keep me up all night (levi)
Bien que sa sortie remontait déjà à quelques semaines, l’impression de n’avoir été déchargé de l'hôpital qu’hier, persistait. La sensation de son réveil lui picotait encore le corps, éloignant parfois ces derniers mois d’efforts, où son quotidien n’avait tourné qu’autour de la récupération de sa mobilité.
Le sommeil était devenu partie intégrante de sa vie, lui qui avait, par le passé, dû régulièrement se gaver de somnifères pour tomber dans les bras de morphée, un certain sentiment de culpabilité l’empêchant jadis d’y trouver le repos nécessaire. Au début, la frustration avait joué sur son moral, la tête brûlée ne supportant pas de s’écrouler à peine le soleil couché, ni de s’épuiser à la moindre promenade ou à la moindre tâche légèrement physique. Mais la main tendue de son gardien, son meilleur ami, lui avait permis de rebondir et d’essayer, encore et encore, toujours un peu plus, chaque jour. Ce dernier avait parfois joué le rôle d’infirmier personnel, presque de kinésithérapeute, faisant bosser ses articulations à l’aide d'exercices réguliers, mais aussi de véritable cuisinier, s’assurant que son invité recevait la dose de protéines propices à son rétablissement. Alors, lorsqu’il s’était senti bien plus en forme, quasiment indépendant, Soobin avait tenté de renvoyer l’ascenseur, d’abord en effectuant un bon coup de ménage au sein de l’appartement puis, en offrant ses services au sein du Brews & Blooms, acceptant de se cantonner à un simple mi-temps pour commencer. Et même s’il flanchait parfois, victime de failles, de maux et de flashs violents accompagnés de miettes de souvenirs, il préférait toujours s’isoler aux toilettes quelques minutes, le temps de reprendre ses esprits, afin de toujours offrir son sourire le plus communicatif à son acolyte, sans éveiller les soupçons.
Ce soir, les deux amis s’étaient séparés, l’un préférant le confort de l’appartement tandis que l’autre ressentait le besoin de sortir de cette routine un peu trop médicalisée. S’il ronchonnait d’avoir été laissé seul, dévorant ses nouilles devant une émission de téléréalité ridicule, Soobin ne pouvait que comprendre les motivations de son hôte. Levi s’oubliait depuis quelques mois, n’étant parfois plus que l’ombre de lui-même. Alors, même s’il se polluait les méninges en l’imaginant bien accompagné, occupé à refaire le monde, une bière à la main, le trentenaire décida de se coucher à l’heure des enfants, espérant chasser ces pensées parasites de son esprit. Ce n’était pas son rôle de s’inquiéter des fréquentations de son patron, il l’avait déjà bien assez fait par le passé, se rappelant clairement avoir été du genre à repousser de potentiels ajouts plutôt que d’accepter de partager et d’agrandir la bande qu'ils formaient à l'époque du collège.
Un bruit de ferraille contre la porte d’entrée le fit sursauter et sortir de sa somnolence. Quelque chose semblait buter contre la serrure, rayant le bois, forçant presque le verrou. Comme d’habitude, il s’était assoupi en regardant des vidéos, encore un peu fasciné par les avancées technologiques qu’il redécouvrait depuis son accident, tout en profitant du confort de l’unique lit de l’habitation, gentiment cédé le temps de sa convalescence. Grattouillant ses yeux pour tenter de se repérer dans la pénombre de la chambre, Soobin tâtonna le matelas pour trouver son téléphone, s’inquiétant de l’heure, lorsque la porte céda. Un bruit de pas, lourd, résonna dans l’entrée, bousculant un meuble, faisant même tomber un miroir sur le sol et face à ce boucan, il préféra couper sa respiration, tendre l’oreille, soudainement inquiet, persuadé qu’un voleur venait de pénétrer les lieux.
ALERTE ROUGE, envoya-t-il comme message de détresse à son ami.
Je crois qu’il y a un mec dans l’appart. Il y a une arme cachée dans la chambre ?
Mais la réponse se faisant trop lente à son goût, l'homme s'extirpa du lit à tâtons, et muni de sa lampe torche, il commença à fouiller la pièce. Un rien pouvait convenir, qu’il s’agisse du stéréotype d’une batte de baseball ou même d’une lampe torche en porcelaine, tant qu’il pouvait assommer son assaillant.
