set our grief aside (w/jake)

tw: dépression, deuil anténatal, accident de voiture, différence d'âge.

Le fameux choix du gâteau.
C'est ce jour-là. Celui où ils doivent choisir leur gâteau de mariage. Celui où ils peuvent en goûter des tonnes, pour choisir ce qu’ils préfèrent. Le tout, sans arachide, évidemment. Le tout, pour plaire au plus grand nombre – mais à eux, aussi, et surtout. Depuis le début, elle ne sait pas trop par où commencer pour les préparatifs de ce mariage, Oliva. Il y a trop de choses à faire, à décider, à voir. Elle n’a pas du tout sa robe de mariage. Elle doute que Jake ait son costume. La seule chose qu’ils semblent avoir, à ce stade, c’est le lieu du mariage. Une cérémonie sur la plage. C’est ce dont il avait envie, Jake, et elle n’a eu aucun mal à accepter. Elle ne pouvait même pas être plus d’accord, charmée par l’idée, Ol. Une cérémonie sur la plage, près de la mer s’écrasant sur le sable, le soleil inondant un ciel bleu. Cela fait rêver. Cela la fait sourire. Panse, même temporairement, ses plaies. Peut-être pourrait-elle se raccrocher à cela. Elle essaie, en tout cas, Oliva. Mais souvent, cela ne suffit pas. Car la réalité revient, la frappe en pleine face. Les maux n’ont pas disparu, sont toujours là. Il y a aussi les regrets, souvenirs. La tristesse, et peut-être la rancœur. Est-ce qu’un mariage peut réellement sauver tout cela ? Est-ce qu’un mariage peut réellement les détourner de tout ce qui ne va pas ?

Aujourd’hui, c’est le fameux choix du gâteau.
Ils devraient pouvoir passer un bon moment. Profiter, s’amuser, rire, en goûtant des tonnes de gâteaux différents. Probablement est-ce tout ce dont ils ont besoin, autant l’un que l’autre, Jake et Oliva.

Mais cela ne s’est pas passé comme prévu.
Il est arrivé en retard, Jake. Visiblement plus largué qu’elle par tout cela. Et l’attendre ne lui a pas plu. L'attendre l’a agacée, Oliva. Parce que tout cela, c’était son idée. Parce que c’est lui, qui lui a demandé de l’épouser. Elle ne peut s’empêcher d’y chercher un signe, une signification. De se dire que si cela se trouve, il n’a plus tellement envie de l’épouser. Elle voudrait pouvoir ignorer ces idées, Oliva. Mais elle n’y arrive pas. Depuis des mois, elles sont toujours là. À lui mettre le doute, à jouer avec elle, sa patience, sa foi. C'est ce que la tristesse lui met dans la tête - qu’il l’abandonnera un jour ou l’autre, Jake, peut-être. Qu'il en aura juste marre d’elle. Elle déteste penser tout cela, Oliva. Elle déteste ces craintes-là. Mais c’est plus fort qu’elle, elle n’y peut rien. Elle a senti toute force la quitter, quand elle l’a attendue. Finalement, de cette dégustation de gâteau, elle ne voulait plus. Ne se sentait plus de taille. Aurait voulu rentrer chez elle, chez eux, pour se cacher sous la couette. Pas de taille à prendre la moindre décision. Elle a senti toute énergie, toute force mentale la quitter. Et la tristesse, la submerger. Cela dépassait Jake, alors quand il est arrivé, le mal-être n’a pas disparu. Il y a eu la frustration, tout de même. C'est peut-être cela qui a conduit à ses critiques perpétuelles, peu importe le gâteau qu’ils goûtaient. Alors cela n’a rien donné.

Désormais, ils repartent, bredouilles. Sans avoir trouvé de gâteau.
La frustration d’Oliva n’en est que plus grande. Elle se sent sur les nerfs. S'en veut d’avoir été peut-être trop pointilleuse. S'en veut pour quelque chose de plus grand. Quelque chose qui dépasse le cadre de cette dégustation de gâteaux, qui n’a même rien à voir. Tout est trop compliqué entre Jake et elle, ces derniers temps. Tout est trop compliqué, depuis plus d’un an. Maintenant, elle a le cœur lourd. La tête pleine de trop de choses. « Je demanderai à Asena à quel traiteur ils ont fait appel avec Lewis pour leur mariage. » laisse-t-elle échapper, sans trop de conviction, le regard un peu fuyant, tandis qu’ils quittent les lieux, rejoignent la voiture. Elle est venue en transports en commun, un peu plus tôt. Tout pour ne plus avoir à conduire elle-même, parce que le traumatisme est toujours présent. Elle a l’impression qu’une vie ne suffirait pas, pour s’en remettre même vraiment. Elle, elle n’oublie pas, en tout cas, Oliva.

tw: prison, accident de voiture

Ce mariage, il en était l’instigateur, Jake. Celui qui avait acheté une bague, avant de demander Oliva en mariage. Il avait cru que ce serait une bonne idée, que ça leur ferait du bien à tous les deux. Un moyen de se prouver qu’ils s’aimaient encore, malgré les épreuves qu’ils avaient eu à traverser. Parce que c’était le cas, non ? Ils s’aimaient encore tous les deux. Mais organiser un mariage, c’était beaucoup de boulot et il devait bien admettre que ça le dépassait un peu. Il n’avait jamais eu de grand événement à organiser dans le fond, le blond. Pendant treize ans, il avait été derrière les barreaux, alors clairement, pas le genre d’endroit où il y avait beaucoup de choses à organiser. Il ne savait pas comment s’y prendre et au-delà de ça, il y avait des choses qu’il ne comprenait pas. Dégustation de gâteaux, par exemple. Est-ce que c’était vraiment nécessaire de prendre une heure pour aller goûter plein de gâteaux différents afin d’en choisir un ? Il n’était pas difficile lui, alors il avait l’impression qu’à peu près tout lui conviendrait. Tant qu’il n’y avait pas d’arachide dedans, évidemment. Il avait du mal à voir en quoi c’était si important, un gâteau. Pareil pour le menu dans le fond. L’impression de devoir faire plaisir aux autres, le jour de son mariage ; drôle de concept.

Il avait pris son temps, le blond, plus qu’il ne l’aurait dû sans doute, ranger le matériel, se changer, prendre la route. Arrivé au volant de sa voiture, il était déjà certain qu’il allait être en retard. Tant pis. Il était persuadé qu’il n’y avait pas besoin d’une heure complète pour choisir un gâteau. Une fois à bon port, il s’était excusé tout de même pour le retard et ils avaient pu commencer la dégustation. A en juger les commentaires d’Oliva. Il faudrait finalement plus qu’une heure pour le choisir ce gâteau. Globalement, de son point de vue, ils étaient tous bons. Mais la brune, elle, elle avait constamment un truc à redire sur ce qu’ils goûtaient. Alors ce n’était pas aujourd’hui qu’ils allaient faire un choix, de toute évidence. Au bout d’une heure, ils étaient repartis sans avoir passé la moindre commande. Ils allaient devoir remettre ça, pour son plus grand plaisir, du coup. « Si tu veux. » Si ça pouvait régler le problème du repas, il devait bien admettre que ça l’arrangeait. Il n’avait vraiment pas envie de se prendre la tête pour un truc pareil. C’était son mariage, techniquement, ce n’était pas rien. Mais ça le dépassait lui, ce genre de trucs. Il avait passé treize ans en prison, alors il n’était pas compliqué. Tant que ça lui plaisait à elle, il y avait de grandes chances que ça lui plaise à lui. Ils étaient arrivés à la voiture qu’il avait garée quelques instants plus tôt. Il savait qu’elle avait du mal avec la voiture depuis l’accident. Il pouvait comprendre. Clairement pas du genre à juger les traumatismes des autres, alors qu’il luttait encore avec les siens. Il conduisait, c’était pas grave, ça ne le dérangeait pas plus que ça. Alors il était monté dans la voiture, côté conducteur. « Cela dit, ils étaient plutôt bons ces gâteaux. » De son point de vue à lui en tout cas. Il ne voyait même pas ce qui ne lui avait pas plu dans le fond à Oliva. Il la connaissait depuis plusieurs années maintenant et elle n’était pas si difficile que ça au quotidien. Elle était fiancée avec lui, c’était déjà une preuve en soi que son niveau d'exigence n’était pas si haut que ça. Pourtant, pour une histoire de gâteau, elle s’était montrée particulièrement pointilleuse.

tw: dépression, deuil anténatal, interruption de grossesse, accident de voiture, différence d'âge.

Ce devrait être une organisation joyeuse, heureuse.
C’est ce qu’elle se serait dit avant, Oliva. C’est ce qu’elle se disait, toutes ces années, si un jour elle devait avoir envie de se marier. Elle n’était pas certaine que cela pouvait arriver. Pas certaine de coller aux standards, de répondre aux attentes de la société – absolument pas du genre à le chercher. Elle est même plutôt le contraire, Oliva. Elle, elle ne veut pas faire tout ce que l’on attend d’elle, elle ne veut pas faire plaisir aux autres, elle veut vivre pour elle-même. Le mariage n’a jamais été pour elle une fin en soi, pas plus que la maternité. Loin de là. Et pourtant, elle a été à deux doigts de devenir mère, Oliva. Elle s’est même retrouvée à aimer cela. À s’imaginer son bébé, à s’imaginer mère. À l’attendre, l’espérer. Lui chercher un prénom, prévoir son arrivée. Ils ne l’avaient pas prévu, Jake et elle – la grossesse leur est tombée dessus soudainement. Mais ils s’y étaient faits, l’avaient acceptée. Peut-être pas très doués, mais pas moins sincères, avec l’envie de bien faire. Jake, il prenait soin d’elle. Veillait sur elle. Et peut-être que leur histoire était encore bien récente quand elle était tombée enceinte, mais les mois de grossesse avaient confirmé, dans le fond, qu’elle se voyait bien faire sa vie avec lui, Jake.
Que, lorsqu’elle y pensait, elle entrevoyait volontiers un futur.
Un futur heureux.
Futur à deux.



