in the stars (lyle)

tw: mensonges

Deux mois.  Deux mois que tu attends les rénovations de ta boutique. Deux mois que l’assurance te fait tourner en bourrique. Y a de quoi devenir dingue. Deux mois que tu patientes, à ta façon, heureusement que les dégâts ne se voient pas, du moins pour les clients. Tu n’as pas besoin de fermer la boutique, tu peux continuer ton activité, continuer à gagner de l’argent. Continuer à te terrer dans ton havre de paix. En ce moment, ta boutique s’est devenue ta forteresse de solitude. Tu t’y sens vraiment bien, malgré ce problème. Ce mur noir. Cette prise qui a rendu l’âme, qui a endommagé un mixeur et patatra. Parce qu’il ne manquait plus que ça. Parce qu’apparemment ton année n’avait pas si bien commencé. Clairement tu t’en serais passé, mais non, les soucis continuent à s’aligner. Soufflant, tu fixes ce mur, ce problème n’en sera bientôt plus un. Ça te soulage. Après deux mois d’attentes, l’assurance t’envoie ENFIN un peintre. Une bénédiction. Tu aurais pu t’en occuper par toi-même, ça t’aurais évité cette attente, mais non. Non, l’assurance a décidé de couvrir les frais et donc de payer un artisan. Pourquoi se plaindre ? L’attente peut-être ? Assurément. Bon d’un côté, tu n’as rien à payer, tout est pris en charge par l’assurance, mais l’attente te reste en travers de la gorge. Les aléas d’être son patron. Tu savais tout ça en te mettant à ton compte, mais ça ne t’a pas empêché de construire ton affaire. De réaliser ton rêve. De trouver ta place dans ce monde. Ici, tu te sens bien, accepté, à ta place. C’est bête, ce n’est qu’un magasin, mais à tes yeux, c’est l’œuvre de ta vie. On t’a pris au sérieux, on t’a fait confiance, du moins les banques. Ton projet plaît, les clients sont là. Ton commerce fonctionne, tu sais gérer ton affaire et ça te plaît. Tes marges sont bonnes, ton employé n’est pas mécontent de bosser avec toi. Tu peux te flatter d’avoir réussi, toi l’ado qui ne savait pas quoi faire de sa vie. Te voilà patron, un bon patron. Bon un patron impatient, parce que deux mois c'est long, même si le mur se trouve à l’arrière. Tu as dû faire appel à ta patience et aujourd’hui elle est récompensée.

Regard qui se pose sur l’heure. Tu te diriges vers la porte d’entrée. Il est à l’heure et tu aimes ça la ponctualité. « Bonjour. Vous êtes à l'heure, parfait, j'adore. Je vais vous montrer les dégâts. » tu ne tournes pas autour du pot, il sait qu’il est là pour repeindre un mur. Tu n’as pas prêté attention à lui, tu lui as dit bonjour vite fait, lui indiquant le lieu du désastre. Es-tu impatient Lip ? Affirmatif. Tu n’en peux plus de voir ce noir, ce mur qui a brûlé, cet incident. Deux mois pour tout réparer, c’est beaucoup trop long à ton goût. Étrange quand on sait que tu fais patienter ton entourage. Que tu n’arrives pas à leur dire la vérité. Là pour le coup, tu sais être patient, mais tu n’y arrives pas. Tu n’arrives pas à avouer ce secret qui te consume de l’intérieur. Tu redoutes le regard de ton frère, as-tu toujours ta place à ses côtés ? Balayant d’un revers cette pensée, tu reviens sur le jeune homme. « alors voilà, le désastre, de vous à moi, je n’en peux plus de voir cette horreur. » une horreur dont tu n’es pas responsable. Bon peut-être en partie, mais tu n’avais pas prévu que la prise prendrait feu et que la continuité se finirait sur le mur. Non tu te serais bien passé de cet incident, du fait que ta boutique a failli prendre feu. Tu préfères passer sous silence ce détail, parce que ce jour-là, tu as eu peur. Et pourtant, ce n’est pas ça qui t’effraie le plus. Non, ce qui te fait le plus peur à ce moment précis, c’est de dire la vérité à tes proches. De leur avouer ce secret, cette vérité qui te fait remettre toute ta vie en question.

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Il n’y a qu’une adresse et un nom annotés sur la pochette jetée sur le siège passager de l’utilitaire. Philip Wilkins. Inconnu au bataillon. Pourtant, c’est bien devant sa boutique qu’il vient de se garer. Lyle sait qu’il ne restera pas longtemps à l’intérieur. D’après le brief reçu oralement et le devis réalisé par plus responsable que lui, il n’y a qu’un seul mur à peindre. Simple dégât dû à un problème électrique, rien de bien sorcier à l’horizon. Rien qu’un lieu de plus dans lequel il ne fera que passer. Il écrit parfois sur ce sujet, Lyle. Sur ce passage-éclair qu’il fait dans la vie des autres. Il vient, passe quelques heures dans leur chez-eux, repart sans rien connaître d’autres à leur sujet. Pourtant, c’est intime, la maison de quelqu’un. Pour beaucoup, c’est un sanctuaire. Et lui, il y entre brièvement sans rien savoir de ce qui s’y joue le reste du temps, sans même savoir qui vivra ici quand il opère sur des chantiers non-rendus. Aujourd’hui, ce n’est toutefois pas une maison qui l’attend mais une boutique. Inconnue au bataillon, elle aussi. L’homme a ses habitudes et y déroge rarement.

