A new page opens. (Lucy #02)

tw: décès (accident), guerre (mort), sévices physiques (cicatrices, blessures), troubles psychologiques (PTSD, Anxiété)

(Tenue). La série de tests médicaux avait été longue et éprouvante. Sans doute parce qu’il avait eu le sentiment d’être observé à la loupe sous le moindre angle. Rien d’anormal en soi, car il était normal de s’assurer que ces années de captivité n’avaient pas laissées trop de séquelles. Des séquelles qui étaient conséquentes. Une anémie et une déshydratation importantes qui avaient été rapidement maitrisées grâce à des traitements et des intraveineuses. Il avait suivi toute une série de radiographies pour connaitre l’état d’anciennes blessures qui pouvaient avoir mal cicatrisée. Cela allait de manière générale, sauf son genou gauche qui était trop abimé. Il allait devoir subir une opération pour le remplacer, envisager une prothèse du genou, car il était impossible de le reprendre. Il s’y était préparé. La nouvelle ne l’avait pas surpris. Il l’avait pressenti. La seule inquiétude qu’il avait : était le coût de tout cela. Lucy l’avait rassuré à ce sujet, mais ignorant tout ce qui avait été mis en œuvre à la suite de sa disparition et n’ayant toujours pas eu accès à son compte, car il débarquait encore, il se sentait complètement largué. Ses migraines étaient devenues quotidiennes. Il avait trop d’informations à gérer. Son diagnostic psychologique avait été établi et acté : troubles anxieux et PTSD avéré. C’était une situation jugée normale en vue des évènements qu’il avait traversés. Sans doute, mais ça ne rendait pas son retour à la normalité plus facile. Il avait récupéré un téléphone portable, mais n’avait entré que les numéros de Lucy, Danielle et Gabriel. Il avait demandé que personne ne vienne le voir. C’était déjà assez complexe de gérer le personnel hospitalier et toutes leurs questions, leurs mouvements autour de sa personne. Il dormait bien plus que de raisons, jamais longtemps, se réveillant au moindre bruit. Il pouvait s’endormir profondément, mais jamais longtemps. Ce cycle ne rendait pas son repos réparateur. Il se sentait de plus extenué de jour en jour, plus irascible aussi. Il avait poussé un profond soupir de soulagement lorsqu’on lui avait annoncé sa sortie possible. Il n’avait pas retardé plus longtemps l’échéance. Il n’en pouvait plus. Lucy l’avait aidé à remplir les démarches administratives. Ce n’était pas compliqué, mais il n’en avait pas l’énergie. Il était impatient de retrouver leur demeure, leur cocoon, celui où il s’était toujours senti en sécurité.

Rien que le trajet de sa chambre au parking est une épreuve. Les déambulations des patients et visiteurs sont des stimuli qui le mettent en alerte. Son myocarde bat promptement dans sa poitrine. Sa respiration se fait empressée alors qu’il s’intime à la maintenir calme. Il sait qu’il doit se rhabituer à tout cela, mais la fatigue accumulée n’aide pas. Une migraine tend à l’envahir alors qu’il retrouve le véhicule de Lucy. Il dépose son sac dans le coffre, vient prendre appui sur le véhicule pour tenter de maitriser cette sensation horripilante qui l’accable dès lors qu’il a mal au crâne. Il a le sentiment que son cerveau pourrait exploser. Il sent Lucy le rejoindre, inquiète et il la prend tendrement dans ses bras. « Ça va aller. Je veux juste rentrer. Il y a trop de stimuli pour moi. » Et dire qu’il est supposé voir ces amis proches dans quelques jours. Il veut croire qu’il sera dans de meilleures dispositions qu’aujourd’hui. Il dépose un baiser sur sa tempe alors qu’il l’invite par un sourire à reprendre sa place dans la voiture. Il finit par s’immiscer dans l’habitacle alors qu’elle allume le contact. Le trajet se fait dans un silence nécessaire. Elias a changé de station dès que les premières notes pop d’une chanson sont passées à la radio. Il a basculé sur le Bluetooth qui a lancé la playlist de sa compagne. Seule la musique arrive à apaiser ses sens. Les yeux clos, il se laisse bercer par la respiration de Lucy et les notes de musique d’un morceau de Cigarettes after sex qui passe. Sa menotte vient doucement trouver le poignet de sa femme, effleure délicatement cette peau accessible. Une simple caresse, apaisant et intime. Le sentiment d’être à la maison. Une douce chaleur l’habite dès lors qu’elle est à ses côtés. Chaleur bien différente au chaos que lui a pu engendrer en lui lors des dernières semaines avant leur séparation. Il se demande s’il s’en sort mieux que lui. Il n’a pas encore pu le contacter, car il n’a pas encore ouvert son ordinateur, ni ses mails. Il n’en a pas encore la force.

