There's a bad moon on the rise (ft Louise)

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♫ Il a la tête qui tourne. Dans un élan de lucidité, il est parvenu à appeler un taxi pour le ramener chez lui, beaucoup trop éméché pour se débrouiller tout seul. Tant pis, le pub qu’il vient à peine de quitter, des heures après sa fermeture, n’est pas si loin de chez lui, mais il vaut mieux ne pas tenter le diable. Il n’a absolument aucune idée de l’heure qu’il est, et n’arrive pas à se concentrer suffisamment pour se renseigner sur sa montre, ou son téléphone. L’a-t-il seulement sur lui ? Tout se mélange dans sa tête, et les lumières de la ville ne font qu’amplifier son mal de crâne. Il tente de fermer les yeux pour calmer la douleur, mais celle-ci ne fait qu’empirer. C’est maintenant la nausée qui lui vient, alors il rouvre immédiatement les paupières pour éviter cet affront. Déjà que son chauffeur doit supporter ses balbutiements et s’écorcher à comprendre l’adresse qu’il lui indique, il n’irait pas jusqu’à salir son outil de travail. Combien de verres a-t-il pris ? Il a cessé de compter, bien qu’il se souvienne d’une bouteille vide éclatée sur le sol qu’il devra nettoyer demain.

Le taxi s’arrête devant les marches de sa maison, mais il ne parvient pas à se lever. Il essaie pourtant. Il y met toute sa volonté, mais son corps refuse de bouger. Encore un peu et c’est l’hôpital qui l’attend. Agacé, c’est le chauffeur qui vient lui ouvrir la portière pour le traîner à l’extérieur. Quelle honte. Il lève la main en signe de remerciement et tente un sourire qui ressemble plus à une grimace qu’autre chose, avant de sortir quelques billets de sa poche -probablement plus que nécessaire. Le taxi redémarre, lui lançant un regard désapprobateur au passage, quittant les lieux sans demander son reste.

Il lui faut un temps pour mettre un pas devant l’autre, titubant jusqu'à la première marche. C’est fou ce que l’escalier lui semble interminable. Surtout en trébuchant sur chaque rebord. Arrivé sur la troisième marche, il perd légèrement l’équilibre, manquant de peu de se fracasser le crâne sur le sol, mais arrive tout de même à se rattraper sur le petit muret qui sert de bordure. Il marque une pause, sentant la nausée lui reprendre après ce mouvement un peu trop brusque, et, cette fois-ci, capitule en soulageant son mal dans un pot de fleurs à proximité. C’est dommage, il les aimait bien ces fleurs. Après un nouveau temps d’arrêt, il reprend la montée interminable des deux marches restantes, titubant jusqu’à la porte d’entrée, où une nouvelle épreuve l’attend : enfoncer ses clés dans la serrure. Il lui faut bien deux longues minutes pour en sortir victorieux, et retrouver la chaleur de son foyer, et surtout un endroit où se poser pour toujours.

Il essaie tant bien que mal de rester silencieux, parfaitement conscient qu’il rentre bien plus tard qu’à l’accoutumée, et que sa femme dort probablement à l’heure qu’il est. Il réussit à fermer la porte sans fracas, puis tente de déposer ses clés dans le vide-poches de l’entrée si maladroitement qu’elles tombent sur le sol provoquant un bruit sourd. C’est alors que sa chienne vient l’accueillir, trop heureuse de le voir pour manquer de lui faire la fête. « Shhht ! » tente-t-il, mais il en faudrait bien plus pour parvenir à la calmer. Il avance tant que possible, se frayant un chemin tout en caressant Lola au passage, titubant et se cognant contre les meubles en essayant de les éviter, jusqu’au saint-graal : le canapé qui lui permettra de mettre fin à cette torture. Sa tête ne cesse de tourner tandis qu’il s’écrase sur le canapé, sa chienne ne tardant pas à le rejoindre. Il voudrait prendre un verre d’eau mais il n’a ni la force ni le courage de se relever pour se servir, se contentant de fermer les yeux malgré le tournis qui l'assaille. Au moins, pour un soir, il a arrêté de repenser à cette nuit-là. Ou du moins, il a tout fait pour.

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♫ La nuit tombe lorsque Louise rentre à la maison. Elle jette ses clés dans le vide poche, accroche sa veste au porte manteau, se débarrasse de son sac dans l’entrée et allume. Elle est accueillie par Lola, qui saute sur ses jambes, dans l’attente de caresses. « Oui ma belle. » Elle se penche vers la chienne passant ses mains dans son poil noir. Elle l’embrasse juste au-dessus de sa truffe. « Je suppose qu’on est que toutes les deux. » Elle se redresse pour faire face à cette maison vide. C’est un poids supplémentaire. Elle a du mal à rester lorsque Jamie est là mais en même temps quand il n'y est pas, c’est difficile aussi. Elle soupire. Si lasse de cette ambiance morose dans laquelle elle semble s’enfoncer chaque jour d’avantage. Elle reste de longues minutes sous la douche, cet endroit où les pensées fulminent en elle. Tout se bouscule, tout se mélange, elle ne supporte plus. Elle voudrait retrouver sa vie d’avant tout ça, retrouver la Louise qu’elle était. Mais elle n’y parvient pas.

Elle gagne la cuisine, ouvre un placard pour en sortir un bol qu’elle remplit de crème glacée. On ne peut pas dire qu’elle ait vraiment faim et elle a encore moins envie de faire quoi que ce soit à manger. Munie d’une cuillère et de son bol, elle s’installe dans le canapé et fait signe à Lola, qui n’attend que ça, qu’elle grimpe à ses côtés. Elle allume, dans le triste espoir de trouver là un peu de compagnie. Elle mange sa glace, elle ne lui trouve pas de réelle saveur. Son bol à demi vide, elle éteint la télé et va vider le reste à la poubelle. Son bol et sa cuillère dans le lave-vaisselle elle s’avance vers l’entrée où elle attrape son sac. Elle hésite mais saisit son portable. Pas de message, rien. Elle le dépose sur le meuble et farfouille à nouveau dans son sac duquel elle sort un sac en papier contenant plusieurs boîtes de médicaments. Saisissant une bouteille d’eau au passage, elle se dirige vers la chambre. Sac en papier, portable et bouteille à la main.  

L’enceinte en marche, elle lance une playlist, abandonnant son portable sur la table de chevet. Elle s’assoit sur le bord du lit, ouvre le sac en papier duquel elle sort deux flacons. Elle avale un opioïde et un somnifère, dépose tout sur le meuble et s’affale sur le lit, le regard fixe vers le plafond.  Elle finit par se tourner sur le côté, son regard accroche ce cadre. Alors que sa tête commence à tourner, qu’elle ressent des fourmillements dans le visage et les mains, elle regarde la photo. Elle n’arrive même pas à pleurer. Pourtant, elle à mal. Mal à en crever. Elle ferme les yeux mais le visage de Jamie ne s’efface pas. Elle suppose qu’il est au pub et qu’il est mieux sans elle. Elle s’endort, en pensant à lui. Chaque jour plus loin d’elle.

