I want you to hold out the palm of your handVARGAS Puerto Rico lui semble loin, maintenant. Pourtant, c'est là-bas qu'elle est née, Noela, il y a presque trente-et-un ans. D'une mère guatémaltèque, d'un père portoricain, ses racines lui sont fondamentales. Elle a passé les premières années de sa vie là-bas, à Porto Rico. Papa et maman n'étaient pas bien riches, mais ils se débrouillaient, comme ils pouvaient. Mais Noela, elle ne s'en rappelle pas tant que cela - c'est trop loin, déjà. Et puis maman, elle est morte quand elle était bien jeune, encore. Accident de voiture, terrible. Papa est resté inconsolable. Et plus le temps passe, plus, pour Noela, les souvenirs s'effacent.
MAJOLICA Papa a refait sa vie. Le deuil a été douloureux, pas évident. Mais il a réussi à passer doucement à autre chose, sans oublier vraiment papa. Il s'est remarié avec une autre femme, quand Noela, elle était jeune encore. Il est même devenu père pour la seconde fois - et Noela, elle a gagné une petite demi-sœur, du nom de Majolica. Seules quelques années les séparent - pourtant, elles sont un peu le jour et la nuit. Développeront en grandissant ce tempérament relativement différent. Pas la même façon de montrer qu'elles aiment ; qu'elles s'aiment. Noela, elle reste dans son coin. C'est juste qu'elle, elle n'est pas très expansive. Pourtant, elle tient énormément à Majolica. Ferait, pour elle, n'importe quoi. C'est juste qu'elle ne le montre pas. Mais la famille, c'est sacré. Et même si de prime abord, Noela n'est pas toujours facile à approcher, elle s'est faite à leur famille recomposée. A Majolica et puis à sa mère, même si elle ne l'avouera pas aussi facilement que cela.
OCEANSIDE Elle a dix ans, Noela, quand les Vargas décident de quitter Porto Rico. La famille a des rêves plein la tête, les parents veulent offrir une nouvelle vie à leurs filles. Pensent surtout aux études. Alors c'est comme cela qu'ils s'installent à Oceanside. Besoin peut-être de rester près de la mer. De ne pas trop être dépaysés. Pourtant, l'adaptation est difficile, l'intégration plus encore. Noela a quelques difficultés à se faire à cette nouvelle ville, à cette autre culture. Mais avec le recul, elle se rend compte que s'ils étaient partis des années plus tard, ç'aurait été encore plus difficile. Elle, elle n'est encore qu'une gosse quand ils s'implantent en Californie. Et même si elle reste un peu discrète, elle se fait facilement des amis à l'école, qui l'aident à se sentir un peu plus à sa place.
INTROVERT Noela, elle est une enfant un peu solitaire. Ou plutôt, indépendante. Mais ce n'est pas cela que l'on retient, d'abord. Pourtant, très jeune, Noela se débrouille seule. C'est sa responsabilité, en tant qu'aînée, quand bien même on ne lui a rien demandé. Mais elle fait les choses, dans son coin. S'enferme dans sa chambre pendant de longues heures, parfois. A lire. Ou à peindre. Elle a la fibre artistique, créative, elle a besoin d'occuper ses doigts. Cela la canalise. En réalité, dès son plus jeune âge, elle peut s'absorber des heures durant dans ce qu'elle fait, perdue dans ses pensées. Introvertie, ses pensées lui tiennent bien assez compagnie. Pas moins sociable, elle a juste besoin de ses moments de solitude, Noela. Elle a toujours été comme cela. Son père n'a jamais trop compris, s'est inquiété souvent, mais l'a laissée tranquille. C'est tout ce qu'elle voulait, la brune. Qu'on la laisse dans son coin. Pas bavarde, un peu mystérieuse, très peu démonstrative, dès son plus jeune âge, Noela, elle aime juste être seule. Dans son monde. Sans ne rien devoir à personne.
Et si à l'adolescence, elle s'ouvre bien plus aux autres, Noela, elle restera toute sa vie dans sa bulle. Celle que l'on peine à éclater, même quand on l'aime, en est aimé·e.