Il finit par s’assoupir quelques minutes. Le temps se dissipe à cet instant. Il se réveille subitement au moment où il semble qu’il pourrait plonger dans un sommeil profond. Ses prunelles s’ouvrent subitement alors qu’il se redresse en sursaut. Son myocarde bat vigoureusement dans sa poitrine alors qu’il sent son sang battre dans ses tympans. Il déteste ce sentiment qui le dévore alors qu’il tente de regagner sa respiration. Il ferme ses paupières en s’intimant à respirer profondément. Il ne s’excuse plus. C’est un accord tacite qu’ils ont convenu tous les deux. Lucy comprend que ce n’est pas simple pour lui et ne souhaite pas l’entendre s’excuser à bout de champ. Lui, non plus, n’en peut plus, mais il ne peut pas faire autrement. C’est une sensation désagréable que d’avoir conscience qu’on ne maitrise pas certaines choses et qu’on se sent dépassé et être conscient de cet état de fait. Ils finissent par arriver chez eux. Ils ont persuadé leur fille de les laisser seuls pour une soirée. Cette soirée ne sera pas de trop. Il a conscience qu’ils vont devoir apprivoiser de nouveau le fait d’être deux de nouveau, quand bien même la dynamique revient assez naturellement. Il récupère ses affaires et rentre rapidement dans leur maison, fuie par ce biais la possibilité d’être interpellé par un de leurs voisins. Pas aujourd’hui. Il veut juste être seul avec sa femme. Il retrouve le salon après avoir déposé son sac dans l’entrée. Il redécouvre sa demeure, similaire et différente à la fois. Certaines choses ont bougé, mais il retrouve assez bien ses marques. Enfin. Enfin, il est rentré. Vraiment rentré. Cette pensée aussi futile soit-elle est si violente qu’elle lui arrache un hoquet. Sa main sur ses lèvres, il sent l’émotion lui prendre les tripes alors que quelques larmes glissent sur ses joues. Des gouttes d’eau qui lui échappent sans crier garde alors qu’il ferme ses paupières, les membres tremblants, mais solides. « Je suis enfin rentré… » Un murmure, une réalité qui n’appartient plus à la fiction. Une nouvelle page s’ouvre.

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(Tenue). La semaine avait été compliquée à gérer pour Lucy. Il y avait tout ce qui se mélangeait en elle comme émotions. Oh bien sûr, elle était heureuse de retrouver Elias. Il était en vie et pour être tout à fait honnête, elle ne s'attendait plus à ce qu'on lui annonce cette nouvelle. Mais il y avait aussi tout le reste. L'inquiétude de le savoir dans cet état de santé physique et psychologique sans savoir quoi faire pour vraiment l'aider, la peur de le perdre à nouveau et de ne pas arriver à le retrouver... Tout ce qu'il se passait dans sa tête la perturbait plutôt fort. Ca avait été une semaine intense pour tout le monde.

Pour ne pas l'accabler avec trop de choses, Lucy s'était occupée au maximum de ce qui était administratif et maintenant que tout était réglé et que l'état de santé d'Elias était établi et qu'il avait un suivi correct, ils allaient pouvoir rentrer. Juste croiser des gens étaient éprouvant pour son mari, elle le savait ! Alors, ils avaient fait plutôt vite pour arriver à la voiture. Elle le laissa mettre son sac dans le coffre et s'était installée au volant. Mais il l'inquiéta quand il n'arriva pas. Lucy le rejoignit et se fit rassurer. Malgré tout ce qu'il se passait pour lui, il arrivait encore à lire en elle sans qu'elle n'ait rien à dire. Au contact des lèvres du brun sur ses tempes, elle ferma les yeux une seconde et lui rendit son sourire. "Oui, rentrons..." Dit-elle avant de reprendre la direction de l'avant de la voiture.