Un bruit sourd réveille Louise en sursaut. Son regard se pose aussitôt à côté d’elle. Personne.  Passant une main sur son visage qu’elle sent à nouveau, elle se tourne vers son radio-réveil. Elle à dormi pendant des heures. Elle se lève doucement, elle sent qu’elle est un peu chancelante mais à mesure qu’elle avance, elle récupère ses facultés. Elle avance dans la maison, éclairée par les premières lueurs du jour, jusqu’au salon où elle découvre Jamie allongé sur le canapé, accompagnée de leur chienne. En entrant dans la pièce, elle a pu sentir les effluves d’alcool flotter.  Cela lui brise un peu plus le cœur. Elle s’avance jusqu’à hauteur du canapé au niveau de la tête de Jamie et s’accroupie. Elle le regarde. Elle crève d’envie de caresser ce visage creusé qui en dit long sur l’état de son mari. Elle n’en fera rien, au lieu de ça elle se redresse. « Alors tu dors carrément sur le canapé maintenant ? » Depuis des semaines, des mois, ils s’éloignent sans qu’elle ne parvienne à l’éviter. Au contraire. Voir qu’il semble lui aussi ne plus parvenir à ‘essayer’ un minimum la blesse. Elle le remue gentiment par l’épaule. « Je te laisse le lit. Tu pourras mieux récupérer de cette nuit je ne sais où. » Oui elle le pensait. Elle était si perdue que pour elle, tout était possible. Elle sait que Jamie ne supporte plus tout ça, du moins elle imagine. Il a sans doute envie ou besoin de changer d’air, changer de personne. Elle s’apprête à tourner les talons, mais s’arrête après s’être retourné et prend appuie sur un meuble. Elle reprend son souffle. « Je comprends tu sais que tu ne veuilles plus de moi. »
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♫ Les images de cette nuit-là s’enchaînent en boucle depuis. La pénombre de l’appartement, et ce pressentiment qui lui a parcouru l’échine, ce silence de plomb, plus angoissant que jamais, cette vision de sa femme étendue sur le sol, le trajet terrifiant en ambulance, sa main serrée sur la sienne, inerte, l’attente terrible dans les couloirs de l’hôpital, le regard de Louise après avoir compris ce qui lui était arrivé… Il lui est aujourd’hui presque impossible de regarder sa femme dans les yeux. Il voudrait que cette nuit n’ait jamais existé. Que rien de tout ça ne soit arrivé, que ces images sortent de sa tête une bonne fois pour toutes. Alors, dans une tentative désespérée de trouver le remède aux mauvais souvenirs, il embrume son esprit autant que possible jusqu’à ne plus rien ressentir que ce mal de crâne. Demain, il arrêtera. Quand ça ira mieux, il arrêtera, comme si la solution se trouvait dans le temps qui passe.

Le chemin jusqu’au canapé s’avère plus périlleux que prévu. Depuis quand son habitacle ressemble autant à un champ de mine ? Chaque meuble paraît mal placé, il se cogne dans chacun comme une bille de flipper transportée de point en point. Il n’aurait jamais imaginé en arriver là, et il a bien trop honte et bien trop de fierté pour se faire aider. A quoi bon, de toute façon ? Les images ne cesseront jamais de l’assaillir. Il s’effondre sur le canapé en espérant que sa tête arrête un peu de tanguer, qu’il trouvera le sommeil facilement et que tout ira bien mieux demain, caressant machinalement sa chienne, allongée sur lui presque immédiatement après qu’il ait posé ses fesses sur les coussins. Il n’a aucune idée de tout le fracas qu’il vient de causer, ne pensant qu’à dormir. Il a choisi la facilité du canapé, persuadé qu’il n’aurait de toute façon pas atteint son lit et puis, ça aurait été un risque de plus que Louise le voit dans cet état.

Il finit par trouver un brin de sommeil, son bras posé sur ses yeux pour se préserver de la lumière du jour qui ne tardera bientôt plus, à mi-chemin entre le réel endormissement et la conscience. Il est tellement fatigué, il a tellement mal de voir sa femme s’éloigner, de ne pas savoir comment la retenir, pire encore, d’approfondir le fossé qui commence à les séparer. Au bout de quelques minutes, il ressent une légère pression sur son épaule droite, et perçoit vaguement le son de la voix de Louise, pas encore totalement conscient des mots qu’elle prononce. « Hm ? » Il a la gorge sèche, et il n’aura suffi que de quelques minutes pour avoir cette désagréable sensation de bouche pâteuse. Il retire son bras de ses yeux pour apercevoir, les yeux à demi-clos, le regard blessé de Louise. Ses sourcils se froncent sans comprendre ce qu’elle vient de lui dire. Il voudrait tellement la revoir sourire. Qu’est-ce qu’il aimait l’entendre rire. Ce mutisme le rend fou.

Il la voit se retourner, lui tourner le dos, et tente un geste pour la retenir, mais sa main n’arrivera jamais jusqu’à elle. Voilà celui qu’il est devenu : quelqu’un qui abandonne. Il était pourtant résilient, avant, toujours prêt à enfoncer des portes jusqu’à ce qu’elles finissent par s’ouvrir, coûte que coûte. A quel moment a-t-il commencé à abandonner ? Il n’est aujourd’hui plus que l’ombre de lui-même, et ce qu’il entend lui brise le cœur. Même elle ne semble plus le connaître. Il se redresse alors douloureusement, faisant descendre Lola du canapé, puis place ses mains sur son front dans un soupir, le mal de crâne plus présent que jamais. « Qu’est-ce que tu vas encore imaginer ? » Il aurait voulu parler moins sèchement. La rassurer et lui dire qu’elle n’a rien à craindre, qu’il se déteste de la laisser penser ça, que s’il ne l’a pas rejoint dans leur lit c’est qu’il ne veut pas qu’elle le voie comme ça.

Un nouveau soupir transperce ses lèvres, il relève la tête pour la regarder, pas vraiment dans les yeux, mais la regarder quand même. Elle lui manque. Elle lui manque tant qu’il en ressent une douleur physique dans le cœur. « Parce que toi, tu veux encore de moi peut-être ? » Non, ce n’est pas ce qu’il veut dire, pas comme ça, pas formulé comme ça. L’alcool lui fait perdre le contrôle. Il est en train de tout détruire, comme si sa peine n’était pas déjà suffisante. Il voudrait s’excuser, retirer immédiatement ce qu’il vient de dire, mais c’est plus fort que lui. « C’est à peine si tu m’adresses la parole ! On dirait que tu fais ton possible pour éviter d’être dans la même pièce que moi ! Alors, qui ne veut pas de l’autre, hein ? » Non. Il n’a pas envie de s’en prendre à elle, il n’a pas envie de lui parler de cette façon, surtout qu’il n’est certainement pas le mieux placé pour parler, le regard embrumé par l’alcool qui déforme ses mots, tandis qu’il tente de relever la tête pour la voir. Il ne lui faut qu’une demi-seconde pour regretter ses paroles, et tout ce qu’il trouve à faire, c’est se relever pour aller se chercher ce satané verre d’eau, fuyant lâchement la tension qui s’installe.
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♫ Les premiers mots que Jamie tente de prononcer sont à peine audibles ou bien Louise ne les comprend pas. Il se décide à bouger, bien que le moindre mouvement semble lui demander un effort considérable. Il dégage son visage, mais ce qu’elle voit lui fait un peu plus mal. Elle se retourne, trop vite, ne pouvant pas rester face à ce regard. Des mois qu’elle ne parvient plus à soutenir ce regard, mais ce soir c’est pire. Comme si ce qu’elle lisait à travers ses pupilles vertes était plus fort encore qu’à l’accoutumée. Accrochée à ce meuble, comme à une bouée de sauvetage, elle lui tourne le dos mais l’entend bouger. La tête cesse de lui tourner quand elle entend Lola sauter sur le sol et que le soupir de Jamie en dit long. « Qu’est-ce que tu vas encore imaginer ? » Sa voix est dure, sèche. Louise redresse alors la tête, surprise. « Encore ? » Souffle-t-elle, plus pour elle-même que pour lui. Elle se retourne vers lui et l’observe quelques secondes. Il est comme elle, dans le même état, comme s’il n’était plus que l’ombre de lui-même. Un nouveau soupir émane alors qu’il daigne lever la tête vers elle, le regard toujours fuyant. Prête à lui répondre, à partir au quart de tour, il la devance. « Parce que toi, tu veux encore de moi peut-être ? »

Le cœur de Louise se serre. Comment peut-il douter de ça ? S’il y a bien quelque chose dont elle est sûr depuis qu’elle connaît Jamie c’est qu’il est la seule personne au monde qu’elle n’ait jamais aimé et avec qui elle voudrait être tout le temps. Chaque seconde de sa foutue vie. Aujourd’hui encore, elle n’a jamais douté un seul instant de ses sentiments envers cet homme qu’elle aime justement bien trop pour être celle qui lui fait du mal. Pour être la cause de ce chagrin qui semble le dévorer chaque jour davantage. Il poursuit dans sa lancée, ses mots accablent Louise. Bien que difficile à entendre, ils sont justes, hormis sur le fait qu’elle ne veuille pas de lui. Chaque mot qui sort d’entre ses lèvres lui donne l’impression d’un coup de poignard en plein cœur, savoir qu’il pense ça la terrifie. Jamie la contourne pour aller dans la cuisine. Louise reste là, incapable du moindre mouvement. Elle sent cette vague de chaleur l’envahir, cette nausée la gagner. Elle reconnaît à peine cet homme qui passe à côté d’elle en prenant soin d’éviter tout contact avec elle aussi bien physique que visuel. Cet homme qui sent l’alcool. Cet homme qui lui parle de cette manière si dédaigneuse. Pourtant, elle sait. Oui, elle a conscience qu’elle est la cause de tout ça. « Comment tu peux penser ça ? » Plus solide sur ses jambes, elle s’avance vers lui dans la cuisine. Elle arrive jusqu’à sa hauteur et le pousse à se tourner vers elle malgré cette fuite pour venir se servir un verre d’eau. Elle le pointe du doigt, posant ce dernier sur son torse. Comme si c’était lui l’accusé. Un mélange de sentiments et d’émotions la gagne. Furieuse que son mari pense de telles choses mais aussi triste. « Tu comprends pas que je ne peux pas te regarder ?! Que je n'arrive plus à voir ce regard brisé ? Je t’ai brisé Jamie et je supporte pas de le voir. Alors oui des fois je me dis que tu ferai mieux de me laisser, de trouver quelqu’un qui pourra te donner ce que je ne suis même pas foutue d’être en mesure de t’offrir. » Sans s’en rendre compte, elle a lancé ces mots en criant. Reprenant son souffle, elle s’accroche au comptoir de la pièce, baissant le regard un instant.

