Dancing heart - pv Kelia

tw: /

La Saint-Patrick ne représente rien de particulier pour moi. Dans l’absolu, je n’ai pas de raison de fêter cet événement. Samantha a su se montrer convaincante. Elle a joué sur ma corde sensible, me précisant que la musique irlandaise était géniale pour danser. Je n’ai pas eu de contre-argument à lui opposer. Et je n’avais donc plus d’argument pour ne pas l’accompagner à la fête organisée en ville pour l’occasion. Avec du recul, ce n’est pas plus mal. M’aérer l’esprit ne peut que m’être bénéfique. Souvent longtemps hésitante dans le choix de ma tenue lors d’une sortie, il est évident ce coup-ci. Je jette mon dévolu sur ma longue robe vert émeraude au pan caressant mes chevilles, sans manche et à fines bretelles. Croisant ma cousine dans la salle de bain pour me coiffer, je constate notre contraste en la voyant dans son ensemble jean, pull, baskets, d’une banalité. Sourire au coin des lèvres, j’ai le droit à une taquinerie de sa part. « J’en connais une qui veut pas rentrer seule ce soir. » Je lève mes yeux au ciel. Je ne veux rien de spécial hormis m’amuser ce soir. Ma coquetterie est habituelle et est avant tout pour me faire plaisir. « Je rentrerai pas seule vue que je suis avec toi. Sauf si tu m’abandonnes en cours de route pour les bras d’un homme. » Je lui lance un clin d’œil complice. Je connais sa façon d’enchainer les conquêtes éphémères. La stabilité sentimentale n’est pas son fort. Mais sa vie sentimentale a au moins le mérite d’exister contrairement à la mienne. « Va savoir ! Dépêche-toi de finir de te préparer, princesse ou on va être en retard ! » Partie de la pièce, je brosse mes cheveux et me maquille légèrement juste de quoi mettre en valeur mon regard. De retour dans le salon, je la sollicite pour le choix de mes chaussures. Mes escarpins noirs en cuir aux talons de six centimètres gagnent nos faveurs. Enfilés, j’attrape mon sac à main, mon gilet teinte saumon et nous quittons l’appartement.

Elle nous conduit au Country Club. Sur place, nous déposons nos vestes au vestiaire. Sam repère son groupe d’ami.e.s. Nous récupérons une boisson avant de les rejoindre. Je fais brebis égarée avec verre de Coca. Et s’il n’y avait que ça. Je ne me sens pas à mon aise en général, ne partageant pas les délires de ses ami.e.s. Je commence à regretter d’être venue. Prise d’une envie pressante, je me dirige vers les toilettes. Proche de leur entrée se trouve le coin réservé aux enfants. Leur innocence me fait sourire. Ils s’amusent et rient joyeusement. Ils ne sont hantés par aucun souci. Un temps béni qui passe trop vite. Un temps que la plupart des adultes ont oublié. Je m’en rends compte à la remarque d’une mère de famille. Elle refuse une danse à son fils. La bouille du garçon vire à la grimace de chagrin. Je ne peux supporter cette vision. Je m’avance vers lui. Je m’accroupis afin d’être à sa hauteur et de nouer un contact oculaire. « Moi je veux bien danser avec toi. », lui annonce-je d’une voix mélodieuse accompagné d’un franc sourire. Ses lèvres s’écartent aussitôt. Les voilà hissées jusqu’à ses oreilles. Il hésite malgré tout. Son regard alterne entre mes pupilles et celles de sa matriarche. « Je ne vais pas l’enlever, n’ayez crainte. » Je rassure l’adulte si compté que je l’aie angoissée. Je ne vois en quoi je suis menaçante. Je glisse ma main dans la main de l’enfant. Me redressant, je l’extrais de ses camarades de jeu. Je l’entraine au centre de la salle. Puis je commence à remuer au rythme de la musique d’ambiance. Je guide mon jeune partenaire dans mes pas en douceur. Je m’adapte à sa taille. Ses mouvements ne sont pas coordonnés. Comment lui en vouloir ? L’important est ailleurs. Il s’amuse. Je le fais virevolter sur lui-même. Concentrée sur les notes, rien ne peut me perturber. Je me moque des autres. Je me fiche d’être observée. En l’instant, ma passion m’inonde. Elle m’inonde d’un bonheur fou. Le bonheur de me sentir vivante.

