I want you to hold out the palm of your handQuelques notes au gré du vent...
(identity) En plus de la vie, mon prénom est un cadeau que ma mère biologique m’ait offert. Je sais que c'est elle qui l'a choisi avant de me laisser. Un prénom gravé sur un pendentif en argent qui ne me quitte jamais. J’ai reçu mon nom à mon d’adoption. Mon véritable m’est inconnu. Il me manque cette racine que je cherche activement. (angel) Je possède ma bouille angélique depuis mon enfance. Je n’ai besoin d’aucun maquillage pour ressembler à un ange tombée du ciel. Si elle m’énerve par moment, m'obligeant à justifier ma majorité lors de certains achats, j’en suis extrêmement fière. Je rêve de la croire héritage de ma mère biologique. Dans mes rêves, elle possède un visage tout aussi doux. (french) Je parle couramment français. La faute à ma mère adoptive fan de littérature française. C’est elle qui me l’a apprise. Cet apprentissage a été le ciment de notre complicité. Nous avons passé des heures ensembles afin qu’elle me l’enseigne. Je l’ai apprise autant par curiosité que par envie de la remercie de son amour offert envers moi. Nous nous amusons régulièrement à parler dans la langue de Molière. Surtout devant son mari qui ne comprend pas grand-chose de nos échanges. Ce qui nous fait rire. (morning) Pas matinale pour un sou, il ne faut pas espérer me voir sortir de mon lit avant 10h mes jours de repos. C’est la nuit que je suis la plus épanouie. La plupart du temps, je suis seule, allongée dans mon lit. Et en attendant Morphée, je voyage dans divers songes éveillés voire dans les cauchemars de mes interrogations. Mes heures de sommeil ont la vie dure. Hormis un obligatoire thé, j’ai besoin d’une bonne douche chaude pour me réveiller. Avant d’avoir réunie ces deux conditions, il ne faut pas espérer tirer la moindre chose de ma personne si ce n'est des grognements. (sobriety) L’alcool et moi ne sommes pas amis. Outre le fait que je n’aime pas son goût, et ce peu importe l’alcool, je ne le supporte pas. Un verre de champagne et mes pommettes rosissent déjà tandis que mon corps titube à chacun de mes pas. Je me contente de soft. Un diabolo fraise me ravira totalement. Puis en tant que danseuse, j’ai besoin d’un esprit sain dans un corps sain. (spiders) tw : araignée J’ai une peur bleue des araignées. La moindre petite bestiole à huit pattes entrant dans champ de vision me fait paniquer. Tant qu’elle est immobile, je resterai figée, pétrifiée comme si je venais de croiser le regard de Méduse, afin de ne pas signaler ma présence. Si elle se met à bouger, j’active mes cordes vocales et brise ma voix aigüe dans des cris assourdissants. Même si la petite bête ne mange pas la grosse comme on dit. (cooking) Je suis plutôt une bonne cuisinière. J’aime passer derrière les fourneaux et préparer de bons petits plats lors de repas à beaucoup. Ma spécialité est les lasagnes au saumon. Sinon, je me la reine des macarons, merci maman d'aimer la France. Surtout ceux au chocolat Sauf pour le diabète. Ça va, je suis tranquille de ce côté-là. Puis je n’en abuse pas non plus. Je sais me raisonner. (direction) Mon sens de l’orientation est désastreux. Je remercie grandement l’inventeur du GPS. Sans lui, je serai encore en train de me perdre dans les rues de Denver et désormais d'Oceanside. Avec mon précieux téléphone portable, je suis apte à me déplacer sans souci. Je crains le jour où je vais me lancer dans l’obtention de mon permis de conduire. (jazz) Mon père adoptif est fan de jazz. J’économise un peu chaque mois pour lui offrir un jour un séjour à la Nouvelle-Orléans, le berceau de cette musique. Ma cagnotte ne monte pas vite. Et elle est même retombée à zéro en prenant chaque centime en ma possession lors de mon départ de Denver. Je tiendrai quand même ma promesse. Elle prendra juste plus de temps. (oneself) Soyez vous-même, les autres sont déjà pris. J’adore emprunter cette citation à Oscar Wilde. Une façon de renier l’hypocrisie ambiante de ce monde. Je ne m’affiche pas avec un masque. Je me montre telle que je suis avec mes forces et mes faiblesses. Et tant pis si l’on s’en sert pour me faire du mal. Mon sourire est un contre universel. Ou je suis trop naïve. Comment m’en vouloir ? Je ne suis qu’une jeune femme de vingt ans.
...composent la mélodie de ma vie.
La vie est une partition géante où chacun compose sa musique. L’harmonie des mélodies n’est pas toujours parfaite. Tout le monde n’a pas le rythme dans la peau. Pourtant, les gens font de leur mieux. Ils font avec leurs moyens pour continuer de jouer jusqu’à la note finale et la fin de leur existence.