Elle relève la tête pour lui faire face de nouveau, son regard s’accroche au sien. Elle sent qu’elle est à deux doigts de flancher, mais elle fait en sorte que ce ne soit pas le cas. « Quant à ne pas vouloir de toi…je n’ai même pas les mots. » Elle aurait voulu lui dire qu’il avait été et serait le seul homme de sa vie, qu’elle était prête à lui offrir l’opportunité d’une vie plus belle sans elle s’il le fallait, par amour.  Lui dire qu’elle l’aimait à en mourir et que justement le voir ainsi à cause d’elle était en train de la tuer. Mais les mots ne sortaient pas de sa bouche. Elle se dirige vers la salle de bain mais lance une dernière chose à Jamie sans se retourner. « Au fait, tu empestes l’alcool ! » Arrivé dans la salle d’eau, elle ne prend pas la peine de fermer la porte et vomi enfin dans les toilettes ce qui lui portait sur le cœur depuis de longues minutes. Elle se lève pour faire couler de l’eau fraîche dans l’évier et s’en asperge le visage. La fraîcheur sur sa peau ardente lui fait du bien une fraction de seconde. Elle se retrouve face à son propre reflet dans le miroir. Parfois elle aimerai pleurer, elle se dit que cela doit soulager mais elle n’y parvient pas. Au lieu de ça, elle jette son poing serré dans le miroir.  Il se brise, sa main saigne presque autant que son cœur meurtri. Pourtant, elle ne sent rien. Voir ce sang couler la ramène seulement aussitôt à ce jour maudit où en quelques instants la vie rêvée qu’elle menait à sombrée en cauchemar. Elle se laisse glisser le long de la paroi de la douche et prend son visage entre les mains, ramenant ses jambes vers elle. Ses mots résonnent encore dans sa tête. Comment peut-il penser ça ?

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♫ Il ne supporte plus de la regarder, bien trop sujet à la culpabilité, la peur, et la honte. S’il ne se reconnaît déjà plus lui-même, comment le pourrait-elle ? Ils s’aimaient tellement, avant, est-ce que tout s’est réellement effondré ? Est-ce qu’ils arrivent finalement au moment de rendre les armes, et s’avouer vaincus ? Il n’a aucune envie d’abandonner, aucune envie de la voir partir, sentant son coeur trembler lorsqu’elle se pose des questions, mais comment pourrait-il lui en vouloir ? Il choisit la fuite pour éviter qu’elle ne réponde à sa question, de la même manière qu’il a évité de répondre à la sienne. Peut-être qu’un verre d’eau lui clarifiera l’esprit, peut-être qu’elle décidera de retourner se coucher, laisser planer la conversation jusqu’au lendemain, lorsqu’il sera plus sobre, plus lucide, et, surtout, qu’il ne sera plus là. Il a honte de choisir la fuite, mais cette conversation-là, il n’a aucune envie de s’y confronter. Arrivé dans la cuisine, il attrape un verre dans le placard, et commence à se servir de l’eau du robinet lorsqu’elle lui attrape le bras pour qu’il se retourne, pointant son doigt accusateur sur lui, prête à en découdre. Son verre d’eau s’éclate immédiatement dans l’évier, et son cœur manque un battement. Elle n’a jamais eu besoin de personne pour mener ses combats à sa place, et sa force de caractère lui a toujours valu son admiration : elle est tellement belle lorsqu’elle s’énerve, laissant transparaître toute sa passion dans la façon dont elle vous brise. Et ses mots le détruisent.

A demi-chancelant, la main fermement accrochée au comptoir pour se donner un minimum de contenance, il ne parvient pas à soutenir son regard. Il a honte, tellement mal de lui avoir laisser imaginer tout ça, comme si c’était de sa faute, comme si elle portait sur elle toute la charge de ce qui lui est arrivé. De ce qui lui est arrivé. « Et si j’ai pas envie ?! J’ai pas besoin de quelqu’un d’autre, et c’est certainement pas toi qui m’a brisé, Louise ! » Et toi aussi, tu es brisée. Il fait semblant de l’ignorer, mais il le voit bien dans son regard. Il la voit bien se tenir au comptoir de la même manière que lui, pour essayer de se tenir debout parce qu’elle n’en a plus la force. Il les voit bien, ses poches sous les yeux qui semblent sortir de nulle part puisqu’elle paraît dormir beaucoup trop. Il voudrait emporter sa peine avec lui, et peut-être que lui aussi, il se dit qu’elle serait mieux sans lui, parfois. Ils échangent un nouveau regard, et il ne trouve pas les mots justes, ceux qui répareraient tout. Il la regarde s’éloigner sans réagir, et sa dernière remarque, incisive, le remplit de honte. C’était ce qu’il voulait éviter à tout prix : qu’elle le voie dans cet état, et constate l’étendue des dégâts, jusqu’à ne plus rien reconnaître de lui.

Il reste un instant seul dans la cuisine, le regard vide plongé dans l’évier à se demander s’il doit prendre ce verre d’eau ou se rabattre sur quelque chose de plus fort, vaincre le mal par le mal, persuadé que sa femme va finir par se recoucher, avant de l’entendre vomir dans la salle de bain. Toutes ses pensées précédentes s’évaporent alors qu’il se rapproche doucement de la pièce, la porte entrouverte, d’un pas hésitant. « Louise ? » Tout ça lui semble bien trop familier, mais il s’efforce de ne pas y penser. C’est à ce moment-là qu’il entend le bruit fracassant du verre qui se brise. Non. Pas encore, pas cette fois. Son sang ne fait qu’un tour et il se précipite dans la salle de bain, ouvrant la porte en grand pour découvrir Louise recroquevillée sur le sol, la main couverte de sang. Cette vision le paralyse, bien trop proche de ce qu’il a déjà pu vivre, dans cette même pièce qu’il redoute depuis. Sa vue se trouble, à mi-chemin entre la réalité actuelle et le souvenir, si bien qu’il a besoin d’un instant pour reprendre son souffle, s’appuyant sur l’encadrement de la porte pour ne pas flancher. C’est pas le moment.

Il souffle plus fort, tâchant de maîtriser sa crise de panique, puis finit par se reprendre, après un instant, pour s’accroupir à côté de Louise en lui attrapant la main. « Qu’est-ce qui t’a pris ? Briser un miroir avec ta main, franchement ! » Il en a conscience, que son inquiétude apparaît comme un reproche, mais il n’est apparemment pas capable de faire mieux. « Bouge pas. » Il se relève pour aller chercher le kit de premier secours avec l’impression d’avoir totalement désaoulé suite à la montée d’adrénaline, puis revient s’accroupir auprès d’elle, attrapant une pince du kit pour tenter de retirer les bris de verre susceptibles de s’être logés dans sa main. « Faudrait peut-être aller à l’hôpital, tu crois pas ? » Rien que l’idée lui provoque la chair de poule. Il n’y a pas mis les pieds depuis cette nuit-là, et n’a certainement aucune envie d’y retourner. Il asperge la blessure de désinfectant, pas très sûr de lui, sans rien dire de plus, sans la regarder non plus, avant de, finalement, rompre le silence par le seul mot qu’il trouve approprié. « Pardon. » Il glisse un regard empli de culpabilité à son intention, un sourire plus triste que rassurant aux lèvres, conscient qu’un simple mot ne suffira pas à réparer. « Pour le meilleur et pour le pire. Je sais que pour toi ça peut être un concept un peu idéaliste. Mais moi j’y croyais. Alors pardon. » Et il y croit encore, malgré tout. Il se raccroche à cet espoir que ce qu’ils sont en train de traverser fait partie du pire, et qu’ils vaincront tout ça pour arriver au meilleur. Il faut simplement qu’ils parviennent à survivre à cette mauvaise passe, non ?