Installés et enfin en route, elle le laissa gérer ce qu'il voulait écouter. Elle eut un léger sourire quand il bascula sur sa playlist. C'était la dernière écoutée et elle savait que ça lui plairait. C'était un groupe qu'ils écoutaient parfois ensemble avant tout ça... Elle eut une sensation de normalité à cet instant et encore plus lorsqu'elle sentit ses doigts frôler la peau de son poignet. Cette douceur si naturelle qui les a toujours caractérisé mais que pourtant elle avait presque oublié... Elle en eut le regard troublé par l'humidité de ses yeux et le regarda un instant tout en restant concentrée sur la route. Il avait les yeux fermés et semblait détendu. Elle espérait que ce soit vraiment le cas et qu'il allait pouvoir retrouver la paix intérieur...

Elias finit par s'endormir et elle espérait qu'il puisse souffler un peu maintenant qu'il savait qu'il rentrait pour de bon. Mais ça ne dura que quelques minutes. Il se réveilla en un sursaut qui la surprit elle aussi et tendrement, elle attrapa sa main en murmurant. "Hey... Tout va bien, on rentre à la maison..." Tenta-t-elle de le rassurer tout en guidant leurs mains vers sa poitrine à elle pour qu'il prenne conscience du mouvement de sa respiration et qu'il se calque dessus.
Ils arrivent enfin chez eux. Lucy se gare et le laisse se hâter pour prendre son sac et rentrer. Elle fait de même avec ses affaires et l'émotion l'envahit elle aussi. Il réalise qu'il est enfin chez lui et Lucy ne peut pas s'empêcher d'aller l'étreindre. Elle posa le front contre celui de son mari et entoura son visage chétif. "Bienvenue à la maison..."

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(Tenue). Il est difficile de décrire l’indescriptible. Il est bien incapable de poser un mot sur l’émotion qui l’étreint à l’instant où il prend réellement conscience qu’il est rentré. Il n’est pas rentré qu’aux Etats-Unis. Aujourd’hui, il est rentré chez lui, dans cette maison qui a toujours été son cocoon, son point d’ancrage dans la vie, auprès de celle qui a toujours fait partie de celle-ci. Un souhait enfin réalisé, auquel il s’était accroché coûte que coûte comme un naufragé s’accroche à une bouée de sauvetage pour ne pas couler. Un souhait qu’il avait, à mainte reprise, cru qu’il ne se réaliserait jamais. L’atteindre avait une saveur douce et amère. C’était merveilleux et déchirant à la fois. Difficile de masquer une telle émotion lorsqu’elle vous envahit de la sorte. Il sent une barrière s’effondrer. Un sanglot comme signe d’avertissement alors que des perles salées viennent s’épandre sur ses joues devenues creuses à cause d’une malnutrition avérée et diagnostiquée. Il ne peut les contenir. Elles semblent suivre leur propre voie, indépendantes de sa volonté. Des sanglots qui s’intensifient sous le contact du front de son épouse contre le sien, du frôlement de ses menottes contre les traits de son visage. Il s’effondre sans crier garde. Ses paupières se ferment alors qu’il accepte de dévoiler cette faiblesse, car il sait qu’elle veillera sur lui. Il est de retour, chez lui, chez eux, à leurs côtés et c’est à la fois merveilleux et angoissant, parce qu’il ignore tout de ce que sera demain, de sa manière d’apprivoiser de nouveau cette vie dénuée de risques, bien loin de ces contrées malmenées par l’horreur et la guerre.

