it comes and goes (rama)
It's more than a bad week
[outfit] -- Les interrogations la narguent, flottant au dessus de sa tête sans qu'elle ne puisse trouver la quelque réponse. Tout s'embrouille autour d'elle, ses mains faisant défilés les messages encore et encore sans trouver exactement ce qu'elle cherche. Les mots se ressemblent tous, les phrases ne font plus de sens. Malgré les phrases rassurantes que peuvent dire ses deux amis, la crainte grandit dans le creux de son ventre, faisant souffrir son myocarde. Le pincement se prolonge au fil des secondes, la crainte grandissante et laissant au second plan toutes mentions servant à lui donner une preuve. Rien n'est assez concret pour elle, qui cherche à obtenir des explications tangibles qui justifieraient l'absence de son meilleur ami des dernières semaines. Tel un fantôme, ses messages se faisaient plus rare et ses visites presque inexistantes. Ils ne se voyaient plus, ce qui ne pouvait que signifier une chose; il passait ses moments avec un ou une autre. Son enquête la mène tout droit vers son cercle d'amis proche, vers leur groupe. Elle écarte de l'équation Ellie et Yunseo, sachant que ce dernier en pince pour la première, puis vient le tour du frère Lowe, laissant comme seul autre possibilité une seule personne; Rama. Ses doigts prennent le dessus, désinvolte, elle envoie des messages. Il répond aussitôt, mais elle sent une certaine distance, une insécurité et surtout l'impression que des secrets se cache. Des non dits derrière ses paroles, dont elle doit découvrir la vérité.
La culpabilité ne réside pas là où elle la cherche, mais plutôt chez elle-même. Depuis l'annonce de sa maladie, elle joue au jeu du déni, préfère ne pas parler de ce qui la guette, cette petite boule de chair qui menace tout son corps en envoyant des signaux malins et robustes. Même si, depuis le verdict, elle a récupéré Anton, une partie d'elle détourne ce qui compte vraiment, soit sa santé, pour trouver la raison qui a poussé celui pour qui son coeur s'emballe à la faire passer au second plan. Elle ne réfléchit pas, lorsque ses pieds se rendent jusqu'à la porte de Rama, enfonçant son poing dans la porte pour obtenir des réponses en chair et en os, son ami ne pouvant pas cacher les sous-entendus. Elle cherche une bête, un coupable, car elle ne saurait pas vivre sans lui. Toute son âme crie à l'idée de le perdre, ne plus pouvoir se perdre dans ses yeux, entendre sa douce voix ou ses réprimandes. Perdue dans une illusion qui la garde loin de la vérité qui fait mal, de celle qu'elle repousse sans cesse, encore et encore, en espérant que cette futile maladie ne soit qu'un virus qu'elle puisse expulser de son corps avec quelques médocs et une bonne alimentation. L'évidence au creux des lèvres, qu'elle avale avec difficulté, déglutissant pour aider à mieux faire passer la véridicité de sa situation. Elle toque de nouveau, Ludmila, espérant que tout fasse enfin du sens dans sa tête, perdue. Lorsque la porte s'ouvre, les paroles jaillissent d'elle, sa gorge nouée.
“Ok, je suis sûrement complètement à côté de la plaque, n'hésite pas à me le dire, mais tu sais, les dernières semaines, tu, euh, tu étais avec Anton? Pas vrai?” Elle joue avec ses mains, l'adrénaline à son comble, faisant trembler son corps par stress, ne contrôlant plus du tout la situation ou tous les symptômes prouvant qu'elle est tombé durement en amour. “Tu as des sentiments pour lui? Ou bien tu comptes le draguer? Je- je veux seulement savoir.” Elle se passe une main sur le visage, sentant son corps s'écrouler sous le poids qu'elle porte sur ses épaules. Luda est faible, ne tient plus sur place, ses yeux se posent vers le sol, réalisant ce qu'elle fait, ce qu'elle vient de dire, ne se reconnaissant presque plus. “Je suis désolé, mais je-... je ne peux pas vivre sans lui, tu comprends? Pas avec ce qui m'attends.” La fatalité de sa situation la hante, met des doutes dans son esprit et perturbe son quotidien. Elle sait pourtant que Rama est son ami, qu'il saura être honnête. Peut-être qu'inconsciemment, c'est la raison pour laquelle elle se tourne vers lui, car il saura la guider vers la direction à suivre, sans la prendre en pitié.