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♫Alors qu’elle sent les battements accélérés de son cœur pulser au niveau de sa main blessée, tout semble se bousculer dans l’esprit de Louise. Encore. Les images défilent sous yeux. Leur bonheur, son ventre légèrement arrondi, cette douleur violente, ce réveil dans un autre monde, cette chambre qu’elle ne peut plus approcher, Jamie qui pleure, qui s’éloigne, leurs disputes. Elle a beau tenter de trouver des « solutions » pour mettre un voile sur ce qui s’est passé, ce n’est jamais suffisant. Consciente que sa vie n’a plus aucun sens, qu’elle va droit dans le mur, elle ne trouve plus d’option. Elle n’a jamais été du genre à baisser les bras, battante dans l’âme depuis son plus jeune âge, pourtant aujourd’hui, elle sent qu’elle n’a plus la force de se battre. Tout la ramène à ce qui s’est passé, à commencer par son propre corps. Tous les mois, ce sang ne fait que raviver cette douleur profonde. Cette plaie béante qui la consomme. Tous les mois elle maudit ce corps pour ce qui lui fait subir, pour ne pas avoir été à la hauteur, pour la faire souffrir encore et encore. C’est comme ça qu’elle a commencé les médicaments…pour la douleur physique, morale, pour les saignements. Une première pseudo solution censée la soulager sur tous les plans. Seulement le soulagement est toujours de courte durée. Il cesse en général au moment où elle se réveille. Alors oui, bien sûr elle à déjà envisagé l’option de ne plus se réveiller, fatal solution pour arrêter toute souffrance. Mais non, elle ne peut s’y résoudre et à vite chasser cette idée de son esprit. Pour lui. Finalement incapable de le quitter de quelque façon que ce soit. Pour l’infime espoir qu’un jour ils aillent mieux. Alors au lieu de ça, elle joue avec les limites de ce corps. Pourquoi cette blessure à la main ne la fait pas souffrir encore plus que cette douleur envahissante ?

Elle sursaute quand Jamie lui attrape la main, la sortant de ce tourbillon de pensées qui la hantent. Elle redresse doucement la tête pour regarder sa main sur la sienne. Premier malheureux contact entre eux depuis ce qui lui paraît être une éternité. Elle la retire finalement assez brusquement. « J’ai pas besoin que tu m’engueule ! » Prête à baisser la garde quelques secondes auparavant elle fronce les sourcils en venant coller sa main pleine de sang et encore sanguinolente contre elle. « Bouge pas. » Cela tombe bien, ses jambes lui paraissent incapables de la porter où que ce soit. Elle le regarde se relever pour chercher leur trousse de premier secours avant de revenir près d’elle et de se mettre à sa hauteur. Elle se déride en voyant qu’il à malgré tout l’air inquiet alors qu’il tente de retirer les quelques morceaux de verres sur sa plaie.  Son regard est toujours fuyant mais il est différent de quand elle l’a laissé dans la cuisine. « Non. » Hors de question qu’elle mette les pieds à l’hôpital et encore moins avec lui. « C’est rien. » Si les souvenirs la hantent, elle sait que ce moment à été encore pire pour lui. Il a vécu la perte de leur bébé mais a cru aussi vivre celle de sa femme. Elle comprend à ce moment que ce qu’elle vient de faire est doublement idiot. Elle est en train de faire revivre à Jamie cette nuit-là. Elle s’en veut de ne même pas y avoir pensé. Mais elle ne peut pas lui dire qu’elle a simplement voulu se procurer une douleur plus vive que celle qui l’habite.

Le silence règne dans la pièce tandis qu’elle le laisse nettoyer la plaie, elle se sent si ridicule qu’elle n’ose rien dire. Elle se contente d’attraper de son autre main, plusieurs compresses dans la trousse et vient les plaquer contre la plaie en restant appuyée dessus. « Pardon. » Il la regarde enfin et son regard lui glace le sang, tout comme ce sourire triste qu’il arbore. Louise pose sa tête sur l’épaule de Jamie, l’odeur d’alcool ne semble plus exister et malgré l’odeur marquée du désinfectant, elle sent son odeur à lui. Il lui manque tellement. « Pardon pourquoi ? »  S’il y en avait bien un des deux qui devait se faire pardonner, ce n’était pas lui. Tout ce qui c’était passé pour qu’ils en arrivent ici, n’était pas sa faute. Elle redresse la tête, le regarde d’un air curieux, elle ne comprend pas où il veut en venir. « Tu n’y crois plus ? » Il avait raison, pour Louise, ce concept était complétement fou et improbable. Mais c’était avant lui. « C’est moi qui m’excuse d’être devenu un poids pour toi. C’est ma faute tout ça tu n'as pas à te faire pardonner quoi que ce soit. » Elle se perd dans les mots, elle aurait envie de lui dire mille choses, pourtant sa tristesse apparente et ce silence plombant dans cette pièce froide la dissuade. « J’ai encore envie d’y croire. » Elle lui sourit, timidement. Sincèrement. Elle lâche les compresses pour venir glisser ses doigts glacés sous le menton de Jamie et faire en sorte qu’il relève la tête vers elle. Ses pupilles bleus accrochent les siennes, brillantes elles sont pourtant si tristes et paraissent aussi vides de vie qu’elle. Mettre un voile sur ce qui s’est passé n’est clairement pas la bonne solution. Pour aucun d’eux. Mais pour se relever il faut retrouver la force de vivre et cette combativité qui semble avoir fui. « Je…ça fait un peu plus de 6 mois Jamie. J’ai… » Elle s’arrête en cours de route. Avant ce soir, avant ce moment, elle n’aurait jamais parlé de ce qu’elle s’apprête à demander à son mari, mais il a raison. Eux deux c’est pour le meilleur et pour le pire, ensemble. Il est temps qu’elle fasse un pas en avant. Même si elle doute que ce soit vraiment une bonne idée. « J’ai mon rendez-vous de contrôle gynéco la semaine prochaine et…j’ai failli l’annuler mais je me dits que tu…Enfin si tu veux, tu pourrais m’accompagner. » Elle ne souhaite pas le faire souffrir plus. Elle pense simplement qu’au lieu de s’entêter à vivre ça seule, elle devrait tenter d’avancer avec lui. Mettre un voile ne marche pas, il faut prendre pleinement conscience de ce qu’il en est pour pouvoir enfin espérer se relever. Ce rendez-vous, elle l’a déjà loupé une fois. Le médecin, conscient de la situation lui à alors simplement décalé. Mais Louise ne veut pas affronter ce qu’il va lui dire…elle ne veut même pas savoir si oui ou non, elle pourra un jour espérer mener une nouvelle grossesse. A dire vrai, ce projet ne fait plus partie de sa vie.  

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♫ Il se paralyse à la vue de son sang, peur nouvelle dont il ignorait jusque-là l'existence. Sa vue se trouble et il se retrouve incapable de bouger pendant un instant, traversé par le souvenir de cette nuit atroce, la nuit pendant laquelle il a bien cru qu’il les perdrait tous les deux. Qu’il la perdrait, elle. Cette peur-là, il ne la souhaiterait même pas à son pire ennemi. Désormais, rentrer dans cette salle de bain lui provoque une étrange sensation d’inconfort, de mal-être, des flashbacks qu’il préférerait éviter. Il a beau tout faire pour oublier cette nuit, c’est comme si elle le poursuivait à longueur de journée. Il la voit, tétanique, recroquevillée sur elle-même sur le sol froid de la salle de bain, et, d’une certaine manière, sa détresse actuelle lui donne le courage de sortir de sa propre tétanie. S’il reste ici, à ne rien faire, il la perdra pour de bon, cette fois. C’est sa plus grande peur, son pire cauchemar.