tw: mots vulgaires

(Tenue) « Maman, on y va ? » Ieon la fixe du haut de ses huit ans, avec cette impatience qu’il a du mal à contenir. Il faut dire qu’il est impatient de retrouver sa bande d’amis. Une sortie commune, proposée par la maman d’un de ses camarades de classe dont il est proche. Un sourire amusé ourle ses lippes alors qu’elle glisse sa dernière boucle d’oreille. « Je suis à toi dans quelques minutes Ieon. Tes amis ne vont pas s’envoler, promis. » Elle lui indique dans un ton qui se veut bienveillant alors qu’elle vient regarder au-dessus de son épaule. Ses prunelles brillent de malice, car la situation l’amuse. Elle se revoit à son âge, faire la même chose auprès de sa mère adoptive. Ieon fronce le nez, peu satisfait de sa réponse et rebrousse chemin, ce qui rend son sourire encore plus éclatant. Elle roule le regard alors qu’elle attrape ses escarpins. Il est fort à parier qu’elle va le regretter, mais elle ne peut décidément porter cette robe verte légèrement pailletée avec sa paire de converse. Elle hésite quand même, mais sait que ça jurera pour le Country Club même si ce soir, le maître d’ordre est de célébrer de manière conviviale la St Patrick. Ne sait-on jamais, elle ne voudrait pas être la risée des mamans de la soirée. Elle a encore du mal à se faire à son nouveau rôle de mère, à devoir prendre des pincettes avec les subtilités des parents des amis de son fils. Elle fait de son mieux, mais elle sent parfois dans le regard de ses comparses mères, qu’elle a une posture atypique. Sa réputation de mère absente à la peau dure et elle craint que Ieon soit moyennement satisfait de son retour. Elle sait qu’il lui en veut de son absence durant ces premières années. Comment lui en vouloir ? Elle sait qu’elle n’a pas été là pour lui. Aujourd’hui, elle doit travailler dure pour obtenir sa confiance et amoindrir cette rancœur que son absence a causé dans le cœur de ce fils qu’elle chérit, bien qu’elle ne soit pas très douée pour le montrer. Elle se dit qu’elle fera de son mieux et qu’un jour, elle finira par l’atteindre et qu’il sera heureux d’être à ses côtés, comme elle l’est d’être près de lui désormais. Elle abandonne ses converses pour le rejoindre dans le salon où il est installé sur le canapé, un brin boudeur. « Ne boude pas, Ieon. On peut y aller. » Elle lui indique dans un ton conciliant alors qu’un sourire ourle ses lippes. « Tu passes ton temps à te moqueur de moi, mam’ ! » Il proteste alors qu’il se redresse pour attraper sa veste. « Mais, non Ieon. T’es juste trop mignon ! » Elle lui indique en venant lui ébouriffer les cheveux en l’enserrant contre sa hanche. Il proteste et cherche à se débattre. « Je t’crois pas ! » Il lance en venant s’éloigner d’elle pour ouvrir la porte et courir vers la voiture, un sourire aux lèvres. Têtu et fier, comme Nicholas. Comme elle si elle osait bien se l’avouer. Elle sourit en venant fermer derrière elle pour le rejoindre. Elle se retourne vers lui pour s’assurer qu’il s’est bien installé sur son siège auto. « C’est bon, j’suis un grand, mam’ ! Pas besoin de vérifier tout le temps. » Il râle en soufflant en attachant sa signature. « T’es de charmante humeur, à ce que je vois. » Elle lui indique en roulant des yeux alors qu’elle allume le contact. « On est en retard. » Il ronchonne alors qu’elle s’élance dans la circulation. « C’est bon, on y est dans vingt minutes. On ne va pas rater grand-chose, je t’assure. » Elle lui indique simplement. « Mouais… » Il ne semble jamais satisfait, mais elle sait que c’est parce qu’il a hâte de rejoindre une certaine demoiselle qui lui a tapé dans l’œil, mais qu’il n’est pas le seul à convoiter.