Se perdre dans les méandres des pensées de ses personnages pour éviter de faire face aux siennes. C’est une routine que l’ancien pompier a prise pour tenter de garder pied de la réalité. L’écriture est sa soupape de sécurité comme peut l’être la musique ces derniers mois. Ces deux passions lui permettent de mettre de côté la triste réalité qui est la sienne : avoir abandonné son rêve d’enfant. La musique de All over again de Minute After Midnight se diffuse dans son appartement au travers de son enceinte Bluetooth. Cela lui permet de se couper de tout et de se focaliser sur l’essentiel : l’écriture. Ses phalanges pianotent avec cette aisance acquise au fil de ces années où l’écriture a été un passe-temps tout comme la musique. Aujourd’hui, elle devient un métier. Une possibilité pour lui permettre de rebondir, de ne pas se sentir inutile. S’il ne peut plus être sur le terrain à sauver les personnes en danger, il espère pouvoir aider les âmes des lecteurs qui tomberont sur ces écrits et y trouveront un espoir. C’est ce qu’il espère au plus profond de son être. Il espère qu’ils retrouveront du réconfort dans l’histoire entre ces deux protagonistes que la vie a séparé mais qui finissent pour se retrouver, reprendre le fil de cette histoire que les erreurs du passé ont écourté. Il trouve que ce type de trouple parlera à tout le monde et c’est le cas, puisque depuis qu’il a lancé le premier chapitre sur cette plateforme de lecture en ligne, son nombre d’abonnée ne cesse de croitre au fil des nouveaux évènements mis en ligne. Les commentaires de ces lecteurs agissent comme des baumes au cœur même s’ils n’en sauront jamais rien. Il leur en est reconnaissant, mais n’est pas prompt à révéler son identité de sitôt. L’ombre lui convient. Il a encore du mal à assumer être une âme littéraire, amateur de lectures homoérotiques. Plongé dans la narration de ce chapitre qui va amorcer un rapprochement intime entre les deux protagonistes, il n’a pas conscience du temps qui a défilé depuis qu’il s’est installé en face de son ordinateur.
C’est le bruit sourd, tambourinant de coups portés contre le bois de la porte de son appartement qui l’arrache de cet univers où il s’est réfugié. Le retour a la réalité est violent et il lui faut quelques secondes pour regagner pleinement conscience. Un soupir s’échappe de ses lèvres. Il serait bien resté parmi ses personnages, mais il n’a pas le choix. Il enregistre son travail, ferme par mécanisme sa page word afin d’éviter que des regards indiscrets ne se perdent sur ses mots par inadvertance. Il se redresse de sa chaise, simplement vêtu d’un jean baggy et d’un T-shirt oversize qui lui permet de se sentir à l’aise et de ne pas avoir la sensation désagréable du tissu enserrant son épiderme sensible. Ses pas l’amènent vers la porte d’entrée contre laquelle de nouveaux coups sont portés. Il l’ouvre, se questionnant sur l’identité du visiteur qui se retrouve être Ludmila. Il n’a pas souvenir qu’elle devait passer, mais il ne s’en formalise absolument pas. Tous ses amis sont toujours les bienvenus chez lui. C’est juste que ce n’est pas le genre de son amie. Du moins habituellement. Un simple coup d’œil lui permet de comprendre qu’elle est dans un état de fébrilité renforcée. Elle est nerveuse et il en a la certitude dès lorsque ses lèvres se mettent à bouger. Le flux de paroles et de questions le prenne au dépourvu. Ses prunelles s’écarquillent sous le coup de la surprise tandis que les mots prennent sens dans son esprit qui a du mal à trouver une raison rationnelle à tout cela. Il sent à quel point elle est tourmentée par cette inquiétude qui s’est formée dans son esprit.