Le matos avec lui, le devis sous le bras, Lyle se pointe à l’heure devant la boutique. On vient lui ouvrir, on l’accueille. C’est bref. Il a à peine le temps de dire bonjour, pas vraiment le temps de regarder l’homme qui l’entraîne déjà plus loin dans la boutique, en cuisine. C’est là qu’il la voit, la trace noire. Elle s’impose sur le mur, contraste avec le reste. D’un œil habitué, le blond estime son temps de travail. Court. Le seul truc qui prendra un peu de temps, c’est la phase de séchage entre les deux couches. Ils en profiteront pour faire de la paperasse. Pas la partie préférée du garçon, mais les factures sont une étape à laquelle il ne peut se déroger. Bien. Il est prêt, Lyle. En revanche, il l’est beaucoup moins quand Philip Wilkins se tourne vers lui. Il n’oublie jamais un visage, le blond. Il oublie les prénoms, les histoires, les lieux. Mais les visages demeurent ancrés dans sa mémoire, et plus encore quand il les a déjà embrassés, qu’importe le nombre d’années passées. Il reste muet un instant. Sent l’angoisse le saisir. Il n’a jamais parlé de son homosexualité aux collègues. Dans la sphère professionnelle, on le pense hétéro. Supposition jamais démentie par le principal intéressé qui panique désormais à l’idée que ce Philip le reconnaisse, bien que peu probable parce qu’elle ne date pas d’hier, cette rencontre éphémère. C’est ce qu’il essaie de se dire, Lyle. Ça l'aide à se ressaisir.

– Je comprends, se contente-t-il de dire, réaction un peu tardive aux propos de son interlocuteur. Rassurez-vous, vous n’aurez plus à la voir très longtemps.

Son regard quitte le visage de Philip. Il s’approche du mur, pose ses affaires à proximité. S’il se contente de faire son travail sans rien laisser paraître, l’autre homme ne le reconnaîtra pas. Main sur les hanches, il observe la brûlure d’un peu plus près avant de se retourner.

– Il y a du monde qui doit venir travailler ici, aujourd’hui ? Ou je dispose de tout l’espace ? C’est juste pour que je sache jusqu’où je peux protéger les éléments sans que je gêne qui que ce soit.

tw: mensonges

Est-ce que tu te souviens ? Bien sûr que non. Enfin oui, mais là tu ne percutes pas. Pourquoi ? Parce que tu tais ce souvenir. Tu n’as pas honte de lui, mais de toi. Tu n’agis pas de la sorte, ce n’est pas dans tes habitudes de te laisser aller de la sorte. Tu ne passes pas une nuit avec un inconnu, tu n’agis pas ainsi. Tu es romantique et sûrement vieux jeu, c’est ce qui t’a valu bon nombre de déception sentimental. Tu t’attaches et tu souffres. Jamais les bons gars, jamais ceux qui t’aiment pour ce que tu es. Et puis Ashton est arrivé, lui il t’a offert ce dont tu as toujours rêvé et là tu fais tout foirer. Et si tu savais que ton sourire dernièrement était dû à l’homme ici présent, tu réfléchirais à deux fois avant de le laisser rentrer dans ton cocon. Sauf que tu ne sais rien, lui non plus. Toi encore plus, mais chaque chose en son temps. Pour le moment, tu te préoccupes de ton mur. Parce qu’ici c’est ton havre de paix. C’est ici que tu te sens bien et que tu arrives à y voir plus clair. Vraiment ? Tu doutes par moment, essayant de canaliser tes pensées. Focus sur ce mur. Une chose à la fois.

