tu quand tu ne travailles pas au diner ? » J'omets volontairement de rajouter et Quand tu ne erres pas dans les rues ? Je me montre intrusive, désireuse d’en savoir plus sur la blonde. Je suis curieuse de découvrir ce qui l’anime en dehors de son métier – qui ne l’anime pas forcément d’ailleurs. Évidemment, prise dans ma spontanéité, je n’ai pas réfléchi que ma question risque d’impliquer une réciproque. Peut-être vais-je être obligée de lui parler de moi, quelque chose que je n’aime pas particulier faire, préférant rester secrète et dans ma bulle. Cependant, dans le fond, enfouie en moi, je crois que je le souhaite, que je souhaite me livrer davantage à elle, lui ouvrir mon monde.

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Les larmes de Hope ont déferlé tel un tsunami pour forcer la coquille d'enfermement qu'Alexis était en train de se bâtir autour de ses émotions. Alexis ne la prendrait jamais pour une pleurnicheuse, car rien de mieux que ce geste non feint et emprunt d'une telle sincérité pour faire craquer la blonde. Car c'est cela pour Alexis, une marque de confiance et d'honnêteté qui dit "j'ai pas peur de ce que je ressens avec toi". Et ça, Alexis le comprend très vite. C'est aussi ce qui la pousse à chercher ce contact, la remercier et lui faire comprendre qu'elle est touchée qu'Hope s'ouvre enfin à elle. D'autant que c'est la première fois qu'elles se montrent une telle marque d'affection entre elles. Si elles seraient plus intimes, Alexis n'aurait pas hésité à inclure un baiser dans son geste, peu importe qui se trouvait autour d'elles.

C'est un lest qui se défait de ses épaules au contact de la brune, sentir ses bras autour de sa taille fait redescendre rapidement toute cette pression accumulée. C'est d'autant plus un soulagement qu'après coup, Alexis réalise la situation. Elles, la file, le glacier. Hope aurait pu ne pas avoir ce même besoin de sentir l'autre près d'elle, et pas dans son sens figuré. Et ses propos sont tous aussi sincères que les larmes de Hope. Alexis veut vraiment retrouver la relation qu'elles avaient avant leur séparation forcée.

Et tout pourrait commencer maintenant en savourant leur glace, offerte pour l'occasion par Hope. C'est vrai qu'elle n'a pas réfléchi à qui paierait leur gourmandise. Elle s'est laissée emportée par l'instant et attendit juste que Hope soit prête à prendre une décision sur la façon de partager ce moment. Comme Hope préfère s'asseoir, elles vont se chercher un petit coin sympa. "J'approuve complètement cette idée. Et merci pour la glace." Même si Alexis propose sa main, elle se laisse emmener par la brune. Elle perd vite leur contact et le silence s'installe le temps du trajet jusqu'à un petit banc. Mais ce silence est si apaisant comparé aux précédents. Alexis savoure juste la présence de Hope et de la nuit qui commence à pointer son nez. Elle qui aime tant ce moment de la journée, est ravie de le partager avec l'étudiante.

Une fois installées sur leur banc, Alexis se détend un peu plus, en ne portant plus son sac et en profite aussi pour se détacher les cheveux. Elle reporte son regard sur Hope qui attaque sa glace la première, la pauvre, la sienne lui fond déjà sur les mains. Elle sourit à cette situation et croise ses jambes avant de commencer son pot. Les fruits exotiques c'est la vie ! Et ça donne envie de voyager. Sans compter que la glace est très savoureuse. Alexis sort de son analyse gustative, en bonne passionnée de gastronomie qu'elle est, quand Hope rompt le silence. "Oh.." Elle réfléchit. C'est pas qu'elle cherche un mensonge, juste elle ne trouve pas sa vie très trépidante. "Eh bien, en dehors du travail, je.. cuisine." Elle rigole doucement. Puis elle se penche lentement vers Hope pour lui faire comprendre son intention et plonge délicatement sa cuillère en plastique dans son cornet. Elle en ressort une petite quantité de sorbet melon et le goute à son tour. "J'ai un compte Instagram pro de cuisine que je dois alimenter régulièrement donc même à la maison, je passe du temps derrière une casserole." Continue-t-elle en évitant de trop parler la bouche pleine. Elle prend de sa glace et tend sa cuillère à Hope, si elle souhaite gouter à son tour. "Tu dois trouver ça un peu pathétique.. regardez cette p'ovre fille, elle a tellement pas de vie, qu'elle travaille même sur son temps libre." Dit-elle en imitant une personne condescendante. "Mais en dehors de ma cuisine, j'aime courir et passer du temps avec mon père." Elle pose son pot de glace à moitié vide sur le banc pour faire une pause. Parce que malgré tout, c'est froid toute cette glace. "Et toi ? C'est quoi qui t'anime quand tu n'étudies pas ?"

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Assise à ses côtés sur un banc me ramène à la case départ, à notre rencontre initiale, lorsque je l’ai trouvée le visage fermé, en détresse. A la différence notable que les rôles sont inversés, que je suis la femme perdue, les joues humidifiées par des larmes. De façon similaire, je me tais, je me terre dans le silence, incapable de poser des mots sur mes ressentis. Je ne suis pas certaine de savoir ce qui m’arrive non plus. Tout est si étrange quand je suis avec elle, nouveau. Ce que je sais, c’est que je me sens bien quand elle est dans mes environs, que je sens légère, vivante, malgré la prison qui entoure ma vie. Elle m’offre de la liberté, de l’évasion. En sa compagnie, je ne suis plus la jeune femme modèle étudiante en droit façonnée par ses parents. Elle est ma bulle d’oxygène au même titre que le sont mes dessins. Soulagée d’un poids, j’ose tenter d’en apprendre davantage sur elle. Une démarche inhabituelle, signe qu’elle n’est pas comme les autres, signes de l’intérêt que je lui porte. Je lui souris en découvrant ce qu’elle fait en dehors de son travail. C’était inattendu, mais non dénué de sens. Je comprends à travers ses déclarations que plus qu’être son métier, cuisiner est sa passion. « Pourquoi je trouverai ça pathétique ? Tu as le droit de faire ce que tu veux de ton temps libre. Le plus important est de faire ce que tu aimes. » Et nul doute qu’elle aime ce qu’elle fait. Son regard porte la lueur de l’enthousiasme, son sourire transpire la joie. Et si je peux probablement mettre en partie cela sur le dos de sa glace qu’elle engloutit avec gourmandise, ce serait réducteur. Dans le doute, je me permets de goûter l’échantillon de sucrerie tendu, capturant sa cuillère dans ma bouche en fixant ses opales. Si elle savait que j’avais déjà essayé tous les parfums du glacier, elle comprendrait sûrement la malice de mon geste, l’envie d’effectuer un rapprochement discret. Je reprends rapidement ma position alors qu’elle continue de se dévoiler. La cuisine ne régit pas complétement son existence. Le sport et son père font également partie de l’équation. Je soupire de dépit en repensant au dernier moment de complicité passé avec mon père. Ça remonte à si loin, à mon enfance, à une époque où je n’avais pas de pression sur les épaules, à une époque où j’étais heureuse. Je n’ai pas le temps de songer à la nostalgie. Comme prévu – craint – Alexis me retourne la question sur mes activités extrascolaires. « Je dessine. » Les mots tout juste prononcés, je le regrette déjà. Elle risque de me demander qui ou quoi. Je ne dois pas parler de ma passion taboue. Le dessin est inutile, futile, manque de prestige. Les paroles de mes parents ont été claires depuis toutes ces années. Pourtant, serrant mon sac à main de ma main de libre contre mon corps, mon artiste interne meurt d’envie d’en sortir mon bloc-notes et de lui montrer quelques-unes de mes œuvres. « Je te montre ce que je fais une fois ma glace terminée. » Je lui dois bien ça. Puis j’ai envie de lui ouvrir mon monde. J’ai envie qu’elle y pénètre plus profondément. Je ne le fais pas tout de suite pour ne pas prendre le risque de tâcher mes œuvres et donc de les abimer. Je m’en voudrai d’en gâcher une à cause d’un empressement. J’avale le restant de ma glace telle une affamée. La dernière bouchée de mon cornet croquée, j’essuie mes mains avec ma serviette. Mes mains propres, je fouille dans mon cabas. J’en extrais délicatement mon carnet. D’instinct, naturellement, je romps davantage la distance qui nous sépare, venant presque à se faire toucher nos cuisses. Je place mon cahier sur mes genoux, le feuilletant jusqu’à parvenir à la première page griffonnée. Me voilà à afficher un paysage de plage. Je m’y évade un instant, me revoyant au bord de l’étendue d’eau, les doux rayons du soleil tentant de brunir ma peau de porcelaine tandis que mon crayon capturait ce décor.

