not alone ((hope))

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[flashback]

« hey, tu le trouves pas un peu bizarre le mec là-bas ? » regard lancé au-dessus du comptoir tandis qu'elle nettoyait les quelques tâches de café sur le sol, ellie se redresse. à cette heure-ci, le revolution roaster est presque désert ; ne demeurent que quelques âmes perdues dans leurs occupations. les visages sont familiers ; ce sont toujours les mêmes qui viennent, qui restent ; des habitués de ce moment et de ce calme en pleine après-midi. s'égarent parfois de nouveaux minois, que ce soit juste pour se poser quelques minutes, par simple curiosité, pour se réchauffer en cet automne naissant ou pour échapper aux gouttes de pluie qui ne préviennent jamais. et cet homme, remarqué quelques minutes plus tôt par son collègue, semble aujourd'hui faire partie du lot d'inconnus quotidiens. —

il est assis sur une table, dans un coin, son chapeau masquant ses yeux. le bas de son visage est fatigué, ridé et il ne bouge pas, ne dit pas un seul mot. les coudes maintenant posés sur le comptoir, ellie hausse un sourcil et scrute cet homme, à la recherche de la moindre information lui permettant peut-être de comprendre ce qu'il fait là, sans un café ou une quelconque commande devant lui. « c'est vrai qu'il a l'air un peu perdu... peut-être que tu devrais aller le voir ? » « c'est déjà fait mais il m'a juste dit qu'il se reposait. » « hm. » « peut-être qu'il a envie que ce soit une femme qui s'occupe de lui ? » regard lancé sur son collègue qui ne cesse d'hausser les sourcils, comme un hommage rendu aux plus grands beaufs ; ellie s'approche de lui, la lèvre inférieure coincée entre ses dents, pour déposer non sans délicatesse son poing contre l'épaule de celui qui lui fait face.  « aïe » « ça t'apprendra à dire des conneries ! » —

le carillon brise le silence quand un nouveau visage passe les portes du café ; une jeune femme qu'ellie accueille avec un sourire. tout en servant d'autres clients, elle l'observe.
un carnet débordant de feuilles entre les mains, l'inconnue s'assoit à une table, faisant de ce petit espace son nouvel atelier. et, tandis qu'ellie se dirige vers elle pour prendre une possible commande, le vieil homme se lève d'un pas décidé et s'empresse de la devancer pour flâner vers cette même jeune femme, un rictus des plus angoissants au coin des lèvres. ellie recule, s'interrogeant en même temps sur une possible connaissance entre eux, et observe la scène sans dire un mot, simplement sur ses gardes, prête à intervenir si jamais cet homme mystérieux se révélait être plus qu'un simple vieillard fatigué.

       