ART C'est si important, pour elle, l'art. C'est évident, cela ne s'explique pas. Elle n'a pas besoin de mots, en tout cas, Noela. Autour d'elle, souvent, les gens ne comprennent pas. Comme une œuvre abstraite peut la toucher. Comment des couleurs et des traits peuvent la remuer. C'est à l'école, qu'à l'art, elle a été initiée. Et très vite, elle s'est prise de passion. Elle peignait déjà elle-même, Noe. Parce qu'à l'école, on le lui avait montré. A l'adolescence, son goût pour l'art, elle a pu l'exploiter. Devenue plus libre, indépendante, plus mature, elle a dépensé son maigre argent de poche dans la moindre exposition. A passé même les portes des nombreuses galeries d'art qui fleurissent près du port, faisant fi des regards de jugement qu'on pouvait lui adresser alors. L'art, c'est devenu toute sa vie. Devenu un rêve, aussi. Elle veut pouvoir en vivre. Avoir un jour sa propre galerie.
TEEN L'adolescence ne s'est pas déroulée sans encombres. A ce moment-là, Noela y affirme son indépendance. Y affirme aussi son sacré caractère. Les conflits sont nombreux, avec son père. Elle lui reproche toutes les choses qu'elle a toujours tues, qui ressortent dans la mauvaise foi et l'ingratitude. Sans doute comme n'importe quel·le adolescent·e. En proie à des douleurs longtemps réprimées, Noela souffre plus que jamais de l'absence de sa mère. Celle n'a jamais pu compenser. Même pas avec sa belle-mère. Quoique bonne élève, elle sèche bien deux-trois cours, joue les rebelles, fréquente le bad boy du lycée, se met à fumer, à fumer même de l'herbe - tout pour faire criser son père. Noela est une tempête, en proie pourtant au chagrin. Dans ces moments-là, elle s'enferme encore plus dans sa chambre, et peint. Majolica ne comprend probablement pas, jeune encore. Leur père s'arrache les cheveux. Ils connaissent bien quelques moments de paix.
Mais elle reste fidèle à elle-même, Noe. Elle fait cavalier seul, se comporte toujours comme si elle n'avait besoin de personne. Mais construit son charisme, son assurance. Noela, elle plaît, resplendit, soleil rayonnant que rien ni personne ne semble pouvoir éteindre. Mais ce n'est qu'une façade. Ses sentiments, elle les camoufle. Cache tout, toujours, derrière un sourire. Pourvu qu'on ne voie pas qu'elle souffre, pourvu qu'on ne voie pas qu'elle n'est pas infaillible, qu'elle ressent bien des choses. Elle n'est pas mauvaise. Au contraire, Noela, on l'aime. On a l'impression qu'elle est forte, indépendante, charismatique. On a envie de l'aimer, d'être son ami·e. Mais quand on la voit perdue dans ses pensées, on se demande à quoi elle peut bien songer.
Secrète, elle est comme les profondeurs de l'océan : impossible à sonder.
COLLEGE On n'a jamais été très riche, chez les Vargas. Mais on s'est serré la ceinture pour que les deux filles puissent aller loin. Alors elle a pu aller à l'université, Noela - quitte à passer sa vie à rembourser un prêt. Elle aurait pu choisir quelque chose qui lui assurerait à coup sûr un travail ; pencher pour le droit, l'enseignement ou même les langues. Mais non. Noela, elle a choisi l'art. Envers et contre tout. S'inscrit à l'université de San Diego, en histoire de l'art. Choisit une spécialité en musées et pratiques curatoriales - un goût très prononcé pour l'art moderne et l'art contemporain. C'est un milieu compliqué, pourtant. Terriblement élitiste, cruellement sélectif. Ils sont nombreux, en amphis. Plus nombreux encore, sur le marché du travail. C'est un milieu qui repose majoritairement sur le réseau. Mais pour Noela, c'est l'évidence. Parce qu'elle qui peine tant à s'étendre sur ses sentiments, elle aime la simplicité et l'évidence des œuvres d'art qui n'ont pas besoin de parler pour toucher, émouvoir.
Alors pas une seule fois, elle ne regrette son choix.
Même quand elle sort diplômée, revenue à Oceanside, commence à galérer. Enchaîne les boulots dans des galeries huppées où elle finit assistante - joli mot pour dire qu'elle n'est autre que le larbin de service. Mais elle encaissera, Noela. Comme elle l'a fait, à chaque fois.
Au fil des années, elle gagnera tout de même en responsabilités. Notamment dans une galerie en particulier. Mais ce n'est pas assez ; parce que son ambition, elle, est sans bornes.