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Les évènement de cette nuit là, Alexis s'en souvient très bien. Du très bon comme du mauvais. Et elle avait principalement commencé par ce dernier. Un appel de Bianca complètement saoule met Alexis dans tous ses états. Elle lui demande de la rejoindre, de se plonger toutes les deux dans une nuit de débauche sans lendemain. Lui dit qu'elle lui manque. Le toupet ! Alexis s'énerve, elle marche sans regarder où elle va, elles s'engueulent au téléphone. A bout de nerfs, Alexis raccroche et s'effondre en sanglots contre la portière d'une voiture dans un parking, non loin de son travail. Elle se calme, suffisamment, pour ne pas effrayer la propriétaire du véhicule quand celle-ci vient le regagner. Et cette rencontre transforma définitivement cette nuit de cauchemar.

"Je sais que c'est idiot et que tu es sincère avec moi, mais tu sembles si épanouie et comblée dans ta vie." Elle se sent un peu inférieure quand il s'agit de se livrer sur ses passions face à Hope. Elle qui imagine l'étudiante avoir une vie palpitante, pleines d'expériences et de découvertes fantastiques. A parcourir la ville entourée d'une foule de personnalités plus fascinantes les unes que les autres et de croquer cette vie de toutes ses dents, qui au demeurant lui font un sourire magnifique. Des raisons en plus de ses études, que Alexis imaginent être les explications de sa disparition ces deux dernières semaines. "Tu sais que je ne t'en veux plus pour ta disparition. Mais la curiosité me ronge en ce moment. Tu penses que tu pourrais me raconter ce qui t'es arrivée ?" La question est un peu abrupte, mais elle se rend compte qu'elle ne pourra pas s'investir à fond dans ce rendez-vous improvisé, tant qu'elle n'aura pas évacué cette interrogation.

La réciproque semble évidente pour Alexis. Elle n'a pas cherché à être indiscrète juste une politesse de base pour elle dans son éducation. Mais derrière cette demande, elle est aussi très contente d'en apprendre plus sur la demoiselle. La réponse la surprend dans le bon sens. Elle ne s'attendait pas à une activité aussi créative et artistique. Alexis a toujours aimé les artistes. Leur don qui n'appartient qu'à eux de comprendre ce monde mieux que personne et en même temps cette particularité de ne jamais sembler en faire parti. Elle la regarde d'un nouveau jour et s'en trouve tout attendri. Elle se reprend cette fois en faisant un grand oui de la tête à la proposition de Hope de lui montrer ses dessins.

Elle termine elle aussi sa glace et se lève pour jeter son pot, le temps que Hope sorte son carnet à dessin. Elle se réinstalle près d'elle et comble le vide laisser par le décalage de la jeune femme. S'il y a bien une occasion pour entamer un rapprochement, c'est celui-ci et Alexis ne le manquera pour rien au monde. Leurs genoux se touchent, mais Alexis laisse l'espace entre leurs jambes, pour ne pas gêner les mouvements de Hope. Elle vient poser ses mains sur ses genoux, sinon elle risquerait d'avoir des gestes déplacés, une fois aussi proche d'elle.

Puis, elle se plonge dans le premier dessin que lui montre Hope. Elle ne s'attendait pas à cette qualité, la précision du trait, la profondeur de champ, tout la ravie. Du moins de sa faible expertise. Mais le résultat la bluffe au plus au point. "Hope, mince.. je l'adore !" Elle n'ose pas mettre les mains dessus, alors elle se contente juste de regarder. "Tu as beaucoup de talent. Raconte moi son histoire s'il te plaît. Où as tu trouvé ce paysage de rêves ?" Elle regarde les détails du dessin et alterne avec le visage de la brune. Mais celui-ci se cache derrière ses cheveux bruns, alors Alexis vient les replacer derrière son épaule. Elle ne cherche pas à le faire, mais ses doigts effleurent quand même l'arrière de sa nuque. C'est fini maintenant, sa concentration s'envole, elle arrête de faire attention aux dires de Hope ou aux traits des dessins. Ce sont d'autres traits qui l'intéressent en ce moment, notamment ceux délicats de son visage. Elle n'arrive plus à faire autre chose que de l'admirer en la fixant, dans un silence amoureux. Cette fois rien ne viendra interrompre ce spectacle qui la ravie.

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Loin de trouver sa vie pathétique, une partie de moi l’envie. Alexis a la chance de pouvoir vivre sa passion à fond, de s’épanouir dans ce qu’elle fait, là où je m’ennuie dans mes cours de droits, où je vis le chemin tracé par mes parents. De nous deux, en dépit de la différence de nos aisances financières, elle est plus heureuse que moi. Comme quoi les apparences sont souvent trompeuses. Elle ignore mes conditions de vie, que mon emploi du temps est surveillé, que mes fréquentations sont limitées, que je suis en quelque sorte une marionnette. Je ne lui ai jamais fait part de mon quotidien. Personne ne le connait vraiment. Je tais tout cela, je le cache derrière mes sourires, fataliste face à mon destin. Mais devant son interrogation, je n’ai d’autre choix que me dévoiler. Évidemment, il est hors de question de me plaindre, de cracher sur le comportement de mes parents. « J’étais punie et privée de sortie. » Voilà de quoi l’interloquer à mon âge, ce genre de chose arrivant plutôt à l’adolescence pour tenter de contenir la rébellion liée à cette période. « La faute à un mauvais résultat à un contrôle. » Je ne lui précise pas les circonstances en lui disant qu’un seize est mauvais pour les Chapman ou qu’il ne peut être considéré comme bon seulement s’il est la plus haute note du devoir. Je ne lui précise pas non plus la raison de ce raté : elle, et toutes les pensées qu’elle a fait naître dans mon esprit, les rêves fait en sa compagnie, la hantise de son doux visage. Je ne lui précise pas davantage les dessins réalisés en pensant à elle, les esquisses maladroites de sa silhouette, masquée au fond de mon bloc-notes. Je me contente de lui préciser ce qui m’anime en dehors des cours, de lui proposer de lui montrer un aperçu de mes compétences. Inconsciemment, l’envie de me rapprocher d’elle me motive, de sentir la délicate chaleur de son corps. Cette proximité emballe légèrement mon cœur qui accélère ses battements. Je ne crains pas son jugement de mon croquis. En fait, son avis m’importe peu en l’instant. L’important est dans cette faible distance qui nous sépare, dans ce délicat mouvement de sa main replaçant une mèche de mes cheveux, dans les frissons que ce contact me procure, dans la tendre chaleur brûlant dans mon ventre. Dans un sourire radieux, mes opales quittent ma feuille pour chercher les siennes. « C’est l’histoire d’une jeune femme qui avait besoin de se changer les idées en quittant les cours un soir. Elle a décidé d’aller se poser dans son refuge, dans ce coin isolé que personne ou presque ne fréquente pour se ressourcer avant de rentrer chez elle. Elle a capturé le paysage pour être certaine de ne pas l’oublier, pour le regarder et s’évader lorsqu’elle en éprouve le besoin. » Ma journée avait été particulièrement oppressante à l’université, à subir la drague insistante d’un garçon. Je désirais aussi récupérer de l’énergie afin de réussir à supporter ma grand-mère de passage à la villa et sa pression vis-à-vis de ma situation civile et de mon célibat. « Je peux pas te le dire, c’est mon coin de paradis secret... » Mon sourire se mue en rictus mutin. Je ne suis pas contre lui révéler l’endroit, j’en ai même terriblement envie, mais pas de manière orale. J’ai une idée bien plus audacieuse. « …mais si tu veux, je peux t’y amener et te le montrer. » Ce qui lui permettrait de découvrir ce paysage en direct. Ce qui nous permettrait surtout de nous isoler, de n’être que toutes les deux, à l’abri d’éventuelles oreilles indiscrètes ou encore de regards curieux, de nous retrouver dans une bulle propice aux confidences. « Et ce dès ce soir si tu es disponible. » J’ai du temps avant de devoir rentrer à mon domicile. Au pire, je suis prête à prendre le risque de rentrer en retard et d’être punie. Passer du temps avec Alexis vaut toutes les punitions du monde tant admirer sa bouille angélique est la meilleure récompense possible.