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Je fais face à la bâtisse depuis cinq minutes. Je n’ai toujours pas osé y entrer. J’appréhende trop de retomber sur cet homme de la veille. Un quinquagénaire à en croire ses cheveux bruns virant au poivre et sel, un dragueur surtout, enfin un prédateur à mes yeux tant son sourire était carnassier. Si je reconnais ne pas être la femme la plus à l’aise face à la gent masculine, j’ai été particulièrement apeurée face à  cet individu. Tellement apeurée que je suis repartie du bar à peine installée, sans me délecter du délicieux chocolat chaud convoité, remballant mes dessins à la va-vite déversés sur ma table. Et en parlant de dessins, telle est la raison de mon retour ici. Une fois chez moi, désireuse de les ranger correctement, je me suis aperçue qu’il m’en manquait un. Et pas n’importe lequel, celui réalisé à la plage, lors d’une promenade avec Alexis. Ayant fouillé mon bloc-notes et mon sac à main une dizaine de fois, j’en ai conclu que je l’avais égaré avant de me souvenir de mon passage furtif au Revolution Roasters. Dans la précipitation de mon départ, je l’ai éventuellement fait tomber par terre. Maintenant, si j’ai vu juste, rien ne me dit qu’il n’a pas été ramassé et jeté vulgairement à la poubelle. Je me dois de le vérifier, cette œuvre possède une valeur sentimentale inestimable. La boule du stress au ventre, je prends mon courage à deux mains, et je pousse la porte de l’établissement. Une fois à l’intérieur, je balaye rapidement l’espace. Un soupir de soulagement s’échappe de mes lèvres en découvrant l’absence de l’individu de la veille. Par contre, je remarque également l’absence de feuille proche de la table où j’étais assise. Ça aurait été trop simple. Cependant l’espoir n’est pas perdu. Il a peut-être été récupéré par une serveuse et mis de côté. Scrutant le comptoir, je reconnais le faciès de la brunette qui se trouve derrière. Elle était sur le point de prendre ma commande hier avant que le comportement de cet homme ne me fasse fuir. Je m’avance vers elle d’une marche pressée, ma silhouette enveloppée de ma longue robe blanche à manche longues et d’un gilet couleur saumon traversant la salle. J’ignore le tabouret de libre et opte pour rester debout, mes lèvres s’étirant en un sourire lumineux. « Bonjour, je voudrai un chocolat chaud s’il vous plait. » Je ne vais pas mettre les pieds dans le plat tout de suite. En plus, j’ai réellement envie de me régaler de cette boisson, un breuvage qui me rappelle mon enfance avec ma nourrice, idéal pour affronter la fraîcheur de l’automne qui s’empare peu à peu de la ville. « Et je voudrai vous demander quelque chose… » Elle peut sentir ma gêne dans ma voix, mes joues se teintant sûrement d’un rouge pâle pour l’accentuer. « Je sais pas si vous vous souvenez de moi… Je suis venue hier… J’avais plein de dessins avec moi… Et j’en ai perdu un… Je me disais que peut-être vous l’aviez vu ? » Je lie mes mains sur le zinc. Je suis vraiment ridicule dans les relations humaines. Je vais avoir l’air maligne quand je serai avocate, mais c'est un autre sujet.      

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[flashback]

sans qu’elle ne puisse dire un mot, ellie assiste à la scène ; la nouvelle venue qui s’échappe aussi vite qu’elle est arrivée, poussée par ce vieillard détestable aux envies particulières et sinistres. elle observe, impuissante, l'innocence détaler face à l'adversité, laissant derrière elle une feuille marquée de plusieurs formes et couleurs qu'ellie s'empresse de ramasser en observant la perversité quitter les lieux à son tour, sans un mot, un au revoir.  

[fin du flashback]

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elle secoue la tête, se débarrassant de ces souvenirs de la veille pour laisser place au présent. machinalement, elle effectue la même danse ; saluer, sourire, servir, encaisser, remercier. souvent, la fatigue prend le dessus, poussée par ces nuits passées à réfléchir sur ses sentiments, ses envies, à penser à lui sans jamais réussir à se débarrasser de son visage, à s'amuser avec laurel sans jamais poser les yeux sur l'heure qui défile ; regrettant instantanément les heures de sommeil qui s'envolent doucement. et pourtant, elle n'échangerait sa place pour rien au monde, bercée par ce quotidien qu'elle affectionne, auquel elle s'est habituée ; attachée à cette vie aux journées improbables, délectables, qui ne se ressemblent jamais et qui lui permettent d'apprécier chaque bouffée d'air comme si celle-ci pouvait être la dernière. — 

interpellée, ellie relève la tête. mirettes qui se souviennent de ce visage familier ; sourire qui se dessine lentement avant d'entamer la commande. « bonjour, je vous prépare ça de suite. » l'odeur de chocolat chaud se diffuse, la fumée s'échappe du gobelet tandis qu'ellie pose le contenant brûlant sur le comptoir. « je me souviens très bien de vous... excusez-moi deux petites secondes, je vais chercher votre dessin. » elle s'échappe, flânant entre ses collègues pour rejoindre son casier où repose entre de multiples affaires l'art convoité soigneusement déposé de sorte à ce qu'il ne s'abîme pas ; sur le retour, ellie observe de nouveau ces traits, ces couleurs, cette histoire racontée, déposée sur ce papier autrefois blanchâtre, maintenant fleurit de multiples inspirations, décors ; témoins du talent de cette inconnue. —