La demoiselle est déjà bien entourée lorsqu’ils arrivent au cœur de la fête. « Tu vois, je te l’avais dit ! » Il lui indique avec son regard agacé alors qu’elle l’abandonne pour rejoindre son groupe d’ami sans un regard pour elle. Elle soupire en essayant de ne pas le prendre personnellement, mais ce n’est pas simple, quand elle se rend compte qu’elle fait tout de travers. Encore plus lorsqu’elle est accueillie dans le groupe de maman par un « Oh, on ne pensait plus vous voir ce soir. On pensait que tu avais été appelée sur le terrain. Elle est originale ta tenue. » Au fond, il n’y avait pas forcément de méchanceté consciente, mais elle se sentait agacée. Elle avait juste envie de lui répondre. « Oui, on est là. Un souci avec ma tenue ? Au moins, je ne suis pas habillée comme si j’avais cinquante piges ! » Pourtant, elle ne dit mot. Elle ronge son frein alors qu’elle commande une petite pinte de boire. Elle risque de passer une bonne partie de cette soirée ici, avec elles, autant endormir ses nerfs avec un peu de courage liquide. Elle compte boire modérément. Un seul verre qu’elle aura le temps d’éliminer avant de reprendre la route. Pourtant quand elle revient avec son verre, elle se sent de nouveau jugée. Elle n’a clairement pas envie de retourner avec ce groupe alors elle va rejoindre une table située près d’Ieon et son groupe d’ami. Il a l’air dans son élément, petit chef de la bande, qui dicte sa loi. Elle admire son sourire éclatant. Il semble si épanoui à cet instant, cela lui arrache un sourire attendri. Un sourire qu’il capte. « Mam’, tu viens danser avec moi ? » Il vient vers elle, enthousiaste, plein d’espoir. Elle a déjà du mal à marcher avec ses talons, alors danser. « Non, j’peux pas Ieon. » Elle lui indique dans un ton qu’elle rend le plus navré. Elle sent qu’elle le blesse à l’instant où elle prononce ses mots. Putain, j’aurai du prendre mes converses. Elle s’en veut à cet instant, mais la crise de larme et de profonde déception semble éviter par l’arrivée impromptue d’une jeune femme. Elle lui propose de danser avec lui. Son sourire réapparait naturellement, comme si elle devenait son héroïne du jour et elle sa marâtre. Elle est celle qui va déterminer si oui ou non, il aura des raisons de lui en vouloir ce soir. La pensée lui retourne les tripes, mais elle n’a jamais su montrer ses émotions. « Pas de soucis. Amusez-vous bien. » Elle lâche de manière abrupte alors qu’elle vient boire une gorgée de sa bière comme pour faire passer les différentes pilules qu’elle avale jour après jour, depuis qu’elle a dû apprendre la diplomatie malgré elle. Elle observe cette étrangère évoluer avec Ieon, lui donner ce sourire qu’il perd souvent en sa compagnie. Il redevient un enfant. Elle ne peut s’empêcher de se questionner si elle a prise une bonne décision en revenant. Pourtant, elle sait que son fils l’aime. Il lui a toujours sauté dans les bras en pleurant lorsqu’elle rentrait de mission. Seulement, aujourd’hui, elle n’est plus un spectre. Elle est une présence permanente et peut-être qu’elle n’est pas aussi bien qu’elle le croit. Elle sait qu’elle peut s’améliorer, mais elle ne peut pas se changer. Sans doute qu’il serait plus heureux avec une mère qui ressemble à Laurel ou à cette jeune femme qui virevolte autour de lui comme un papillon, livrant par son aura, sa douceur et sa bienveillance comme une douce couverture protectrice, un cocoon dans lequel on a envie d’envelopper. Elle a cette attitude qui lui rappelle Laurel, cette candeur qu’elle n’a jamais eue, pas même quand elle était enfant. Cela lui confère un charme singulier. Une beauté qui la différencie des autres. Une beauté qui lui plait. Elle l’observe avec un regard plus intéressé, la voyant interagir avec Ieon. Il semble dans son élément, qu’importe s’il n’est pas le meilleur danseur. Il s’éclate et c’est vraiment le plus important. Elle se rend compte qu’elle devrait faire comme lui. L’idée de retirer ses escarpins la taraude, mais elle ne bouge pas. Elle offre un regard et sourire reconnaissant à cette demoiselle en hochant la tête et en levant sa pinte à son honneur, savourant simplement ce tableau où elle devient spectatrice.