« Et si tu rentrais pour discuter de tout cela, Ludmila ? » Il lui propose naturellement dans un sourire qu’il rend le plus bienveillant possible. Il ouvre sa porte, lui laisse le passage pour qu’elle s’immisce dans son appartement. Ce dernier est loin d’être rangé. Des vêtements trainent sur certains meubles, tout comme des restes de plats préparés. « Désolé, je n’ai pas pris le temps de ranger. Si j’avais su que tu passais, j’aurai fait cet effort. » Il lui indique alors qu’il vient glisser sa main contre son épaule pour l’amener jusqu’au canapé. Son geste est purement amical. Il lui apporte par ce léger toucher un soutien muet face au mal qui la ronge. « Je reviens. » Il lui indique après l’avoir invité à s’asseoir sur son canapé alors qu’il se dirige vers sa cuisine américaine pour récupérer un verre ainsi que la boisson préférée de son amie. Il dépose le tout sur la petite table située près de cette dernière, alors qu’il s’installe de l’autre côté de son canapé en forme de U pour lui faire face. Il l’invite par un mouvement de tête à se servir. « Qu’est ce qui te fait croire que j’ai des sentiments pour Anton, Ludmila ? » Il la questionne simplement sans que son expression ne perde de sa douceur. « Je t’avoue être surpris que tu puisses même l’envisager. » Il ajoute en venant glisser sa main dans sa chevelure pour tenter de trouver les bons mots. « Il ne me viendrait pas à l’esprit d’envisager quoi que ce soit en sachant que j’ai une amie qui a déjà des sentiments pour lui. » Il lui indique sincèrement. « Encore plus quand je la sais réellement éprise de lui et qu’elle traverse une période difficile. » Il ajoute naturellement sans rentrer plus dans le détail de ce secret qui les lie. « Effectivement, nous avons passé un peu plus de temps qu’en accoutumé ensemble. Je suppose qu’il s’inquiète pour moi. Il doit voir des mécanismes que j’ai eu par le passé et veut s’assurer que tout va bien. » Il tente de lui expliquer simplement alors qu’il vient serrer ses menottes en les posant sur ses genoux. « Qu’est ce qui te fait croire qu’il ne sera pas dans ta vie, même s’il se retrouve en couple ? » Il la questionne, curieux de comprendre le fond de sa pensée, de ce qui la tétanise réellement au fond. Il aimerait juste pouvoir l’aider à se décharger de cette tourmente qui habite ses traits et qui l’inquiète.
It's more than a bad week
Ses mains cherchent à retirer la couche épaisse qui semble l'empêcher de respirer, tirant sur le tissu pour le mener vers le bas, sa gorge qui se serre plus les secondes passent entre le moment ou sa voix résonne à travers la pièce et celui où son ami répond. La terre semble trembler sous elle, le sol instable. Elle le sait, qu'elle est la seule et unique responsable de ce sentiment qui l'envahit. Elle a amener sa propre chute en venant jusqu'à l'appartement de Rama pour déverser le flot de ses pensées et inquiétudes par rapport à sa vie, sans oublie sa relation avec son meilleur ami qui n'évolue pas dans le sens qu'elle aimerait. Alors que la panique s'éprend de son corps frêle ― la maladie est à blâmer pour les kilos qui chute à toute les semaines ―, lui, est calme, posé et réagit avec beaucoup trop de d'accalmie pour toutes les allégations qu'elle lui porte. Instinctivement, elle obéit aux paroles, prend place sur le sofa, regarde la boisson en face d'elle, comprenant qu'elle a laissé sortir un secret qu'elle avait pourtant enfoui depuis des années et que seul des personnes sélectes connaissent l'étendu. Ludmila pousse un long soupir, comme si elle respirait pour la première fois depuis de longues minutes, laissant la nervosité sortir d'elle en même temps que l'expiration.
