octogone — jesus

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[ outfit ] Nuit quasi blanche à peaufiner les dernières finitions de ce programme, elle fait une dernière relecture le temps que ses clients arrivent. Assise confortablement sur un pouffe de la salle de sport dans laquelle elle exerce, elle prépare ce coaching en duo pour le compte d’un couple qui souhaitent pratiquer le sport tout en sollicitant son expertise. Il faut dire qu’elle a prit un réel plaisir à monter ce programme après avoir eu un premier échange avec eux, afin de recueillir toutes les informations sur leur routine alimentaire, leur mode de vie et la part que prend l’exercice physique dans leur quotidien. Réfléchir à des exercices types n’a pas été une mince affaire, puisqu’il a fallu partir de leur habitude de sport afin d’apporter de la nouveauté et de compléter avec leur ancien schéma sportif. Mais Suki a également dû se pencher sur leur masse staturo-pondérale et leurs mensurations pour établir les apports qu’elle va leur offrir comme une continuité et non une destruction de ce qu’ils ont déjà construit.

Bref, ce fut un travail de longue haleine dans lequel elle pu se plonger corps et âme. Avec la présence appréciable de ce jeune homme rencontré en pleine rue, avec qui elle aime échanger par sms à chaque fois qu’elle le peut. Compagnie tant désirée qu’elle entretient jour et nuit. Et sans faire exception, les yeux rivés sur son téléphone, ses doigts pianotent avec dextérité sur l’écran tactile, alimentant avec frénésie les messages qui viennent et partent entre elle et Leslie. Petit moment de douceur qu’elle s’offre jusqu’à l’arrivée du couple, petit réconfort avant l’effort. Le message expédié, elle attaque la séance d’une heure et demi avec ses clients en ressortent épuisés mais content de leur prouesse. Du coin de l’oeil, elle aperçoit un homme s’introduire dans la salle, et se diriger vers les douche. Sans trop réellement percuter la situation étrange, elle reporte son attention sur ses clients. Quelques derniers conseils sont échangés durant plusieurs longues minutes, jusqu’à ce qu’elle les raccompagnent à la sortie.

Dans un soupir d’aise, elle s’étire longuement pour mieux détendre ses muscles. Alors qu’elle s’apprête à récupérer ses affaires dans son casier pour quitter son lieu de travail, elle aperçoit à nouveau l’homme qui sort des douches. Un rapide coup d’œil qu’elle détourne, elle attrape son sac qu’elle pose sur son épaule droite quand elle voit l’homme en question se diriger vers la sortie. — Excusez-moi ! Mais qu’est-ce que vous faites ? Dans un froncement de sourcils, Suki élève la voix, un peu trop fort. Peut-être trop spontanément même, mais trop tard pour revenir en arrière. Tandis que ses pas la portent jusqu’au barbu à la stature imposante, elle le dévisage en se faisant la réflexion de l’avoir déjà vu quelque part. 

tw: mentions ; précarité, vulgarité

Le rituel s’était installé sans qu’il n’y fasse vraiment gaffe. Il savait pas trop combien de temps il allait rester dans les parages, Jesus, mais il arrivait à peu près à s’en sortir. Ses journées étaient rythmées par ses recherches, d’emploi, de travaux en tous genre, peu importait vraiment tant qu’il y avait une contrepartie pécuniaire à la clef. D’autres étaient rythmées par ces travaux.
Aujourd’hui, il avait tondu une pelouse et nettoyé une piscine, et comme la plupart de ses journées, il les terminait en passant par la salle de sport. Pour une douche, pour recharger son téléphone, pour un peu de paix et de chaleur. Avant de retrouver la grisaille de l’extérieur, la fraîcheur de son intérieur - qui n’est pas le sien, squat du moment dans lequel il trouvera un peu de repos.

Mais, pour le moment, c’était la salle. Il a pris ses habitudes, brancher le téléphone, s’installer dans la cabine de douche, soupirer d’aise, la gueule face au pommeau qui déverse l’eau brûlante. Décoller la crasse ; du mieux qu’il peut, y’en a toujours un bout qui lui colle à la peau, qui ne fait plus qu’un avec son âme. Il use le savon mis à disposition, et n’en ressort qu’une fois les pensées claires, la tension redescendue d’un cran.
Il a pas cinquante tenues, par contre, alors il enfile celle qu’il porte plutôt la nuit, à contrario de celle qu’il venait de quitter, dans laquelle il avait trimé toute la journée. Et celle d’hier. Et la veille ... Pas fort en maths, il avait pas compté.