tw: /

Les apparences peuvent être trompeuses. Ma douceur apparente pourrait masquer une perversité malsaine. Beaucoup de gens portent un masque pour tromper leur monde. L’hypocrisie ronge notre société. Le faux est plus attractif que la sincérité. Et le pire, il a tendance à plaire. Je ne fais pas partie de ces gens-là. Je ne cherche pas à plaire. Je ne cherche pas me faire remarquer. Je suis simplement moi-même. Les circonstances du jour ne changent pas mon état d’esprit. Je n’ai pas besoin d’un jour de fête pour proposer de danser à ce garçon. Je l’aurai croisé dans la rue, j’aurai agi de la même façon. Je ne supporte pas la tristesse des enfants. J’ai bien sûr conscience qu’elle n’est pas toujours réelle. Parfois, elle cache un caprice. Ici, ce n’était pas le cas. On ne peut pas faire un caprice pour une danse. Dixit celle qui en a tant fait dans sa jeunesse, qui refusait d’aller se coucher sans avoir dansé avec sa mère au préalable. Disons que la danse à ce passe-droit. Du moins de mon point de vue. Je suis trop passionnée par cet art. Art qui me berce depuis ma naissance. Art qui est ma bulle d’oxygène lors de mes coups de blues. Sans la danse, je ne serai pas ce soleil humain sur pattes. Je serai une coquille vide ternie hantée par mes cauchemars du manque de ma mère biologique. En l’instant je rêve. Et j’insuffle du rêve également. Je me suis muée en fée pour cet enfant. Je le fais voler de l’élégance de mes pas. Je n’ai pas besoin d’ailes. La musique me suffit. Son sourire irradie la salle. Un sourire qui me va droit au cœur. Un sourire que je lui rends. Le pouvoir de la danse à l’état pur. Si ça ne tenait qu’à moi, je monterai le son, je retirai les tables et les chaises et je demanderai à l’assemblée de danser. Tout le monde ne partage pas mon amour de cette pratique. D’ailleurs personne ne nous imite. Certainement que la plupart des gens préfèrent boire à danser. C’est le cas de Samantha et ses ami.e.s. La fin de la chanson arrive. Le songe éveillé se termine. Je ramène le jeune à sa mère. Ou plutôt il m’amène à sa mère, sa main dans la mienne. « T’as vu comme elle danse bien, maman ? C’était magique ! » Son enthousiasme est palpable. Mes joues se teintent d’un léger rouge. Consciente de mes compétences, je suis modeste et pas très à l’aise face aux compliments. En dépit de ses flatteries, je deviens rapidement obsolète quand ses camarades le sollicitent pour un  jeu. Il me lâche immédiatement pour filer retrouver ses pairs. Je ne lui en veux pas de si peu me considérer. Je n’ai pas agi pour la reconnaissance. Et le voir sourire est la plus belle récompense qu’il puisse me faire. Désormais seule avec sa mère, mon regard quitte la silhouette enfantine pour nouer le contact oculaire avec la blonde. « Il déborde toujours autant d’énergie ou il est particulièrement en forme ce soir ? » Je glousse. A cet âge, il est normal d’autant bouger. L’inverse serait inquiétant. Et si je ne doute que cela doit être épuisant, je suis persuadée qu’elle est heureuse de le voir ainsi, en bonne santé. « Oh pardon, j’ai oublié de me présenter. Je m’appelle, Jana. » Je lui tends ma main poliment en lui offrant un large sourire. Le sourire n’a rien de poli. Enfin si, il est l’est, mais il est avant tout naturel. Je reconnais que ses yeux m’aident à écarter mes lèvres. Je les avais déjà repérés chez son fils. Une profondeur s’en dégage mêlée à une pointe de légèreté.