Depuis la tragédie, ils ne relèvent plus.
C'est peut-être sa faute, à Oliva. C'est ce qu’au fond d’elle, elle se dit, en tout cas. Même si elle ne fait peut-être rien pour arranger les choses, les enfonce peut-être plus qu’autre chose. C'est juste plus fort qu’elle. Elle est trop forte, la douleur. Elle est insupportable, comme insurmontable. Elle la laisse l’écraser, parce qu’elle n’arrive pas, Oliva. Elle a sans doute besoin de temps – plus qu’un an. Elle demeure inconsolable, en attendant. Ressasse, encore et encore. L'organisation du mariage, alors, ce devrait être certes chiant, mais joyeux, non ? Parce que c’est l’organisation d’un jour heureux, pour eux deux. Pour Jake et elle. Elle n’a pas accepté sa demande pour rien, au fond. Elle aurait pu refuser, tout simplement. Mais Oliva, elle ne comprend pas vraiment. Pourquoi il veut être avec elle, qui n’est plus que l’ombre d’elle-même. Alors peut-être qu’elle leur met involontairement des bâtons dans les roues. Ce n’est pas vraiment volontaire. Oliva, elle l’aime. Mais elle ne sait plus parler, s’ouvrir. Ne veut pas se remettre à pleurer. Ne veut pas rouvrir la plaie. Cela lui ferait pourtant peut-être du bien.
En attendant, elle a peut-être gâché cette dégustation de gâteau. Elle n’était pas joyeuse, ni agréable. Et si d’ordinaire, elle revendique le fait de ne pas devoir toujours être gentille, comme la société l’inculque aux femmes, elle sait qu’elle aurait pu faire un effort. Se montrer un tant soit peu enthousiaste. À la place, elle a peut-être été immature. Ou rongée par le chagrin. Aucun gâteau ne lui a paru assez bien. Alors ils repartent bredouilles, vers la voiture. Elle tente bien une allusion au gâteau de mariage d’Asena, comme pour se rattraper – Jake ne semble pas contre l’idée. Si tu veux. « Je dois la voir cette semaine, je lui en toucherai deux mots. » souffle-t-elle, s’effaçant si facilement, le regard dans le vague, l’esprit déjà ailleurs. Envolée depuis longtemps, sa joie de vivre. Ce n’est pas la faute de Jake. Même s’il l’a choisie au bébé, quand il a fallu la sauver. Ils arrivent à la voiture, ne tardent pas à s’installer. La conversation aurait pu s’arrêter là, et pourtant. Il lui dit que les gâteaux étaient plutôt bons, selon lui. « Ah, tu trouves ? » répond-elle, toujours sans grand enthousiasme, terriblement lasse. Le regard déjà tourné vers l’extérieur de la voiture. « J’ai pas eu de coup de cœur. » Peut-être s’obstine-t-elle. Elle aurait pu baisser ses exigences pour tenter de trouver un compromis. C’est ce que l’on fait, généralement, pour ne pas faire perdre de temps aux autres – c'est une question aussi de diplomatie. D'ordinaire, c’est ce qu’elle ferait, Oliva. Mais pas là. Là, elle n’avait pas envie, elle n’a pas fait d’effort. Parce qu’elle était contrariée. Et c’était sa façon – immature – de le signifier.

tw: prison, accident de voiture

Un mariage c'était un événement heureux. Le genre de moment qu'on préparait avec entrain. Il n'y connaissait pas grand chose, Jake en mariage, mais il n'avait pas l'impression que l'entrain était ce qui définissait le mieux la façon dont ils préparaient leur mariage, Oliva et lui. Lui, il était arrivé en retard à cette dégustation et elle, elle n'avait fait aucun effort. Peut-être qu'elle pourrait prétendre vouloir le gâteau parfait pour leur mariage, mais il savait que c'était plus que ça. Peut-être que c'était parce qu'elle était en colère contre lui, parce qu'il était arrivé en retard. Mais évidemment, au lieu de le lui dire clairement, il fallait qu'elle fasse la gueule, plus ou moins discrètement. A moins qu'il y ait encore plus que ça. Est-ce qu'elle avait vraiment envie de l'épouser ? C'était une question qu'il ne pouvait pas s'empêcher de se poser, Jake. Comment est-ce qu'elle pouvait vouloir devenir sa femme alors qu'il était en partie responsable de la perte de leur enfant ? C'était lui qui avait fait le choix final. Et si lui, il s'en voulait alors, il ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'elle lui en voulait aussi. Et si c'était surtout pour ça qu'elle faisait la gueule ? Ils devraient en parler, sans doute, mais c'était plus facile à dire qu'à faire.

C’était compliqué et il ne savait pas comment gérer les choses, Jake. Il n’était pas doué avec ce genre de choses, le blond. Il était du genre un peu brute de décoffrage, pas du genre à prendre des pincettes quand il avait quelque chose à dire. Alors des fois, il se disait que c’était mieux de prendre sur lui et de se taire. Typiquement ce qu’il avait fait pendant toute la dégustation. Il s’était contenté de donner son avis, mais n’avait pas trop rebondit sur les commentaires de sa fiancée. Maintenant, ils avaient quitté les lieux et étaient de retour à sa voiture, prêts à rentrer à la maison. « Okay. Tiens moi au courant. » Si ça pouvait régler leur problème de gâteau et tout ce qui était lié au repas, il n’allait pas s’en plaindre, le blond. Il était tout de même un peu déçu qu’ils repartent bredouilles de cette dégustation. Ils étaient montés dans la voiture et à peine avait-il démarré qu’il n’avait pas pu s’empêcher de faire un commentaire sur les gâteaux. « Ouais, celui aux framboises était vraiment pas mal. Et le chocolat-noisette, je pourrais manger ça pour le restant de ma vie perso. » Ce qui ne serait clairement pas très sain, alors il allait éviter quand même. Même s’il faisait pas mal de sport, il préférait faire attention à ce qu’il mangeait. Clairement, les gâteaux qu’ils avaient mangés quelques instants plus tôt, à ses yeux, ils étaient vraiment très bons. « Est-ce que le problème c’est vraiment les gâteaux ? » Il demanda finalement, regard en coin vers la brune, alors qu’il était arrêté au feu rouge. Autant crever l'abcès tout de suite. Il n’était pas complètement idiot et était presque certain que les gâteaux auraient été bien meilleurs s’il n’était pas arrivé en retard. Il n’avait pas non plus eu une demi-heure de retard et puis ça arrivait à tout le monde d’être retenu au boulot un peu plus longtemps que prévu, pas la peine d’en faire tout un cinéma. Dans tous les cas, il préférait qu’elle soit honnête avec lui et qu’elle lui dise tout de suite le problème, plutôt que de simplement faire la gueule dans son coin. Dans tous les cas, ça pouvait l’énerver, parce qu’il était assez colérique, Jake. Mais clairement, il préférait qu’on lui dise cash les choses, ça semblait plus efficace pour faire avancer les choses. En plus pour l’instant, il était calme et soucieux de savoir ce qu’elle ressentait. Autant en profiter, parce que sa fenêtre de patience n’était pas très grande et elle devait bien le savoir, Oliva, après tout, elle avait accepté de l’épouser.

tw: dépression, deuil anténatal, idées suicidaires.

Il y a des maux sur lesquels elle ne sait mettre mots.
C'est peut-être pour cela qu’elle a toujours été plus douée pour la photo. Parce qu’elle peut exprimer tant de choses en une image. Il suffit d’être là au bon moment, au bon endroit. D'avoir l’œil aussi, évidemment. Dans le fond, c’est tout un art – un art dans lequel elle excelle, Oliva. Un art dans lequel elle se retrouve. Un art où elle n’a pas besoin d’être sociable, expansive, sans grande besoin de nouer des relations. Parfois, elle part seule et longtemps en reportage, sans voir grand-monde. Se retrouve en pleine nature, et cela lui suffit. D'autres fois, elle couvre de grands événements, chamboulements. Et s’il y a eu un moment d’animation intense, il lui faudra un moment de calme ensuite. C’est peut-être pour cela qu’elle aime enchaîner de longs moments en pleine nature, après des reportages éprouvants, éreintants, tant physiquement qu’émotionnellement. Elle a comme besoin de se retrouver, Oliva. Mais ces dernières années, les reportages en pleine nature se sont faits plus rares. Oliva s’est rapprochée d’Oceanside. Rapprochée de Jake, rapprochée de sa propre famille. Tentée de se faire à une vie permanente ici. Ce qui a tout changé, c’est le bébé qu’elle attendait. Celui qu’elle avait choisi de garder, se préparant au fil des mois à l’accueillir, l’élever. Elle n’avait pas prévu d’être mère, pourtant.
Mais ce qui était à l’origine une mauvaise surprise, avait changé sa vie.
Elle s’était mise à l’attendre. À avoir un peu hâte, un peu impatiente.


Mais le mal la ronge. Elle n’a pas l’impression d’avancer, Oliva. Même si elle essaie, même si elle a connu d’autres malheurs avant cela. Le truc, c’est qu’elle ne peut plus que tout voir en noir. Se dit en permanence que cela finit toujours par revenir. Comme une spirale infernale. C'est comme si elle n’avait pas le droit au bonheur. Comme s’il fallait toujours que tout soit gâché. Comme si la vie décidait de s’acharner. Elle, parfois, n’a plus envie de s’accrocher.
Il y a quand même Jake. Il y a quand même son travail. Maintenant, il y a le mariage.
Mais par moments, elle a l’impression de ne pas avoir l’énergie nécessaire pour cela. Le peu d’énergie qui lui reste, elle le met déjà dans le quotidien. Dans le fait de se lever le matin, de s’alimenter, de travailler. De simplement vivre. Il y a tant de fois pourtant où elle voudrait juste rester chez eux, sur le canapé ou bien dans le lit, à se laisser terrasser par ses maux qu’elle n’arrive pas à exprimer. Elle n’arrive même pas à le dire à Jake.