“Ses derniers temps, il était évasif et absent. Plus depuis qu'il sait. Ce qui ne m'aide absolument pas.” Elle se lève, le besoin de faire les cents pas dans la pièce lui vient subitement. “S'il ne ressent pas la même chose et que je lui dis, je vais gâcher notre amitié, mais si je ne dis rien, c'est moi qui vais souffrir.” Luda s'arrête un moment pour réfléchir, les pensées s'entremêlant les unes avec les autres pour former un pêle-mêle dans lequel elle tente de se retrouver. “Et une partie de moi se dit qu'il est revenu seulement parce que quelque chose cloche chez moi, seulement à cause du virus, que lorsque je serai de nouveau en pleine santé, il partira de nouveau.” Ses mains se tordent, sentant qu'elle ne peut pas trouver un compromis qui lui plaise entièrement, peu importe la réponse, elle n'aime pas la solution finale, le rendu beaucoup trop instable et fluctuant. Que faire dans cette situation? “J'ai cette petite voix dans ma tête qui me dit que― attends, quoi?”
Tout ce qu'elle vient d'exprimer est de la simple folie passagère, une insécurité qu'elle met sur le dos des autres, qu'elle détourne pour ne pas voir la vérité en face, pour ne pas fondre. Depuis toujours, elle sourit à la vie, pense à l'avenir avec positivité, n'attend pas au lendemain pour accomplir ce qu'elle peut faire dans l'instant. Elle est motivée, Luda, passionnée et parfois un peu trop désinvolte, à risqué tout pour compléter une idée. Mais jamais auparavant elle n'avait affronté une telle situation qui la rend paralysée, dans l'incapacité de faire quoique ce soit. Car les larmes n'effaceront pas le résultat, les rires ne réduiront pas en cendre le verdict. Rien ne peut faire passer ce qui se passe dans son corps, pas même elle. Cette inaptitude à réagir, à pouvoir régler le problème, la met dans un état incomparable, alors elle préfère nier, mettre dans une forteresse ce qu'elle ne peut pas contrôler et comprendre. Plus simple pour elle et pour tous ceux autour qui se font du soucis pour sa santé. Pour la première fois, elle a favorisé sa personne à une autre, se plaignant du manque d'interaction avec son meilleur ami, sans savoir qu'un de ses amis proche avait des difficultés en silence. Rama n'a jamais de ceux qui hausse la voix, préférant de loin être dans l'ombre à regarder. Mais c'est justement son rôle, à Luda, d'être là pour lui, pour tous ceux du groupe. Elle a faillit à sa seule tâche en tant qu'amie, de quoi la frustrée pour des nuits entières.
“Quel mécanisme? Il se passe quelque chose?” Elle s'avance jusqu'au canapé, prend place assise près de lui, inquiète pour lui, de ce qui se passe dans son fort intérieur, ce que personne sauf lui ne peut accéder. “Pendant que j'étais préoccupé à me plaindre, je n'ai pas vu que tu n'allais pas bien.” Ses sourcils se froissent, choquée et attristée à la fois que Anton l'ait remarqué mais pas elle. “Tu n'es pas obligé d'en parler si tu ne veux pas, mais, je suis là. Dix ans après, mais au moins j'y suis arrivé.” Dit-elle sur le ton de la blague pour détendre l'atmosphère intense qu'elle avait créer en débarquant à l'improviste chez lui.
Encore sonné par l’arrivée explosive de son amie, Rama s’efforce d’analyser la situation, mais il a bien conscience qu’il y a des éléments qui lui manquent. Il est surpris que la demoiselle puisse avoir de tels soupçons à son égard. Il se demande ce qu’il a même pu avoir comme comportement pour qu’elle puisse croire qu’il éprouve des sentiments pour leur ami commun : Anton. Il éprouve une profonde affection pour le jeune homme qu’il connait depuis l’école primaire. Ils ont grandi ensemble et ont fait les quatre cents coups aussi. Ils se sont soutenus dans toutes les mauvaises épreuves, mais il ne l’a jamais vu autrement que comme un ami, un frère de cœur, au même titre qu’Ellie, Yunseo ou même elle. Ils sont sa famille de cœur, celle qu’il s’est construit au fil des années et à laquelle il tient.