Son rejet lui fait mal au cœur, la façon dont elle s’échappe de lui, comme si elle ne lui faisait plus confiance, comme si, fondamentalement, elle refusait toute aide extérieure pour le confort de l’auto-destruction. Et il ne peut que la comprendre, fonctionnant exactement de la même manière. Cette fois, pourtant, il ne la laissera pas faire. Il propose l’hôpital et son refus lui indique que pour elle aussi, l’idée de s’y rendre à nouveau n’est pas envisageable. Peut-être qu’il n’a pas bien réalisé, jusqu’à maintenant, qu’ils partagent ce même traumatisme. Qu’ils sont tous les deux brisés, ébréchés, qu’un bout d’eux-mêmes s’est envolé cette nuit-là. Il s’en veut d’autant plus de ne pas avoir su partager sa peine avec elle, de ne pas avoir été là pour elle. Ils ont refermé la boîte de pandore à double tour et n’en ont plus jamais reparlé, de peur de relâcher tous les malheurs à la première ouverture.

Depuis combien de temps ne se sont-ils pas même touchés ? L’a-t-il au moins serrée dans ses bras, après cette nuit-là ? Il s’en veut tellement de l’avoir abandonnée à sa peine, elle pour qui la douleur a dû être si intense. Il n’a pas su se comporter comme il l’aurait dû, comme il l’a promis en lui passant la bague au doigt. Et dans le silence et la froideur de la pièce, il ne peut que lui demander pardon. Pour tout ce qu’il n’a pas su lui apporter. Il la sent poser sa tête sur son épaule et ce moment de tendresse le surprend. Il ferme les yeux un instant et s’appuie sur elle de la même manière. Un geste simple qui lui a terriblement manqué, il s’en rend compte. Comment ont-ils pu en arriver à ce point ? Ils s’aiment pourtant, non ? « Pardon de ne pas avoir été là. » Il sent les larmes lui monter aux yeux, les retenant autant que possible pour ne pas craquer.

Il avait juré de la protéger, de la soutenir, quoi qu’il arrive, convaincu que c’est ce qu’il ferait pour le restant de sa vie. Y croit-il encore aujourd’hui ? Il la regarde un instant, sans répondre. En tout cas, il aimerait y croire. De toutes ses forces. Il lui adresse un léger sourire, comme pour dire que oui, qu’il est encore temps de s’accrocher à leur histoire. Mais son sourire se fane à ses mots. Comment peut-elle imaginer un seul instant être devenu un poids pour lui ? « Rien que l’idée que j’aie pu te laisser penser ça mérite que je m’excuse au moins mille fois plus. » Il baisse la tête, rempli de honte. Ce qui est arrivé n’était de la faute de personne, et certainement pas de la sienne. « J’ai jamais pensé que tu étais un poids. A aucun moment. Et tu n’y es pour rien. » Ils se sont enfoncés dans un gouffre, chacun recroquevillé sur sa propre culpabilité, sans même se dire qu’aucun d’eux n’aurait rien pu faire. Il s’accroche alors à son sourire, un sourire différent d’auparavant, mais un sourire quand même. Il s’accroche à ses mots, et à la main qu’elle lui tend, à ses yeux qu’elle l’oblige à regarder. Ces pupilles bleu océan dans lesquelles il se plongeait volontairement il n’y a pas si longtemps. Il sourit à son tour, de la même manière qu’elle, attrapant sa main pour y déposer un baiser timide, prêt à y croire encore un peu, pour elle.

Six mois. Il n’avait pas encore réalisé jusque-là, qu’à l’heure actuelle, si tout s’était passé comme prévu, ils seraient déjà parents. Que le terme initial est déjà dépassé depuis un moment. Si ça lui fait mal, il n’imagine pas la douleur qu’elle doit ressentir. Il l’écoute jusqu’au bout sans l’interrompre, comprenant sa peur à travers l’hésitation dans sa voix. Il n’est pas certain d’être prêt à affronter ce que le médecin pourrait bien leur dire, mais reculer l’échéance ne ferait que laisser planer la douleur. Et à l’entendre, il sent qu’elle a besoin de lui, peut-être pour la première fois depuis cet incident. Il lui sourit, touché par sa demande, serrant sa main plus fort dans la sienne, en tentant de capter son regard pour ne plus le lâcher. « Oui bien sûr, je viendrai avec toi. On affrontera ça ensemble, quelle que soit la finalité, d’accord ? » Et ils se relèveront de ça. Il entoure soigneusement sa blessure d’un bandage, en silence, retenant la question qui lui brûle les lèvres. Ils n’en ont pas encore parlé, des conséquences. De ce qui arrive après. A-t-elle au moins toujours envie de fonder une famille avec lui, d’une manière ou d’une autre ? Il hésite à lui demander, de peur de connaître sa réponse. A la place, il privilégie une autre question, tout aussi importante. « Est-ce que… ça te fait peur ? » Ils n’ont jamais été les meilleurs pour parler de leurs sentiments, de leurs ressentis, mais c’est peut-être le meilleur moment pour commencer. Et s’ils ne parlent pas de ça, de quoi peuvent-ils bien parler, aujourd’hui. Parce que lui, il est terrifié.

Il l’observe un instant, la pâleur de sa peau, la froideur de ses mains, ses poches sous les yeux, son état général lui fait peur. Il n’est pas spécialement le mieux placé pour parler, mais c’est surtout d’elle dont il doit s’occuper. Pour elle qu’il doit se battre. Il fera de son mieux pour ne pas l’oublier lorsqu’il se retrouvera à nouveau face à un verre de whisky. « Tu es toute pâle… Tu as mangé, aujourd'hui ? » Il repense à ce qu’il a entendu, juste avant le miroir brisé, juste avant la main ensanglantée, et passe sa main sur son front, inquiet. Pas de fièvre, sa peau lui paraît même un peu trop froide à son goût. Il se relève alors, tendant une main vers sa femme, le plus calmement possible malgré toute son inquiétude -et, malgré les apparences, son état d’ébriété encore présent. « Viens, je vais te préparer quelque chose. Tu peux te lever ? »

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♫Non, il n’avait pas d’excuses à lui faire. Louise s’est mise tellement de choses en tête en s’enfermant d’elle-même dans ce mutisme. Elle s’y est d’ailleurs tellement engouffrée qu’elle ne s’est pas rendu compte que Jamie lui de son côté, en faisait de même. Elle perçoit le tremblement dans ses mots, elle devine que l’alcool n’y est pour rien. Bien sûr elle l’aime encore, elle l’aimera très certainement toute sa vie, comme elle lui a promis, seulement elle n’a pas été capable de voir à quel point il est lui aussi à la dérive. Sans doute parce qu’elle ne parvient pas à gérer sa propre douleur et que face à elle, tentant de se protéger, elle se braque. Elle n’arrive pas à se battre alors elle fuit. Elle fuit tout et tout le monde depuis des mois. C’est au-dessus de ses forces de voir les regards compatissants des gens et de les trouver gêné ne sachant quoi lui dire, craignant toujours de dire un mot de travers. Alors elle s’est refermée sur elle et sur sa peine dévorante. Jamie n’y est pour rien, non.  Ne souhaitant pas l’entraînant avec elle, elle l’a laissé de côté et regrette aujourd’hui de ne pas avoir fait équipe avec lui, comme ils l’ont toujours fait auparavant. Seulement maintenant elle ne sait pas, elle ne sait plus comment s’y prendre.

Il lui sourit d’un sourire si triste, si lasse. Elle éprouve une peine immense de le voir ainsi amaigri, le regard terne et ce teint blafard. Sans parler de cette soirée qu’il a clairement passé à boire. Son sourire solaire lui manque atrocement. Il baisse la tête pour poursuivre. « Si, j’aurais dû faire plus attention. Me reposer ou je ne sais pas. J’aurais dû sentir avant que quelque chose n’allait pas. » Elle se stoppe pour souffler doucement, mettant un semblant d’ordre dans ses idées. Pour ravaler ses larmes qui semblent se décider à venir maintenant, mais non, ce n’est pas le bon moment. Lui souriant comme il en est encore capable, il attrape sa main pour y déposer un prudent baiser. Surprise, elle lui sourit, comme elle ne l’a plus fais depuis des mois.