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A la seconde où ses mots quittent ses lèvres, elle regrette immédiatement sa question. Elle est sincère dans ses motivations, qu'elle estime être justes. Malgré son pardon accordé, la douleur des dernières semaines la hante encore. Qui plus est, elle ne croit pas que Hope lui en aurait parlé si elle n'avait pas demandé. Et mettre une réponse sur cette interrogation semble pour Alexis un moyen de tourner définitivement cette page de leur histoire, pour se concentrer sur la suite, et la nature dont elles ont envie de lui donner. Alors elle saute pas, non sans cette appréhension d'être rejetée. Alexis est incapable de savoir comment elle réagirait si Hope se fermerait à lui répondre. Heureusement pour Alexis, c'est une option qui ne se présente pas. Elle éclate de rire et manque de s'étouffer avec sa glace à la réponse de Hope. C'est pas qu'elle ne ressent pas la sincérité de ses paroles, mais ces dernières sont trop délirantes pour Alexis. "Arrête.. tu vas me faire mourir avec ma glace, à dire des bêtises pareils." Elle reprend son souffle après avoir utilisé sa serviette pour s'essuyer un peu le contour des lèvres. Elle repose son regard sur Hope qui réaffirme sa précédente réponse, en précisant que c'était à cause d'une mauvaise note. "Oh.. tu es sérieuse !" Alexis assimile la réponse, les tenants et aboutissants de tout ce que cela implique. Elle n'est pas la plus grande détective, ne trouve jamais le tueur avant le héros dans les films policiers, mais là, assembler les pièces du puzzle de l'histoire de Hope semble si simple. Le coupable ? Une autorité parentale écrasante et à la personnalité toxique. Alexis déteste instantanément Madame et Monsieur Charpman. "Tu ne peux pas être d'accord avec ça, si ? Enfin, je ne sais pas.. tu es une adulte. Tu dois savoir ce qui est bon pour réussir tes études, non ?" Alexis est hésitante dans ses propos, tout ça la submerge. Son père a toujours été un moteur plutôt qu'un frein dans son développement personnel, elle n'a jamais entrepris d'études supérieures. Alexis ignore donc ce qui est nécessaire de sacrifier pour les réussir.

L'électricité qui anime le corps de Hope quand Alexis ne fait que l'effleurer passe tout autant dans celui de la blonde. Elle aimerait avoir l'audace de prolonger voir d'appuyer davantage ce contact, mais comme déjà dit, tout ça est purement involontaire. Perdue dans les traits de son visage, elle revient à la réalité quand Hope commence à répondre à l'interrogation d'Alexis sur la genèse de ce dessin. Elle est soulagée de ne pas s'être fait prendre dans son absence. Elle devrait vraiment se calmer avant d'effrayer l'étudiante.

Malgré le sourire de Hope, pour Alexis cette histoire sonne si triste. Se retrouver seule sans personne avec qui partager un si beau paysage lui semble si injuste. A sa place, Alexis se sentirait très solitaire et esseulée. "Oh.. ma chérie. Je me sens si triste pour elle." dit-elle en reprenant le jeu de la troisième personne de Hope. Elle pose sa main sur son propre coeur, de peur que celui-ci ne tombe, après être déchirée par les paroles qu'elle entend. Elle aimerait lui apporter plus de réconfort, bien qu'elle n'imagine pas déjà lui en offrir tant. Alors elle a une idée pour montrer tout ce qu'elle est prête à faire pour apporter de l'aide à Hope. "Si jamais.. un tel soir devait se reproduire. Dis lui que si ce dessin ne lui apporte pas le réconfort nécessaire, ou que son endroit caché lui semble trop loin, elle en connaîtra maintenant un autre, tout aussi accueillant que celui-là." Le téléphone de Hope reçoit le message qu'Alexis vient de finir d'écrire devant elle. Elle peut y lire l'adresse de l'appartement d'Alexis.

Alexis réfléchit intensément à la proposition de Hope. Ce n'est pas qu'elle est ne veut pas prolonger cette nuit avec l'étudiante. Pour toute autre proposition elle n'aurait pas hésité une seconde, comme elle avait déjà pu le faire avec celle de la glace, puis du banc. Mais là, elle ne veut pas s'imposer. Elle a trop peur de gâcher cet endroit sacré pour Hope. Alexis n'a même pas imaginé qu'il serait accessible facilement, encore moins de nuit. "Dis moi que c'est quelque chose que tu as vraiment envie de partager avec moi, et je te dis oui. Parce que j'aimerais beaucoup y aller, et oui cela dès maintenant." répond-t-elle avec un immense sourire. "Je pense que je vous suivrais n'importe où, mademoiselle Charpman. Tant qu'on reste ensemble." Si la proposition de Hope tient toujours, alors elle attend impatiemment d'être emmenée jusqu'à cette plage.

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Si son rire fait office d’une berceuse à mes oreilles, mon visage n’affiche aucune satisfaction, joie, face à sa réaction. Il affiche le rouge de la honte tandis que mes yeux fixent mes pieds. Je regrette de m’être lancée dans cette confidence. J’aurais dû continuer de rester secrète, fuir ma situation. J’ai cru que je pouvais lui faire confiance, qu’elle était différente. Je me rends compte m’être trompée et elle me blesse en plein cœur. Ce que j’ai pu être naïve. Elle me rappelle qu’il est mauvais de m’ouvrir, que c’est donner des armes aux gens pour m’atteindre. Elle n’a pas entendu ma souffrance derrière cet aveu, vu la prison dorée qui m’entoure. L’espace d’un instant, je me dis qu’elle n’est qu’une personne comme les autres avec des traits angéliques, qu’il me faut m’en méfier, me refermer dans sa bulle. Mais je ne le peux pas. Elle possède la clé capable de déverrouiller ma carapace, de la fendre, avec son sourire. Je relève mon menton pour capter son regard. La brèche reste toutefois trop minime pour me livrer davantage. « C’est compliqué… » Et elle devra se contenter de cette réponse évasive. Je ne suis pas prête à lui exposer ma relation avec mes parents, leurs points de vue, leur manière de me façonner à leur image. Pour éviter toute tentative d’approfondissement du sujet, je dévie sur ma passion dessinatrice, sur mes croquis. Malgré tout, si elle lit entre mes lignes, en lui décrivant l’histoire de mon esquisse crayonnée, elle peut deviner une partie de ma situation. Elle ne m’offre aucune moquerie en l’entendant. Au contraire, son attitude est gorgée de respect et de compensation. Je n’en suis guère étonnée vis-à-vis de notre rencontre initiale. Elle aussi a des démons qui la rongent. Sur ce point, nous nous ressemblons énormément. Ceci explique certainement en partie notre entente. Le restant se trouvant dans la chaleureuse aura qu’elle dégage. A travers ses paroles, mon téléphone me signifiant la réception d’une notification via son caractéristique, je sais ce qu’elle vient de faire. La puissance de son geste me touche même si je doute avoir l’audace de me rendre chez elle de mon propre chef un jour. Maintenant, rien n’est figé. Je doutais tout autant être capable de lui proposer de lui montrer le paysage de mon œuvre. Alexis a cette capacité de me libérer de mes chaines. Certes provisoirement, mais ceci est un exploit que peu de personnes sont capables. En fait, pour résumer, elle est la deuxième apte à réaliser ce miracle après ma meilleure amie. Pourtant, derrière nous, il n’y a pas les années de fréquentations, la complicité construite au fil du temps. Il y a juste cette spontanéité, ces émotions nouvelles pour moi. « Je te le proposerai pas si j’en avais pas envie. » De tous mes défauts, l’hypocrisie ne fait pas partie la liste. Je me suis toujours refusée à tomber dans ce chaudron d’imposteurs en dépit des fréquentations de mes parents où chacun se caresse dans le sens du poil en direct avant de se casser du sucre sur le dos une fois de retour à son domicile. « Dans ce cas, je vous embarque Miss Jefferson. » Un large sourire accroché à mes lèvres, je remballe mes affaires. Bien que pressée, je prends soin de ranger mon carnet dans mon sac à main. Levée du banc, je saisis délicatement sa main pour l’inciter à m’imiter. En vérité, je désirais me délecter de la douceur de sa peau. Relâchant ma prise, j’ouvre la voie. J’entraine la blonde à ma voiture, un cabriolet rouge, un bolide de collection. Le genre d’engin idéal pour se pavaner et draguer. Elle n’est que le résultat d’un cadeau de mon père pour mes vingt ans. Installées à l’intérieur, je démarre mon bolide et je prends la route. Je reste silencieuse tout le long du trajet. Mon regard alterne entre le bitume et ma passagère. La plaisante vision me pousse à ralentir l’allure malgré la circulation fluide à cette heure. Je garde une vitesse raisonnable tout de même. Je ne tiens pas à paraître suspecte. Arrivées au parking le plus proche de de la zone convoitée, je me gare. « Il faut marcher un peu pour atteindre mon coin de paradis. » Un effort obligatoire pour s’y rendre. L’endroit est inaccessible en voiture. C’est certainement ce qui lui permet de conserver sa beauté, de ne pas se faire polluer. Descendus de mon véhicule, nous avançons vers la plage. A peine le sable foulé, je marque une pause et je me débarrasse de mes chaussures afin de profiter de cette agréable sensation de marcher dessus. Mes souliers entre mes doigts, je me risque à frôler les siens de ma main de libre en espérant qu’elle m’indique pouvoir les attraper. Mes pas nous guident lentement sous l’éclairage des étoiles et de la pleine lune. Je longe les vagues. De temps en temps, elles viennent mouiller et caresser mes chevilles.