It's more than a bad week
Le déclic fait mal, la ramène dans une réalité qui au moins, réussi à la divertir de ses propres maux. Cette ombre que montre les radiographies et qui continue de progresser, loin d'être bégnine comme elle l'aurait souhaité, relayer au second plan. Son attention complète se ramène à celui qui se trouve devant elle, son ami qui éprouve un sentiment d'abandon, ou est-ce plutôt de la solitude. Sa chance qui n'a pas été au rendez-vous lors de cette journée fatidique. Ludmila ne l'a jamais vu comme étant faible, car de tout leur groupe, il est le plus fort. Avec tout l'amour qu'elle porte aux autres, elle sait très bien qu'aucun d'entre eux n'aurait réussi à passer à travers ce que Rama a dû vivre. Voir sa vie s'écroulé en l'espace de quelques heures, réapprendre à avoir cette confiance d'avant. Sauf que, Luda remarque qu'elle a eu tord depuis le début. Elle croyait que tout était redevenu normal, qu'il continuait d'être le même qu'avant. Définitivement, il confirmait qu'elle se mettait le doigt dans l'oeil. Comme si elle appliquait la méthode de déni pour tout ce qu'elle se refusait d'admettre, que se soit sur sa propre situation ou celle de ceux qu'elle aime. Elle soupire, regarde le sol devant elle, mal à l'aise de ne pas être à la hauteur en tant qu'amie.
“Si, justement. J'ai été tellement occupé avec ma propre personne que je ne me suis aperçu de rien alors que lui...” Lui, il a tout de suite compris, il a vu ce qui clochait, il a remarqué le comportement répétitif d'un temps moins joyeux. Lui, qui a deux boulots, qui étudie sans cesse jour et nuit, qui a des cernes profondes. Quelle est son excuse, à Luda? Elle sent la frustration montée, ne pouvait en vouloir qu'à elle-même dans ce scénario.
Contre toute attente, il poursuit, laisse sortir ses états d'âmes. Cette fois-ci, elle porte une oreille méticuleuse et préoccupée aux paroles, chacun des traits de son visage devenant une observation pour l'analyse finale. Loin de se douter qu'il éprouve ce ressenti, un qu'elle peut comprendre dorénavant. Elle devrait se sentir heureuse de ne pas être seule, mais Luda sait que la souffrance qu'ils partagent est loin d'être gaie. Sauf que de son côté, elle refuse de faire le deuil. Refuse même d'avouer ce qui se passe vraiment. Un virus. Mais ce n'est pas le cas, n'est-ce pas? Son corps a créer cette masse maligne, mais ne compte rien faire pour s'en débarrasser. Les médecins qu'elle continue de voir n'ont jamais de bonne nouvelle à lui donner, aucun verdict qui soit sympathique ou qui présage qu'elle puisse s'en sortir avec seulement une médication. À chaque rendez-vous, elle s'enfonce dans une fausse réalité où son cancer est un virus qui se traite comme un rhume. Niant que si elle ne fait pas plus attention, si elle ne suit pas les avis médicaux, elle risque de se retrouver six pieds sous terre, bien loin de tout ce qui la préoccupe tant présentement. Ses priorités au mauvais endroit, Ludmila s'entoure de mur dans sa haute tour d'ivoire, ne laissant personne entré, pas même celui qu'elle qualifie de meilleur ami. Loin de se douter que celui qui éclairerait la seule fenêtre, lui donnerait un espoir à travers le brouillard, se trouve devant elle depuis tout ce temps.
“Pour faire le deuil, il faudrait d'abord que j'accepte ce qui se passe.” Un rire qui s'échappe pour faire passer le trop plein qui s'accumule dans sa trachée, l'émotion qui frappe trop fort. Une gorgée de la boisson en face d'elle pour avaler ce qui reste. “Je refuse que tu dises que ce que je vis est pire, alors que c'est faux. Ça ne se compare pas. On vit tous les deux quelque chose de difficile, point.” Luda pose sa main sur celle de son ami, un sourire rassurant et apaisant.