Est-ce que tu l’as regardé ? Toujours pas. Une phrase brève, des mots banals et tu lui montres le mur. Attendant son expertise. Ton regard qui se pose enfin sur lui. Un homme qui n’est pas désagréable à regarder, tu dois bien le reconnaître. Et tu te maudis de penser ainsi, mais un regard ne veut pas dire que tu vas lui sauter dessus. Ce n’est pas ton genre, pourtant tu apprécies la vue. Vraiment pas désagréable. Est-ce que tu te souviens ? Toujours pas. Pourtant sa voix parle doucement à ton subconscient. Secouant tes pensées, ne te laissant pas troubler, tu te concentres sur ce qu’il te dit. « Normalement vous ne devriez pas être dérangé, j’ai fermé pour l’après-midi, donc vous pouvez vous étaler comme bon vous semble. » un sourire qui se dessine sur ton visage. Tu n’es pas là pour être mauvais avec lui. Il n’y est pour rien dans tout ce qui t’arrive actuellement. Ce n’est pas ton genre d’être mauvais avec les gens qui t’entourent. Prends sur toi Lip, que tu te dis à toi-même. « Vous avez besoin de quelque chose ? » tu te doutes qu’il a tout ce qu’il lui faut, mais tu proposes « je veux dire si vous désirez boire un truc, hésitez pas. » il faut que tu te rendes utile. Tu sens que tu bouillonnes et tu n’as pas envie de finir par tourner en rond.

Est-ce que tu as envie de te souvenir ? Non. Est-ce que tu as envie de lui envoyer un message ? Tu en meurs d’envie, mais tu ne dois pas. Tu lui as déjà répondu, ce que tu n’aurais jamais dû faire. Tu n’aurais pas dû répondre à son message, aussi ‘innocent’ soit-il. Tu aurais dû l’effacer et continuer t vie. Tu aurais surtout dire la vérité à Ash, lui expliquer ce qui se trame dans ta vie, au lieu de te terrer dans ton coin. « je peux faire quelque chose pour vous aider ? Je n’ai pas l’habitude de ne rien faire. » ce qui est vrai. Tu pourrais faire comme tous les autres, te réfugier dans ton bureau et le laisser travailler. Oui, tu pourrais, mais attendant tu es là et tu sens bien. Peut-être pas à ta place, mais tu ne ressens pas la gêne. Pas encore …

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Il n’y a personne d'autre que les deux hommes. Pas d'employé en vue, pas de client non plus. La boutique est fermée et le restera le temps des travaux, aussi courts soient-ils. Ca lui va, à Lyle. Il préfère travailler dans le calme, se sent plus en sécurité quand les gens qui l'entourent sont peu nombreux. Ces instants-là sont une pause appréciable dans son métier, bien différents de ce qu'il vit lorsqu'il travaille sur des gros chantiers et qu'autour de lui, d'autres professionnels s'agitent. Les peintres croisent les électriciens, les électriciens croisent les carreleurs et ainsi de suite. Tout ce petit monde se mêle et s'entremêle. Mais ici, il n'y a personne d'autre que Philip et lui. Philip qui occupe désormais ses pensées, souvenirs qui remontent mais qu'il tâche d'ignorer en se focalisant sur ses affaires. Ne rien laisser paraître est primordial. Il ne tient pas à ce qu'on sache qu'il a travaillé pour une ancienne conquête. Pas quand seul un nom d'homme figure sur le devis. Qu'en penseraient les autres, s'ils savaient ? Lyle en est sûr, ils ne comprendraient pas.

- Mh, non, pour l'instant, tout va bien, merci.

Le regard posé sur le propriétaire de la boutique est bref. Bientôt, Lyle se concentre sur sa tâche. Il installe les bâches protectrices ici et là, forme un périmètre de sécurité pour ne pas mettre de peinture partout. Pris d'une bouffée de chaleur - due à la panique ou à la température de la pièce, il n'en sait rien -, il marque une pause pour ôter une première couche de vêtements, soulevant un instant le t-shirt qui se trouve en dessous et qui dévoile son dos. D'un geste, il le rabat puis dépose son pull à proximité. Vient ensuite le temps de choisir le bon pinceau et d'ouvrir le pot de peinture.

- A moins que vous sachiez peindre, je ne pense que vous puissiez m'aider, fit-il remarquer spontanément avant de réaliser que ses paroles pourraient être prises comme du sarcasme ou comme une vile remarque. Il se radoucit alors, secoue vaguement la tête, La surface est courte, je ne devrais pas en avoir pour très longtemps.

Accroupi à côté du pot, il en soulève les bords avant de lever à nouveau la tête vers Philip.

- La peinture ne sent quasiment pas mais si vous êtes très sensible aux odeurs, je vous conseille de ne pas rester dans la pièce, vous risqueriez d'avoir tout de même mal au crâne.

Il préfère prévenir, Lyle. Il en a déjà rencontré, des clients qui assuraient ne pas être gênés par les odeurs dégagées par la peinture avant de finalement râler dans leur coin parce que celle-ci devenait trop prégnante. Il s'y est habitué, lui. Avec les années, son odorat s'y est fait. S'il porte un masque lorsque les surfaces sont importantes et que son temps de travail se compte en heure, il ne le fait guère quand il s'agit de ne peindre qu'un pan de mur. Estimant avoir fait son travail de prévention, l'homme s'exécute. Avec un pinceau plus fin, il dessine les contours de la prise et des autres installations murales. Puis il s'attaque au pan de mur, au rouleau et dans le silence.