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Là elle est décontenancée. Jamais elle n'aurait imaginé cette réponse de la part de Hope. Distraite par l'ambiance, les retrouvailles, le bon moment qu'elles partagent ensemble, elle se laisse aller à ses souvenirs de ces autres moments qu'elle a déjà partagé avec elle. Surtout beaucoup de rires, parce qu'Alexis aime rire et Hope.. oui Hope, la mignonne et timide Hope l'a fait beaucoup rire. Souvent sans le vouloir certes, mais ça n'en ait toujours pas moins craquant pour Alexis, qui se souvient en avoir eu les larmes aux yeux, devant la tendre maladresse de la jeune femme. Et c'est ce souvenir d'elles ensemble qui l'a fait une nouvelle fois encore, partir en un petit rire.

Et seigneur que de regrets. Le regard, la posture, la voix, tout exprime la douleur de la déception de Hope à l'égard d'Alexis. Elle sait qu'elle n'aurait pas dû, mais c'était incontrôlé, loin d'être volontaire.. je le jure votre honneur ! Mais c'est trop tard. Son imagination lui joue des tours. Est-elle en train de s'éloigner physiquement, ou le banc s'allonge par lui même ? Car elle a le sentiment d'avoir perdu le contact avec la brune, dans tous les sens du terme. Elle veut rattraper sa bourde, trouver les mots pour revenir en arrière, effacer les dernières secondes et cette distance qu'elle ressent. "Chérie non" Les premiers mots à sortir sont difficiles à prononcer, tant les sanglots l'étranglent devant la blessure qu'elle a ouverte chez sa colocataire de banc. Le petit surnom amicale plus qu'amoureux lui échappe. "Attends, Hope, je.. non, je m'excu.. je.." Les mots sortent saccadés, elle veut se dépêcher de trouver les bons, ce baume qui soignera le malentendu, mais il n'arrive pas et la fenêtre s'est déjà refermée. Elle baisse la tête et abdique face à la réponse qui tombe. Qui ne laisse plus de place au dialogue et referme cette conversation de manière brutale comme la lame d'un bourreau sur son coeur. "Très bien.. je comprends" lâche-t-elle à demi-voix. Elle se contente de détourner le regard, extirpant de son œil une larme qu'elle souhaite garder pour elle.

L'invitation est lancée. Hope souhaite réellement voir Alexis la suivre dans ce voyage nocturne. L'occasion renouvelée pour Alexis de constater que la brune tient là sa parole de passer du temps ensemble toutes les deux. Elle est soulagée quand Hope l'invite jusqu'à sa voiture. Le trajet sera plus agréable qu'en transport. Elle n'est pas perturbée par son bolide. Disons qu'elle va avec le packaging de ce que dégageait Hope lors de leur rencontre. Une jeune femme de la bourgeoisie gâtée par la famille. Elle se doute que ce n'est pas là une envie capricieuse de son amie, mais un cadeau, certes chouette, mais loin d'être désirée. Elle pourrait faire une remarque, saluée la belle couleur, la peinture flambant neuf ou le bruit du moteur qui vrombit facilement avec ses nombreux cylindres. Cependant, une angoisse surgit au moment de monter dans l'habitacle. Rien avoir avec la sécurité routière, elle se sent tellement en confiance avec Hope qu'elle se laisserait emmener n'importe où. Non plus avoir avec le fait de savoir comment elle rentrera chez elle quand leur escapade prendra fin, elle est trop accaparée par le moment présent pour se soucier du lendemain. Non, l'angoisse qui monte est familière, celle d'arriver dans le jardin secret de Hope, certes oui, mais sans avoir été à cent pour cent honnête avec elle. Une information manque à l'étudiante qui selon Alexis pourrait remettre en cause son envie de l'emmener dans son paradis. Elle voudrait dire quelque chose, mais le moteur démarré, la voiture se met immédiatement en mouvement.

Le voyage se fait dans le silence. Ou bien c'est Alexis qui n'entend pas Hope lui parler. Parce que tout montre chez elle un terrible malaise d'être ici, avec ce paysage de la ville illuminée qui lui brûle les neurones. Ou c'est son angoisse qui se manifeste par cette migraine naissante. Si mal, qu'elle navigue entre une position statique, le regard perdu dans un point fixe de l'intérieur de la voiture et un incontrôlable besoin de remuer sur son siège, comme s'il était recouvert de picots douloureux. Elle atterrit dans sa propre réalité au moment où la voiture se gare et que ce monstre de métal finit enfin par se taire. Elle prend une grande inspiration avant de sortir de la voiture, encouragée par la voix toujours réconfortante de Hope. Son sourire maintenant automatisée en compagnie de la brune, sert d'unique réponse à l'information qu'elles vont devoir marcher. Elle la suit jusqu'à la plage. La joie de Hope de fouler le sable contraste avec le nœud qui se noue dans l'estomac de la blonde. Son corps tremble, des frissons parcourent son corps sans relâche, malgré les pas qu'elle continue de faire dans les traces de sa guide. Une fois à l'écart de toute civilisation, c'en est devenu trop. Elle ne peut plus faire un seul pas, sa main glisse des doigts de Hope qu'elle n'avait même pas réalisé tenir. "Je peux pas faire ça. Je suis désolée. Je.. je dois te dire quelque chose avant qu'on y soit. S'il te plaît ne m'interromps pas, sinon je ne sais pas si j'aurais la force de le faire. Je peux pas te laisser m'emmener où tu te sens le mieux sur cette Terre sans te le dire. Je ne veux pas que tu te sentes prise au piège de ma déclaration, qu'elle te force à exprimer des sentiments qui ne sont peut-être pas les tiens, dans ce cadre romantique à souhait. Et que tu regrettes ensuite de m'avoir laissé entrer. Hope.. je" Ce n'est pas la première fois qu'elle révèle ça au monde, mais c'est pourtant la fois la plus difficile, tant la réaction de celle en face d'elle l'effraie. "J'aime les femmes ! Je suis gay, Hope !"