Les hypothèses du futur qui remplissent sa tête ont une raison d'être, sinistre et négatives, mais qui restent plausible si sa situation ne s'améliore pas et continue de détérioré. Si ses jours sont comptés, elle veut pouvoir tous les vivre à fond, ne pas avoir de regret d'avoir vu sa vie filer sans avoir pris la chance de la vivre comme elle aurait dû, pleinement. Ce qu'il dit, les mots qu'il utilise, atteignent l'insécurité profonde d'une Ludmila encore insouciante, encore sous l'emprise de cette fausse réalité, ce monde imaginaire. Pendant trop longtemps, elle s'est fait une image de ce que serait la vie parfaite, son futur. Mais maintenant que tout bascule, que tout peut s'effondrer, les couleurs deviennent plus vivent, les pensés plus floutés. Celle qui est habitué d'être impulsive voit une raison de retrouver un trait mit aux oubliettes depuis plusieurs mois, abandonné dans son amour impossible pour son meilleur ami. Peut-être qu'elle est encore sous l'adrénaline, sous le choc, mais l'instant paraît plus clair.
“Je n'ai pas l'intention de lui faire ouvrir les yeux.” Sa main vient retirer quelques mèches de son visage, un geste qu'elle utilise trop souvent pour flirter, que son meilleur ami aurait vu venir à des kilomètres, fronçant les sourcils. “Et je n'ai surtout pas l'intention d'attendre qu'il se réveille.” Sa main presse celle de Rama devant elle, qu'elle remarque pour la première fois, il lui semble. “Pas quand il y a tant de personnes importantes et magnifiques autour de moi. Dont toi.” Un sourire timide, un battement de cils. Elle n'a rien à perdre, pas après tant d'année à attendre un fantôme.
Sa langue se délit, sans forcément rentrer dans le détail. Il semble même être détaché de ses émotions comme si ce qu’il évoquait n’avait pas de grandes importances. Il aimerait que cela soit le cas. Il n’aime pas ce que sa réalité peut renvoyer à son entourage. Cette compassion qui prend souvent la forme de la pitié. Elle le rend malade. Il déteste se sentir faible, diminué, dépossédé de lui-même. Son orgueil ne parvient pas à se résoudre au fait qu’il n’est qu’un être humain et qu’à ce titre, il a le droit d’avoir des faiblesses. L’ironie du sort veut qu’il n’eût jamais envisagé qu’il puisse l’être. Sa bienveillance naturelle fait qu’il n’a jamais eu une attitude virile nocive. Il n’a jamais cru avoir le profil du gros dur. Pourtant, il faut bien admettre qu’il est atteint d’un défaut caractéristique à ces hommes : la fierté.
It's more than a bad week
Elle est habituée d'être celle qui console, l'épaule sur laquelle tous peuvent venir pour trouver du réconfort. Lorsque les rôles s'inversent, elle ressent une sorte de malaise, d'embarras même. Ne souhaitant en aucun cas recevoir la pitié d'autrui, préférant même qu'ils voient sa maladie exactement comme elle; un virus. Une grippe passagère, forte, qui nécessite des soins, mais qui n'est pas fatale, pas mortelle. Elle sait plus que bien, que son ami n'aime pas plus qu'elle ce jeu de culpabilité, essayer de savoir à qui revient la faute. Comme s'ils avaient vraiment besoin de trouver un coupable à blâmer. Une éventualité qu'elle n'aurait jamais cru possible se présente à elle, réalisant avec surprise qu'il est le seul qui peut comprendre, qui ne jugera pas peu importe le dénouement de sa situation. Car elle a beau dire ou pensé que tout ira bien, à l'intérieur d'elle, le doute est plus fort que tout. La peur, surtout.