Jesus finit par ramasser ses affaires, range le câble du portable dans son sac, sac sur le dos, dos au vestiaire qu’il quitte, pour aujourd’hui. L’a pas fait cinq pas qu’il se fait déranger. S’retourne à moitié avant de voir une brune qui a l’air de s’adresser à lui. Lui semble l’avoir déjà croisée, ici, ou peut-être que c’était une autre meuf. En tous cas, il a aucun souvenir de lui avoir déjà parlé, alors il espère qu’elle ne lui prendra pas trop la tête. Décoche un sourire au creux de ses lèvres, d’ses yeux aussi, avant de se rappeler qu’il faut qu’il parle anglais. Trois notes d’un sifflement admiratif précèdent ses paroles, le mélange encore brumeux. - Hey, cariña, comment tu vas ? sort son téléphone pour que la voix du traducteur finisse le reste. Il comprenait grosso modo ce qu’on lui disait, Jesus, mais pour former les réponses, c’était toujours plus compliqué. Alors il tape sa réponse, et la technologie fait le reste. - Je pars.
Réponse si courte que même lui a un doute sur ce qu’il a écrit. Vérifie l’écran, mais ça a l’air de correspondre. Faudrait pas s’incriminer - après tout, il ne sait pas vraiment ce qu’elle lui veut. Tape autre chose, prie pour que ça soit rien. - J’ai oublié quelque chose ?

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[ outfit ] Sans réussir à resituer son visage, elle continue son examen sans broncher face à sa taille imposante. Parce qu’il la dépasse bien de deux têtes et demi, Suki ne se dégonfle pas alors que ses mains se posent sur ses hanches. Le sifflement, puis son attitude aguicheuse a le don de lui décocher un haussement de sourcils. Sa joue tressaute nerveusement, d’agacement. Elle croit reconnaître de l’espagnol dans le surnom qu’il lui donne, sûrement quelque chose comme chérie, elle sait pas trop. Spontanément, le coup de genou part pour se fracasser contre l’entrejambe du barbu. Pas besoin de comprendre précisément la langue pour comprendre que ce lourdeau se comporte en gros beauf. — Carina de rien du tout, vous vous croyez où pour m’appeler ainsi ? Elle soupire profondément dans un silence presque religieux. Et malgré sa contrariété, elle n’en demeure pas moins impassible, ferme les paupières en se pinçant l’arête du nez comme pour essayer de se forcer à oublier ce qu’elle vient d’entendre. — J'vous préviens c'la dernière fois que je me répète, je te demande ce qu’vous … Elle s’interrompt dans sa phrase quand elle le voit farfouiller dans ses poches pour en sortir son téléphone. Le visage froncé, elle est dans l’attente, ne comprenant pas trop ce qu’il est en train de se jouer.

Puis lorsque la voix robotique du traducteur s’élève pour exprimer ce qu’il peine visiblement à formuler en anglais. Blasée, elle se mord la lèvre inférieure avant de poursuivre un ton maîtrisé et lent, afin de se faire comprendre à travers des mots simples. — Non je crois pas, vous allez me suivre plutôt. Elle joint la parole au geste en lui faisant signe de la suivre dans un coin un peu plus à l’écart de l’affluence de la salle, proche de l’entrée. Peu encline à déclencher un scandale là où les plus grandes oreilles traînent, elle s’adosse contre le mur tout en croisant les bras. Puis soudainement, tout s’éclaire, c’est l’illumination qui prend place dans son cerveau. — AH ! Mais vous êtes le squatteur de la maison abandonné ! S’exclame-t-elle en le pointant du doigt, comme si cela pouvait résoudre son temps de latence à se souvenir de lui. Elle pince ses lèvres, en secouant la tête de droite à gauche avant de poursuivre sur un ton sec. — Vous n’avez pas le droit de venir juste pour profiter de la douche, c’est interdit. Sans jamais oublier de parler lentement, elle patiente en silence qu’il puisse saisir les propos afin de mieux y répondre.  