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Est-ce raisonnable de l’emmener dans mon coin de paradis après la déception vécue face à sa réaction vis-à-vis de ma disparation ? N’ai-je pas dit devoir me préserver, me protéger ? Mon attitude est en totale contradiction avec mon esprit. La faute à mon cœur troublé, perturbé, charmé. C’est lui qui décide, qui dicte mes choix concernant Alexis. Il se moque des éventuelles conséquences, du mal qu’il pourrait subir. Il ne veut pas y penser. Il ne peut pas y penser. Je ne le peux pas davantage. Je ne peux de toute façon plus reculer maintenant que nous sommes arrivées sur la plage. Je ne vais pas faire la girouette. Je ne vais pas plus me servir de l’excuse de la nuit. Je vais assumer mes paroles. Je vais me dévoiler un peu plus à elle, desserrer l’étau de l’emprise parentale. Un soulagement éphémère, dès demain, la vis sera de nouveau serrée et mes actions entravées. Demain est un autre jour. Je profite de l’instant présent, de la mélodie des vagues, de la tendre chaleur de ses doigts, de son aura angélique. J’en profite avant que la séparation ne me l’arrache. Ce moment ne sera pas éternel et il faudra bien que chacune de nous retourne chez elle à un moment donné. Maintenant, ce moment peut être éternel si le grave dans mon cœur. Ce ne serait pas impossible tant il pulse fort, tant il a de la place à revendre pour les souvenirs mémorables. Chaque pas nous rapproche de la révélation et imprime plus profondément la cuisinière dans mon myocarde. Tout est parfait jusqu’à ce qu’elle nous stoppe. Je l’interroge du regard. Je ne comprends pas. Entre nous, je suis la femme hésitante et elle la femme assurée. Fort heureusement, elle daigne m’offrir des explications. Les choses ne sont pas plus claires pour autant. En quoi serai-je piégée alors que je ne me sens jamais aussi libre que dans cet endroit ? Je suis confuse, mais je me tais comme demandée. Je me contente de tenir plus fort sa main pour la soutenir, pour lui indiquer être là. Ce n’est qu’à la fin de sa tirade que l’ombre se dissipe. Voilà où se situe sa crainte. Si seulement elle savait. Si elle savait que j’étais comme elle, à la différence notable que je ne le l’assume pas, que je le refoule. « Ça change rien au fait que je veux te montrer cet endroit. » Je ne l’ai pas invitée à un date. L’idée ne m’a pas traversée l’esprit. Je n’ai jamais envisagé cette éventualité. Je suis bien trop innocente pour ce genre de choses, bien trop maladroite. « Je t’apprécie pour ta personnalité, pour ce que tu dégages. Ton orientation sexuelle change pas mon opinion à ton égard. » Mais cela changera probablement mes rêves lubriques. Désormais, je les sais réalisables. Enfin, en toute relativité malgré tout. La savoir lesbienne ne me permet pas de croire en leur réalisation. Si j’ose dans mes songes, me risque à des projections charnelles, nul doute que l’appréhension et la peur me rattraperont le jour où je serai confronter à la réalité. « Je ne regrettai pas de te l’avoir montré, j’en suis certaine. Je regrettai peut-être de ne pas l’avoir fait plus tôt par contre. » Le temps passe vite. Et j’en ai tant perdu à lutter contre mes ressentiments. La lutte n’est pas terminée, mais au moins j’avance dans mes combats. Évidemment pas au point de lui révéler mon attrait de la gent féminine, mon attrait particulier de sa personne. La porte de mon placard est fermée à multiples tours et n’est près d’être déverrouillée. « Si tu le fais pas pour moi, fais-le au moins pour lui. » Je lève mes yeux au ciel, lui montrant de qui je parle. Lui, ce ciel étoilé qui nous baigne de sa douce lumière lunaire accompagnée de ses astres. Le paysage n’en sera que plus beau ainsi éclairé. Ma tête revient dans sa position initiale, mes opales plongées dans les siennes, pétillantes et suppliantes qu’elle reprenne la marche, qu’elle ne m’abandonne pas ici.

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Vingt-huit années. C'est la longévité de l'existence d'Alexis. Durant ce laps de temps, elle a eu l'occasion de vivre tout un tas d'expériences à propos de sa sexualité. A treize ans, elle se découvre une passion pour les corps féminins plutôt que ceux des garçons. Y a des signes qui ne trompent pas, quand on rêve d'emballer Peyton Sawyer plutôt que Lucas Scott, c'est souvent révélateur d'homosexualité.. ou d'une grosse fièvre ! Mais au vu des résultats virologiques, elle a du se rendre à l'évidence, elle est belle et bien gay. Puis quelques mois plus tard, elle fait son premier coming-out, à son père. Il ne le montre pas devant sa fille, mais quelque chose s'est perdu ce jour-là, un espoir sans doute, celui pour elle d'avoir une vie semblable à la majorité des enfants de son âge. Heureusement ses sentiments ne changent pas et il reste le père attentionné qu'il a toujours été depuis qu'ils sont deux. Là tout s'enchaîne très vite, les années comme les comings-out, si les premières sont plus ou moins difficiles selon les époques, les seconds se facilitent grandement au fil du nombre. Alexis gère ces discussions de mieux en mieux, elle connaît leurs questions et souffle les bonnes réponses, pour que le moment soit le plus rapide et le moins gênant pour tous. Sa meilleure amie, sa futur ex-femme, plus tard sa mère ou encore quelques connaissances de passage dans sa vie. Au cours de ses déclarations, elle se découvre également elle-même. Elle ne cachera pas son orientation, mais refusera toujours d'être uniquement définie par lui. Cela la pousse sans doute à quitter la ville pour aller travailler à San-Francisco. Une façon de dire à toutes ces personnes, eh regardez, je pars faire quelque chose de ma vie plutôt que simplement rester la fille aux cheveux de blés qui aime les nanas !

Aujourd'hui, les choses ont un peu évolué. Sa carrière là-bas ne lui a pas plu, son amour pour les femmes l'a conduit jusqu'à un divorce et ce soir faire un nouveau coming-out l'effraie un peu. Mais ce n'est pas avec n'importe qui, c'est pour Hope. Elle ne pense pas un seul instant que son amie pourrait la juger ou pire la repousser, elle sait toute la gentillesse qui la caractérise et ne doute pas de son ouverture d'esprit. Mais il n'y a pas que la personne qui rentre en ligne de compte, il y a aussi la situation. Hope s'apprête à lui ouvrir son jardin secret, on parle d'une plage, calmez-vous.. Un lieu romantique comme figurer sur le dessin qui les a menés dans tout ce périple. Un endroit propice aux déclarations enflammées, comme Alexis sait les faire. Et avec celle en face d'elle, les retrouvailles enchanteresses qu'elles vivent, et malgré les angoisses qui serraient encore il y a peu le coeur d'Alexis, elle pourrait se laisser tenter de faire. Mais elle ne doit pas, elle ne se sent pas en avoir le droit. Pas avant qu'Hope sache qu'elle fait partie des préférences d'Alexis, et qu'elle décide de poursuivre sciemment cette balade jusqu'à son coin de paradis. Alors elle lui déballe tout, dans un long monologue, forcé à être ainsi par l'obligation d'Alexis pour Hope de ne pas l'interrompre. Ses yeux se mouillent et brillent à la lueur de la lune, sans savoir si ce sont les embruns salés de l'océan qui piquent ses rétines ou ses déclarations. Elle manque de justesse d'éclater en sanglots, mais est rattrapé par une main dans la sienne. Elle s'y accroche et essuie ses yeux en écoutant les paroles qu'elle sait tout de suite aimer entendre. "Je sais que tu es ce genre de personne ouverte. Je n'ai jamais pensé le contraire de toi, je te promets." Elle ne veut pas une seconde qu'Hope pense l'inverse, elle a déjà blessé son amie une fois ce soir, cela est déjà une fois de trop selon elle. Alors elle se rapproche et prend sa deuxième main dans son autre à elle, serrant leurs bras refermés entre leurs poitrines. "Je suis contente de te l'avoir dit. J'aurais du depuis longtemps, mais comme tu sais, je n'ai pas pu." Comprendre : avec notre séparation, c'était compliqué à faire, mais sans le ton du reproche que cette phrase peut insinuer, le petit rire de fin venant le prouver. "Et c'est pour ça que tu dois pas t'en vouloir aussi de pas me l'avoir montré plus tôt. C'était juste pas possible, mais maintenant on y est, et Hope, ce ciel est magnifique, tout comme toi !" Malgré la nuit tombée, Alexis retrouve son aura solaire qui fait d'elle qui elle est vraiment. Elle détache ses mains et prend l'initiative d'avancer dans la direction initiale, emmenant son amie avec elle avec un bras passé autour de sa taille, une main pas si innocente, posée sur sa hanche. Maintenant qu'elle a été sincère, elle va pouvoir se lâcher. Attention, Alexis passe en mode séduction !