Le 18 avril 2003, à Santa Monica, marque mon entrée dans la ronde. Je chute dès mon premier pas. J’observe ma mère. Mon regard réclame son aide pour me relever. Elle n’en fait rien. Elle me laisse à mon sort et m’abandonne aux bras d’une infirmière. C’est l’unique fois où j’ai vu son visage. Ma danse aurait pu s’arrêter ici. Quelques pas et puis s’en va. Mais la vie réserve des surprises. Pas toujours mauvaises. Une main m’est tendue, une main qui se veut réconfortante, celle de Clara. Elle me prend dans ses bras. Elle me remet sur mes pieds. Je ne la quitterai plus jamais. Elle m’adopte avec son mari. Elle devient ma mère. Des années qu’ils m’attendaient. Des années qu’ils galéraient dans de longues démarches. Ils ont enfin leur premier enfant avec moi. Ils ont cru ne jamais voir le bout du tunnel. Cinq ans ont été nécessaires pour combler leur manque. Ils se sont battus durement. Le combat a commencé depuis une décennie. Quand Clara a été déclarée stérile. Le choc a été rude, son rêve de famille nombreuse brisé, le coup de poignard violent, limite mortel. Elle a refusé de se laisser abattre. Elle avait trop d’amour à offrir. Et aujourd’hui j’en profite pleinement. La voilà heureuse tandis qu’elle m’emmène chez moi, à Denver.
Je poursuis ma route. Je me déplace avec grâce sur ce chemin escarpé, en dansant. La danse rythme mes journées. Ma mère raconte que je dansais avant de savoir marcher. Je tiens peut-être ce gène de mes parents biologiques ? Pas de Clara pour sûr. Je l’aime néanmoins je dois admettre que son déhanché est ridicule. Elle est aussi souple qu’une barre de fer. Sur ce coup-là, il est clair que je ne suis pas sa descendance directe. Dès que j’ai eu l’âge de comprendre, elle m’a expliquée son histoire, notre histoire. Cela ne m’empêche pas de l’appeler maman. Elle est ma mère sans aucun doute possible. Et derrière ma gentillesse, je suis capable de montrer les crocs à quiconque remettrait en cause notre relation. Personne ne peut rompre le lien fusionnel de nos deux êtres. L’amour est plus fort que tout. Mon père est déjà plus à même d’expliquer ma passion. Les sons de son saxophone bercent mes oreilles depuis mon adoption. Ce jazzman amateur adore cet instrument. Je m’amuse à donner vie à ses créations. Je remue sur ses notes, improvisant des chorégraphies. Parfois on inverse les rôles. Je danse et il compose en fonction de mes mouvements.
L’enfant grandit. Déjà dix ans que je danse sous la pluie lorsque l’orage arrive. La foudre me tombe dessus. Un agent d’une agence de pub. Un démon croisé à l’école de danse qui désire emmener l’ange que je suis. Trop naïve, il m’entraine dans son monde. Cet univers est si triste. Tout est figé et dicté d’avance. Il n’y a aucune place à l’improvisation. Je suis objet à obéir. On me maquille telle une poupée. Je suis un jouet humain. Je me sens liée, incapable de bouger. Ma mère a lu ma détresse dans mes yeux. Elle a dit stop. L’éclaircie est revenue. La danse peut reprendre. La météo est clémente. Tout est parfait. Sans doute trop. La vie me rappelle qu’elle seule maitrise les éléments. Elle attend mes dix-huit ans. Je viens de fixer un rendez-vous à Stella, une camarade de classe et mon crush du moment. Je l’ai invitée à boire un verre après les cours. Elle a accepté. Je suis toute guillerette en rentrant chez moi. tw : accident de la route, blessures Tellement que je n’ai pas regardé en traversant la route, que je n’ai pas vu cette voiture arriver. Par contre j’ai entendu les os de mes jambes se briser sous l’impact. J’ai entendu les cris horrifiés des passants. J’ai entendu les sirènes de l’ambulance et plus encore les pleurs de Clara. Je connais désormais la symphonie du malheur.