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Brin de fille, qui lui apportera rien d’autre que des problèmes. Grain de beauté qui s’fiche presque aussitôt sur sa peau ; de quoi lui faire ravaler son sourire et ses mots, de quoi déclarer des guerres et émasculer les plus faibles.
Purée.
Elle l’avait pas loupé.
Jesus plié en deux, les sifflements qu’il expire n’ont plus rien d’admiratifs - même si … en vrai, elle tenait son respect dans le creux de son poing. Méchanceté gratuite ; sifflements intrusifs. Lequel est le pire ? Un partout, faut croire que les comptes sont bons et réglés, pourtant il ne sait toujours pas pourquoi, c’est elle qui l’a interpellé en premier. Il a le souffle un peu coupé, puis elle, elle parle trop anglais et lui faut qu’il fasse un tas de conversions qui l’emmerdent royalement. D’autant plus dans cette situation, la paternité qui s’éloigne, et les bienfaits de sa douche ne sont déjà qu’un lointain souvenir.
Comprend pas ce qu’elle lui veut ; mais il sort son téléphone pour traduire. Il s’en va. Est-ce que ça lui suffit, comme explication ? Visiblement - non.
Jesus comprend bien à son accoutrement et à son attitude qu’elle bosse dans cette structure … mais il ne voit toujours pas ce qui la pousse à venir lui parler.

La respiration se fait difficile et la salive lui reste en travers de la gorge, quand elle mentionne la maison dans laquelle il squatte. Il n’aime pas ça, le mexicain, pensait pourtant n’avoir croisé personne aux environs de cette maison, ouverte aux quatre vents, dans laquelle il se réfugiait la nuit. Cela ne faisait que quelques nuits qu’il y avait trouvé refuge, depuis que son boulot précédent avait pris fin. Il se garde bien de confirmer sa situation, en tous cas.
… Et cela n’expliquait toujours pas ce qu’elle lui voulait. Jesus se demande s’il n’a pas oublié quelque chose ; par politesse - il n’a rien à perdre, à plus d’un titre. Il comprend pas le rapport. Il comprend pas pourquoi cette femme pense qu’il profite des installations.
- No.
L’espagnol qui rejoint l’anglais dans un refus. C’est pas interdit. Il passe la porte, comme tous les autres. Paye, comme tous les autres. Il n’y a aucune obligation de suivre un cours, ou même de passer une seule minute sur un tapis d’une machine, avec l’abonnement qu’il a - pour pouvoir profiter des vestiaires.
L’abonnement acheté dans une autre salle ; valable dans l’intégralité des salles de la chaîne. Avec son frère, ils avaient tout vérifié. En prenant l’abonnement, il s’en était assuré - c’est loin d’être le seul, dans sa situation.
A quand même envie de voir jusqu’où elle irait, dans son idée. - Que dois-je faire pour pouvoir les utiliser ? Tend son piège, en espérant qu’elle se retrouve pliée en deux, elle aussi, dans quelques minutes. Confondue en excuses. Tout le monde fait des erreurs - mais, à ce moment précis, lui n’en faisait aucune.

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[ outfit ] Le coup part. Action, réaction. Parce que l’agacement est à son paroxysme, l’irrespect n’est plus supporté. La colère brûlante sur le bout de la langue, elle se mord méchamment la lèvre inférieure pour ravaler le flot d’insultes qu’elle voudrait déverser. Lui dégueuler à la figure, telles des couleuvres à lui faire ingurgiter. Pour qu’il digère mieux l’impact de ses propos, qu’il puisse rester à genoux afin d’en mesurer la teneur inacceptable. Étranger ou non, le respect n’a pas de passeport. Aussi, elle croise les bras contre sa poitrine en le voyant se relever, reste silencieuse un bref instant avant de soupirer. Dans un autre monde, elle aurait pu admettre avoir été trop loin. Frapper un client, c’pas très vendeur sur le papier. Mais sans parvenir à réprimer ce réflexe mal placé, elle ne peut pas revenir en arrière pour s’auto-flageller. Et en même temps, elle n’a pas envie de s’excuser. Orgueil à toute épreuve, Suki hausse les épaules comme pour répondre à sa réflexion interne. Non, flemme.

Puis soudain, tout s’éclaire. C’est le mec chelou de la maison abandonné. Peut-être aperçu une ou deux fois, mais suffisamment assez longtemps pour avoir tiré son regard. Se questionnant sur sa présence en ce lieu vétuste, et sale. Et en reliant cette information à la situation dont elle vient d’être témoin, elle pense en comprendre la situation dans laquelle il se trouve. Mais pourtant, elle n’a pas le choix que de lui transmettre les règles de bienséances de la salle. — Il faut faire du sport, et après vous pourrez utiliser les douches. Et avant qu’il ne puisse la contredire, elle lève le doigt devant elle afin d’ajouter la précision suivante. — Il ne s’agit pas d’un hôtel. L’accès aux douches vient avec le service qu’on offre, le sport. On n’entre pas et on ne sort pas comme si on est juste de passage pour se laver ou charger son téléphone, c’pas comme ça que ça marche. Le visage renfrogné, elle soupire une nouvelle fois tout en glissant une main dans sa chevelure qu’elle rejette doucement en arrière. Elle plonge son regard dans le siens, hésitante. — Écoutez, peut-être que ça me regarde pas, mais y’a d’autres solutions pour vous aider. Une main caresse sa nuque, alors qu’elle tente de mettre de l’eau dans son vin.  