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Si j’étais lucide, j’aurais lu entre les lignes de son annonce. Pourquoi me dévoiler son orientation sexuelle maintenant si ce n’est pour m’envoyer un message ? Pour me signifier que je lui plais ? Maintenant, ce n’est pas plus mal de rester naïve, de ne pas comprendre. Cela m’empêche de prendre peur, de fuir. Puis c’est plus facile de considérer Alexis comme une simple amie même si mon cœur ne partage pas cet avis. En réfléchissant un minimum, je peux comprendre la raison de sa déclaration. Le paysage montré est romantique, laisse penser à un date déguisé. Une subtilité dont je suis incapable, mais que la cuisinière ignore. Je n’ai aucun plan hormis celui de lui révéler cet endroit inspirant. Je ne lui ai pas tendu un piège pour l’isoler à l’abri des regards, des oreilles indiscrètes, pour en profiter pour me lancer dans une déclaration d’amour ou encore l’embrasser. Je ne suis que dans la spontanéité. Tout comme elle l’est dans son attention, dans ses gestes. Je ne ressens aucun calcul dans son attitude, simplement de l’affection. Je serais plus coutumière des sentiments, peut-être que je sentirai que son comportement est trop tendre pour être purement amical, qu’elle est plus tactile que l’amitié ne l’exige, que je devrai la freiner. Comment la freiner alors que la pente sur laquelle elle m’entraine me fait autant de bien ? Pour ne pas manger le mur en pleine tête une fois arrivée en bas ? Peu m’importe me fracasser si c’est avec elle. Je suis convaincue qu’elle me soignerait en cas de besoin tant elle est empathique à mon égard. Je me contente de sourire face à son compliment qui conclut sa prise de parole. Je ne vois rien à ajouter. Et je trouve cet acte plus parlant que des mots. Cet aparté terminé, nous reprenons notre marche. Notre proximité est plus palpable que précédemment avec son bras enroulé autour de ma hanche. Elle est si proche que je ressens la chaleur de son corps traverser le tissu de ma robe. Cette sensation hérisse les fins poils de mes bras et me fait frissonner. Pour savourer au maximum l’instant, mes pas sont lents. Au bout de cinq minutes, nous arrivons à hauteur d’un énorme rocher d’une dizaine de mètres de haut. Un symbole apprécié des amoureux, habitués à graver le nom de leur moitié à la surface de la pierre. Nous avançons encore une centaine de mètres pour le franchir et nous retrouver au centre de ce coin de paradis. Je ne nous arrête pas de suite. Je la guide jusqu’à mon spot artistique, là où je m’assois et dégaine mon carnet et mon crayon pour capturer ce décor paradisiaque. Forcément, en pleine nuit, la vue est différente. Silencieuse, je scrute l’horizon éclairé par la pleine lune et les étoiles. Sur ce point-là, nous sommes toutes les deux en mode découverte. « Comment tu trouves l’endroit ? » Il est temps de lui demander son avis. J’ai conscience qu’elle ne peut pas se rendre compte de la beauté de la zone assombrie par le manteau nocturne. Je note de l’y ramener de jour pour qu’elle puisse se rendre mieux compte de pourquoi ce lieu me fait autant vibrer. Et je ne cache pas que tenir une occasion de passer du temps en sa compagnie est également un argument, le principal argument. « Tu sais si j’aime tant venir ici, c’est pas juste pour la vue, mais aussi pour la musique. » Je me détache de sa prise afin de venir me caler délicatement dans son dos. Inconsciente de ce que je risque de lui transmettre, toute naturellement, je viens plaquer ma poitrine contre ses omoplates. J’amène ensuite mes paumes sur ses paupières et les glissent lentement dessus pour l’inviter à les clore. « Ferme les yeux et écoute. » Le souffle de ma voix murmurante se faufile à son oreille. Je ne parle pas des battements de mon palpitant qui pulse fort dans ma cage thoracique. Je souhaite qu’elle se focalise sur la mélodie jouée par les vagues s’écrasant sur la falaise.

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La légère brise rafraîchissante de la nuit emporte avec elle la pression accumulée tout au long du trajet. Elle se sent d'une extrême légèreté, si bien qu'elle pourrait directement avouer son attirance manifeste pour l'étudiante. Mais elle sait qu'elle ne doit pas le faire, cela est trop tôt et elle ne veut pas gâcher la découverte que Hope lui propose, et après tout, elles ont toutes la nuit devant elles. Alors elle tente de s'agripper à du lest pour ne pas continuer à décoller et faire ce qu'il semble être pour elle qu'une erreur précipitée. Elle cherche quelque chose qui la fera garder les pieds sur Terre et bien qu'elle adorerait s'envoyer en l'air avec Hope, c'est bien la brune qui la retient de partir trop haut. Alors elle s'accroche à elle, une main sur sa hanche, ignorant les effets qu'elle provoque à l'autre. Ne l'aidant pas forcément à garder sa promesse à elle même de ne pas avouer les sentiments qui la submerge, depuis qu'elles se sont retrouvées. Car avoir été honnête sur sa préférence aux femmes ne signifie pas qu'elle veuille qu'Hope avoue sa réciproque. Cette dernière qu'Alexis ignore encore. Elle s'en doute fortement, elle a toujours su déceler les filles lesbiennes. Cependant chez Hope, un voile obscur entoure sa personne. Ou est-ce la peur d'Alexis de se tromper sur la brune, qui vient tout chambouler ? Ce n'est pas exclu ! Si bien qu'elle se contente seulement de continuer à marcher, toutes les deux maintenant très proches sous un ciel étoilé magnifique. Le chemin est long, mais la perspective du temps est complètement biaisée chez Alexis. Les quelques minutes de marche lui paraissent tellement plus courtes près de la chaleur de Hope. Elle sourit devant le gros rocher des amoureux, une main venant frôler les noms gravés dessus en passant. L'idée que la plupart de ces relations probablement éphémères ou maintenant terminées soient ici ancrées dans la pierre pour toujours, inspire à Alexis beaucoup de poésie. Elle n'ose pas poser un regard sur Hope, ne voulant pas qu'elle s'imagine vouloir imiter les autres graveurs de pierre. La confiance et la fougue de se montrer attirée par la brune semblent s'être affaiblies par les longues minutes de marche, laissant simplement place à l'envie de profiter de sa présence. Elles s'arrêtent et bien qu'Alexis a du mal à reconnaître l'endroit sur le dessin, elle devine qu'elles y sont arrivées par l'attitude de Hope. La façon dont elle fixe le ciel étoilé au loin est sans équivoque et ses paroles viennent confirmer ce qu'Alexis a déjà compris. "C'est loin !" aurait-elle aimé plaisanter, mais avec la présence de Hope, et l'idée qu'elles soient isolées du reste du monde, le cadre est trop parfait pour se contenter de cette blague potache. Imitant son compagnon de route, elle regarde au loin, mais scrute plus particulièrement les étoiles qui la fascinent plus que l'océan. Mais c'est normal, c'est propre à sa nature d'oiseau de la nuit. "Je comprends pourquoi tu l'aimes, c'est un décor apaisant et revigorant à la fois. Et en effet, très propice à l'art." Elle regarde à nouveau Hope quand elle prend la parole. Intriguée par cette dernière et l'attitude de la première. "C'est à dire.." La réponse vient immédiatement quand la demoiselle passe derrière elle. Alexis manque un battement de coeur quand elle sent une bonne partie de leurs corps entrées en contact, et ne fait rien pour perdre un centimètre de celui-ci, bien au contraire. Elle déglutie fort pour profiter de l'instant et ne pas se laisser emporter par ses sensations, elle veut rester la plus attentive à ce moment. Intensifié, quand Hope vient poser ses mains sur ses yeux. Instinctivement Alexis pose ses mains sur celles de Hope, qui recouvrent maintenant une partie de son visage. Elle ne peut retenir une forte expiration quand ses oreilles capturent les murmures envoutants lui demandant de juste écouter. Elle décide de lui faire confiance, il serait un peu tard pour faire machine arrière après tout, et se plonge dans ce que Hope appelle la musique de cet endroit. Si on lui demande, de son propre aveu, Alexis peine à se concentrer sur son ouïe, quand tous ses autres sens sont captivées par la jeune femme. Elle fait tout de même un effort pour Hope. "J'adore ! J'imagine toute la puissance de l'océan qui vient se fracasser sur les rochers imperturbables. Et ça me grise de frayeur de m'imaginer emportée par cette puissance." Maintenant que Hope lui a offert une grande partie des sensations de son jardin secret, Alexis prend la décision d'en faire pareil. Elle serre les doigts sur son visage et commence à les emmener avec les siens. "Je te promets de les garder fermés." Murmure-t-elle à son tour avec une forte conviction dans la voix. Et c'est ce qu'elle fait. Avec uniquement l'aide de sa perception de l'environnement elle guide les mains de Hope jusqu'à sa taille, l'incitant à l'enlacer. Tout en gardant ses yeux fermés, elle penche sa tête pour être en face de celle de Hope. "Moi aussi je voudrais te faire ressentir quelque chose, ferme les yeux à ton tour, s'il te plaît." Une fois fait, elle se tourne à nouveau vers l'avant et se serre un peu plus au corps de Hope. "Essaye de faire abstraction du lieu magique qui nous entoure, ne ressens que nous. Et ce qu'échangent et partagent nos deux personnes ainsi proches." En écoutant les conseils d'Alexis, Hope pourra aisément sentir ce que leur proximité provoque à la cuisinière, les petits tremblements dans ses mains, son coeur battre à presque rompre ou sa lourde respiration.