Aujourd’hui, elle est contrariée. Ils n’ont pas trouvé leur gâteau du mariage. Ils n’ont pas grand-chose à ce stade. Elle a peut-être été trop exigeante, trop compliquée. Peut-être jeté sa frustration sur ces pauvres gâteaux qui étaient plutôt bons, en vérité. Maintenant, elle s’en veut, Oliva. En colère contre elle-même et triste en même temps. Elle se sent coupable, regrette et est frustrée encore, cependant. Elle déteste cet affreux mélange. Mais il est là tout le temps. Jake semble pourtant patient. Même si ce n’est d’habitude pas son fort. Peut-être marche-t-elle sur des œufs, avec elle. Elle doit admettre que, depuis la tragédie, il lui laisse l’espace nécessaire. « Ouais. » Elle n’a jamais été une grande bavarde, Oliva. Encore moins quand elle est contrariée. Dans ces moments-là, elle va juste à l’essentiel. Elle n’a pas très envie de poursuivre cette conversation sur les gâteaux, à vrai dire. Elle veut juste rentrer l’appartement, s’enfermer peut-être un temps dans la chambre. Peut-être se mettre déjà au lit. Oui, ce serait déjà bien ; c’est tout ce qu’elle veut, à présent, Oliva. Se cacher et enfouir ses maux sous la couverture, comme si elle pouvait les faire disparaître. Il a aimé le gâteau aux framboises. Et même celui au chocolat-noisette. Elle se sent un peu plus coupable, Ol. De ne pas avoir été capable de réprimer sa frustration. D'avoir gâché ce qui devait être un joli moment. Le choix du gâteau pour le plus jour de leur vie. C’est ce que l’on en dit. « Le chocolat-noisette ? Tu veux faire un choc anaphylactique le jour de notre mariage ? » L’ironie est plus piquante qu’elle ne l’aurait voulu. Toutefois, cela pourrait être pire. « J’imagine qu’on pourrait peut-être laisser sa chance à celui aux framboises. » souffle-t-elle, rongée par la culpabilité. Elle la sent, désormais, dans sa gorge : la boule qui menace d’ouvrir les vannes. Elle aimerait pouvoir déjà sortir de cette voiture qui lui rappelle trop de mau(x)vais souvenirs. Elle aimerait pouvoir se cacher à la maison. Dormir. Oublier cette journée. En commencer une autre. Se rattraper plus tard. Peut-être. À moins qu’elle ne soit trop douée pour gâcher tout ce qui peut lui arriver de bien.
Jake a compris. Évidemment, il n’est pas stupide. Et puis, il la connaît. Lit peut-être même en elle comme un livre ouvert. Ce n’est sans doute pas pour rien qu’il veut l’épouser. S'il ne la connaissait pas, ce serait une mauvaise idée. Mais il veut l’épouser, apparemment. Elle et tous ses bagages, tous ses maux. Et inversement. « Non, c’était pas les gâteaux. » Elle le dit à peu près calmement, sans vraiment lever la voix. Cela ne sert à rien de mentir – de toute manière, elle n’est pas douée pour cela. Et puis, mentir n’arrangerait pas la situation. Et elle a envie que cela s’arrange, au fond, non ? « J’ai pas vraiment l’impression que ce mariage avance. » Elle est défaitiste. N'arrive pas à faire autrement. Ils n’ont pas de gâteau. Ils n’ont pas grand-chose. Juste le lieu de cérémonie, de réception.

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Par moment, il se disait qu'il avait été naïf de penser que ce mariage leur ferait du bien, Jake. Il savait que perdre un enfant, ça avait surtout tendance à séparer les couples. Bêtement il s'était dit que s'ils se mariaient, c'était la preuve qu'ils pouvaient résister à cette épreuve. Alors il avait fait sa demande et il avait été presque surpris qu'Oliva accepte, comme s'il s'attendait à ce qu'elle le rejette, parce que ça arrivait de plus en plus souvent. Elle avait accepté, alors il avait glissé cette bague achetée pour l'occasion à son doigt. Maintenant, ils devaient le préparer ce mariage. Ce n'était pas aussi évident que ça en avait l'air. Lui, il était nul dans ce genre de préparation, il ne savait pas par quel bout commencer. Il avait du mal à en comprendre certains enjeux. Il trouvait que c'était quand même pas mal de prise de tête pour ce qu'il considérait comme des détails insignifiants. Parfois, il avait l'impression que tout le but d'un mariage c'était d'impressionner les autres. Pour lui, le but devrait simplement être de faire plaisir aux mariés, puisque c'était leur grand jour à eux. Lui, il se considérait comme quelqu'un de très simple, alors son mariage devrait être à son image : très simple. Pourtant, il avait déjà l'impression qu’on lui en demandait trop.

Choisir un gâteau, ça n’aurait pas dû être si compliqué que ça, d’après lui. Surtout qu’ils étaient plutôt bons ces gâteaux. Il aurait peut-être dû dire que s’ils ne choisissaient pas aujourd’hui, ce serait lui qui le préparerait, le gâteau. Là, il était certain qu’elle aurait très rapidement trouvé quelque chose à son goût Oliva. Elle avait compris, depuis le temps qu’ils étaient ensemble, qu’il ne fallait pas lui demander de préparer autre chose qu’un plat de pâtes et encore, il était capable de les oublier sur le feu. Il était blasé d’avance à l’idée de devoir recommencer une dégustation. Il était certain que les gâteaux auraient à peu près le même goût, peu importait où est-ce qu’ils prenaient rendez-vous. Il soupira suite à sa remarque. « C’est maintenant que les noisettes t’inquiètent ? Heureusement que j’y suis pas allergique, sinon je serais mort pendant la dégustation. » Il répliqua sur le même ton qu’elle. Elle l’avait laissé manger ce fameux gâteau sans franchement réagir sur le fait qu’il y avait des noisettes dedans et maintenant elle craignait qu’il fasse un choc le jour de leur mariage. Il était allergique aux arachides lui et ne faisait - heureusement - pas partie de ceux qui étaient aussi allergiques aux fruits à coque. Deux allergies souvent liées. Lui, ça allait, la noisette, ça passait, chose qu’apparemment, Oliva ignorait, malgré le temps qu’ils avaient passé ensemble. Ça faisait toujours plaisir de faire ce genre de constat, surtout en plein préparatifs de mariage. « C’est toujours un bon choix, les framboises. » Un avis qui lui était propre, sans doute. Mais il aimait vraiment les framboises et le gâteau avait été très bon. Mais évidemment, ce n’était pas juste une histoire de gâteau. Il n’était pas complètement idiot, le blond. Elle avait l’impression que le mariage n’avançait pas. Donc elle ralentissait encore plus les choses, c’était ça le plan ? Ça aurait pu avancer s’ils avaient choisi le gâteau. « Je crois pas que faire la gueule pendant la dégustation de gâteau aide à faire avancer les choses. » Il n’était pas du genre à prendre des pincettes, Jake. Elle avait fait la gueule, elle avait tout rejeté. Il avait l’impression qu’elle avait décidé avant même qu’on leur serve quoi que ce soit, qu’elle ne voulait aucun de ces gâteaux. Alors oui, clairement, les choses n’avançaient pas. Ce n’était pas avec si peu de bonne volonté que ça allait changer.

tw: dépression, deuil anténatal.

Quand elle songeait à l’avenir, Oliva ne pensait pas mariage ni bébé. Elle ne pensait pas à ce genre de vie-là, ne rêvait pas de la grande maison, du joli jardin, de la petite allée avec la voiture garée devant. Elle n’avait pas les rêves conventionnels que la société dessine, que les films encouragent. La maternité n’était pas pour elle une fin en soi, pas plus que le fait de trouver sa moitié. D'ailleurs, Ol, elle n’a jamais été très douée pour aimer. Alors elle ne faisait pas de plans sur la comète, en tout cas pas pour elle – sauf, peut-être, pour sa carrière. La photographie est toujours ce qui l’a fait vibrer, et elle s’est donnée pour la joindre au journalisme, pour ne pas être simple reporter. Pourtant, il y a des années, elle a failli tout foutre en l’air. À plusieurs moments au cours de sa vie, même. Parce que les démons ne l’ont jamais vraiment quittée. C'est comme s’ils étaient juste cachés en elle, attendant le moment de réapparaître, de se révéler. Mais elle a essayé de les faire disparaître, Oliva. Elle a essayé d’avancer, de guérir son mal-être, de panser ses plaies, de dépasser ses maux. Mais elle a fini par comprendre que cela faisait partie d’elle. Elle s’y est résolue, parfois. Persuadée que les démons seraient toujours là, quoi qu’elle fasse. Elle le pense encore, Oliva. Elle a l’impression que tout finit toujours mal. Que toutes les bonnes choses ont une fin. Surtout dans sa vie.

C'est à se demander pourquoi elle a accepté de l’épouser.
Parce qu’elle est si froide, si distante, si renfermée. Ce n’est pas volontaire. Ce n’est pas une façon de rejeter la faute sur Jake, encore moins de le faire se sentir mal. Non, elle n’a pas envie de le faire souffrir, Oliva. Elle ne le fait pas sciemment. Mais elle est inconsolable, rongée par le chagrin. Cela fait un an, mais elle n’y arrive pas. Elle n’oublie pas. Mais elle l’aime, Jake. Ne le montre peut-être pas toujours comme il faudrait. En est-ce fini, d’eux ? Malgré le mariage ?
Le mariage qui ne semble pas avancer d’un pouce.
Elle n’a pas aidé à rejeter tous les gâteaux.

Ç'aurait dû être un agréable moment. Cette dégustation autant que toute l’organisation du mariage. Non ?
Mais Ol, cela l’angoisse. Ajoute une pression supplémentaire. Pourtant, elle n’a jamais été aussi sûre d’elle quand Jake lui a demandé de l’épouser. Mais ces trucs-là, ce n’est pas son genre – alors elle n’est pas douée. Pas d’une grande aide. Pas capable de s’organiser. Pas envie de le faire. Ce n’est juste pas son truc – et elle ne s’est même pas encore penchée sur la robe de mariée. Ils n’ont toujours pas de gâteau, en tout cas. Repartent bredouille, désormais dans la voiture pour rentrer à l’appartement. Il semble avoir aimé quelques gâteaux, lui, Jake. Elle est certaine qu’il le dit sans véritable reproche. Mais elle reste sur la défensive. À confondre même arachides et fruits à coque. Elle est peut-être juste de mauvaise foi. Et à dire vrai, Oliva, elle déteste cela. Maintenant, c’est trop tard. Elle a foutu la merde. « Arrête, n’importe quoi. » Elle fronce les sourcils, se braque un peu. Croise un peu plus fort les bras. Regarde par la fenêtre, obstinément, plus contrariée encore. Elle a cherché, peut-être. Incapable de dire directement quel est le problème. Vraiment pas douée pour parler, surtout pas de ce qu’elle ressent. Surtout pas en ce qui concerne ses maux les plus profonds. Et dieu sait qu’elle en a, en ce moment. Depuis un an. « Je pense que je préfèrerais un gâteau aux fruits, aussi. » se contente-t-elle de souffler, en réponse. Pour détendre l’atmosphère, peut-être. Calmer le jeu, quand bien même elle jette malgré elle de l’huile sur le feu. Ce n’est que de courte durée, évidemment. Jake a bien remarqué qu’il y avait autre chose. Que le problème ne venait pas des gâteaux. Elle le confirme. N'ose pas en parler directement. Se plaint plutôt du mariage qui n’avance pas. Jake n’a pas tort, avec ce qu’il répond. Paradoxalement, elle a ralenti plus encore les préparations. Mais sa réponse la pique, l’énerve profondément. La met un peu plus sur la défensive. « J’aurais peut-être pas fait la gueule si tu t’étais juste pointé à l’heure. » C’est cela, le problème. C'est cela, qui la contrarie. C'est peut-être bien peu de choses. Sans doute parce que cela cache bien plus, au fond. Ils ont d’autres problèmes, d’autres maux trop ancrés en eux, en leur couple, peut-être. C'est peut-être même plus fort qu’eux. Peut-être qu’il n’y a pas de solution. Que dans tous les cas, ils sombreront.

tw: prison, accident de voiture, perte d'un bébé

Tout était compliqué depuis la perte de ce bébé. Pourtant, ils ne l'avaient pas vraiment désiré cette grossesse, Oliva et lui. C'était un accident, pas quelque chose de prémédité dont ils avaient longuement discuté. Il devait bien admettre qu’après ce qu’il avait traversé, Jake, il n’avait pas vraiment envie de fonder une famille. Il avait déjà une fille, Jake, qu’il n’avait même pas vu grandir, parce que le système judiciaire avait fait de lui le coupable idéal, celui qui avait tué sa petite amie, parce que c’était plus simple d’en arriver à cette conclusion, aussi basique soit-elle, plutôt que de vraiment creuser pour trouver le véritable coupable. Il avait passé des années en prison, Jake, pour un meurte qu’il n’avait pas commis. Le meurtre de la femme qu’il aimait, la mère de sa fille. C’était une épreuve difficile dont il peinait encore à se remettre, le blond. Alors, même si Oliva représentait un peu sa lumière au fond du couloir, il ne se sentait pas prêt à fonder une famille. Il avait trop de traumatismes à gérer, dont certains étaient clairement liés à la famille. Mais Oliva était tombée enceinte et ils avaient décidé de garder le bébé. Au fil des mois, il avait fini par se faire à l’idée d’être à nouveau père Jake. Il s’en était même réjouis. Mais la vie en avait décidé autrement.