Mais Rama connait sa situation. Dans son mal-être se trouve une réponse à ses inquiétudes, insoupçonnés jusqu'à maintenant. Le contact de leurs peaux est exactement ce dont elle a besoin, cette proximité qui donne envie de s'approcher plus encore. Luda est déçue lorsqu'il rompt leur contact, mais un sourire éclatant apparaît lorsqu'il pose ses lèvres sur sa main, sur son épiderme, ses doigts caressant sa peau. Son toucher est doux et tendre, un qu'elle n'a pas connu depuis ce qui semble être une éternité. Elle se perd dans les paroles, dans leurs mains qui ne veulent plus se quitter. Derrière la hâte, l'envie, se cache une réalité qui lui tord les entrailles. Anton. Cet amour qu'elle lui porte depuis si longtemps, qu'elle n'a jamais voulu avouer. Ce soudain attachement à elle qu'il éprouve, sans qu'elle ne soit certaine de ses intentions. Reste t'il près d'elle simplement parce qu'il connait son état? Tout se précipite dans sa tête. Pourtant, elle aimerait pouvoir faire inadvertance de ses sentiments, de ses pensées. Ses lèvres s'approche de la joue de Rama, qu'elle embrasse avec tendresse, son visage si près du sien.
Elle sait que ce ne serait pas juste pour lui comme pour elle de pousser les choses plus loin. “Ce ne serait pas juste pour toi, sachant que j'ai quelqu'un d'autre en tête.” Il mérite d'être aimé pleinement, que la prochaine que quelqu'un ait un contact avec lui, ce ne soit pas par désespoir, mais par amour véritable. Ludmila ne peut pas lui offrir cela, pas pour l'instant. Elle préfère s'écarter, baissant la tête pour cacher son embarras. “Je suis certaine que tu trouveras quelqu'un de bien un jour. Même si j'en ai très envie, je m'en voudrais. Et je sais que toi aussi.” Car si leurs amis venaient à savoir que quelque chose s'est produit entre eux, elle ne saurait pas expliquer. Déjà qu'ils venaient de découvrir pour deux d'entre eux, elle risquait le peu de chance qu'elle a avec Anton.
L’intimité qui les lie dans cet échange est troublant dans le sens où ils ne l’ont jamais expérimenté de cette manière. Il ne saurait comment le définir, mais la similitude de leur trajectoire à ce jour, les fait emprunter des cheminements que l’autre semble pouvoir comprendre, autrement que le reste des checkmates. Cette connexion est curieuse, mais appréciable. Il se laisse envahir par cette douce sensation qui n’est rien d’autre que l’expression d’une affection sincère et profonde pour l’autre, dénuée de désir. Il ne désire pas Ludmila. C’est une très belle femme et malgré la maladie qui la malmène et qui lui a fait perdre quelques kilos supplémentaires, cela n’altère en rien le charisme qu’elle dégage naturellement et qui est propre à elle. Elle est comme une sœur, et ce, qu’importe l’allégresse que cette intimité lui procure. Cette connexion émotionnelle est précieuse et il l’a toujours eu avec ses précédents partenaires. C’est la base de tout. Ce qui peut changer la donne si elle est compilée à un désir charnel. Ce qui n’est pas le cas. Il pourrait juste rester des heures à juste savourer ces légers effleurements, afin de laisser la dopamine qu’ils provoquent se diffuser dans tout son être. Rien de plus. C’est déjà plus que ce qu’il a pu expérimenter comme connexion depuis un an désormais. Bien sûr, il est un homme et il a tenté de chercher cette connexion avec d’autres sur des réseaux sociaux ou même lors de ces concerts, mais il n’a jamais sauté le pas, car le dégout qu’il éprouve envers son corps, l’en a empêché. Il sait qu’il doit apprendre à se l’approprier de nouveau, mais c’est loin d’être une chose facile. Il se demande même s’il sera capable de le faire de nouveau, un jour. Il ne préfère pas se tourmenter avec de telles questions. Elles ne pourraient que le faire plonger de nouveau dans des ténèbres dont il s’efforce déjà de se défaire depuis de longs mois désormais. Pas toujours facile, mais il arrive à garder la tête hors de l’eau autant que possible. Ses plongeons dans les ténèbres sont brefs, mais malheureusement cycliques.