Bien trop rapidement à son goût, les pas s'approchèrent de la pièce, alors, simplement vêtu de son caleçon, Soobin se glissa contre le mur, priant pour que l’effet de surprise fonctionne à son avantage, sans savoir s’il avait suffisamment récupéré de ses capacités physiques pour affronter un cambrioleur. Il s’était certes battu par le passé, étant du genre à utiliser ses poings plutôt que sa répartie à l’époque du lycée, mais cela faisait apparemment un moment qu’il n’avait pas pratiqué de sport de combat. Qu’avait-il donc bien fait de son corps durant ces quinze dernières années ? S’était-il contenté de s’enfermer derrière un bureau, oubliant totalement son besoin de se défouler ?
Tandis que l’ancien avocat tentait de se rappeler de prises et de techniques, la porte coulissa, dévoilant l’ombre menaçante d’un homme relativement grand. Il ne fallut que quelques secondes pour que la suite des événements ne montent crescendo : dans un élan de courage, Soobin pivota pour asséner un chassé dans l’abdomen de l’inconnu, le propulsant immédiatement au sol. Au moins, il n'avait pas oublié les bases : la surprise et la puissance.
“Levi ? S’exclama-t-il en reconnaissant le ricanement que laissa échapper le malfaiteur, entre douleur et amusement. Tu m’as fait trop peur putain, c’était quoi ce bordel ?”
Le souffle court, le brun baissa sa garde, relâchant ses poings, pour se précipiter vers son ainé, confus. Il avait agi comme un gamin, laissant la peur l'emporter, loin de faire preuve de rationalité, sans prendre en considération que maintenant, il possédait la force d’un homme et non plus la vigueur d'un gamin.
“T’es blessé ? Gwaenchanh-a* ?”
*tout va bien
Le besoin de prendre ses distances ne se sera jamais fait autant ressentir. De s’évader, le temps d’une soirée, pour remettre de l’ordre dans ses idées. Prendre le temps de réfléchir, rationnellement pour une fois.
Soobin qui est aussi bien différent depuis son réveil. Et ça le déroute, Levi, qui perd l'amant cruel pour retrouver un meilleur ami bien naïf et innocent, loin de ce qu'il était avant. Il a du mal à savoir comment se comporter. A du mal à gérer le maelstrom d'émotions qui menacent de l'engloutir tout entier. La culpabilité, étant la plus présente, suffocante. Il s'en veut de beaucoup de choses, Levi, rongé par les regrets. L'fiel dégueulé au téléphone avec pour but de l'atteindre à beaucoup trop bien marché. Il n'a pas répondu aux appels, se doutant des insultes horribles qu'il allait entendre. Et les deux premiers messages laissés sur son répondeur étaient exactement comme il le redoutait. Excepté le troisième, arrivé une heure plus tard. Il peut sentir une boule se former dans sa gorge alors qu'il se remémore ce qu'il a ressenti la première fois. La panique et le désespoir à la réalisation d'écouter les derniers mots de l'être aimé et détesté à la fois, sur le point de lâcher son dernier soupir. Il a cru mourir à ce moment. En souffre encore. Si ça s'est calmé depuis son réveil, il se souvient encore des nombreux réveils en sursaut, de cette peur glaçante qui le poussait à aller à son chevet et s'assurer qu'il était toujours bien là. Vivant. Il l'a supplié, trop de fois pour les compter. De ne pas le laisser seul, de revenir à lui. De lui pardonner et qu'il l'aimait aussi. Tout ce qu'il ne lui avait jamais dit, dans l'espoir que ses mots déclenchent un miracle.
Et puis c'est arrivé. Mais c'est là que sa tragédie à lui commence, car de souvenirs de leurs moments, il n'en garde que les premières années. Les meilleures, probablement, mais pas ceux espérés. Et c'est comme si son cœur s'était brisé une énième fois. Il ne sait pas comment il a tenu bon. Il a écrasé tout ce qu'il pouvait bien ressentir pour être présent et l'aider du mieux qu'il pouvait. L'angoisse d'avoir failli le perdre le rendant plus protecteur, plus
Il est dans une sacrée merde, encore, pas vrai ?