Depuis, c’était leur couple qui en avait pris un coup. Il avait cru que le mariage les sauverait. Il n’était pas trop branché mariage le blond pourtant. Pas certain que ce soit vraiment nécessaire pour être heureux avec quelqu’un et encore une fois, sa vie faisait qu’il n’était pas vraiment en phase avec ce genre d’événement. Mais il avait tellement l’impression d’être en train de la perdre, qu’il s’était dit que c’était peut-être une bonne idée. Est-ce que ça avait vraiment changé les choses ? Il n’avait pas l’impression. C’était peut-être juste une source de tension supplémentaire. Et un rien devenait comme une étincelle prête à tout faire exploser. « C’est quand même dommage de confondre les allergies de ton fiancé. » Mauvaise foi, sans aucun doute, mais c’était plus fort que lui. Il ne lâchait pas l'affaire si facilement Jake quand il était contrarié. C’était débile, cette histoire. Mais laisser tomber, ce n’était pas son point fort au blond. « Les fruits c’est bien. » Il haussa les épaules, avait donné un avis positif sur plusieurs gâteaux aux fruits - probablement sur tous les gâteaux. Mais Oliva elle, avait toujours eu quelque chose à redire. « J’avais des trucs à finir au boulot et on a eu le temps de tout goûter malgré mon retard. » Il souligna, l’agacement commençant à pointer le bout de son nez. Il n’était pas l’homme le plus patient du monde, Jake, bien au contraire. « Si on repart sans gâteau, c’est pas de ma faute, malgré le retard. » Il était venu, il avait fait un effort pour donner son avis, faire part de ses préférences et ce, même si, globalement, il les avait tous appréciés, les gâteaux. Mais ils n’avaient pas de gâteau, parce qu’Oliva avait décidé de faire la gueule pendant toute la dégustation, simplement parce qu’il était arrivé en retard. Pas de quoi faire avancer les choses. « Maintenant, va juste falloir qu’on recommence et je suis certain qu’ils auront le même goût à quelque chose prêt. » Il haussa les épaules. Même en changeant de pâtisserie, est-ce que ce serait vraiment différent ? Ils avaient déjà choisi une pâtisserie bien réputée, alors il ne savait pas si ce serait mieux ailleurs, ou vraiment différent Mais ils allaient devoir s’y remettre, ça c’était certain, parce qu’ils avaient besoin de ce gâteau pour leur mariage. Ils allaient devoir recommencer, au lieu de passer à l’étape suivante. « On devrait embaucher quelqu’un, les organisateurs de mariage, ça marche plutôt bien non ? » Si ça pouvait leur éviter d’avoir tout à gérer, ça pouvait être une bonne idée. Ça ne voulait pas dire que c’était quelqu’un d’autre qui prévoyait leur mariage de A à Z, mais ce serait une aide bienvenue, d’après lui.

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Il y a une partie d’elle qui lui en veut.
Parce qu’il faut un coupable, un responsable. Parce que l’autre chauffard ne suffit pas. Parce que personne ne peut lui rendre le bébé qu’elle a perdu. C’est peut-être bête, c’est sans doute injuste. Elle n’a pas choisi d’en vouloir à Jake, Oliva. Et puis, dans le fond, ce n’est pas à lui qu’elle en veut vraiment, Ol. C’est à elle-même. Comme si c’était sa faute. Comme si c’était elle, qui était coupable de ne pas avoir su protéger son enfant à venir. Comme si c’était elle, qui était coupable à s’être retrouvée au mauvais endroit, au mauvais moment. Elle aurait dû se douter, non ? Elle aurait peut-être dû éviter de prendre le volant. Même si elle le pouvait encore. Peut-être qu’elle aurait dû avoir un pressentiment, ne pas conduire à ce moment-là, en tout cas. Elle se trouve plein de reproches comme celui-là, Oliva. Elle se dit qu’elle avait merdé. Qu’elle aurait dû partir peut-être cinq minutes plus tôt, ou bien cinq minutes plus tard. Qui sait. Ç’aurait pu être les cinq minutes qui auraient tout changé. Mais cela, ils ne le sauront jamais. Ce qu’elle retient, Oliva, c’est qu’elle n’a pas pu protéger son bébé à venir. Et, malgré elle, elle se dit que c’était peut-être un putain de signe. Un message de l’univers lui disant qu’elle n’était pas faite pour être mère. Un moyen de le lui prouver. De lui dire qu’il ne fallait peut-être s’acharner.

Des pensées intrusives dans le genre, elle en a eu des tonnes.
Oliva en a même encore.
C’est insupportable.

Elle garde tout pour elle. Ne dit jamais rien, même à Jake.
Bien sûr, elle lui avait ses craintes, au début, quand elle s’était découverte enceinte. Elle lui avait parlé même de l’avortement, à dire vrai même bien avant. Il savait que sa mère avait mis les voiles quand elle était bien jeune encore. Il savait tout d’elle, Jake – il sait tout, encore. Mais pas ces pensées-là. Celles dans lesquelles elle se noie. Parce qu’elle se tait trop souvent, Oliva. Elle se renferme sur elle-même, lointaine. Délaisse celui qui partage sa vie. Ce n’est pas juste qu’elle lui en veut, pour le bébé. C’est qu’elle s’en veut à elle-même, la brune. C’est qu’elle demeure inconsolable. Et c’est, surtout, qu’elle ne parle pas tout cela. Ni à lui, ni à d’autres. Très peu même à son psy. Préfère laisser les choses empirer, de toute évidence.


Ce n’est pas tout à fait volontaire. C'est juste qu’elle ne sait plus exprimer ce qu’elle ressent, Ol. Alors cela se révèle autrement. À travers la tension, la froideur. Cela devient des reproches sous-jacents, de la part de l’un et l’autre – comme dans la voiture, maintenant. « C’est bon, je suis juste fatiguée. » rétorque-t-elle. Elle déteste qu’il s’acharne. Elle déteste faire de même. Elle déteste qu’ils partent encore dans l’une de ces mini-disputes qui ponctuent malheureusement leur quotidien. Leur quotidien devenu gris, depuis un an. Parfois, cela s’arrange. Il y a des moments d’amour, des moments de tendresse. Des moments de désespoir où ils ont cruellement besoin l’un de l’autre. À vrai dire, elle a toujours besoin de Jake, Oliva. Mais il y a des moments où elle arrive à le dire, d’autres pas. Maintenant, ce n’est pas le cas. Cela sert-il encore à quelque chose de parler du gâteau ? Il y a quelque chose de bien plus important, derrière le fait qu’ils n’en aient pas trouvé. Jake la brusque un peu, en faisant allusion au fait qu’elle ait fait la gueule, tout le long. La voilà bientôt sur la défensive, agacée, de plus mauvais poil encore. « Des trucs, du genre ? Rien qui pouvait attendre ? » Non, visiblement. Il était arrivé en retard et Oliva, cela lui avait donné l’impression que tout cela ne comptait pas. N’était pas important. Cela avait tapé en plein dans ses insécurités du moment. C’est lui qui lui a demandé de l’épouser, pourtant. Mais en a-t-il envie, vraiment ? Ou bien, ne l’en dégoûte-t-elle pas chaque jour avec sa rancœur ? Celle qu’elle essaie tout de même de réfréner, mais qui, malgré elle, continue de se manifester ? Elle prend mal ses reproches sur le gâteau. Sait pourtant que c’est bien de sa faute. « Non, t’as raison, t’es parfait, t’as rien fait. » s’agace-t-elle, gardant le regard obstinément tourné vers la vitre, à regarder la ville défilant sous ses yeux. Elle déteste être comme cela, Oliva. Elle déteste être incapable de se calmer. Elle déteste aussi chercher un peu la dispute. Ne pas réussir à calmer le jeu. Elle déteste plus encore cette douleur qui subsiste, dans son cœur. Par moments, elle a l’impression d’étouffer. « On n’a qu’à prendre celui à la framboise, alors ! Peu importe. » Non, ce n’est pas vrai. Pas peu importe. Elle voudrait un gâteau qui leur plaise à tous les deux, pour leur mariage. C’est le but, non ? Mais ils n’y arrivent pas. Ni à choisir le gâteau, ni quoi que ce soit d’autre. La préparation du mariage n’avance pas très vite. Alors l’idée de Jake n’est peut-être pas mauvaise. Faire appel à un.e wedding planner. « Pourquoi pas. Mais c’est quand même nous qui choisissons. » réplique-t-elle. Elle ne sait pas trop comment cela marche, Oliva. À vrai dire, elle ne s’y connaît même pas vraiment en mariage, à la base. Mais elle ne veut pas avoir l’impression que quelqu’un décide à leur place.