L’hôpital est devenu ma nouvelle maison. La danse est un lointain souvenir. Allongée sur mon lit, je me demande si je remarcherai un jour. La kiné me dit que ça sera difficile. Le médecin se terre dans un silence et préfère ne pas se prononcer. Ma mère croit en moi. J’ai déjà connu la chute à ma naissance. Je me suis relevée une fois, je peux le refaire. La douleur est affreuse. La vicieuse essaye de me faire abandonner. Je rejette ce mot. Je l’ai déjà connu lui aussi. Je refuse d’imiter ma mère biologique. Je ne suis pas aussi lâche. Je vais me battre. La lutte est intense. Lorsque je gagne une bataille, j’en perds deux par la suite. La vie est tenace. Mais elle est seule. Elle n’affronte pas que ma volonté. Elle affronte également celle de mes parents adoptifs, de mes camarades de classe, de mes consœurs danseuses, d’autres patients et de tout un tas de soutien inconnu. Je finis par l’avoir à l’usure. Un an a été nécessaire pour mettre fin à cette guerre. Je remarche. Et plus important encore, je peux de nouveau danser. Je ne plus prétendre à une carrière de danse malgré tout. Je me tourne vers l’enseignement, la transmission de ma passion. Et y découvre un épanouissement insoupçonné. Surtout auprès des enfants.
Cette année m’a fait cogiter. J’ai pris conscience qu’on n’agit pas toujours par choix. Et si mère biologique avait été obligée de me laisser ? Si elle l’avait fait pour mon bonheur ? Peut-être qu’elle m’a démontrée une preuve d’amour en se séparant de moi à ma naissance ? Toutes ses questions me rendent malade. Je veux avoir des réponses. Quitte à recevoir des coups. Un soir, au moment du diner, je me jette à l’eau. J’annonce mon envie de connaître l’identité de mes géniteurs. Clara me fixe. Je crains sa réaction. Elle se lève de sa chaise et vient m’encercler de ses bras. Son mari nous rejoint dans l’étreinte. Tous deux me promettent de m’aider dans mes démarches. Ils trouvent légitime mon besoin. Je retourne sur mon lieu de naissance avec Carla, à Santa Monica. Je me heurte à l’administration. Elle se montre peu coopérative. Je récupère des informations au compte-gouttes, luttant avec la distance et l’informatique. L’assemblage des éléments finissent par me diriger vers une adresse à la sortie de la ville. La propriétaire, une trentenaire aux cheveux de blé tout juste mariée et tout juste aménagée ici n’est pas ma mère. Elle ignore l’historique des personnes ayant logées dans cette maison. Je suis de retour au point mort. En fin de compte, non. Elle me donne un autre espoir, celui de sa voisine, une octogénaire présente dans le coin depuis toujours, réputée pour tout savoir de son quartier.
Je m’empresse d’aller frapper à sa porte. A son ouverture, je fais face à une vielle dame cambrée soutenue par une canne. Un franc sourire étire ses lèvres fatiguées par le temps en m’observant. « Tu es venue me voir, Louise. » J’arque un sourcil d’incompréhension. « Tu as fait la route depuis Oceanside pour moi. » « Je… Vous faites erreur, madame… » Je tente de la raisonner sans la blesser, je ne veux pas lui mentir. « Allons Louise, je reconnaitrais ton visage entre mille, tu as exactement celui de ta mère. » Sa main se lève timidement pour venir se poser sur ma joue. Un geste affectif puissant, trop pour mon cœur. Je décide partir en courant, de la fuir. Mon palpitant pulse fortement, ma respiration est saccadée, une fois de retour dans la voiture. Carle se renseigne sur les raisons de mon mal-être. Je lui raconte rapidement l’épisode avec l’ainée. Lucide, elle me rappelle avoir ma cousine Samantha à Oceanside. Drôle de coïncidence. Phénoménal coup de chance. Merci la vie pour cette bonne surprise. Nous nous sommes toujours bien entendues depuis nos enfances et avons grandi ensemble. Notre entente est restée malgré la distance liée à son départ de Denver pour suivre ses études. Nos vies respectives ne nous permettent pas de nous voir autant qu’on le voudrait.
Je lui passe un coup de téléphone. Je lui explique ma démarche. Elle me montre très vite son empathie. Je lui demande timidement si elle peut m’héberger quelques temps. Je n’ai pas les moyens de me payer l’hôtel. Et je ne peux me permettre de demander souvent à Carla de réaliser des allers-retours entre ici et notre domicile. Si elle l’accepterait, je me l’interdis par bon sens. Je lui propose de lui donner des cours de danse pour régler une part de son loyer en remerciement. Rires éclatants dans le combiné, elle ne souhaite rien en retour. Je ferai tout de même en sorte de participer à la vie là-bas. Je n’ai pas reçu l’éducation d’une princesse à entretenir. Rentrée au Colorado, je fais mes valises. Mes bagages prêts, me voilà partie pour Oceanside pour exploiter cette nouvelle piste Louise. Me voilà loin de mes repères. Adieu Mile High City et bonjour la Californie. Je démarre une nouvelle danse. Celle qui me mènera enfin à mes origines, j’espère. Et idéalement à celle qui m’a donnée la vie. J’aimerais tant danser avec elle, maman.