tw: mots vulgaires

(Tenue) Kelia observe cette jeune femme évoluer aux côtés d’Ieon. Elle les observe avec intérêt, car à cet instant, elle a la possibilité d’observer son fils agir comme un gamin de son âge. Un garçon qui ne passe pas son temps à râler contre sa mère ou à subir ces moqueries selon lui. Il s’amuse et c’est ce qu’il y a de plus important. Il semble sous le charme de sa partenaire. Elle ne peut s’empêcher de penser qu’il a bon gout, car effectivement, c’est une très belle demoiselle. Elle semble pleinement être en maitrise dans le domaine de la danse. Sa grâce lui indique qu’elle doit être danseuse et elle a cette aura que les professionnels dans ce domaine possèdent. Elle profite de ce beau spectacle, laisse son regard glisser sur cette demoiselle, car il faut bien qu’elle admette qu’elle n’est pas insensible à cette beauté. Une beauté bien plus délicate, différente de la sienne en tout point. Une beauté qu’elle pourrait prendre plaisir à rougir comme elle semble le faire face aux compliments de son fils. Cette pensée lui arrache un sourire amusé alors qu’Ieon les abandonne déjà pour rejoindre son groupe d’ami. Elle l’observe s’éloigner, sans prendre la peine de remercier sa cavalière. Il faudra qu’elle lui apprenne que c’est un comportement de malotru et que s’il souhaite avoir la côte plus tard avec les demoiselles, il va devoir apprendre à soigner ses manières. Un rire amusé s’épanche naturellement de ses lippes à la remarque de la demoiselle. Elle ne parvient pas à le maitriser. « C’est une véritable pile électrique. Je crains qu’il me surpasse quand j’avais son âge et clairement, je n’étais pas une enfant facile et calme, mais c’est un bon petit gars. Il n’a juste pas encore trouvé le domaine où se donner à fond. Cela finira bien par arriver. Je lui laisse le temps de trouver sa voie. » Elle lui indique simplement en venant se redresser pour accepter la menotte qu’elle lui tend. Un sourire ourle ses lippes alors qu’elle vient lier sa menotte à la sienne pour l’étreindre avec fermeté, mais douceur. « Enchantée, Jana. Kelia. Et le petit malotru se prénomme Ieon, mais il faut lui pardonner, il n’a d’yeux que pour la demoiselle aux cheveux bruns. Tu as juste une quinzaine d’années de trop pour lui. » Elle lui indique dans un ton taquin alors que ces prunelles brillent de cette malice qui lui vient naturellement. « Merci de t’être dévouée. J’ai commis l’erreur de venir en talon pour rentrer dans le moule, mais je ne sais pas marcher avec, alors danser, je ne t’en parle pas. Je n’ai absolument pas ta grâce. Tu es danseuse, je me trompe ? » Elle la questionne alors qu’elle vient croiser ses jambes en lui offrant la place à côté de la sienne. Une manière de lui faire une place, de l’inciter à poursuivre la rencontre si elle le souhaite. A moins qu’elle ait des amis à rejoindre. Pour sa part, elle est prompte à échanger avec elle. Sa présence égaye cette soirée où elle se sent seule, car elle ne souhaite pas retrouver ces mères qui se croient supérieures, car elles sont plus âgées et sont dans des relations stables et qui l’observent comme si elle était le vilain mouton noir. Elle commence à en avoir l’habitude, mais la situation l’insatisfait pleinement. Elles ne sont personne pour la juger de la sorte. Elles feraient mieux de s’occuper de leurs fesses plutôt que des siennes.  