Ses bras viennent naturellement l’étreinte, la serrer tendrement contre lui alors que son visage vient se perdre contre sa clavicule. Il s’accroche à elle comme à une bouée de sauvetage, comme un marin s’ancre à un phare pour retrouver son chemin dans une mer déchainée. Il doit se rapproprier toutes ces sensations, le fait de l’avoir de nouveau dans ses bras, de sentir son parfum l’embaumer, lui procurer ce sentiment d’allégresse qu’elle a toujours provoqué en lui. Lucy est et a toujours été son ancre dans la vie. « J’y croyais tellement plus parfois, Lucy… » Il lui avoue dans une voix éteinte et déchirée. Il s’intime à respirer profondément, à faire du tri dans ses pensées qui se retrouvent furibondes de nouveau. Il est submergé et il ne sait pas comment apprivoiser tout cela de nouveau comme par le passé. « Je suis incapable… de te dire ce que je ressens à cet instant. C’est à la fois merveilleux et dévastateur… » angoissant surtout, parce qu’il ignore si les séquelles qu’il traine de ces années de captivité ne vont pas entacher ce cocoon dans lequel il a toujours trouvé refuge. L’idée de malmener leur équilibre est là, cruellement ancré au fond de ses tripes. Il voudrait tellement que cela soit simple d’abandonner tout ce qu’il a vécu sur le pas de la porte, mais il sait mieux que personne que malheureusement ce n’est pas possible. Seulement, il ne veut pas devenir un poids pour ses proches. Il sait à quel point cela a été difficile pour eux aussi. Surtout pour elle, pour sa Lucy. Elle a du tout mener de front, seule et il sait que ça n’a pas été aisé pour elle. Elle n’a pas besoin qu’il rende son retour plus pénible. Alors, il s’efforce de reprendre contenance, d’inspirer profondément pour retrouver son calme. Il redresse son visage pour venir déposer un baiser contre sa tempe en la gardant dans le creux de ses bras. Les yeux clos, il s’efforce de s’ancrer à l’instant présent, au plaisir de la sentir de nouveau tout contre lui, de sentir sa chaleur envahir ses sens, l’envelopper de nouveau. Sa respiration retrouve peu à peu son calme alors que son front vient retrouver celui de son épouse, laissant leurs souffles se mêler, s’apprivoiser de nouveau. Il profite de ces quelques minutes qui s’égrènent, de cette sensation appréciable de se sentir à nouveau en connexion avec son épouse, celle qui est toute sa vie, à la fois son amie, son épouse et son amante. Une connexion qu’il n’a jamais expérimentée avec une autre et qu’il retrouve avec satisfaction.  

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(Tenue). Ils l'avaient fait... Enfin... Surtout Elias ! Il était enfin rentré à la maison et l'émotion était plus que palpable ! Lucy, elle avait fini par presque ne plus y croire et pourtant, il était bien là. C'était bien son mari qu'elle avait devant elle, dans leur maison, leur cocon de sécurité... L'émotion était bien trop grande pour être gardée à l'intérieur. Le front contre celui de son époux, elle accueillit son étreinte avec un tremblement. Il avait besoin d'être rassuré, de sa présence et elle le lui donnait même si elle avait l'impression que son coeur allait sortir de sa poitrine. Elle ressentait son angoisse et sa douleur, Lucy. Ils avaient toujours été connectés tous les deux depuis leur enfance et il fallait se rendre à l'évidence que ça n'avait pas changé.

Quand Elias glissa le visage contre sa clavicule, Lucy laissa un sanglot s'échapper. Et à ses mots, elle l'entoura de ses bras pour le serrer si fort contre elle qu'elle aurait pu sentir les battements du coeur de son mari. "Je sais... Mais tu l'as fait... Tu es à la maison, tout va rentrer dans l'ordre maintenant..." Elle savait qu'il faudrait du temps pour ça et ils le prendraient ! Le bien être d'Elias était le plus important et elle ferait tout ce qu'elle pourrait pour qu'il se sente mieux ! Elle avait fait de son mieux pour tenir la tête hors de l'eau pendant ces trois ans, pour que Danny ne la perde pas elle aussi... Elle pouvait le faire encore le temps qu'il faudrait pour son mari !

Ce corps qu'elle connaissait si bien avant, n'était plus du tout le même maintenant. Elle le sentit reprendre un peu son calme et soupira un peu de soulagement au baiser qu'il posa sur sa tempe. Leurs fronts se retrouvant à nouveau, Lucy avait besoin de le regarder. Elle avait besoin de le savoir là et elle avait peur que si elle fermait les yeux, elle aussi, il ne disparaisse à nouveau. C'était idiot mais c'était incontrôlable ! Si bien que de nombreuses larmes se remirent à couler alors qu'elle sentait la chaleur de la respiration d'Elias venir danser sur son visage. "Elias..." Laissa-t-elle alors entendre d'une voix cassée. Ressentant l'urgence de retrouver les lèvres de son mari contre les siennes, elle coupa tout ce qu'il restait de distance entre eux pour l'embrasser comme par besoin de se rassurer.

