space song (w/anthea)

tw: //

La journée est calme. Dans le fond terriblement banale. Mais parfois, ce n’est pas plus mal.
Elle s’est mise à apprécier cette tranquillité, Yeliz. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles. Il ne se passe rien de spécial, elle ne s’en plaint pas. Considère que cela implique une certaine sérénité, dans sa vie. Et ce, malgré la cohabitation avec Ozan. Souvent, il l’énerve, le brun. Souvent, il la met hors d’elle. D’autres fois, elle agit comme si tel était le cas. Mais en réalité, ce n’est pas aussi terrible qu’elle le craignait, l’imaginait. Qu’elle l’aurait espéré. C’est qu’Oz n’est pas aussi chiant qu’elle le pensait, ni même aussi arrogant qu’il le paraît. Il a été la dernière nouveauté de son existence, ces derniers mois. La seule chose qui y mette un peu de remue-ménage. Non, dans le fond, sa vie, à Yeliz, elle est devenue trop calme. Presque trop posée, pour elle. Elle s’est peut-être aussi noyée dans le travail, sans s’en rendre compte, parce que ces derniers temps, c’est chargé. Oui, c’est sans doute cela. Alors, Yeliz, elle ne voit pas le temps passer. A l’impression que la routine s’est quelque peu installée.

Elle n’a rien prévu de spécial, aujourd’hui.
Oui, c’est une journée banale, calme. À faire les courses, le ménage, parce qu’Ozan ne peut pas l’aider à ce niveau-là. À se poser peut-être ensuite dans le canapé pour bouquiner, à moins qu’elle ne se motive pour une balade – il fait beau, il fait bon, pas trop chaud, étonnamment. Oui, peut-être ; elle ne sait pas encore, Yeliz. Elle aime improviser, aviser. Se laisser porter par ses envies, à l’instantané. Pour l’heure, elle doit faire le plus chiant, le plus responsable, mais nécessaire – des courses. De quoi remplir le frigo au moins pour la semaine à venir, parce qu’elle le sait : elle aura la flemme après le boulot. Alors elle s’est dirigée vers le supermarché, sans grande conviction. Un peu dans la Lune, à penser surtout à ce qu’elle doit acheter. À songer à des choses et d’autres.
Elle est là, à déambuler dans les rayons, cherchant un paquet de pâtes, toujours un peu distraitement. Elle s’arrête à temps avant de foncer dans quelqu’un, la brune. « Oh, pardon. » s’empresse-t-elle de s’excuser, un brin confuse. Ce n’est pas son genre, pourtant, d’être dans la Lune. C'est peut-être juste la fatigue. Cela arrive. Elle prête alors un peu plus attention à la jeune femme qu’elle a manqué de bousculer, écarquillant les yeux en la reconnaissant alors instantanément. Même après tout ce temps. Elle n’oublie pas si facilement les gens. « Anthea ? » Si son ton sonne interrogatif, elle en est pourtant sûre – c’est elle. Elle ne peut pas l’oublier, Anthea. C’est différent des autres. Parce qu’elle lui a laissé un certain souvenir. Un peu de déception. Sans en vouloir à la brune, pour autant. Jamais. « Ça fait longtemps. » Se sent bête, de lancer une telle évidence. Mais c’est la vérité. Cela la frappe, tout à coup.

tw: //

Thea n'a pas une minute à elle ces derniers temps. Tout est sens dessus dessous. Sa meilleure amie, Naia, a été obligée de quitter la ville pour affaire familiale pour une durée indéterminée. Cette nouvelle tombe au pire moment. De ce fait, le cabaret est (pour le moment) fermé. Malgré quelques échanges tendus, Thea s'est engagée à garder un oeil sur les finances et à injecter de l'argent au besoin. Toute cette histoire lui donne une charge de travail importante, et elle n'avait clairement pas la tête à ça. Les préparatifs pour le mariage s'accélèrent, et ça n'aide pas son niveau de stress. Une fois les soucis avec le cabaret terminés, Thea se prendra une pause bien méritée. Après ça ? Peut-être qu'elle se trouvera quelque chose d'autre pour s'occuper. Maintenant qu'elle a embauché une assistante, la gestion de ses réseaux et de son agenda ne passe plus par elle. Un gain de temps énorme. Son agente s'occupe des contrats et du reste. Pour le moment, Thea s'occupe du présent.
Histoire de décompresser, elle décide de faire un peu de shopping. Maeve ne peut pas l'accompagner, mais il est certain que son garde du corps, August, n'est pas très loin à surveiller que personne ne lui saute dessus. Avant de se trouver une énième robe, elle décide de se ravitailler en produits d'hygiène au magasin le plus proche. Il n'y a qu'à Trader Joe's que l'on trouve une marque en particulier. Flânant dans les allées, après avoir trouvé ce qu'elle cherchait, Thea se fait bousculer par une autre cliente. Elle sent August se rapprocher, mais d'un geste de la main, elle lui fait comprendre qu'il n'y a rien de grave. Il retourne donc quelques mètres plus loin. ─ Yeliz ? En effet, ça fait un bail. Mâchoire contractée, corps tendu, Thea ne s'attendait pas du tout à tomber sur elle. Cela fait des années que les deux jeunes femmes ont partagé quelques moments intimes, et ça lui paraît être une éternité. ─ Tu vas bien ? Question stupide, mais que dire de plus ? Cette rencontre imprévue n'en reste pas moins gênante. Thea s'en veut un peu pour son comportement, même si Yeliz ne lui en a pas tenu rigueur. Elles ont juste arrêté de se parler. Logique. ─ Tu vis dans le coin maintenant?