tw: /

La plupart des personnes prendraient mal le fait de passer d’héroïne à banalité en une fraction de secondes. Telle est la loi des enfants. Ils savourent l’instant présent et passent rapidement à autre chose. Je me contente de ses quelques minutes de gloire. En réalité, je ne les considère pas comme des minutes de gloire. Je n’ai pas agi par intérêt, mais par envie. Je ne cherchais nulle reconnaissance de sa part ou de sa mère ou de quiconque. Je ne suis pas dans le calcul. Je suis spontanée. A ce niveau, je peux dire avoir conservée mon âme d’enfant. Je n’irai pas juger sa mère à ce sujet. Elle a ses raisons de lui avoir refusé cette danse. Loin de moi de la croire monstrueuse ou même mauvaise. Encore moins depuis mon retour à ses côtés. Je ne sais pas si c’est lié à la musique, au fait qu’elle adoucisse les mœurs, mais l’ambiance est plus détendue que leur de notre rencontre initiale. Elle rit. Un tendre rire agréable à entendre. Le sourire qui l’accompagne est tout aussi agréable alors qu’elle se confie sur le caractère de son fils. « Les chiens ne font pas des chats comme on dit. » Je glousse bêtement. Si elle était agitée dans son enfance, il n’est pas étonnant que sa progéniture le soit également. Évidemment, c’est une conclusion facile. Il y a d’autres paramètres à prendre en compte en plus de l’hérédité maternelle. Il y a celle de son père en premier. Puis il ne faut pas oublier qu’il se forge son propre caractère surtout. « Il a le temps de trouver sa voie. Qu’il explore et s’amuse avant tout. Qu’il ne fasse pas l’erreur de grandir trop vite. » Le statut adulte arrive si vite. Avec se perd souvent l’insouciance, l’innocence, au profit des soucis, des préoccupations, des factures et autres joyeusetés. Voilà peut-être une piste qui peut expliquer le comportement de la blonde. Elle a peut-être agi ainsi par rapport à l’assemblée présente et le besoin de se faire bien voir. Si je ne l’ai pas jugée, je reconnais que c’est malheureusement habituel. Je ne me fie pas aux images renvoyées. A mes yeux, tous les gens sont bons. Même les plus méchants. Les plus méchants ont simplement oublié comment fonctionnait la gentillesse. Souvent à cause de la vie. La vie qui leur a fait un coup dur ou les a juste fait devenir adulte. Les possibilités sont nombreuses. Je n’irai pas creuser le pourquoi du comment. Je me contente de me présenter. Ma main trouve la sienne en retour. « T’en fais pas, il est tout pardonné. Surtout s’il en pince pour une jolie brune, c’est qu’il a bon goût. » Je ris doucement. Je fais référence à la couleur de mes cheveux. Je ne désire pas vanter ma beauté. Mon humour n’est pas ma qualité première.  J’espère que Kélia ne m’en tiendra pas rigueur. « Je t’en prie. Je pouvais pas résister à sa bouille d’ange et surtout à son regard. » Mes opales s’ancrent plus intensément dans les siennes à mes paroles. Les deux ont le même regard. A la différence notable que je n’ai pas besoin de me baisser pour admirer celui de Kélia. « C’est une question d’habitude et d’entrainement. » Comme tout en fait. J’admets qu’il est plus facile de danser sans talon. Idéalement, à mon opinion, danser se fait pieds nus. Le contact direct avec le sol est le meilleur moyen de ressentir les vibrations de la musique. Elles se ressentent aussi dans le cœur, mais il faut être passionné pour les capter. J’hoche lentement ma tête de haut en bas à sa question. « Tout à fait. Je suis professeure de danse. J’ai été inscrite dans une école de danse depuis que j’ai quatre ans. Mais d’après ma mère, je dansais déjà avant ma naissance. C’est inné d’après elle. » Un léger rire franchit la barrière de mes commissures. La danse a toujours été le guide de ma vie. Elle est mon moyen d’expression favori bien qu’elle ne soit pas comprise de tout le monde. Quelques notes viennent titiller mes oreilles. La musique a repris. Un rythme doux. Une mélodie parfaite pour remuer mon corps en harmonie. Nos corps. Je tends ma main à Kélia, un soleil dessiné sur mes lèvres écartées. « M’accordes-tu cette danse ? » Je me montre ambitieuse. Pour cela il va falloir qu’elle fasse abstraction du regard des autres, qu’elle se détache de ses a priori, qu’elle se libère, qu’elle ose être elle-même.