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Lentement, mais sûrement, je lui ouvre mon monde. Évidemment, je n’en suis pas à lui dévoiler ma situation familiale, mon aisance financière et le matérialisme qui en découle, et encore moins mon questionnement sur mon orientation sexuelle. Je ne tiens pas à ce qu’elle se sente inférieure à moi, à la faire fuir. Avec mon cabriolet et mes vêtements luxueux, elle a certainement deviné mon milieu social. Je ne veux pas qu’il crée de malaise entre nous. Si ce monde est le mien par ma naissance, je ne l’ai jamais complétement accepté. Je ne supporte pas l’hypocrisie qui y règne, la surenchère permanente, l’image qu’elle impose. A travers mon art, Alexis a tout le loisir de me découvrir dans ma plus pure sincérité. Non pas que je sois fausse en dehors, mais dans ce domaine, je suis complétement moi-même, heureuse et épanouie. Heureuse, je le suis aussi en sa compagnie. Davantage en cet instant où je la colle, où je peux me délecter de la tendre chaleur de son corps, du parfum enivrant de ses cheveux. L’apaisement m’enveloppe jusqu’à venir emballer mon cœur. En réponse, ses battements ralentissent, se calent sur le rythme des vagues, sur celui de son jumeau. Je crois que nos palpitants sont désormais en harmonie. C’est comme si nous ne faisions plus qu’une. Cette sensation m’est nouvelle, étrange, perturbante. Je n’ai pas les mots pour la décrire. En fait, je me refuse de les prononcer même uniquement dans ma tête. Si j’ai croisé quelques femmes capables de me troubler, aucune ne le fait autant qu’elle. Son aura me libère du poids qui écrase mes épaules. Je me sens légère, mes ailes enfin déployées, prête à explorer le véritable monde qui m’entoure. Je me découvre une force nouvelle, capable de démolir les falaises, de briser les murs de ma prison dorée. Une force relative qui disparaitra sûrement rapidement dès le contact rompu. Un moment que j’espère le plus lointain possible. La cuisinière le prolonge en tous cas. Lui faisant entièrement confiance, je lui obéis sans négocier. Être privée de ma vue m’oblige à me focaliser sur mes autres sens. Mon toucher est au paroxysme de sa sensibilité face à ses mains guidant les miennes sur son ventre. Mon ouïe n’entend plus la mélodie de l’océan, mais seulement les notes de sa voix voire les pulsations de son palpitant. Mon odorat capture son souffle chaud gorgé de ses émotions, allant les graver précautionneusement dans mon myocarde. Ma mise en position terminée, je tente de suivre son conseil. C’est plutôt facile étant donné que je suis concentrée sur elle depuis notre arrivée dans mon coin de paradis. Tout est merveilleux et m’irradie de sensations. Je resserre mes bras autour de taille comme pour chercher à fusionner nos êtres. Je me pose ma tête sur son épaule, la légère brise faisant virevolter ma chevelure soyeuse dans son cou ou sa joue. L’instant est magique, plus que n’importe lequel qui m’est été donné de vivre jusqu’ici. Et pourtant, je me décide à le briser. Je desserre progressivement mes doigts. Je les glisse sensuellement sur ses hanches. Je me détache de son dos avant de la retourner pour qu’elle me fasse face. Nos yeux ouverts, je plonge mon regard dans le sien, mes opales brillant telles des étoiles. Je ne parle pas. Enfin pas oralement, mes prunelles étant plus parlantes que des paroles. La bataille fait rage dans mon for intérieur entre ma raison et ma folie. Ma folie finit par gagner. Ma folie ne supporte plus cette torture mentale. Ma folie n’en peut plus du feu interne qui me consume. Le brasier est plus ardent qu’un volcan en éruption. Mes paumes toujours ancrées à ses flancs, ma tête se penche lentement, jusqu’au moment de la rencontre, jusqu’au moment où nos bouches entrent en collision dans un choc sourd, jusqu’au moment où nous pouvons savourer les saveurs respectives de vos lèvres. Bien que chaste, ce baiser m’électrise, hérisse les fins poils de mon épiderme. Mon cerveau déconnecte, s’envole dans une contrée inconnue. A tout moment, la réalité peut me rattraper et elle peut me repousser et/ou me mettre une baffe. Je ne saurai dire combien de temps à durer ce baiser volé avant de rouvrir mes paupières. Prise de conscience autant que de panique de mon geste, je me recule illico de quelques pas, rompant tout contact avec la blonde. « Je… Je… Pardon. Je… Je sais pas ce qui m’a pris. » Une tomate est sûrement moins rouge que mon visage tellement je suis gênée. Qu’est-ce que j’ai fait ? Je suis un monstre de l’avoir embrassée sans lui demander son autorisation, juste pour combler un désir égoïste. Et d’un côté, le délicieux goût de ses lippes sur mon palais, je me dis que si c’était à refaire, je le referai. Pour ma maigre défense, elle m’a mis dans un tel état de plénitude que je n’ai pas pu résister. Je crois même avoir entendu un appel en ce sens en provenance de son cœur.