ALDWIN L'amour. Pas le domaine dans lequel elle est la plus compétente, Noela. L'amour, cela rend faible ; elle n'aime pas cela. N'aime pas montrer ses failles. N'aime pas en avoir. Or, aimer, c'est prendre le risque d'être blessée. Elle l'a fait, pourtant. Des tonnes de fois à l'adolescence, un peu moins à l'université. Elle a fréquenté des hommes, comme des femmes. Les uns comme les autres se heurtent à la pudeur de Noela - Noela qui estime que ses histoires d'amour ne regardent qu'elle et saon compagnon·e. Elle a surtout connu des histoires d'un soir, bien trop encline à jouer de ses charmes. Pourtant, elle est capable d'aimer sincèrement, à la folie.
C'est ce qu'il s'est passé, avec Aldwin.
Même si l'on en a douté. Même si on l'a jugée. Crue croqueuse de diamants ou femme trophée. Parce qu'il ne fait pas partie de n'importe quelle famille. Là-dessus, ils sont le jour et la nuit. Car Al, il n'a jamais manqué de rien, avec les siens.
WEDDING Elle l'a rencontré courant 2019. Et eux deux, ç'a été le coup de foudre, l'évidence. Un feeling naturel, contre lequel on peut bien peu de choses. A peine quelques mois qu'ils se fréquentaient, qu'ils prévoyaient de se marier. Pas de quoi réjouir les Barnes, qui y ont vu une volonté pour Noela de mettre la main sur la poule aux œufs d'or. C'est peut-être en partie vrai. Pourtant, ce n'est pas son argent, qu'elle a aimé. C'est lui, tout entier. Et peut-être sa sécurité. Mais pour d'autres, Noela, elle ne se serait pas embêtée. N'aurait pas encaissé les jugements, reproches, le désamour de ses beaux-parents, les doigts pointés sur elle aux repas de famille et tout le tralala. Pour d'autres, elle aurait juste pris la poudre d'escampette depuis longtemps déjà. Parce qu'elle n'est pas vraiment douée en amour ; préférait jusqu'à lui les relations d'un jour, d'une nuit.
Et elle a essayé de lutter, Noela. Pour Al, pour eux. Mais la vérité, c'est qu'elle ne s'est jamais trop sentie à sa place, parmi les Barnes.
Et c'est allé de mal en pis.
ART GALLERY Il a réalité son rêve, Al. Grâce à lui, grâce à la fortune familiale, elle a pu louer un local, y créer sa galerie d'art. A Oceanside même. Son rêve. C'est ainsi qu'elle a ouvert la galerie Art to Heart dans le quartier de Peacock. S'est acharnée à se faire un nom dans le milieu, à s'imposer à Oceanside, à trouver des artistes à exposer, des artistes dont vendre les œuvres. Et si Al lui a permis d'avoir sa propre galerie parce que ses propres moyens n'auraient jamais suffi, elle a réussi à la lancer, à accueillir des artistes, grâce à son carnet d'adresses et sa bonne connaissance du milieu.
Cela fait bientôt deux ans qu'elle a ouvert la galerie, Noela. Et elle travaille d'arrache-pied, ne s'arrête, ne se pose pas assez. Essaie d'organiser des événements inoubliables, accueille des concerts, des performances, outre les traditionnels vernissages. Elle rêve à plus encore, Noela. Rêve que Art to Heart devienne the place to be. Continue de nouer des partenariats, de trouver des investisseurs, et des artistes à lancer, révéler.
Art to Heart, c'est son unique bébé.
JOAN Elle l'a rencontrée à l'université. Joan. C'était il y a des années, à San Diego. A une fête étudiante ou un concert, elle ne sait plus vraiment. Elles y étaient toutes les deux, et elle s'était retrouvée à croiser son regard, Noela. Joan, elle était belle, elle était souriante, étincelante, rayonnante. Pleine de charme. Joan, elle était un soleil, comme elle - et deux soleils étaient faits pour briller ensemble, sans essayer de lutter contre l'attraction. Alors Joan, elle lui avait tapé dans l'œil. Pourtant, à ce moment-là, Noela n'assume pas vraiment encore son penchant pour les femmes. Joan, c'est sans doute celle qui lui ouvre un peu les yeux. Celle dont elle brûle d'embrasser les lèvres, de prendre dans ses bras. Joan, elle lui fait tourner la tête, ce soir-là. Et elles finissent par s'embrasser. Garder leurs numéros. Mais le lendemain, Noela, elle prend ses distances. Ne donne pas de nouvelles. N'assume peut-être que lorsque l'alcool s'en mêle. Il y aura bien d'autres femmes, plus tard. Mais pas vraiment de relation officielle.