tw: mots vulgaires

(Tenue) Un sourire amusé ourle ses lippes à la réplique de la jeune femme. Effectivement, elle se reconnait et reconnait le père de son fils dans cette énergie permanente. C’est pour cela qu’elle ne se formalise pas sur son comportement qui peut être jugé impétueux et irrespectueux. Elle sait que son fils la respecte bien plus qu’il ne le montre, mais il a sa personnalité et c’est un type de personnalité qui fait qu’il a besoin d’exprimer son mécontentement. Elle était comme lui, alors elle ne va pas le brimer alors qu’elle-même n’a pas eu besoin de le faire avec une éducation adaptée. Ieon devient le centre de leur échange. Elle sourit aux propos de la demoiselle. Oui, il a tout le temps de trouver sa voie. Contrairement à d’autres parents qui cherchent par-dessus tout à ce que leurs enfants trouvent leur voie et devient le meilleur, Kelia aspire juste au fait qu’il trouve un domaine qui lui plaise et qu’il s’y amuse, qu’il évolue à travers cette pratique. Elle hoche naturellement la tête aux propos pour marquer son assentiment. Il a tout le temps devant lui pour passer par les autres étapes de la vie. Elles arriveront bien assez vite. Elle espère juste qu’il n’aura pas à suivre les mêmes pas qu’elle et ne commettra pas la même erreur, mais elle le laissera avoir ses expériences sans chercher à s’immiscer. Du moins tant qu’il restera sur le droit chemin, mais elle lui fait confiance pour cela. Quoi qu’il en soit, elle se note mentalement qu’elle devra lui toucher deux mots sur le fait d’éconduire de manière déplorable une cavalière qui s’est présentée comme sa sauveuse. C’était peu gracieux de sa part, quand bien même, il n’a d’yeux que pour cette petite brune qui lui fait tourner un peu trop la tête à son avis. Une passade à son âge. Les coups de cœur viennent et partent. Certains sont éphémères, d’autres plus durables. Elles se présentent, le contact de ses doigts autour des siennes lui plaisent. Son rire est agréable à entendre. Elle se pince la lèvre pour éviter de répondre à sa remarque.

Pas aussi jolie que celle qui est sous mes yeux. Elle se dit que ça serait malvenu de sa part. Du moins pour le moment.

Cette pensée lui arrache un sourire amusé. Jana laisse sous-entendre qu’ils ont un beau regard. Sa manière de s’ancrer à son regard lui confirme cette pensée qui lui arrache un sourire plus franc et fait luire ses prunelles d’un plaisir non feint. C’est toujours agréable à entendre. Sa prochaine remarque fait sens. Tout s’apprend et le corps finit par s’y habituer. En tant qu’ex sportive de haut niveau, elle le sait mieux que quiconque. Elle prend conscience qu’elle avait raison sur ses suppositions. Elle a plutôt l’observation acérée pour arriver aux bonnes conclusions. Elle n’est donc pas surprise d’avoir vu juste. Elle sourit à ses confidences et contemple ce visage qui se perd dans un rire qui lui arrache une expression amusée. Sa demande la prend de court. Effectivement, elle prend conscience que la musique a repris, que le bruit des conversations est plus feutré. Sa main tendue qui ne demande qu’à être saisie. Elle se questionne quelques secondes.

Oh qu’ils aillent au diable ses mégères. Je les emmerde. Elle se dit en venant retirer ses escarpins du bout de ses pieds. Elle ne s’inquiète pas de leur sort. Au pire, elle rentrera pied nu jusqu’à sa voiture pour attraper une paire de converse qui traine. Quelle connerie de les avoir mis ce soir. Tout ça pour rentrer dans le moule. On ne m’y reprendra pas, tiens !

« Avec plaisir. J’ai besoin de bouger. » Elle accepte en venant abandonner le fond de sa pinte sur la table avant de saisir la menotte de la demoiselle. « Et puis, il semblerait que j’aurai la plus douée des partenaires. » Elle ajoute en venant lui offrir un clin d’œil.

Cela ne l’indispose pas qu’elle soit plus grande qu’elle à cet instant. Elle s’en contrefiche même. Elles retrouvent le cœur de la piste de danse où les danseurs leur laissent une place. La musique est plus lente que celle sur laquelle elle a dansé avec son fils. Elle laisse doucement la musique venir glisser sur elle, laisse ses muscles se détendre pour s’adapter au rythme la musique avant d’amorcer un mouvement vers sa partenaire, le regard ancré au sien, prêt à suivre les directives de la demoiselle qui aura tout pouvoir sur elle pour ces quelques minutes.

« Je suis toute à toi, Jana. Fais de moi, ce qui te plait. » Elle prononce dans une voix mi sérieuse, mi amusés.

Les prémisses possibles d’une amitié ou de plus en fonction de ce qu’elles voudront bien en faire. La musique comme fil conducteur durant quelques minutes, quand bien même, son regard se perd régulièrement vers le petit groupe d’enfant juste pour s’assurer qu’Ieon ne s’échappe pas de son attention.