tw: //

Parfois, elle se perd un peu dans ses pensées. Elles sont comme un labyrinthe où il est facile d’entrer, beaucoup moins de s’en aller. C'est peut-être la fatigue. C'est peut-être autre chose. Au moins, la journée est calme. Elle n’est pas au travail. Elle peut débrancher un peu son cerveau et ne pas se prendre la tête - laisser son esprit vagabonder. C'est ce qu’elle a fait, la brune, toute la journée. Autant profiter de la journée de repos pour déconnecter. Et puis, elle s’est dirigée vers le supermarché pour faire ses courses. Chiantes mais nécessaires. Ozan ne peut pas l’aider à ce niveau, elle se doute que ce n’est pas l’envie qui lui manquerait – mais cela ne la dérange pas, de s’en occuper. Il faut juste y passer. Après, sans doute rentrera-t-elle directement chez elle, et s’affalera-t-elle sur le canapé. Qui pourrait la blâmer ? Les jours de repos, c’est aussi fait pour cela. Et elle a tendance à courir tellement partout, tout le temps, Yeliz, que cela ne pourra pas lui faire de mal. Un peu de douceur, un peu de routine, un peu de calme.

Enfin, elle pensait que ses courses seraient tout à fait banales. Il n’est pas censé arriver quoi que ce soit, entre le moment où l’on va chercher des fruits et celui où on attrape des pâtes. Rien d’extraordinaire, pas de conflits, pas de belles nouvelles rencontres. En revanche, on peut retomber sur des personnes que l’on connaît, plus ou moins bien. Ou des personnes que l’on a perdues de vue depuis un bon moment. Comme Anthea.

Elle n’avait rien vu venir, Yeliz. Des années qu’elle ne l’avait pas vue. Des années qu’elle ne l’avait même pas juste aperçue. Elle y a songé, parfois. Rapidement, comme cela. Se demandant ce qu’elle devenait. Espérant qu’elle s’épanouissait, dans la vie qu’elle menait. Des regrets peut-être un peu restés, de la déception, envers elle-même, de ne pas s’être comportée peut-être comme il le fallait. Elle n’avait fait aucun reproche à Anthea. Elle avait juste compris qu’elles n’étaient sans doute pas sur la même longueur d’ondes. Et elle, Yeliz, avait préféré s’éloigner doucement, laisser les choses et la vie les éloigner naturellement. Elle était jeune, alors.
Maintenant, le temps a passé. Cela lui fait bizarre de la recroiser. Ici, qui plus est. Elle ne sait pas trop comment réagir, d’abord. Laisse échapper l’évidence qu’un certain temps s’est écoulé, depuis la dernière fois où elles se sont parlé. Elle a l’impression qu’Anthea n’est pas si ravie de la voir – mais peut-être n’est-ce qu’une impression ? Elle ne peut pas prétendre la connaître si bien. Encore moins après tout ce temps. « Oui, très bien, c’est repos aujourd’hui, alors je profite. Et toi ? » Pitié, qu’on la sorte de cette conversation trop banale. Elle s’en veut, Yeliz. Pour ne pas trouver quoi dire. Comment rebondir. Elle est presque... gênée ? Pas son genre, pourtant, d’habitude. Mais là, elle est comme prise de court, la brune. « Ouais, j’ai un appartement pas loin, dans le quartier. Et toi, t’es à Peacock ou ailleurs ? » Est-ce que cela la regarde, d’ailleurs ? Mais que peut-elle dire d’autre, Yeliz ? Elles ne sont pas amies. Il s’est passé un truc entre elles, il y a des années, c’est tout. Un truc qui n’a pas abouti à grand-chose. « Et tu fais quoi dans la vie, aujourd’hui ? » Foutue gêne, foutu malaise. Peut-être devrait-elle juste prétexter être pressée, s’en aller. Pourtant, elle est curieuse de savoir ce qu’Anthea est devenue, depuis.