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Cette conversation l’épuisait déjà. Cette femme l’épuisait déjà. Première rencontre malaisante au possible. Si son visage ne lui était pas tout à fait inconnu, puisqu’il l’avait déjà croisé à la salle sans forcément lui parler, le fait qu’elle parle de la maison le rendait particulièrement sensible à ce qu’elle pouvait dire.
Il pensait que son refuge était à peu près sauf, mais savoir qu’il avait déjà été repéré n’était pas un très bon signe. Plus que tout, il n’aimait pas l’impression d’être fliqué …
Il l’écoute, semble à peu près comprendre ce qu’elle raconte. Rien ne lui plaît. Il se demande si elle parle de la même manière aux autres habitués de la salle. A ceux qui sont blancs.
Se demande si elle tient le même discours à ceux qui, à son contraire, ne visitent pas la douche et s’en vont avec leur sueur sur le dos. Les arrête-t-elle, les priant de se laver ?
Et bien sûr qu’il savait, que ce n’était pas un hôtel. Sinon il aurait dormi dans un coin, directement au sol.

Alors il la regarde, déblatérer ce qui avait peu de sens ou de logique. Il ne faisait de mal à personne, respectait la salle - et s’y entraînait, parfois - et repartait sans gêner personne. Il ne restait pas devant à faire la manche, et tentait de faire profil plutôt bas sur sa situation.
Il se permet de rire, quand elle lui dit que ça ne la regarde pas, sa situation. Mais qu’elle s’y intéresse quand même drôlement. Propose de l’aider - sans annoncer aucune solution. Ses doigts pianotent sur le téléphone. Il aurait préféré lui dire “ok”, et se barrer sans plus de cérémonie … mais il préférerait éviter qu’elle alerte sa direction. Ou les flics.
Alors que sa démarche était … légale.
- Lesquelles ? Il l’écoute.
Non.
Pas franchement.
- Combien de sport faut-il ? L’interroge du regard, avant de prendre la direction de la salle. Les machines sont en libre-service, les poids rangés sur un côté. Il fonce dessus. Prend une petite haltère et se retourne pour voir la jeune femme. Remonte son bras, avec le poids, jusqu’à son épaule, avant de reposer l’haltère. - C’est bon ? qu'il lui demande finalement, mi-amusé mi-lassé.

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[ outfit ] La lassitude au bord du visage, son regard se voile d’une particule de mépris qu’elle ne cache pas à travers sa façon se poser ses yeux sur lui. Dans un soupir, elle croise les bras contre sa poitrine tout en jetant un coup d’œil à sa montre. L’heure de débauche largement dépassée, elle aboie brutalement sa réponse comme une souillure jetée aux ordures. — Siri est votre amie. Dans un haussement de sourcils en réponse à son rire, Suki ne prend plus la peine d’être aimable. Le seuil de l’impatience atteint et distancé par l’agacement, elle attrape son sac qu’elle repose sur son épaule droite. Comme un signe évident de son départ prochain, elle l’observe du regard alors qu’il se dirige vers la zone de musculation. Silencieuse, elle voit le cheminement de sa pensée s’accompagner de l’acte, celui de vouloir avoir le dernier mot qu’elle lui concède.

Second soupir, sa bouche se tord dans une moue laissant ses dents se planter dans le rebondis de sa lèvre inférieure. Elle s’impose le calme, ferme les yeux l’espace de quelques secondes avant de faire signe à son collègue qui semblait observer la scène de loin sans en comprendre les tenants et aboutissants. Pas de réponse apportée à sa question rhétorique qui n’en attend pas de sa part. Parce qu’il a déjà son avis sur la question, elle passe silencieusement le relais à son collègue avant de quitter la salle de sport sans se retourner. Peut-être que cet incident n’aura aucune répercussion sur le client, peut-être qu’un compromis sera trouvé. Ou pas. Elle s’en contrefiche au final, Suki. Cela ne relève plus de son ressort. Ce soir, elle ira au cinéma, second date avec Leslie. Peu désireuse de se prendre la tête avant cette soirée en sa compagnie, elle lâche l’affaire dans ce qui ne la concerne plus.