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Embarquée dans le voyage émotionnel et sensoriel proposé par Hope, Alexis se laisse au début guider, elle aime ce sentiment de s'en remettre aux rênes d'une autre personne. Et avec Hope, la confiance qu'elle a en cette femme lui permet de totalement s'abandonner. Cependant, il arrive que les passagers aient aussi des envies de parcours divergents pour une même destination. Et là c'est exactement ce qu'Alexis entreprend. Emmener sa conductrice vers un nouvel horizon où elles pourront chacune se découvrir envers l'autre et peut-être envers elle-même également. C'est ainsi que leurs deux maigres silhouettes se fondent dans le décor nocturne de cette plage, ne laissant au loin que l'apparence d'une ombre légèrement plus épaisse que si elles étaient séparées. Alexis qui connait bien les sensations de son corps réagissant à celui d'une autre femme près d'elle, ne peut quand même pas rester de marbre. Au delà d'être celui de Hope, la fille qui accapare tout son esprit depuis maintenant quelques heures, il y a aussi le renouveau de ses sensations qui resurgissent. Comme un printemps fleuri qui pointe son nez après un rude hiver, dans l'imagination d'Alexis, cette image sied à merveilles à ce qu'elle voit chez la brune, les notes de fleurs de son parfum ou les reflets chocolat de sa chevelure lui font rêver à un bel après-midi de fin d'Avril. Sa rêverie laisse place à la réalité. La fraicheur de cette nuit d'été lui revient en même temps que les embruns de l'océan quand Hope décide de mener le cap vers un tout autre voyage. Ce dernier, Alexis ne l'attendait plus, mais dès le premier instant, elle sait où il va les mener toutes les deux. Cette fois, elle ne compte pas se laisser totalement guider, mais préfère participer activement à suivre le chemin qu'Hope balise pour elle. Face à elle, elle rouvre les yeux. Comme pour être certaine de bien réaliser ce qui se passe, d'être sûre qu'elle ne va pas une nouvelle fois se réveiller au milieu de sa cuisine au Diner, d'une absence involontaire de l'éveil qui l'a plongé ces dernières semaines dans un songe où elle espérait qu'Hope revienne la voir. Une fois cette réalité affirmée, elle prend pleinement conscience de la proximité des lèvres de l'étudiante qui ne fait que s'amoindrir des siennes. Ces lèvres qu'Alexis a observé plusieurs fois engloutir sa délicieuse tarte à la citrouille, oui celles-ci sont maintenant trop proches pour reculer. Et c'est là la dernière chose qu'Alexis a envie de faire. Elle s'aide encore de ses mains pour s'encourager à ne pas fuir, trop peur qu'Hope soit rattraper par sa propre réalité et ne décide de tout stopper au dernier instant. Se posant sur les hanches de la brune, elles remontent le long de son dos pour s'arrêter au niveau de ses omoplates, au moment où ses lèvres touchent celles de la brune. Le contact est bref, elles n'ont même pas le temps de partager une seconde fois les saveurs de leurs glaces dégustées précédemment dans la soirée. A peine le temps de fondre dans ses bras qu'Alexis les sent déjà s'éloigner d'elle. Elle rouvre les yeux à nouveau, ne s'étant même pas rendu compte les avoir fermé quand elles se sont embrassées. La distance qu'a mit Hope entre elles en cette fraction de seconde, déconcerte la blonde. Alexis tente de redescendre de sa montagne d'émotion, tentant de ne pas dégringoler complètement de la falaise. En temps normal, elle analyserait le comportement de Hope en une fraction de seconde, mais là, tout se chamboule tellement dans sa tête qu'elle a besoin d'une poignée de secondes, pour reprendre pleinement le contrôle de son esprit de raisonnement. Tu n'as fait qu'exprimer le désir de tes émotions, c'est tout. Elle reprend son souffle, consciente que ses prochains mots seront lourds de sens pour elles deux. "Cette émotion que je partage aussi, alors tu n'as pas à t'en faire pardonner, surement pas avec moi." Elle tente un pas vers elle, tendant une main espérant pouvoir serrer la sienne. Elle pourrait se jeter à son cou tellement ses émotions sont encore très chauds en ce moment, mais elle sait que c'est sa patience qui a permit à Hope de s'exprimer par leur baiser. "Et pour tout te dire, j'ai encore beaucoup de choses que je souhaiterais t'exprimer en ce moment. Pas toi ?" L'invite-t-elle à l'embrasser à nouveau, lui laissant la possibilité d'accepter, tout en espérant secrètement que l'expression de leurs émotions partagées sera cette fois beaucoup moins chaste !

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Quelle est donc cette folie qui m’a prise ? Qu’est-ce qui m’a poussé à perdre ainsi le contrôle ? Tant de questions se bousculent dans ma tête. Au point où elle est sur le point d’exploser. Troublée par ce baiser volé, je n’entends pas la douce voix d’Alexis. Je n’entends plus rien hormis les reproches de ma culpabilité. J’ai mal agi. Je me suis laissée emporter par mes désirs. Mon diable interne jubile de cette audace tandis que mon ange pleure. Moi, je suis dans un état intermédiaire tandis que je baisse mes yeux de honte. L’ambivalence de mes émotions me ronge. Le calme se confronte à l’angoisse. Les mots qui parviennent à mes oreilles ne m’aident guère à y voir plus clair. Ils ont le moins le méritent de redresser ma tête, de la regarder dans les yeux, d’affronter son jugement. Je ne fais pas prier pour saisir la main tendue. Sa tendre chaleur emballe mon palpitant. Il tambourine plus fort dans ma poitrine, la poignardant de battements puissants, mais apaisants. Telle une mère avec son enfant, elle me rassure et dédramatise la situation. Elle a la délicatesse de ne pas mentionner l’objet de mon réel trouble, à savoir ce baiser. Sa bienveillance est une bénédiction. Tout comme l’est son sublime regard. Je plonge dans l’océan de ses pupilles. La divine vue étire mes lèvres dans un timide sourire. Aucun son n’a quitté ma bouche depuis la furtive embrassade. C’est comme si je craignais de perdre la saveur de ses lippes en l’ouvrant. Leur goût est toujours présent. J’ai l’impression que je ne l’oublierai jamais, qu’il est incrusté sur mon palais pour l’éternité, gravé dans mon cœur. Me taire est également l’occasion de ne pas être maladroite, de ne pas refaire une bêtise. Ce silence pourrait être pesant, mes sourires détendent l’atmosphère. Ce langage veut plus que n’importe laquelle de mes paroles. Il témoigne de la quiétude qui revient progressivement, de mon appréciation de sa compagnie. Le bazar continue de régner dans mon esprit malgré tout.  Pourtant, je ne peux pas rester dans mon mutisme. « Cette émotion m’est nouvelle… » Jamais je n’ai ressenti de l’amour pour quelqu’un. Je ne suis même pas certaine que c’est ce que je ressens à son égard. Peut-être n’est-ce que de l’attirance ? Ou il m’est plus facile de penser ainsi et de nier la réalité ? « Elle me fait peur… » Je déteste ne pas avoir le contrôle. A ce niveau, je suis bien la fille de ma mère. Et à la fois, elle me rend heureuse cette émotion. Je n’ai pas le souvenir de m’être sentie aussi vivante qu’en l’instant. « J’ai peur… » Il est là mon véritable souci. J’ai peur de la blesser, de la perdre, de la réaction de mes parents. Mes peurs nouent mon estomac. Je me renferme progressivement dans ma bulle, dans ma carapace. Je resserre mes doigts sur les siens pour l’entrainer avec moi. Je ne veux pas être seule. Je ne veux pas qu’elle s’en aille. « Je sais pas. Je suis plus apte à exprimer grand-chose ce soir. » Mon cerveau est grillé. Mes capacités de réflexions réduites à néant. Il n’y a plus que mon instinct pour me guider. « A part ça… » Délicatement, sans quitter ses opales, j’amène sa main sur ma poitrine, la posant en-dessus de mon sein, au niveau de mon cœur. Elle peut l’entendre pulser contre ses doigts, battre fortement, se rendre compte de l’effet qu’elle me fait. Ce geste audacieux vaut mieux que n’importe laquelle de mes mots. A travers ce geste, je ne peux pas me tromper de vocabulaire, l’induire en erreur. Et je peux lui murmurer ce que je ressens au plus profond de moi sans parler : Je t’aime.