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Préparer un mariage, ça demandait quand même beaucoup de boulot, il l’avait toujours su, dans le fond, Jake. Ça faisait partie des nombreuses raisons pour lesquelles il n’avait jamais été très branché mariage. Il avait du mal à comprendre pourquoi il fallait se donner autant de mal pour cette journée. Et puisqu’il avait pensé qu’il allait passer sa vie en prison, ça avait eu de moins en moins de sens à ses yeux au fil des années. Se marier, ça ne faisait pas partie de ses objectifs de vie. Mais il s’était lancé dans cette aventure avec Oliva en pensant que ça leur ferait du bien, que ça les aiderait à se retrouver et à être de nouveau soudés, malgré ce qu’ils avaient dû traverser. Sur le papier, ça semblait être une bonne idée, mais en vrai, il avait l’impression que ça ne faisait qu’ajouter du stress supplémentaire dans leur quotidien. Il n’avait pas l’impression que ça les aidait beaucoup. C’était juste un sujet de plus à leur portée pour se disputer. Si même une histoire de gâteau pouvait créer des tensions entre eux, ils n’allaient jamais s’en sortir. Il y avait plein de choses à prévoir, la gâteau n’était qu’une toute petite étape à franchir et rien que ça, ça s’annonçait compliqué.

Il aurait probablement mieux fait de se taire Jake. Faire le trajet de retour dans le silence, éviter les tensions. Mais, c’était plus fort que lui, il avait fallu qu’il relance le débat. De toute façon, ça ne servait à rien de garder les tensions sous silence, à part à les rendre encore plus oppressantes. Il fallait crever l’abcès pour pouvoir passer à la suite. Il avait tendance à ne pas réussir à lâcher le morceau, le blond, ce qui n’arrangeait en rien les choses, dans des moments comme celui-ci. « Si tu le dis. » Il se contenta de répondre, prenant sur lui pour ne pas enfoncer le clou sur cette histoire d’allergie, tout en faisant quand même un commentaire, plutôt que de juste rester silencieux. Évidemment, il avait fini par entrer dans le vif du sujet et le problème, ce n’était pas juste les gâteaux qu’on leur avait proposés. Il était arrivé en retard et ça justifiait de ruiner la dégustation de gâteaux. « Du matériel à ranger, une douche à prendre, histoire de pas me pointer plein de sel et en tenue de surf. » La base quoi, ça lui avait pris un peu de temps et certes, il n’avait pas fait en sorte de beaucoup accélérer les choses, mais il fallait bien le faire. Il laissa échapper un soupir suite à la remarque de la brune. « J’ai pas dit ça non plus. Mais admet que tu n’as pas fait beaucoup d’efforts. » Il y avait eu de la mauvaise volonté, clairement. Tout ça parce qu’il avait été en retard. Comme si ça allait faire avancer les choses. « Non, laisse tomber. » Tant pis pour le gâteau à la framboise, si c’était pour le choisir comme ça, il n’en voulait pas, Jake. « Le choix nous revient forcément, je suppose qu’on doit nous faire des propositions en fonction de ce qu’on leur dit. » Il haussa les épaules. Il n’y connaissait rien, mais il imaginait que ça devait se passer comme ça. Ils disaient ce qu’ils voulaient dans les grandes lignes, on leur faisait des propositions et c’était à eux de dire si ça leur convenait ou non. Il avait l’impression que ça les aiderait grandement à faire des choix. Certes, pour le gâteau, ça dépendrait toujours de leurs goûts, mais, même pour ça, on devrait pouvoir leur proposer des pâtisseries en fonction de leurs goûts et de leurs envies. Faire appel à ce genre d’entreprise, ça leur retirerait clairement une épine du pied.

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Parfois, elle n’est pas sûre qu’ils aient un avenir à deux. Ce n’est pas l’envie qui manque – son cœur est toujours amoureux. Mais il y a aussi la rancœur, et surtout, la douleur. Et parfois, Oliva, elle a peur que cela ronge tout ce qu’elle ressent, tous ses sentiments. Que cela fasse ressortir tout le moins bon d’elle et mène leur histoire à sa perte. Elle voudrait que tout soit plus simple, Ol. Elle voudrait pouvoir revenir en arrière, plus d’un an plus tôt. Ne pas prendre le volant ce jour-ci, pour ne pas croiser la route de cet autre conducteur. Peut-être que si elle n’avait pas pris le volant, ou si elle était partie cinq minutes plus tôt, ou cinq minutes plus tard, tout serait différent. Jake et elle seraient heureux, et ils seraient notamment parents. Ils auraient leur bébé, qui soufflerait bientôt sa première bougie. Une adorable petite fille. Elle aurait sans doute les yeux et les cheveux d’Oliva, peut-être le nez de Jake, ou encore son sourire. Elle marcherait certainement à quatre pattes, se tiendrait debout. Toutes ces pensées-là, elles envahissent encore l’esprit d’Oliva. Lui font terriblement de mal. Mais elle n’arrive pas à cesser d’imaginer. Elle n’arrive pas à arrêter les et si, elle n’arrive pas à accepter que cela n’arrivera jamais. Parce qu’elle a eu un accident à six mois de grossesse et qu’elle n’a jamais pu donner la vie.

Elle a peur que cette perte ait finalement raison d’eux.
Cela fait un an déjà que c’est compliqué. Un an qu’il y a des hauts, des bas. Leur couple bat peut-être de l’aile, sans doute surtout parce qu’Oliva n’accepte pas. Que le bébé ne reviendra pas. Pour quelqu’un qui ne voulait pas être mère, c’est peut-être paradoxal. Mais elle s’était mise à l’aimer, celui-là. Après des mois à combattre ses vieux démons pour accepter sa maternité future, oui, Oliva, elle s’était mise à l’aimer. À vouloir être la mère de celui-là. Et pas d’un autre. Est-ce que ce serait cela, la solution ? Qu’ils réessaient d’avoir un enfant ? Elle ne sait même pas s’il voudrait, Jake. Elle ne sait pas si elle le voudrait elle-même. Dans le fond, il est trop tôt pour y penser. Pour être prête. Elle doit d’abord faire son deuil. Faire peut-être un travail sur elle-même, ou plutôt sur ses peines. Cela demande du temps, elle a le droit de le prendre.

Mais elle déteste ce qu’elle devient, avec le chagrin. Elle déteste se montrer peut-être injuste face à Jake. Ne pas avoir envie de lui parler, parfois. Ce n’est même pas parce que c’est lui. C'est juste qu’il y a des moments où cela lui demande trop d’énergie, même pour parler à n’importe qui. Même pour se lever, prendre soin d’elle. Aujourd'hui, elle a été injuste, peut-être. Et elle a déteste cela. Mais c’était plus fort qu’elle – elle était contrariée par son retard. Comme si cela trahissait un manque d’intérêt, de la part de Jake. Ils se disputent, maintenant. C'est encore gentillet, mais rien ne dit que cela va durer. « Alors pourquoi on a pris rendez-vous pour cette heure-là, si c’était trop juste au niveau du temps ? » fulmine-t-elle encore. C'est vrai – pourquoi ont-ils défini cette heure ? Si encore il l’avait prévenue en amont, de commencer sans lui, elle aurait compris. Et encore. Elle aurait insisté pour reporter. Parce qu’elle voulait qu’il soit là, parce qu’elle ne voulait pas commencer ni goûter sans lui. Parce que c’est leur mariage. Pas juste le sien. Alors ils doivent prendre des décisions, ensemble. « Non, j’ai pas fait d’efforts. » réplique-t-elle, avec un brin de provocation. « T’imagine même pas de quoi j’ai eu l’air en t’attendant. Le futur marié qui est même pas à l’heure, ça fait pas très investi. » Est-ce cela dont il est question ? N’est-il pas assez investi, Jake ? Jusqu’à présent, c’était plutôt normal, elle ne l’était pas plus que lui, Oliva, parce qu’elle n’est pas plus douée que lui, avec tout cela. Mais le fait est qu’ils ont décidé de se marier. Et, quitte à être paumée, elle préférait l’être avec lui – comme pour tout, pour le reste de leur vie.
Tout en conduisant, il suggère qu’ils fassent appel à un.e wedding planner, Jake. Ce n’est peut-être pas une si mauvaise idée, dans le fond. Et, si Oliva n’est pas enchantée que quelqu’un d’autre organise leur mariage, elle doit admettre que cela leur retirerait une épine du pied. Les guiderait. Leur ferait gagner du temps, aussi. Parce que ce n’est pas facile d’enchaîner les rendez-vous et de faire un repérage pour la robe, le lieu, les fleurs, en plus du travail. « Okay, on peut essayer. » Elle lâche un soupir, Oliva. Mais pas par provocation, cette fois. Un soupir de fatigue, de lassitude. Car ce mariage l’épuise. Comme tout le reste.
C’est la vie qui l’épuise, même.

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Il n’était sans doute pas très doué pour les histoires de couple, Jake. Il avait été amoureux de Mia. Mais ils étaient devenus parents trop jeune et il n’avait pas su gérer correctement cette relation, ni les changements que la paternité imposait. Il avait été très attaché à sa fille, dès le départ, mais rapidement il s’était senti complètement dépassé. Il avait commis des erreurs Jake et pas qu’une seule. Assez pour que ça semble logique aux yeux du reste du monde qu’il ait lui-même assassiné Mia. Pour qu’on puisse le croire coupable, c’était clairement qu’il n’avait pas été le petit ami parfait. Les années passées en prison n’avaient probablement pas aidé. Il n’avait pas été en couple pendant des années. A sa sortie, trouver l’amour n’avait clairement pas été sa priorité. Il avait d’abord cherché à reconstruire sa vie, petit à petit. Avait vécu d’histoires courtes, avant que sa route ne croise celle d’Oliva. Ce n’était pas censé durer plus longtemps que ses histoires précédentes, mais il fallait croire qu’à force de se croiser par hasard, ça avait fini par les pousser à vouloir se revoir. Maintenant, ils étaient fiancés. Un mariage à venir et pourtant, il le savait, Jake, il était toujours le même boulet quand il s’agissait de vie de couple.