« tenez... j'ai fais mon maximum pour qu'il ne soit pas abîmé. » souffle t-elle, tandis qu'elle dépose le dessin entre les mains de la jeune femme. « je ne voudrais pas être indiscrète, mais... est-ce que vous allez bien par rapport à hier ? je suis désolée de ne pas être intervenue, j'ai été un peu prise... de court... » le regard désolé, ellie reste silencieuse, laissant les secondes s'écouler avant de prendre une grande inspiration. « je vous offre le chocolat chaud, ce n'est pas grand-chose, mais j'espère que ça vous réconfortera un peu... » nul ne devrait subir les envies néfastes de ces hommes ou de ces femmes incapables de laisser leurs hormones enfouies et préférant importuner d'une manière ou d'une autre celles et ceux qui n'ont jamais rien demandé et qui étaient, malheureusement, juste de passage devant leurs yeux, au mauvais endroit, au mauvais moment. « je n'ai pas pu m'empêcher de contempler votre dessin... j'ai beau ne pas m'y connaitre plus que ça en art, j'ai adoré l'harmonie entre les couleurs et la douceur qui se dégage, vous avez du talent c'est indéniable. »

       

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Quelle est la probabilité qu’elle puisse m’aider ? Je ne suis en rien sûre d’avoir perdu mon dessin ici. Quand bien même ce sera le cas, il n’est pas forcément en état d’être récupéré. Si cette femme aime autant l’art que mes parents et qu’elle est tombée sur ma feuille griffonnée, nul doute qu’elle l’a jetée à la poubelle en l’ayant éventuellement mis en boule au préalable. Au pire, je me consolerai avec mon chocolat chaud. Si je tiens à ce dessin, le plus important n’est pas le souvenir imprimé sur le morceau de papier, mais celui gravé dans mon cœur en le réalisant. Cependant, à l’annonce de la serveuse, mon visage ne peut s’empêcher de s’illuminer. J’ai retrouvé mon œuvre. Et même si ma joie sera peut-être balayée en découvrant dans quel état, j’ai hâte qu’elle me le remette. Les quelques minutes de son absence n’ont rarement été aussi longues. Les doux effluves de ma boisson ne suffisent pas à apaiser mon stress. Seul le retour de la brune me tendant mon croquis dénoue la boule présente dans mon estomac. Mes yeux parcourent le papier de part en part. Tout semble comme avant à l’exception d’un coin replié. Un accro acceptable à la vue de l’épreuve traversée. Surtout qu’il ne gâche pas le contenu principal. « Merci beaucoup. » Mon regard appuie mes mots, tellement je suis ravie. Sur le point de sortir mon carnet pour le ranger et m’assurer de ne pas l’oublier une nouvelle fois, la barmaid m’interroge sur l’incident de la veille. « Ça va. Je sais pas ce que cet homme voulait, mais il n’a pas été jusqu’à me suivre dans les rues. » Un léger rictus étire mes lèvres. Si j’ai voulu plaisanter, cette situation aurait été plutôt alarmante en vérité. « C’est plus à moi de vous offrir un verre pour avoir sauvé mon dessin de la tragédie de la destruction. » Surtout qu’elle n’a rien à se reprocher. Tout a été si vite qu’elle n’a pas eu le temps de prononcer le moindre mot avant que je ne sois à l’extérieur du bar. Je note tout de même qu’elle serait intervenue au besoin. Ce qui est agréable à entendre, l’altruisme n’est pas encore totalement dominer par l’égoïsme dans ce monde. Je note également qu’elle s’est montrée curieuse. Je ne peux lui en vouloir bien que contempler mon dessin équivaut à avoir contemplé une partie de mon âme. A sa place, j’en aurais fait de même. Mes lippes forment un franc sourire tant je suis touchée par son compliment que je n’imagine que sincère. « Merci. » Je ne vois pas dire d’autre. Je ne suis pas réputée pour mes bavardages. Alors que je range précautionneusement mon dessin, une idée me traverse l’esprit pour mieux la remercier. Je sors mon bloc-notes de mon sac à main. Je le pose sur le comptoir de manière à ce qu’il soit dans son sens de lecture. « Tenez, je vous laisse voir davantage ce que je fais. Choisissez un dessin parmi tous, je vous l’offre. » Hormis évidemment celui qu’elle vient de me rendre. Celui-ci m’est trop précieux pour m’en séparer.