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(Tenue). La prise de conscience est dévastatrice. Elle le bouleverse et il se sent submergé par cette vague d’émotions qui vient s’abattre sur lui avec une violence incomparable. Il se sent fébrile, désarmé, dépossédé de cette distance et de ce contrôle qu’il a toujours vis-à-vis de ses émotions. C’est une sensation que le désarme totalement. Fort heureusement pour lui, il n’est pas seul. Lucy est à ses côtés. Il peut se montrer faible, lâcher prise, quand bien même cette pensée le mortifie, car il déteste être dans un tel état. Pourtant, à cet instant, il ne peut pas faire autrement alors, il se repose sur elle, comme il l’a toujours fait. Il lui permet d’entrevoir une fêlure dans son armure, d’entrevoir l’âme brisée qui se cache derrière cette rigueur qu’il porte à bout de bras depuis son retour. Il souhaite redevenir l’Elias qu’elle a toujours connu, tout en sachant qu’il ne l’est plus vraiment. C’est un fait qu’ils doivent accepter, mais qu’il préfère ignorer à cet instant, car tout lui semble si difficile à gérer. Il prend conscience d’une réalité à laquelle il s’était tellement attaché que parfois il l’avait cru utopique. Pourtant, il est bel et bien chez lui, aux côtés de sa femme, bien loin de cette cave où il a été séquestré durant tant d’années. Tu es à la maison, tout va rentrer dans l’ordre maintenant… Un mantra auquel il va devoir apprendre à s’accrocher de nouveau pour ne pas sombrer dans la folie, car il sait plus que quiconque que son esprit est malade. Il le savait, mais poser un diagnostic, connaitre le nom de son tortionnaire, ne rend pas plus facile le combat à mener. Il a juste plus conscience de ce qui lui arrive, lui permet de prendre de la hauteur plus facilement lorsqu’il parvient à décortiquer ses émotions, ses mots ou ses gestes. Ce qui peut être source de frustration et il le sait.

Afin de ne pas laisser ces pensées parasites de le déconnecter de la réalité, il se laisse envouter par la chaleur apaisante que dégage son épouse. Il retrouve cette intimité qu’ils ont expérimenté quelques fois au sein de sa chambre d’hôpital. Il apprivoise de nouveau cette sensation de bien-être qu’il a si rarement expérimenté au cours de ces derniers mois. Du moins, en chassant un trouble qu’il a pu ressenti au contact d’Angel, mais qu’il met sur le compte de l’adrénaline, le laissant à la marge de ses réflexions, car il ne sait pas comment appréhender ce qu’il a pu ressentir. Il préfère l’oublier, s’intimant que tout ceci appartient au passé. Ils sont sortis de l’enfer et aujourd’hui, ils retrouvent leurs proches. C’est vers eux qu’il doit diriger chacune de ses pensées et pour lesquels il doit réussir à reprendre pied. Notamment Lucy, qu’il sent encore si fébrile dans ses bras, dévastée par des émotions vivaces dont elle demeure prisonnière, tout comme lui. Une fébrilité qu’il perçoit dans le timbre de sa voix, dans l’éclat de ses prunelles dans lesquelles il se perd. Elle rompt la distance entre eux, comme pour répondre à un besoin qu’elle ne peut plus taire.

Il retrouve la texture de ses lèvres, leur délicatesse, mais ce baiser à une saveur douce et amère. Il sent à quel point il semble emprunt de désespoir, comme si une digue venait de céder. Il y répond naturellement. Sa menotte glisse délicatement sur sa nuque pour la caresser du bout de ses phalanges rugueuses, qui ont perdu la finesse qu’elles avaient avant son départ. Une menotte légèrement tremblante, aussi perturbée que les émotions qui l’habitent à cet instant. Il se sent perdu de nouveau, dépossédé de tout ce qu’il était auparavant. Il n’arrive pas à identifier ce qu’il faire ou dire. Est-ce que son absence de trois ans ne l’a pas dépossédé d’un droit qu’il avait jusqu’alors de la toucher comme si elle lui appartenait tout entière ? Le désire-t-elle encore, alors qu’il n’est plus qu’une silhouette décharnée et amaigrie. Les questions se multiplient, ombragent son esprit et lui inflige une migraine, qui renforce les tremblements de ses membres. Il est tellement submergé, qu’il ne sait plus comment gérer cela. Alors, il rompt ce baiser pour déposer un baiser sur son front. Sa respiration est erratique, son cœur bat à une vitesse étourdissante alors qu’il sent le sang battre dans ses tempes. Il ferme ses paupières pour tenter de chasser ses pensées, s’ancrer aux sensations qu’il éprouve à sentir sa peau délicate sous son épiderme. A défaut de pouvoir agir consciemment. Il ne sait plus quoi dire ou faire. Il se sent résolument acculé.