La preuve, au lieu d’essayer de faire taire les tensions, il avait plus facilement tendance à balancer de l’huile sur le feu. Il n’aimait pas les silences et les non-dits, le blond. Il avait besoin de crever l’abcès et il avait une façon de le faire qui n’était pas toujours agréable. Il perdait patience assez rapidement. Alors forcément les disputes étaient difficiles à esquiver. C’était ce qui était ressorti au procès, pour Mia. Ils se disputaient souvent. Au milieu de toutes les conneries qui avaient été dites sur lui, ça au moins, c’était vrai. C’était vrai aussi avec Oliva, surtout depuis qu’ils avaient perdu le bébé. « Je pensais que ça irait. J’ai été plus occupé que prévu. » Ça arrivait à tout le monde non ? Il n’avait pas bien anticipé les choses et à l’arrivée, il ne s’était pas non plus pressé, mais ça c’était une autre affaire. Mieux valait faire les choses correctement, plutôt que de tout bâcler. « On est bien d’accord. » Si elle comptait sur lui pour avoir une parole rassurante là-dessus, ce n’était pas la peine. Elle n’avait pas fait d’effort et c’était bien ce qu’il lui reprochait. « Oh, je suis pas très investi alors ? » Il lâcha, plutôt agacé par la remarque. Il n’était peut-être pas très investi, mais elle n’était pas beaucoup mieux. Elle n’était pas en mesure de le juger. Il faisait de son mieux, mais il fallait croire que ce n’était pas assez. « C’est con ça, en prison, ils proposent pas la formation organisation de mariage aux types qui sont là pour avoir buté leur copine. » La patience, définitivement pas son point fort. Au moins, au milieu de tout ça, il avait quand même réussi à proposer un wedding planner. S’ils étaient tous les deux incapables de gérer l’organisation de leur mariage, alors autant demander de l’aide à quelqu’un dont c’était le métier. Ce serait plus simple et, à l'arrivée, forcément mieux. « Ça me semble plus simple comme ça. » Parce qu’eux deux, avec personne pour les aider, de toute évidence, c’était mal parti, la preuve, ils en étaient réduits à s’engueuler pour une histoire de gâteau. Ça le rendait fou, Jake. Mariage ou pas, y avait plus grave comme problème dans le monde qu’un foutu gâteau.

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Leur histoire ne va pas bien. Leur couple s’effondre, depuis la perte du bébé. Leur relation, c’est le Titanic qui a heurté l’iceberg, qui commence à couler. Mais ils s’accrochent. Peut-être pourraient-ils encore se sauver. Il y a encore l’envie, au fond. Pas vrai ? Dans le fond, perdre Jake, elle croit que cela la mettrait à terre, Oliva. Que ce serait un peu le coup fatal, après tous les malheurs qu’elle s’est pris dans sa vie, après la perte du bébé. Mais entre eux, c’est devenu compliqué. Lui aussi, il ne va pas bien. Lui aussi, il a souffert de la perte du bébé. Souffert probablement de devoir faire un choix cornélien. Un choix pour lequel, malgré elle, Oliva, elle ne lui pardonne pas. Mais elle l’aime toujours, même si elle n’est pas douée pour l’exprimer. Même si elle n’est peut-être pas la meilleure des compagnes. Même si elle a ses hauts et ses bas. Des moments où elle est distante, renfermée ; et d’autres où elle recherche davantage ses étreintes et ses baisers. Elle déteste elle-même être aussi instable, changeante. Elle déteste elle-même cette humeur maussade, cette douleur, qui lui font vivre les montagnes russes. Elle voudrait juste que tout soit comme avant, Oliva. Quand ils étaient heureux, avec leur petite vie simple, à deux. Qu'ils attendaient un bébé conçu par accident, mais que ce n’était pas une si mauvaise nouvelle, finalement. Maintenant, il n’y a plus que lui et elle, et la douleur en concubine.

Leur histoire ne va pas bien. Pourtant, ils ont décidé de se marier.
C'était peut-être bizarre, venant d’eux. Eux qui n’avaient même pas prévu, au début, d’avoir une relation sérieuse. C’était juste pour passer un bon moment, au début. Peut-être s’étaient-ils trop vus. Jusqu’à basculer, commencer à éprouver quelque chose, avoir envie de plus. Dans le fond, c’est une jolie histoire. Parce que tout avait mal débuté, entre eux, après cet accrochage en voiture. Ils n’ont jamais été très doués avec les relations sérieuses, mais ils ont trouvé comment composer ensemble. Même quand elle s’est retrouvée enceinte, Oliva. Mais cette histoire de mariage ? Parfois, elle se dit que peut-être, ils jouent à faire comme les autres. À prétendre être ce qu’ils ne sont pas. Et malgré tout, l’idée était tentante. Elle, elle a dit oui sans hésiter, finalement. Peut-être parce que, même s’ils n’avaient pas trop su comment gérer la grossesse, elle avait mis en lumière une vérité : elle voulait faire partie de la vie de Jake, au présent, au futur. Jusqu’à ce que la mort les sépare.

Mais tout ne va pas bien.
Peut-être qu’ils font juste semblant, en attendant l’explosion. La prochaine dispute, parce qu’elles sont répétées. Elle savait qu’elle viendrait, pendant toute la dégustation de gâteaux, Oliva. Parce qu’elle était contrariété et qu’elle n’a pas su faire taire la frustration. C'est Jake qui lance les hostilités, ouvertement, parce qu’il a bien compris qu’elle lui en voulait. Maintenant, ils semblent partir en plein dans la dispute. « Okay, si tu le dis. » Elle veut bien le croire, ne pas alimenter ce débat inutile. Elle ne veut pas se prendre la tête davantage là-dessus, Oliva, elle a déjà été bien assez agacée comme cela. Il faut aller de l’avant, maintenant, n’est-ce pas ? Et en même temps, il y a encore tellement plus à dire. C’est peut-être important, qu’ils évacuent, plutôt que les non-dits subsistent – cela, peut-être, ce serait vraiment l’iceberg qui les mènerait à leur perte. Alors elle finit par balancer qu’il n’avait pas l’air très investi, face au traiteur et elle qui attendaient. « J’en sais rien : à toi de me le dire. Est-ce que c’est un acte manqué ? » ironise-t-elle en retour. C’est lui qui lui a demandé de l’épouser, pourtant. Rien ne l’y obligeait. Ils n’étaient pas obligés de faire comme tout le monde. Mais il lui a demandé de l’épouser. Alors c’est qu’il en avait envie, pas vrai ? Même si tout va mal, même si elle est toujours infiniment triste, Oliva, qu’elle ne leur simplifie pas la tâche. Leurs disputes n’aident pas. Et ils ne savent pas toujours faire preuve de maturité pour calmer le jeu. Les mots de Jake l’irritent un peu plus. La chagrinent, aussi. « T’es pas obligé d’être si cynique. » Elle sait très bien ce qu’il a vécu. Qu'il a été accusé à tort, contraint à purger une peine qu’il ne méritait pas. « Moi aussi, j’y connais rien aux mariages. Pas plus que toi. Mais le seul truc qu’on peut faire bien, c’est juste être à l’heure. Sinon, les gens vont s’demander si tu doutes. Est-ce que tu doutes, Jake ? » s’agace-t-elle de plus belle. Qu’il doute, dans le fond, elle se le demande tout le temps. Elle serait terrifiée à l’idée que ce soit le cas. Qu'il change d’avis. Parce que malgré tout, oui, elle l’aime. Elle se voit faire sa vie avec lui. Elle voudrait juste que ses maux guérissent. Qu’en le regardant, elle ne voie plus le bébé qu’ils ont perdu. « On est d’accord au moins pour ça. » Ce n’est pas une provocation. Elle l’a dit plus bas. Peut-être commence-t-elle une partie de leurs disputes. Mais elle n’aime pas celles-là. Elle voudrait juste que tout s’arrange et que toute leur douleur disparaisse, pour de bon.

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Peut-être qu’avant de se lancer dans cette histoire de mariage, ils auraient dû chercher à résoudre tout ce qui n’allait pas entre eux. Lui, il voyait un psy, parce qu’il en avait besoin, à cause de ses problèmes passés avec la drogue, les années en prison qui avaient été assez difficiles à supporter. Innocent, il s’était senti comme une brebis parmi les loups. Plus récemment, il y avait l’accident d’Oliva et la perte du bébé. Beaucoup de choses qui étaient assez difficiles à supporter, ces derniers temps et qui nécessitaient une aide extérieure. Mais peut-être qu’ils auraient bien besoin d’une thérapie, tous les deux, ensemble, pour résoudre les tensions qui s’étaient installées entre eux depuis la perte du bébé. Ça aurait été plus logique que de juste décider de se marier. Il avait l’impression que ça ne faisait que renforcer les tensions. Ça leur offrait un sujet supplémentaire sur lequel s’engueuler et clairement dès qu’une voie était ouverte vers la dispute, ils avaient tendance à foncer dedans, sans se poser de question. Mauvaise idée, clairement, mais il fallait croire qu’ils ne pouvaient pas s’en empêcher. Aujourd’hui, c’était pour cette histoire de gâteau et d’ici quelques jours, ils trouveront forcément autre chose, pour relancer une dispute.

Il ne savait pas vers quoi ils allaient à continuer comme ça tous les deux. Il l’aimait, Oliva, il n’avait certainement pas envie que leur histoire tombe à l’eau, mais est-ce qu’ils pouvaient vraiment continuer à s’engueuler comme ils le faisaient, sans que ça ait de réelles conséquences sur leur relation ? Il allait être beau leur mariage, s’il se construisait sur des disputes et si, chacune des étapes devenait un sujet de tension. Le mieux, ce serait sans doute de calmer le jeu, de laisser couler et de passer à autre chose. Mais il n’était pas comme ça Jake. Il était du genre à balancer de l’huile sur le feu à la moindre occasion et Oliva n’était pas beaucoup mieux, dans le fond. « Ouais, c’est vrai que choisir un putain de gâteau c’est probablement la preuve ultime de mon investissement. » Il répliqua, avec la même ironie que la brune. Il était arrivé en retard, est-ce que c’était un drame ? Ouais, choisir le gâteau, ce n’était pas le truc qui le motivait le plus dans cette histoire de mariage, est-ce que c’était si grave que ça ? Au moins, il n’avait pas fait la gueule pendant la dégustation, alors peut-être que son investissement à elle n’était pas plus probant que le sien. « T’as déjà rencontré le gars que tu vas épouser ? » Est-ce qu’il était obligé d’être aussi cynique ? Oui. C’était plus fort que lui et il en rajoutait une couche plutôt que de se calmer. Une fois lancé, il était difficile à arrêter, le blond. « Je crois que ne pas tirer la gueule, ça peut aider aussi. Alors je pourrais parfaitement te retourner la question. » Si elle avait été beaucoup plus investie et motivée que lui, peut-être qu’elle aurait été capable de faire un effort, malgré son retard. Mais non, elle avait fait la gueule, parce que montrer son mécontentement était plus important que de choisir un gâteau pour leur mariage. « Ouais, c’est déjà ça. » Ils avaient clairement besoin de quelqu’un pour les aider. Ils ne savaient pas comment s’y prendre et seuls, il fallait croire qu’ils étaient juste capables de s’engueuler pour un oui ou pour un non. Ils avaient besoin d’être guidés, qu’on leur propose des options, parce qu’ils ne savaient pas s’y pendre. Et il devait bien l’admettre, Jake, il ne ressentait aucun plaisir, face à une montagne de tâches à accomplir, sans savoir vraiment par où s’y prendre. Il avait besoin qu’on déblaie un peu le chemin et qu’on transforme les préparatifs de ce mariage en quelque chose d’agréable, parce que ce n’était pas le cas pour l’instant.