Il l’écoute attentivement, daignant enfin la regarder, serrant un peu plus cette main dans la sienne. Il ne semble pas hésiter et accepte de l’accompagner, plus que ça, quoi qu’il advienne, ils l’affronteront ensemble. Louise lui sourit de plus bel tant cette réponse lui paraît utopique à cet instant. Elle lui souffle un discret merci qu’elle articule entre ses lèvres, il bande avec soins sa blessure en silence. Il redresse la tête vers elle et lui pose cette question comme si elle lui brûlait les lèvres. Louise mord la sienne et baisse les yeux vers leurs mains liées. Répondre à cette question lui est difficile. « Oui. » Bien sûr qu’elle a peur. Ce dont elle a le plus peur c’est de le perdre lui. C’est qu’on lui dise qu’ils ne pourront jamais avoir d’enfant ensemble, qu’elle brise son rêve de famille. Avoir des enfants n’a jamais été dans ses projets à elle avant qu’il ne lui en parle. Trop blessée elle-même du manque cruel d’amour dont elle a souffert enfant. Mais à mesure que ce sujet était évoqué elle a fini par aimer l’idée. Elle imaginait déjà Jamie complétement fou de ce bout de chou qui aurait scellé à jamais leur amour. Le classique un peu de lui, un peu d’elle la faisait rêver. Porter la vie de cet être au creux d’elle-même fut une révélation, après le jour de son mariage elle n’avait jamais été aussi heureuse. Et Jamie…il la regardait comme jamais personne ne l’avait regardé. Comme jamais plus sans doute il ne la regardera. « J’ai peur pour nous. » Ses yeux croisent à nouveau les siens et elle s’accroche à cette main qu’elle n’a pas lâchée. « Mais tu seras là. » Cette fois, elle comptait bien l’intégrer à part entière, le laisser avoir sa place. « Et toi ? » Ces deux mots difficiles à sortir, elle craint sa réponse alors que la sienne était bien trop évasive. Elle s’en rend compte mais ne parvient pas à poser des mots sur ce qu’elle ressent, et arrive encore moins à les formuler à voix haute.

Elle rit doucement. D’autant plus quand il passe une main sur son front, visiblement inquiet.  « J’ai toujours plus de couleur que toi. » Elle reprend un air sérieux, soucieuse de ne pas vouloir le braquer maintenant qu’elle le retrouve pour un laps de temps indéfini. « Tu as tellement maigri Jamie. » Sans filtre, elle retourne son inquiétude à lui avec la sienne. Comment a-t-elle pu être aussi aveugle ? Et comment a-t-elle put le laisser sombrer à ce point ? Elle décide de ne pas parler de l’état d’ébriété dans lequel il est rentré. Mais elle garde ce fait, qui ne lui ressemble pas, dans un coin de sa tête. Il se relève sans encombre et tend une main à Louise, semblant douter qu’elle soit capable de se relever. Quelques minutes plus tôt elle en aurait été en effet incapable mais cette main tendue fait toute la différence. Elle l’a saisie et tire dessus pour lui donner la force qui lui manque. Avec l’élan que cela lui procure, elle se retrouve debout, contre Jamie à qui elle s’est raccrochée, plus proche qu’ils ne l’ont jamais été depuis si longtemps. Elle relève la tête vers lui, plus perdue que jamais son cœur semble s’emballer alors qu’elle ne le sentait plus battre depuis des lustres. Elle scrute les lèvres entrouvertes de son mari, son regard sur elle. « Je n’ai pas faim. » Comme si son corps ne lui appartenait plus, ses lèvres vinrent se presser contre celles de Jamie. Elle ferme les yeux un instant, ayant pour un temps l’impression de retrouver sa vie. Malgré ce gout d’alcool, elle à du mal à mettre fin à ce baiser. Pourtant, par pudeur, elle se recule. « Pardon. »


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♫ Ca lui fait mal de la voir dans cet état, convaincue que tout est de sa faute, comme si elle avait déclenché sa fausse couche. Il n’a jamais pensé que cet événement aurait pu être évité par une action de leur part. Il n’a jamais cru qu’elle était responsable de quoi que ce soit, et ses mots lui font tellement de peine. « Louise… Ça n'aurait rien changé. Ce n’est pas de ta faute. » Il insiste, captant son regard pour essayer de la persuader, essayer de lui faire comprendre qu’elle n’aurait rien pu faire de plus. Et puis, de toute façon, ils n’en sauront jamais rien. La sentant fragilisée, et dans le désir de lui faire comprendre qu’il est là, à présent, il embrasse délicatement sa main, timidement, arborant un sourire le plus rassurant possible sur ses lèvres. Il voudrait tant qu’elle se sorte cette culpabilité de la tête. Il voudrait tant la revoir sourire comme avant, toujours pétillante et pleine de vie, spontanée et impulsive. Il voudrait revoir la passion dans ses yeux, et l’entendre chanter à nouveau. Sa voix lui manque. Tout son être lui manque.

Elle fait un premier pas vers lui et il s’y raccroche comme à une bouée de sauvetage, serrant fort sa main dans la sienne pour lui faire remarquer sa présence. Elle a besoin de lui, et il est hors de question qu’il la déçoive, cette fois-ci. Elle lui a rappelé la raison qu’il a de se battre, cette raison qui est restée la même depuis qu’il a posé les yeux sur elle. Il va arrêter de boire, arrêter de l’ignorer, arrêter de la fuir. Pour elle. Pour son sourire, pour sa voix, pour la personne qu’elle était il n’y a pas si longtemps, et qu’il ne peut pas abandonner. Ils iront ensemble affronter ce qu’on leur dira, et si leurs doutes se confirment, ils affronteront ensemble les conséquences. En cet instant, sur le carrelage froid de la salle de bain, malgré l’alcool qu’il peut avoir dans le sang, malgré sa blessure, il se permet d’y croire. D’imaginer que tout redeviendra comme avant. Peut-être pas aujourd’hui, mais ils redeviendront ce couple uni qu’ils étaient avant tout ça. Il n’ose pas encore lui poser la question qui le taraude réellement, cette question qu’il n’aura peut-être plus jamais le courage de poser, sachant pertinemment qu’à l’origine, c’était surtout lui qui s’imaginait une famille avec elle. Pour le moment, il voudrait surtout retrouver sa femme.

Il le voit dans ses yeux, dans cette façon qu’elle a d’abaisser son regard sur leurs mains, que lui répondre lui est bien difficile. Il ne lui arrachera jamais de confession facilement, et, pour le coup, c’est une chose qui n’a pas changé. Son regard lui fend le cœur, alors qu’elle lui avoue avoir peur pour eux. Elle n’est certainement pas la seule. La perdre lui est impensable. Il acquiesce cependant en souriant à sa deuxième affirmation, convaincu. Oui, il sera là, et il ne la laissera plus jamais seule. Pas un seul instant, à partir de maintenant. A sa question, cependant, son regard s’abaisse. Il ne serait pas dans cet état s’il n’était pas totalement terrifié. Il voudrait la rassurer et lui dire que tout ira pour le mieux, mais ce serait lui mentir. Il n’en a aucune idée, et cette incertitude le rend fou. « Evidemment. » Les yeux posés sur leurs mains, il caresse machinalement la sienne du pouce, comme un tic pour se donner un minimum de contenance alors qu’il avoue sa faiblesse. Il n’a jamais été très doué pour tout ça. « Mais je serai là. » répète-t-il à voix basse, la gorge nouée en relevant les yeux sur elle, esquissant un sourire rempli de tendresse à son intention.

Son état de santé l’inquiète, surtout après l’avoir entendue vomir, un peu plus tôt. Il ne sait pas exactement ce qu’elle a, mais ne peut que remarquer son teint blafard et ses larges cernes. A-t-elle au moins mangé, aujourd’hui ? Il passe sa main sur son front machinalement pour prendre sa température et elle semble s’en amuser, lui lançant une petite pique qui le touche en plein cœur. Le silence revient un instant, tandis qu’il baisse la tête, renvoyé à ses propres démons. Elle lui indique qu’il a maigri, alors qu’il n’a pourtant rien remarqué. A-t-il vraiment changé, lui aussi ? Il lâche un petit rire amer, tâchant d’éluder le sujet. « Tu n’as pas répondu à ma question. » Il n’en parlera pas plus. Il se contente de se relever, lui proposant sa main pour l’aider à en faire de même, prêt à lui préparer quelque chose à manger, n’importe quoi, tant qu’il la voit au moins se nourrir. Elle se saisit de sa main et se retrouve debout face à lui, plus proche qu’elle ne l’a été depuis des mois. Si proche qu’il peut sentir son souffle contre son visage. Elle lui glisse qu’elle n’a pas faim, et bien qu’il en doute, il se laisse aller à la croire alors qu’elle capture ses lèvres comme elle l’aurait fait auparavant. D’abord surpris par cette proximité retrouvée, il esquisse un geste de recul avant de fermer les yeux, se raccrochant à ce baiser comme preuve qu’elle veut encore de lui, après tout ça.