Les yeux plissés en deux fentes, il peine à mettre la clé dans la serrure. Il s'est emmêlé les pinceaux dans les escaliers, a fait tomber deux fois son trousseau de clé. Il galère, mais en rigole au moins. Il peut sentir son téléphone vibrer dans sa poche mais au même moment il parvient à ouvrir la porte.
Le regard déformé par la panique, le trentenaire réalisait l'étendue de sa connerie. Il était évident qu’il aurait dû reconnaître les bruits caractéristiques de son colocataire peinant à retrouver le domicile, il aurait dû associer ce brouhaha à ses pas hésitants, mais il avait préféré s’emballer et réprimer totalement sa logique.
Confus, il tentait de se rattraper en examinant sa victime dans la pénombre, prenant son visage entre ses mains comme pour lui faire réaliser la violence de l’impact. Levi, en revanche, ne semblait pas choqué pour le moins du monde, presque amusé par l’efficacité de celui qui était encore en fauteuil roulant quelques mois auparavant.
“J’ai paniqué, j’suis désolé, répétait-il en s’attendant presque à un sermon, loin de réaliser qu’il n’était plus le gamin que ses parents pouvaient rabrouer. J’suis vraiment trop con, pesta-t-il.”
Il attrapa sa main pour l’aider à se redresser, sans pour autant réaliser l’état d’ébriété de son ami et sous son poids, recula jusqu’au mur. Levi n’était plus qu’à quelques centimètres, son long manteau frôlant les cuisses nues du plus jeune.
“J’vais enfiler un truc, proposa-t-il à voix basse, comme si la situation imposait tout à coup d’être discrets, sans réussir à bouger pour autant.”
L’incompréhension se lisait sur son visage face à cette soudaine intimité, incapable de déchiffrer les intentions de ce Levi alcoolisé, qui laissait traîner ses prunelles et ses doigts sur un Soobin, confus.
Soudainement, leurs lèvres se rencontrèrent, humides et chaudes, dans un baiser presque exigeant. Le grand brun se crispa à la sensation de sa bouche sur la sienne, mêlée à l’odeur de l’alcool, agissant comme un pantin, une marionnette désarticulée, incapable de réagir. Il ne pouvait ni le repousser, ni le lui rendre : ce n’était tout simplement pas ce que faisaient les meilleurs amis. Pourtant, ses paupières s'alourdirent sous l’agréable sensation qui lui picotait le bas-ventre et il sembla accepter ce rapprochement, comme s’il lui devait bien. Après tout, Levi s’était si bien occupé de lui ces derniers mois, il ne pouvait pas lui refuser un petit écart. Seulement, à peine avait-il clos les yeux qu'il était pris d’une douleur à la tête. Les images, les sons, les paroles et les sensations l’assaillirent, s'enchaînant à un rythme effréné devant ses pupilles. Il se voyait alors dans une chambre d’hôtel, détendu, confortablement installé sur le bord d’un lit, constatant que Levi couvrait son torse de dangereux baisers qui s’aventuraient de plus en plus bas. Puis, c’était une autre vision qui prenait place, toujours en sa compagnie, dans la pénombre d’une séance au cinéma où cette fois-ci, c’était leurs lèvres qui se rencontraient plutôt que de prêter attention au film. Mais était-ce seulement une rêverie, plutôt un fantasme ou bel et bien des souvenirs ?
“Arrête, souffla-t-il en reprenant peu à peu ses esprits, dans une plainte qui exprimait seulement son désarroi.”
Pendant que son esprit s’était délecté de ces bribes d’informations qu’il ne pouvait obtenir qu’au compte-gouttes, véritable esclave des humeurs de son cerveau, Soobin ne s’était pas rendu compte qu’il avait été l’auteur de l’escalade de cette situation. Il avait, malgré lui, pimenté ce baiser d’un mordillement, emprisonnant la lèvre inférieure de son logeur entre ses incisives à de multiples reprises. Ses mains n’étaient pas non plus restées sages puisqu’il se rendit compte qu’elles avaient déjà commencé à défaire le bouton et la braguette du pantalon de Levi, dans un semblant de vieille habitude qui revenait au galop.
Décontenancé, Soobin s’arrêta net alors que sa main s’apprêtait à visiter le caleçon du patron de café, visiblement perturbé par ses propres actions. Il profita de leur besoin naturel de reprendre leur respiration pour se défaire de l’emprise de son meilleur ami, fuyant dans la chambre comme s’il ne s’était rien passé.