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Il y a encore de l’amour et de la tendresse, entre eux. Même si ce n’est pas toujours visible, pas toujours évident. Peut-être qu’en les regardant, ce qui domine, c’est la douleur, c’est le chagrin. Ils sont de ces couples qui ont été brutalement ébranlés par un drame. Ils sont de ces couples qui peinent à s’en relever. Mais qui, discrètement, essaient. Ils auraient déjà pu abandonner, pas vrai ? Ils auraient pu tout laisser les séparer. Cela pourrait encore arriver, un jour. Mais Jake lui a demandé de l’épouser. Alors ils se dessinent un véritable avenir. Elle ne sait pas trop pourquoi le mariage incarne cela, Oliva. Elle, elle n’est à l’origine pas forcément du genre à y croire. Elle croit que Jake, encore moins. Mais ils ont décidé de se lancer là-dedans. Jake lui a demandé de l’épouser et elle a accepté. Alors cela veut dire quelque chose d’eux, pas vrai ? Cela veut dire qu’ils ne sont pas près de se quitter, qu’ils ont encore un bout de chemin à faire ensemble. Qu’ils en ont envie. Sous l’épaisse couche de douleur et de chagrin, oui, il y a encore de l’amour, il y a encore de la tendresse. C'est juste que la carapace est dure à percer, parfois. Et malgré tout, Oliva, elle se demande, si un jour cela pourrait ne plus suffire. Si un jour, tout cela pourrait se finir.

C'est peut-être elle, qui les conduira à leur perte.
C'est peut-être elle, qui ne sait plus aimer correctement.
Elle essaie, pourtant. Désespérément.

Elle essaie de surmonter la peine, d’aller de l’avant.
Elle a même entamé une thérapie, Oliva, parce qu’elle savait que seule, elle n’y arriverait pas. Et puis, parce qu’elle a déjà connu trop d’épreuves, trop d’obstacles. Parce qu’il y a aussi ses vieilles addictions, celle qu’elle (croit) avoir surmontées à présent - mais qui la hantent encore, par moments. Il y a tant de choses, finalement. Tant d’obstacles potentiels à la survie de leur relation. Parfois, elle se demande sincèrement, Oliva, ce qui en sonnera le glas. Elle se dit qu’à un moment ou l’autre, forcément, cela cafouillera.
Ce serait bête, que cela arrive à cause d’un gâteau. Elle devrait juste abandonner, Oliva, et passer à autre chose. Mais elle n’y arrive pas. Ils continuent encore d’en débattre, c’est plus fort qu’elle. Peut-être parce qu’il y a autre chose qui y est lié. Elle, elle y voit quand même un signe de l’investissement de Jake – quitte à chercher, peut-être, des signes qui n’en sont pas. « Franchement ? Le gâteau, c’est un des trucs clés de l’organisation d’un mariage, Jake. Avec le lieu de réception, les fleurs, le costume et la robe ! » Elle n’y connaît pourtant pas grand-chose, Oliva. Mais il lui semble que le plus important, c’est tout cela. Cependant, elle n’a pas encore de robe, elle ne croit pas que Jake ait son costume, ils ne se sont pas décidés pour les fleurs ni pour le menu. Mais ils savent où ils veulent se marier. Et c’est déjà bien, pas vrai ? « Non, c’est un parfait inconnu. » raille-t-elle en retour. Elle sait qu’il est cynique. Mais elle déteste qu’il fasse des blagues là-dessus. Sur ce qu’il a vécu, sur ce pourquoi il a été accusé à tort, obligé de vivre en prison des années durant alors qu’il était innocent. Ce n’est pas drôle, et elle sait qu’il ne le pense pas – elle aussi, elle est cynique, Oliva, mais pas pour cela. Elle s’énerve de plus en plus et finit simplement par lui demander s’il doute, étant donné qu’il s’est pointé à la bourre. « Peut-être que j’ai tiré la gueule, mais moi au moins, j’étais là à l’heure. » Elle n’en démord pas, Oliva. Et elle n’a pas envie de céder et de calmer le jeu, alors qu’elle l’estime en tort. Même si les torts sont partagés. « Alors maintenant, on n’aura qu’à prendre nos prochains rendez-vous à des moments où tu n’as pas cours, et t’auras plus d’excuses comme ça. » conclue-t-elle, gardant toujours le regard obstinément posé sur la vitre, sans le regarder. « A commencer par nos rendez-vous avec lae wedding planner. » Puisqu’ils semblent avoir au moins pris cette décision-là.

tw: prison,  féminicide, accident de voiture, perte d'un bébé

Se prendre la tête avec Oliva, ça devenait un peu trop fréquent à son goût. C’était idiot, ils s’étaient fiancés, alors qu’ils avaient constamment du mal à s’entendre. Il avait cru que ça les aiderait, que ça prouverait qu’ils s’aimaient, malgré les tensions qu’il pouvait y avoir dans leur couple et qu’au bout du compte, ce mariage allait les aider à se sentir plus soudés, parce que c’était le but d’un mariage non ? S’unir pour le meilleur et pour le pire, décider de passer le restant de leurs jours ensemble, c’était de belles promesses, censées unir les couples. Et eux, ce mariage ne faisait qu’envenimer les choses. A moins que ce ne soit les non-dits qui s’en chargent et que le mariage ne soit au final qu’une excuse parmi tant d’autres. Est-ce qu’elle lui en voulait pour le bébé ? Pour la décision qu’il avait prise ce jour-là et qu’elle n’osait pas l’avouer ? Il se posait souvent la question, Jake. Lui, il s’en voulait, lui, il avait du mal à se pardonner, même s’il savait au fond de lui qu’il n’avait pas vraiment eu le choix. Alors est-ce que c’était aussi le cas d’Oliva ? Il n’en savait rien, parce qu’ils préféraient se prendre la tête à cause d’un gâteau plutôt que discuter des choses importantes. Ils étaient deux grosses autruches, dans le fond.

Il avait l’impression qu’il allait exploser, Jake. Que cette histoire de gâteau, c’était vraiment trop pour sa patience qui était très limitée au quotidien. Pourquoi est-ce qu’il fallait se prendre la tête pour ça ? Est-ce que c’était vraiment si important que ça ? D’après Oliva oui. Ça faisait partie des trucs les plus importants d’un mariage. Comment est-ce qu’un gâteau pouvait être si important ? Il finira par être mangé, digéré et chié, comme l’ensemble des aliments. Certain qu’ils en auraient oublié le goût bien rapidement. « Pourquoi c’est c’est si important ? Pour que les gens viennent à notre mariage et se dise waw, il est vraiment bon ce gâteau ? J’en ai rien à foutre des gens. J’ai pas envie de me casser le cul à préparer un mariage pour éblouir les gens. » Lui, si ça pouvait être juste eux deux, avec un gâteau banal, ça lui convenait parfaitement. C’était ça l’impression qu’il avait dans les mariages, l’impression constante qu’il fallait satisfaire la foule, alors que c’était leur mariage à eux et les autres, il s’en fichait. Le gâteau, il s’en fichait, les fleurs il s’en fichait et Oliva pouvait bien se pointer en jogging à leur mariage, qu’il s’en fichait, parce que ce n’était pas ce qui comptait à ses yeux. « Ça s’annonce vraiment mal ce mariage, alors. » Il commenta suite à la remarque de la brune. Ils s’engageaient vraiment dans une pente glissante tous les deux, la soirée allait être compliquée. Il laissa échapper un long soupir de lassitude alors qu’elle insistait sur le fait qu’il était arrivé en retard. « C’est ça, compte sur moi pour l’être aussi le jour du mariage. » S’il ne s’était pas tiré avant, à force qu’elle lui prenne la tête sur des broutilles pareilles. Il était arrivé en retard, il s’était excusé, il avait participé à la dégustation de gâteaux. C’était pas comme s’il n’était pas venu du tout ou que même après son retard, il ne s’était pas impliqué. Oui, il était arrivé en retard, il s’était excusé, il ne pouvait pas faire grand chose de plus.  « Si ça te fait plaisir. » Uniquement sur ses jours de congé, ça allait limiter les rendez-vous, mais bon. Un nouveau soupir passa ses lèvres alors qu’il garait enfin la voiture sur le parking de leur immeuble. « Est-ce que le wedding-planner prend des rendez-vous le dimanche du coup ? » La petite voix dans sa tête lui disait qu’il était grand temps qu’il se taise et qu’il arrête de balancer de lui sur le feu, mais c’était plus fort que lui. Il n’arrivait pas à l’écouter cette fichue voix, pourtant c’était évident qu’elle avait raison, il y avait des moments où fallait savoir se taire. Malheureusement ce n’était pas son point fort à Jake.

tw: dépression, deuil anténatal.

Elle aurait pu lui parler ouvertement de ce qu’elle ressentait. De ce que cela lui faisait, de le voir arriver en retard à la dégustation de gâteaux. Elle aurait pu gérer les choses avec un peu plus de maturité, Oliva. Sauf que depuis l’accident, elle a bien trop de mal à parler de ce qu’elle ressent. Pas seulement à Jake. Mais aussi aux autres. Même à son frère et sa sœur, même à Asena. Sa thérapie l’aide, tout de même, mais ne suffit pas. Il faudra plus de temps, de la patience, sans doute. Et il faudra surtout qu’elle quitte enfin son déni, Oliva. Qu'elle affronte ce qui la terrifie, ce qui la hante, ce qui la rend malheureuse. Peut-être que là, alors, elle sera en mesure d’avancer, même si c’est à tâtons. En attendant, elle recule, s’enfonce. Parfois, cela va ; d’autres fois, pas. Parfois, il y a des hauts ; d’autres fois, des bas. C'est aussi comme cela entre Jake et elle. Elle n’est pas constante, Oliva. Elle peut provoquer les disputes, comme elle peut rechercher sa tendresse. Elle est simplement terrassée par ses peines, plus ou moins faciles à gérer, endurer, selon les moments. Elle a trop de douleur en elle, pour réussir à y voir clair. Pour réussir à arranger les choses. Parfois, elle empire tout, tout simplement. Peut-être comme maintenant. Parce qu’elle ne sait plus exprimer directement ce qu’elle ressent. Se montrer vulnérable.