Elle a souvent pensé à Joan, Noela. Parce qu'il lui est resté comme un goût de trop peu. Un goût d'inachevé.
Elle a fini par la revoir, des années après. C'était il y a quelques mois, à peine. Elle s'était rendue compte à ce vernissage à San Diego, dans une galerie d'art, Noela, où elle était invitée. Elle était là, ce soir-là, Joan. Et après avoir passé la soirée ensemble à contempler les œuvres, parler de choses et d'autres, elles sont rentrées ensemble. Elle a commis l'irréparable, Noela, sans vraiment réussir à regretter. Elle s'est perdue dans les draps de Joan - tout ce que dix ans plus tôt, elle s'était refusé ; tout ce que, pourtant, elle avait ardemment désiré. Et le reste de son séjour à San Diego, elle l'a passé avec elle, chez elle. Chez Joan. A parler de tout et rien, à s'aimer à l'horizontale. Vivre l'amour à l'abri des regards, c'est ce qu'elle avait toujours fait - hommes ou femmes, mais pour ces dernières, c'était d'autant plus vrai.
Elle a perdu la tête, Noela. Dans le fond, c'est bien ce qu'elle craignait.
De baisser sa garde, de se faire avoir.
De devenir faible, de dépendre de quelqu'un.
Elle s'est fait avoir ; s'est enivrée du charme de Joan, enivrée de ses lèvres, de sa peau, de son odeur. Sans en avoir jamais assez.
Mais le plus triste, c'est qu'après avoir passé sa vie à chercher sa place, sa vie à vouloir faire cavalier seule, c'est dans les bras de Joan qu'elle l'a trouvé. Dans les bras de Joan qu'elle s'est vraiment sentie elle-même.
Pourtant, elle n'y est pas restée. Lui a avoué qu'elle était mariée. A Joan, elle devait bien la vérité. Alors de chez elle, elle l'a chassée. Et à Oceanside, auprès d'Al, elle est retournée. Un peu penaude, honteuse, elle qui a pourtant toujours semblé si fière, si assurée. Comme si rien ni personne ne pouvait l'ébranler.
A Al, malgré toute la tendresse qu'elle lui porte, elle n'a rien avoué. Trop peur de tout perdre ; lui le premier. Trop tôt pour renoncer à leur histoire, trop tôt du moins pour s'avouer que l'amour faiblit. Trop peur encore, que ses beaux-parents aient finalement raison. Trop peur qu'elle hérite pour de bon de la réputation de croqueuse de diamants, incapable de ressentir de l'amour, vraiment.
Elle ne sait pas ce que c'est, dans le fond, le problème. Ils avaient tout pour être heureux, Al et elle.
Peut-être que c'est juste qu'Aldwin, il n'est pas Joan.
Mariée depuis début 2020 avec Aldwin. Possède un grand jardin qu'elle fait entretenir par un jardinier (pas du genre à se salir les mains). Sa garde-robe est un peu trop conséquente. Bourreau du travail, elle est en permanence accrochée à son téléphone. Charismatique, elle n'a jamais eu trop de mal à obtenir ce qu'elle voulait. Complexe à propos de sa galerie ; elle qui se veut indépendante depuis toujours, se met à craindre de n'être rien sans son mari, de n'avoir aucun mérite. Retourne une fois par an au Guatemala, où se trouve la sépulture de sa défunte mère. Pas grand amoureuse des animaux, aime beaucoup les chats uniquement, sans doute parce qu'ils incarnent l'indépendance. Prend régulièrement des nouvelles de sa sœur, quand bien même elle n'est pas toujours très douée pour montrer qu'elle tient à elle. A toujours les ongles vernis, toujours impeccablement maquillée et possède toute une collection de rouges à lèvres. Va déjeuner au moins une fois toutes les deux semaines chez son père et sa belle-mère. Ne peint presque plus. Quand elle ne travaille pas, passe souvent ses soirées à des vernissages et autres mondanités, parfois en lien avec les Barnes. Pas d'allergie connue. A un coach sportif ; va aussi courir tôt le matin avant d'aller travailler.