“Il faut… Il faut qu’on te soigne, annonça-t-il après s’être éclairci la voix, incapable d’ajouter un mot de plus.”
Le dos tourné, l’ancien avocat laissa ses doigts glisser sur ses propres lèvres, dans un besoin d’effacer la sensation de la bouche de Levi sur la sienne. Il alluma la lampe de chevet, instaurant une ambiance tamisée dans le but de trouver la petite trousse à pharmacie, persuadé qu’un gel anti-inflammatoire devait être appliqué sur le torse de son aîné, suite à l’impact de son pied. Le trentenaire tapota le lit pour lui indiquer de s’y installer, prenant néanmoins soin d’éviter son regard.
“Laisse-moi au moins vérifier, pour me rassurer, s’il te plaît.”
Mais lorsqu’il se tourna enfin vers son ami, réalisant qu’il n’avait pas bougé du couloir, Soobin senti un frisson le parcourir. Le regard brûlant et la bouche entrouverte, Levi n’avait pas même tenté de se rhabiller, assumant totalement ce pantalon à moitié baissé. Et rien qu’à cette vision, le boxer de Soobin se trouva un peu trop étroit à son goût. Il décida rapidement de chercher son jogging, loin d’être prêt à assumer une telle trahison de son propre corps lorsque quelque chose le frappa soudainement. Son flash, sa vision ou peut-être son souvenir, concernait le Levi actuel. Pas le jeune garçon dont il se rappelait, mais Le Levi s’approchant de la quarantaine. Le Levi qui lui avait assuré qu’ils ne s’étaient pas croisés depuis bien des années. Le Levi auquel il faisait une confiance aveugle.
Il n'est plus en contrôle de ses gestes. Ses actions guidées par une soif inextinguible, par ce besoin de le sentir contre lui, de le toucher, comme pour s'assurer de sa réalité, l'accident ayant laissé sa marque sur l'âme en peine qui a bien cru le perdre. He needs him. He wants him. L'esprit inhibé ne remarque pas la gêne du patient en convalescence, ses lèvres cherchant les siennes dans une quête éperdue. Puis Soobin entrouvre ses lèvres, et la dynamique change du tout au tout. Et c'est comme si tout était redevenu comme avant, le temps d'un bref moment, le Soobin d'autrefois, le sien, s'empare de sa bouche avec l'avidité qu'il lui connaît, cette fougue qui avait toujours eu cette capacité de le consumer entièrement. Le corps pressé contre le sien, plus rien ne compte que sa bouche qui le malmène, mord et aspire sa lèvre pour lui arracher un son entre douleur et plaisir. Il peut sentir ses mains assurées s'affairer au niveau du pantalon, alors les siennes quittent le visage de l'être désiré pour descendre jusqu'à l'élastique du boxer dans l'intention de s'en débarrasser. – Arrête ! C'est l'intonation plus que l'ordre qui le fige tout à coup, alors qu’il rouvre les yeux pour le regarder, l'air hagard et la respiration bruyante. Soobin a l'air confus, une expression qui dénote avec celle toujours confiante qu'il lui connaît. Qu'est-ce qu'il a maintenant ? Pourquoi il s’arrête en si bon chemin ? Le bout de ses doigts a déjà dépassé la limite de son boxer, qu'est-ce qu'il attend ? Soobin le repousse, le laisse seul pour fuir par l'encadré de la porte de la chambre, et mettre de la distance, prétextant qu'il faut le soigner. Mais le brun ne s'est jamais soucié de ce qu'il lui infligeait par le passé, il sait combien il aimait marquer sa peau d'ecchymoses pour lui rappeler à qui il appartenait. Le gérant reste stoïque, seulement trahi par sa respiration encore rapide. Il le regarde s'empresser à attraper la trousse de soin après avoir allumé la lampe de chevet, l'invitant à le rejoindre sur le lit. Il en rirait tellement la situation lui parait irréelle. Soobin à ses petits soins. La blague. Remarquant enfin qu'il n'a pas bougé, Levi peut sentir son regard se poser sur lui, peut lire l'expression figée alors que son regard contemple son œuvre comme une biche effarouchée. Et Levi l'a suffisamment observé au cours de ses années pour reconnaître le désir dans ses prunelles noires, même lorsqu'il prétend