Elle met cependant un terme à leur échange un peu trop rapidement pour lui, et ses excuses lui brisent le cœur. Depuis quand sent-elle le besoin de s’excuser lorsqu’elle l’embrasse ? Il l’observe un instant, le palpitant battant à tout rompre alors qu’il le pensait endormi, et, après une brève hésitation, se saisit à son tour de ses lèvres, entourant son beau visage de ses mains pour ne plus la laisser s’enfuir. Il se détache d’elle une seconde pour lui sourire, faisant glisser son pouce le long de sa joue, avant de poser son front sur le sien, le souffle court. « Je t’aime, tu m’entends ?! » chuchote-t-il avec force. Il voudrait qu’elle n’ait jamais à en douter, que cet instant marque un nouveau départ, le renouveau dont ils ont tous les deux tant besoin. Il l’embrasse plus intensément encore, désespéré, la soulevant du sol pour la coller contre lui, plongeant sa main droite dans ses longs cheveux roux.

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♫Evidemment qu’il a peur, Louise n’avait pas besoin de lui renvoyer cette question pour en avoir la réponse. Il suffit de le voir pour s’en rendre compte. Il caresse sa main, le regard baissé en répétant, telle une promesse, ou bien pour se convaincre lui-même, qu’il serait là. Ce peu de mots entre eux suffisent à Louise pour avoir confiance en lui, il viendra. Il sera là. Après des mois sans chercher à se comprendre, sans être capable de regarder la souffrance de l’autre en face, il semble que ce simple pas en avant soit en proie à faire naître cette lueur d’espoir. Ils allaient enfin affronter ça ensemble. L’affronter en face. Ce soir, il avait beau être rentré dans un état qui ne lui ressemblait pas, à l’instar d’eux-mêmes depuis quelques temps, elle retrouvait pourtant enfin du Jamie qu’elle connaissait. Si son regard sincèrement inquiet et cette main sur son front auraient pu l’agacer il y a encore une heure, là elle est pour le coup touchée. Comme si lui aussi venait de prendre la peine de sortir de sa torpeur pour prendre le temps de l’observer un instant. En effet au lieu de répondre à sa question, c’est plus fort qu’elle, elle tourne les choses à l’inverse et le pique au passage, elle s’en rend compte. Elle s’en veut aussitôt mais au-delà du fait qu’elle fonctionne ainsi lorsqu’on aborde des sujets dont elle n’a pas envie de parler, elle pense qu’il est nécessaire qu’il prenne conscience à quel point il est en train de vaciller. Lui aussi. Il ne prend pas la peine de répondre, un nouveau silence s’installe et il choisi ce moment pour se lever.

Elle-même surprise par cette pudeur qui ne lui ressemble pas, elle se recule de Jamie en s’excusant. Elle se mord la lèvre. Elle craint simplement que tout ça soit trop pour lui, ils commencent à peine à se regarder en face alors les effusions du genre. Pourtant elle en veut encore. Son cœur, son corps en réclame plus. Elle sent son regard sur elle. C’est finalement lui qui lui rend son baiser, entourant son visage de ses mains. Surprise, elle se pend à ses lèvres et glisse sa main gauche dans son dos, l’attirant encore d’avantage vers elle. Ce contact lui brûle presque les doigts tant il lui avait manqué. Elle savoure ce baiser qui a le goût de promesses alors que des frissons lui parcourent le corps. Elle sent chaque partie d’elle-même  à nouveau en vie, comme s’il était en train de les raviver. Il s’éloigne un instant, un sourire se dessine sur ses lèvres tandis que son pouce glisse le long de la joue de Louise, front contre front mêlant leur souffle.  « Je t’aime, tu m’entends ?! » Sa voix est à peine audible pourtant il détache ces mots avec insistance. Elle sourit à son tour, un sourire de joie. Le retrouver, entendre ces mots lui donne presque le tournis. « Je t’aime tellement aussi. » Elle a à peine le temps de glisser ces mots qu’il l’embrasse avec intensité, il la soulève du sol pour venir la coller contre lui, elle enroule ses jambes autour de lui, s’accrochant à lui alors que sa main erre dans ses cheveux pendants. Sans détacher ses lèvres des siennes, l’embrassant avec une frénésie nouvelle, elle se recule légèrement, alors qu’il la soutient encore. Elle tire sur son tee-shirt, cessant un court instant leur baiser de manière à finir par lui enlever ce haut et le jeter au sol, avant de ne se jeter de nouveau sur ses lèvres. Elle parcourt son dos avec ses mains, en s’agrippant à lui en même temps. Elle ne supporte plus cette pièce, ni même tellement cette maison et pourtant, à ce moment plus rien à part eux n’existe.


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♫ Il l’écoute avec attention, se raccrochant à ses mots, se raccrochant au fait qu’elle lui demande de l’aide, pour la première fois depuis bien trop longtemps. Tout n’est pas perdu. Ils ne sont pas perdus. Ils se sont simplement égarés quelque temps, incapables de se regarder, incapables de se parler, mais il en a fini de ne plus l’écouter. Bien sûr qu’il a peur, bien sûr que la suite le remplit de doutes, si bien qu’il cherche par tous les moyens à oublier, se noyer pour ne plus y penser. Cette fois-ci, il décide simplement de se noyer dans ses sourires, aussi fanés soient-ils.

Il ne s’était pas rendu compte de sa gueule cassée, de son teint terni, de son corps amaigri. Il n’aurait pas pensé changer autant en si peu de temps. Ça n'est pas si terrible, si ? Il n’est pas encore au point de non-retour, si ? Il élude la question, de la même manière qu’elle a éludé la sienne, tous les deux brisés de la même manière, tous les deux incapables de gérer leur peine. Comment sont-ils tombés aussi bas ? Comment n’a-t-il pas pu la soutenir avant, chercher à récupérer son sourire coûte que coûte, ses yeux pétillants. Elle ne chante même plus, et ça lui fait mal. Elle aimait tellement ça, pourtant.

Il se lève et l’invite à le suivre en lui tendant une main qui se veut salvatrice, qu’elle saisit après un bref instant. Ce contact, il ne s’était même pas rendu compte d’à quel point il lui avait manqué. A quel point il peut avoir besoin d’elle. Comment a-t-il pu oublier un instant l’évidence ? Il sent ses lèvres sur les siennes et il en veut plus, alors qu’elle se détache de lui comme une étrangère qui aurait commis une faute. Il hésite un peu, soudain timide lui aussi, comme si le moindre geste brusque pouvait les détruire tous les deux en une fraction de seconde, puis emprisonne ses lèvres à son tour. Il a besoin d’elle, de la sentir contre lui, de lui faire comprendre tout l’amour qu’il lui porte. Il lui glisse les deux mots qu’il aurait tant voulu lui dire au cours des six derniers mois sans oser les prononcer, son front contre le sien en lui souriant. Ils s’en sortiront. En cet instant, cette poignée de secondes pendant laquelle il croise son regard, échangeant un sourire, en se chuchotant les mots les plus importants dans un souffle, il se permet de croire qu’ils vont pouvoir s’en sortir, que s’ils s’aiment autant qu’ils s’aiment, alors tout est possible.

Il se languit du goût de ses lèvres, de la sensation de sa peau contre la sienne. Il se languit d’elle toute entière, et dans un élan de désespoir, abandonne sa raison, se laissant aller à l’aimer, simplement, comme avant, l’embrassant passionnément à nouveau. Il la porte dans ses bras et elle s’agrippe à lui, comme si, finalement, plus rien d’autre n'avait d’importance. Elle lui a tellement manqué. Ses baisers, sa main dans ses cheveux, ses caresses, il en a tant besoin que ça lui fait presque mal. Elle tire sur son haut et il la laisse faire, entraîné par la frénésie du moment, ne lâchant ses lèvres qu’au moment de retirer le vêtement qui l’embarrasse. Il lui sourit dans un instant de complicité, avant de se raccrocher à ses baisers, tandis que ses mains parcourent la peau de son dos. Qu’est-ce qu’il l’aime. Pour l’heure, elle est sa seule évidence. Il en a même oublié que quelques minutes à peine plus tôt, ils se parlaient comme des chiffonniers.