C'est une spirale infernale. Elle ne sait pas comment en sortir. Elle ne sait pas comment sortir la tête de l’eau, comment trouver la sortie du tunnel, comment s’échapper du gouffre. Parfois, elle entrevoit quelques lumières, à travers Jake, sa famille, Asena, même. Mais elle finit toujours par retomber dans les ténèbres. Comme maintenant, où elle provoque encore une dispute parce qu’elle n’a pas été fichue d’expliquer en quoi son retard l’embêtait. À présent, tout est en train de s’envenimer. « Mais moi aussi, j’en ai rien à foutre de ce que pensent les gens, Jake, c’est pas le problème ! C’est pas pour les autres que c’est important, c’est pour nous. Alors j’suis vraiment désolée si tu t’en fous de tout ça, mais moi pas. » Elle l’a tout de même acceptée pour une bonne raison, sa demande en mariage. Parce qu’elle l’aime et parce qu’elle est sûre de vouloir faire sa vie avec lui. Le problème, c’est juste qu’il y a certaines choses à régler et qu’ils gagneraient à communiquer. À s’ouvrir vraiment. À dire ce qu’ils ressentent. Ce serait un bon début, déjà. Cela montrerait au moins qu’ils ont envie que cela marche, s’arrange. « Arrête. » rétorque-t-elle seulement, à sa provocation. Elle déteste qu’ils en viennent là, à se faire encore plus mal. Ils n’ont pas besoin de cela. Ils auraient besoin de douceur. Tout allait si bien, entre eux, jusqu’à l’accident, la perte du bébé. Tout se complique, désormais. Pourtant, leur histoire est belle. Ils ne pensaient pas rester si longtemps dans la vie de l’autre, eux qui avaient commencé à se prendre la tête lors d’un accrochage en voiture, eux qui avaient vraiment leur relation par quelques aventures sans lendemain qui s’étaient de toute évidence répétées. Ils se sont même retrouvés à prévoir l’arrivée d’un enfant, alors qu’eux deux, c’était censé être éphémère. Oui, c’est une belle histoire. Mais, au vu de la tournure que prennent les choses, c’est à se demander s’ils arriveront seulement jusqu’au mariage. « C’est pas cool de dire ça. » souffle-t-elle. Elle l’a provoqué, sans doute. Elle lui a pris la tête, depuis le début. Maintenant, elle sent que son cœur lui fait trop mal. Que la colère est remplacée par autre chose. Mais la colère, dans le fond, c’est toujours l’expression de sa tristesse, son désarroi. C'est pour cela qu’ils se disputent si souvent, tous les deux – parce que cela ne va pas. Probablement autant pour lui que pour elle, d’ailleurs. Ils étaient à deux doigts de trouver un semblant de paix ou de début de réconciliation, avec cette histoire de wedding planner. Mais non. Ce n’est même pas une provocation de sa part, pour ce coup-là. Pourtant, cela empire encore les choses. Les derniers mots de Jake l’achèvent, alors que la voiture arrive sur le parking de leur immeuble. « C’est bon, Jake. T'es pas obligé d’en rajouter. » Il n’y a plus vraiment de colère dans sa voix. Elle est juste triste qu’ils en soient arrivés là. Probablement qu’en rentrant, elle va juste retourner se cacher dans leur lit, pour essayer d’oublier combien tout va mal, combien elle a l’impression de tout gâcher, combien les choses ne finiront jamais par s’arranger.

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Il ne savait plus comment gérer les choses entre Oliva et lui, Jake. Il avait déjà du mal à se gérer lui-même, ça lui semblait trop, de devoir aussi s’occuper de décortiquer les états d’âme de sa fiancée. Ça faisait probablement de lui un égoïste, mais clairement il avait l’impression que c’était trop pour lui. Il préférait qu’elle l’insulte, qu’elle l’engueule, qu’elle lui dise clairement ce qui n’allait pas, plutôt que de devoir supporter les semi reproches et l’impression qu’elle lui faisait la gueule. Ils ne fonctionnaient pas de la même façon tous les deux, de toute évidence. Lui, il était une boule de nerf, quand il avait quelque chose à dire il le faisait et souvent sans prendre de pincette. Au contraire, il avait parfois tendance à se montrer trop direct. Il essayait de faire des efforts, mais c’était compliqué. Il y avait quelque chose entre eux qui coinçait ces derniers temps et cette histoire de mariage, ça n’arrangeait rien dans le fond, bien au contraire. Il était arrivé en retard à cette dégustation de gâteaux, alors elle avait fait la gueule. Comme si ça allait les aider. Peut-être que si elle s’était contenté de lui dire qu’elle aurait aimé qu’il soit à l’heure et qu’elle voudrait qu’il fasse plus attention à l’avenir, ça aurait été plus simple.

Mais non. Elle avait juste tiré la gueule et elle aurait probablement continué dans la voiture. Mais s’il n’avait rien dit dans la pâtisserie, parce qu’il n’avait quand même pas envie d’étaler sa vie privée devant de parfaits inconnus. Il avait fini par mettre les pieds dans le plat. De toute façon, ça ne servait à rien de juste faire la gueule. Ce n’était pas ça qui allait arranger les choses. Les disputes non plus, sans doute. « Et quand c’est important, tu fais la gueule, toi ? » Si c’était si important que ça, elle y aurait mis un peu plus de bonne volonté non ? Ou alors l’ensemble de ces gâteaux étaient déguelasses et il fallait peut-être qu’il aille consulter un médecin pour s’assurer que tout soit bien en ordre chez lui. Maintenant qu’il était lancé Jake, il avait du mal à s’arrêter. Il n’avait aucune patience et avait toujours beaucoup de mal à se calmer. « Je suis un peu moins un inconnu alors, tu sais que je suis pas quelqu’un de cool. » Il répliqua suite à sa remarque. Il fallait arrêter de balancer de l’huile sur le feu, c’était une évidence. Mais il ne savait pas faire, Jake. Peut-être qu’avec une bonne bière et une clope, il arriverait un peu à se calmer. A moins qu’il ne parte courir un peu pour se vider la tête. Il y avait au moins une option plus saine que l’autre. Il laissa échapper un soupir une fois la voiture garée. « Ouais, c’est ça. » Il se contenta de répondre avant de quitter la voiture et d’aller chercher ses affaires dans le coffre. Il allait sans doute vraiment monter, se changer et aller courir, s’éloigner d’Oliva et de leurs habituelles disputes ne lui ferait pas de mal. Il ne tarda pas à fermer la voiture une fois Oliva sortie, histoire de s’éloigner vers le bâtiment. « Je vais aller courir, je sais pas pour combien de temps. » Il précisa en poussant la porte du bâtiment, la gardant ouverte pour la brune. Au moins, elle savait à quoi s’attendre. Il n’allait pas disparaître sans un mot une fois rentré, il avait beau être en colère, ce n’était pas son genre. De toute façon, ce serait mieux comme ça, pour elle comme pour lui. Ils avaient besoin de se calmer et courir avait tendance à l’aider avec ça. Qu’elle fasse quelque chose qui l’aide à se détendre, elle aussi de leur côté et peut-être qu’ils arriveront enfin à communiquer convenablement après ça.

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Ils vont mal.
Depuis la perte du bébé, tout ne fait qu’empirer. Ils vont mal, l’un comme l’autre. Ils vont mal, séparément, et puis aussi ensemble. Ils vont sans doute mal ensemble, parce qu’ils vont mal séparément, finalement. Peut-être qu’ils vont trop mal, simplement, pour être là, l’un pour l’autre. Pour se tenir à flots, se maintenir la tête hors de l’eau. Ou bien, peut-être que tout irait mieux s’ils parlaient juste franchement de tout ce qui ne va pas, entre eux. De tout ce chagrin qui les ronge, de toute cette culpabilité qui s’accroche à eux. Mais elle ne veut pas, Oliva. Elle préfère le déni. Ou en parler simplement – et brièvement – à son psy. À Jake, elle n’y arrive pas. À Jake, elle ne dit pas combien elle va mal, elle ne dit pas combien elle ne se remet pas de la perte de leur bébé. Elle n’en parle tout simplement pas, Oliva. Elle se tait. Elle parle d’autres choses, ou bien elle ne parle pas tout court. Elle ne doit pas être facile à vivre, trop lunatique, contradictoire. D'une humeur trop changeante, instable. Elle ne sait pas quoi faire, elle ne sait pas où ils vont. Elle ne sait pas quoi faire pour aller mieux. Mais elle ne veut pas que tout soit fini, entre eux. Elle veut vraiment l’épouser, alors même que le mariage, ce n’est pas vraiment son truc. Mais quelque chose s’est brisé en elle. Et parfois, elle n’est pas sûre de pouvoir un jour le réparer.

Ils sont encore en train de se disputer.
Pour tout, pour rien. Cette fois pour le gâteau de leur mariage. C'est sa faute, à Oliva. Elle le sait, elle a cherché. N'assume plus, regrette. Parce que cela fait toujours mal au cœur, de se prendre la tête. Cela fait toujours mal au cœur, quand ils haussent la voix, quand ils s’énervent. Ne s’écoutent pas. Et se blessent, sans vraiment le vouloir. Il a raison, Jake. Elle a gâché la dégustation. Elle le regrette. Elle aurait dû en parler ouvertement, sinon. Mais si elle en avait parlé, ils se seraient disputés quand même, elle en est certaine. Peut-être était-ce impossible à éviter, alors. Maintenant, ils dérivent, trouvent d’autres sujets de discorde. C'est une histoire sans fin, et une histoire qui fait de plus en plus mal. « Retourne pas les choses. » Mais si ce n’est pas lui, c’est elle. Qui trouve moyen de parler d’autre chose, d’un autre sujet qui créera des tensions. Tout ce pourquoi, en temps normal, ils ne se prendraient pas la tête, parce que ce n’est pas leur genre. Mais ils vont mal, et ils ne savent pas l’exprimer. Pas Oliva, en tout cas. Alors les disputes s’enchaînent, et parfois, on est en droit de se demander s’ils arriveront seulement au mariage. Ils jouent avec le feu, dans le fond. Pourquoi ? Pourquoi sont-ils incapables de parler ouvertement du drame qu’ils ont vécu ? Peut-être parce qu’elle a peur que ce soit pire, Oliva. Qu'elle se rende compte qu’elle ne pardonnera pas. « Sérieux, pourquoi tu te comportes comme un connard ? » Elle est blessée. Plus vraiment en colère, quoique rancunière. Non, maintenant, elle a le moral dans les chaussettes. Elle l’a cherché, peut-être.
Heureusement que cette route se termine, qu’ils finissent par arriver. Ils auraient pu se disputer plus encore, quoiqu’Oliva ait commencé à baisser les armes. Elle veut aller se cacher. Oublier, se défaire du poids insoutenable de l’existence. Ils quittent la voiture, et, tout en se dirigeant vers l’immeuble, Jake lui dit qu’il va aller courir. Je sais pas pour combien de temps. « Okay. » répond-elle vaguement. Qu'il fasse bien ce qu’il veut. Elle ira fuir encore. À broyer du noir dans son coin. C'est mieux qu’ils se laissent de l’espace, ils en ont besoin. Elle le sait, Oliva.