l'inverse. Il ne lui en faut pas plus. Alors que soudain Soobin se relève pour attraper le jogging au pied du lit, Levi est déjà sur lui en quelques enjambées, sa main attrapant le poignet qui s'est saisi du vêtement au moment où il se redressait. – Pourquoi tu te rhabilles ? À quoi bon quand tu finiras nu de toute façon, semble dire ses prunelles assombries de désir pour l'ancien avocat qui continue de prétendre. Et il en a marre Levi de ses faux-semblants. De le voir continuer à mentir, sans raison apparente. De le voir jouer les innocents quand il n'est rien de tel. Soobin, c'est le démon dissimulé sous le visage chérubin. Celui qui charme d'un sourire avant d'enfoncer sa lame. Il n'est ni doux, ni compatissant. C'est un loup déguisé en agneau, et il est temps que le masque tombe. Le toisant de toute sa hauteur, Levi le force à relâcher le tissu qui tombe au sol, ignorant la plainte pour le faire reculer, jusqu'à ce que ses mollets butent contre le pied du lit. – Si je te dis que c'est ici que j'ai mal Soobin, tu comptes me soigner comment ? Pour accompagner ses mots, il ramène la main qu'il n'a pas lâché vers son entrejambe, faisant fi de ses faibles résistances pour plaquer fermement la paume de sa main contre son érection douloureuse à travers le tissu de son boxer. À son expression, celle de Levi se durcit, agacé de le voir balbutier comme un gamin. – Tu peux cesser cette mascarade, Soobin, je sais que tu te souviens. Pourquoi faire semblant, ça t'amuse ? You enjoy torturing me, smiling at me and warming me up every single day since you invaded my home, my mind and my heart? Il le relâche, mais sans lui laisser le temps de réagir, le repousse brusquement en arrière, son corps rebondissant sur le matelas. Son regard glisse sur le corps fin, jusqu'à s'arrêter au niveau du boxer proéminent, son désir pour lui impossible à dissimuler. Au moins quelque chose qui n'a pas changé. – Ton corps ne ment pas, lui, au moins. Ses lèvres s'étirent en un sourire narquois, et, posant un genou sur le lit, il attrape les pans de son t-shirt pour le relever, le passant par-dessus ses épaules pour le retirer et le jeter au sol. Levi grimpe sur le lit, ses genoux enfoncés dans le matelas de part et d'autre du corps figé, son visage se positionnant à hauteur du sien alors qu'il le surplombe, le regard brillant. – Me dis pas que t'en as pas envie… qu'il souffle moqueusement contre ses lèvres.
-- début hide --
-- fin hide --
Concentrant toute son énergie sur la quête de son jogging comme si le vêtement était son seul salut, Soobin sursauta en sentant son ami lui saisir le poignet, l’empêchant de se rhabiller d’une voix presque mielleuse. Il balbutia quelques protestations, sans conviction avant de lâcher le tissu pour se laisser guider jusqu’à la bordure du lit. Son hôte semblait quasiment autoritaire, affamé d’un besoin dont il ignorait jusqu’alors l’existence.
“Levi, je crois pas…”
"Je te jure, souffla-t-il, circonspect, en réponse aux accusations. J'essaye pourtant, assura-t-il, le front plissé, incapable d’apporter plus d’explications, d’aligner quelques mots, une bribe de phrase pour justifier son état .”
À l’image d’un pantin, l’ancien avocat se laissa tomber sur le matelas, victime consentante des tentatives de son meilleur ami. Essayait-il de lui raviver la mémoire en se montrant si féroce et si différent de ces derniers mois où il n’avait été que douceur, compassion et encouragements ?
Tout aussi fasciné qu’il n’était effrayé, Soobin observa l’homme qui le dominait dévoiler la trahison de son propre corps.
La bouche entrouverte, l'ancien avocat se redressa pour observer l'œuvre de son homologue, soldat de convulsions qui le parcouraient sans merci, menaçant de lui apporter une jouissance bien précoce. C'était honteux, dégradant, trop brutal, trop intense. Dans un râle, Soobin éjacula soudainement et dans une vaine tentative, il tenta de repousser la bouche qui le possédait.