Il la transporte alors jusqu’à la chambre sans jamais la lâcher, ne quittant ses lèvres que pour reprendre son souffle, puis la fait basculer sur le lit. Elle aura finalement réussi à l’y faire revenir. Il se détache d’elle, essoufflé, pour lui retirer son haut à son tour, le laissant tomber sur le sol sans ménagement, avant de l’embrasser à la base de son cou, se frayant progressivement un chemin jusqu’à retrouver sa bouche tandis qu’une main baladeuse explore les courbes de ses hanches.

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♫Ses bras toujours autour d’elle, la tenant fermement avec une force insoupçonnée à cet instant, alors que leurs lèvres ne se quittent plus, Jamie leur fait quitter cette maudite pièce. Ils traversent ainsi le couloir, Louise resserre d’avantage ses jambes autour de lui. Elle fait tomber un cadre en allumant la lumière du couloir. En un instant, ils se retrouvent dans la chambre. Leur chambre.  Cette pièce dans laquelle, ils osent à peine se retrouver ensemble alors qu’ils ont autrefois passé tellement de moments complices aussi bien à rire qu’à faire l’amour ou bien même à écrire ensemble des textes aux mots en connivence avec leurs sentiments. Après l’avoir fait basculer sur le lit, il se détache d’elle, son souffle court résonne dans la pièce. D’un geste plutôt rapide, il retire son haut à elle aussi et le laisse tomber.

Elle ferme les yeux un instant, tiraillé entre l’excitation du moment et le fait qu’elle n’accepte plus ce corps meurtri. Ayant pour seule lumière celle du couloir, qui n’éclaire que très peu la pièce, Louise se laisse aller en chassant toute idée à propos de cette gêne au moment où Jamie l’embrasse à la base du cou avant de ne remonter lentement jusqu’à ses lèvres, n’hésitant pas à laisser sa main vagabonder sur les formes de ce corps qui s’offre à lui.  Répondant à ce baiser suave, elle lui mordille la lèvre, tandis que ses mains glissent à nouveau dans son dos et le pousse d’avantage vers elle. Elle frémit au contact de sa peau contre la sienne. Elle courbe l’échine sous ses caresses et laisse s’échapper un léger gémissement.


La tête contre son omoplate, leur corps encore nus à peine recouverts d’un drap à moitié pendant dans le vide, elle dessine du bout du doigt ce tatouage sur sa poitrine. Presque interdits, aucun d’eux n’a encore prononcé le moindre mot. Elle à follement envie d’y croire. Elle ne regrette rien, au contraire. Elle se dit que finalement il est possible qu’ils parviennent à aller de l’avant, ensemble. « Tu crois que ton cœur sera toujours ma maison ? »  En sept ans, elle n’a jamais douté de leur amour. Elle sait que cet amour entre eux à toujours été puissant, intense et plus fort que tout. Leur complicité sans faille à toujours intriguée, cette tendresse dans leurs regards et cette attention dans le moindre geste qui perdurent au fil du temps n’à fait que renforcer leur lien.

Elle s’en veut d’avoir perdu tout ce temps sans lui. Elle s’en veut d’avoir pensé surmonter cette épreuve seule et de croire qu’ainsi, elle lui épargnerai une peine plus lourde. Il est sa vie, son moteur. C’est lui qui tire chaque ficelle de son cœur. Elle se colle un peu plus à lui, l’entourant de son bras. Comme pour sa rassurer qu’il n’allait pas partir. Elle relève la tête vers lui et croise ses pupilles vertes, éclairées par la lumière du jour qui commence à envahir la pièce. Elle vient doucement glisser ses lèvres contre les siennes. « Tu as tant manqué à ma vie. » C’était la vérité vraie. Alors même qu’ils étaient toujours là tous les deux, errants comme deux âmes en peine au lieu de continuer à vivre. Elle est heureuse de cette parenthèse et espère faire durer ces retrouvailles jusqu’à ce moment qu’elle redoute plus que tout.



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♫ Ils se retrouvent enfin, après des mois sans vraiment se voir, des mois à n’être plus que des étrangers qui n’osent à peine se regarder. Tout en elle lui a manqué, ses sourires, ses caresses, ses baisers, la façon si délicate qu’elle a de replacer une mèche de ses cheveux, la douceur de sa peau, ses mots doux, avant de s’endormir… Il s’étonne même d’avoir pu faire sans si longtemps. Alors qu’il y a quelques minutes, ils se reprochaient de ne plus vouloir de l’autre, les voilà si prompts à se prouver le contraire. Il s’abandonne dans ses bras, la couvrant de baisers, emporté dans la folie de l’instant, dans cette chambre qui n’était plus vraiment la leur depuis trop longtemps, et pour le restant de cette nuit, il oublie. Pour le restant de cette nuit, ils sont à nouveau Louise et Jamie, amoureux fous, et il se permet de croire que ça n’a pas changé, que les doutes, la culpabilité et les reproches ne sont que des détails, mieux, qu’ils ont totalement disparus à la minute où elle a posé ses lèvres sur les siennes. Et alors que le soleil n’a pas encore pointé le bout de son nez, il se laisse emporter à ne faire que l’aimer.

Et il est heureux. Louise tout contre lui, le souffle écourté par leurs ébats, il se remet à sourire, comme si plus rien d’autre n’existait, caressant tendrement du bout des doigts le bras de sa femme alors qu’elle s’attarde sur le tatouage qu’il a sur la poitrine, à l’emplacement de son coeur, une maison pour représenter tout son amour. Ses doigts continuent leur chemin jusqu’aux cheveux de Louise, il lui attrape une mèche pour l’enrouler autour de son index, savourant chaque fraction de seconde qui passe avec elle, puis lui embrasse le sommet du crâne tendrement. Ce moment, il veut s’en souvenir toute sa vie, l’enregistrer bien précieusement pour ne pas oublier ce qu’il ressent à cet instant précis : elle lui a manqué, et il l’aime tant.

A sa question, il sourit, baissant la tête pour capter son regard, et caresse sa joue délicatement avant d’embrasser tendrement ses lèvres. « Toujours. Tu y auras toujours la place la plus importante. » Et il ne voit pas comment cela pourrait en être autrement. Il l’aime du plus profond de son être, et ce depuis le premier jour. Toutes les épreuves, tous les obstacles du monde ne suffiraient pas pour réduire tout cet amour à néant. Son sourire s’accentue, un sourire qu’il n’avait pas montré depuis longtemps, à vrai dire. Il voudrait que ce bonheur dure encore, et se promet, sans prononcer le moindre mot, de faire en sorte que ce soit le cas. Il va arrêter de boire. Il se jure de ne plus la laisser seule et de l’écouter, de prendre soin d’elle, promettant d’honorer les vœux faits lors de leur mariage, convaincu que s’il s’y tient, tout ira bien. Ils s’aiment trop pour se laisser détruire aussi facilement, et il n’a jamais été du genre à abandonner. Et il a trop besoin d’elle pour la voir à nouveau s’éloigner.

Elle se colle un peu plus contre lui et il en profite pour la serrer dans ses bras, tout sourire en captant une nouvelle fois son regard à la lueur du jour. Elle est si belle, dans son accoutrement le plus simple, les cheveux légèrement en bataille, ses iris bleus plus brillants que jamais, et le reflet du soleil caressant sa peau. C’est comme qu’il la préfère. Elle l’embrasse et il savoure son baiser, cette accalmie lui fait le plus grand bien. « Tu m’as manquée aussi. Tellement. » Il y croit. Il avait un peu perdu la foi, mais cette fois, il y croit. Ils peuvent s’en sortir, affronter toutes les épreuves, tant qu’ils sont ensemble. Sa famille lui a toujours appris que l’union fait la force, et avec elle, ça ne fait pas exception. Il regrette de l’avoir oublié un instant. « Je t’aime. » Et il n’oubliera jamais plus de le lui dire.


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