“Putain Levi, s’exclama-t-il en couvrant son entrejambe pour limiter les dégâts.”
Pris de panique, l’ancien avocat se redressa d’un bond et s’éloigna, nu comme un vers, jusqu’à la salle de bains, sans même jeter un dernier regard vers celui qui venait de lui offrir ce qu’il croyait être son tout premier orgasme.
Troublé, il se contenta d’enfiler un nouveau boxer et un vulgaire marcel avant d’oser quitter le refuge qu’était devenue la salle d’eau. Le pas léger, il n’osait briser le silence qui régnait dans l’appartement qui avait précédemment accueilli ses soupirs de plaisir. Aucun signe de son ami dans la chambre, ce dernier s’étant certainement installé dans le salon dans une tentative de fuir ce qu’ils pouvaient tous deux désormais considérer comme la scène de leurs crimes.
“Mianhae*, souffla le fils Kang en l'y rejoignant, brisant la distance qui s’était instaurée entre eux, alors qu’ils étaient encore si intimes quelques instants auparavant.”
Presque maladroit, en opposition à l’ancien lui qui s'était toujours comporté de manière si assurée, l’homme tenta une approche bien ridicule. Il proposa sa main, incertain, dans l’espoir que Levi accepte de la saisir.
“Tu veux bien… Dormir avec moi, ce soir ? Questionna-t-il en indiquant la chambre, plein d'espoir.”
*désolé
Supplique qui résonne comme une symphonie à ses oreilles. Il ne croit pas avoir entendu une seule fois Soobin le supplier de la sorte, et ça devrait lui faire l'effet d’un électrochoc, le sortir de cet état second où il se confond entre désir et réalité, entre passé et présent. Mais Levi est trop grisé par l’instant pour se rendre compte de la gravité de ce qu'il fait. Il ne lui laisse aucune opportunité de se soustraire à son besoin de le posséder, et quand il sent son corps ployer et trembler sous l'orgasme, Levi s'applique à le maintenir implacablement par les hanches, le forçant à rester jusqu’au devoir accompli.
Puis brusquement Soobin le repousse, s'écarte d'un juron pour fuir dans la salle d'eau comme une pucelle effarouchée. Décontenancé par sa réaction, Levi reste interdit au milieu du lit, les yeux rivés vers la porte qui vient de se fermer d’un claquement sonore. Il essaye de comprendre pourquoi il avait l'air si effrayé, ce n'est pas une expression à laquelle Levi est habitué, encore moins après leurs ébats. En réalité, il y a beaucoup de choses qui ne tiennent pas la route, plus il y songe, et lorsque le cheminement de ses pensées finit par percer le brouillard épais enveloppant son cerveau inhibé, il peut sentir graduellement les couleurs disparaître de son visage pour devenir aussi blanc que les draps sur lequel il est figé. Il se rassoit brusquement, une main couvrant sa bouche alors que les derniers événements défilent avec rapidité sous ses yeux effarés, et qu’il décuve brutalement. Il est soudain pris de nausée, rattrapé par une réalité perturbante. Il se lève aussitôt pour quitter la chambre, se réfugiant dans la cuisine pour se pencher au-dessus du lavabo. Le cœur au bord des lèvres, il ouvre le robinet pour faire couler l’eau froide, et d’une main tremblante vient éclabousser son visage, le teint blême. What have you done Levi. Il se rince la bouche pour chasser les résidus du crime commis, puis se traine jusqu'au canapé pour s’y laisser tomber, perdu dans ses pensées. Ce sont les derniers mois à s’occuper de Soobin qui lui reviennent vicieusement à l'esprit, à l'aider dans les gestes quotidiens, participer à sa rééducation lorsque son corps ne répondait plus de rien, puis les paroles du médecin lorsqu'il était encore à l'hôpital : "Votre ami a subi un très grave accident, entraînant des dommages significatifs au cerveau. Sa mémoire a été profondément affectée, le ramenant à un état mental similaire à celui d'un adolescent. Bien que des fragments de souvenirs puissent émerger, il est crucial de comprendre que la récupération de sa mémoire demeure incertaine. Les conséquences neurologiques de cet incident sont complexes, et il est difficile de prévoir l'ampleur des changements qu'il pourrait expérimenter. [...]"
Fin.