I want you to hold out the palm of your hand ( enfance ) Ni le plus âgé, ni le plus jeune, Santino n’était qu’un autre enfant Flores parmi tant d’autres. Pieuse, la famille vivait dans un petit village, à côté de Mérida. Un village reculé, dans un logement de fortune, construit par les mains de son père. Ils n’avaient d’accès que pour peu de choses, et surtout pas à la contraception, faisant que sept enfants étaient nés de cette union. Santi s’est beaucoup occupé de ses frères et sœurs, et le fait encore aujourd’hui, en envoyant à sa mère, le sous pour les aider à survivre. Certains vivent encore dans ce petit village qui les a vu naître, alors que d’autres ont fait leur propre chemin. II est resté en contact avec chacun d’eux, malgré le fait qu’ils aient, pour la plupart, une vie très différente de la sienne. ( ambition ) Malgré qu’il ait grandi avec rien, dans une famille où les individualités ne pouvaient réellement s’exprimer, Santi n’a jamais manqué d’ambition ni d’imagination. Grand rêveur, il a toujours fantasmé une vie pleine de réussite et de projets. Des projets grandioses et parfois, ou plutôt souvent, inatteignables. Des projets divers et variés qui l’ont exalté, qui ont tantôt connu une certaine réussite et tantôt échoué. Il ne s’est jamais avoué vaincu. Pas même face aux pires chutes. Pas même encore aujourd’hui. Cette capacité à voir les choses en grand et à se lancer corps et âme dans des projets rocambolesques l’ont mené à endosser des métiers très différents. Des métiers opérationnels pour la plupart mais qui font qu’il n’y a aujourd’hui, pas plus débrouillard que lui, avec très peu d’éléments à sa disposition. Santi s’est longtemps cherché professionnellement parlant avant de goûter à ce qui allait devenir sa passion, la cuisine. ( chef ) Il a commencé au bas de l’échelle. Il a gravi les échelons petits à petits avant de se faire un petit nom – sans pour autant gravir le plafond de verre culinaire – dans le petit monde de la restauration. Cuisinier talentueux mêlant les saveurs qui dépassent les frontières du Mexique, il aime créer. Il aime imaginer des plats originaux, que personne n’a encore inventé, qui sortent de l’ordinaire et provoquent des émotions à ceux qui les dégustent. C’est ce qui le fait vibrer et nourri son ambition. ( sol ) Le soleil est entré dans sa vie il y a plus de dix ans de cela. Il cuisinait pour sa famille, dans cette immense demeure dans laquelle il n’aurait jamais cru un jour mettre les pieds. Il avait été embauché il y a quelques semaines et les Morales semblaient ravis de ses services et de ses créations. Ils lui offraient tout ce qu’il n’avait jamais eu. Un travail régulier dans de très bonnes conditions et une stabilité. Ils appréciaient sa cuisine et laissaient parler sa créativité. Tout allait donc pour le mieux lorsqu’il croisa son regard. Ce regard de feu. Ce regard enivrant. Bien sûr, elle était au-dessus de sa league, bien au-delà d’être la fille de ceux qui le payaient. Mais Santino n’était pas de ceux qui se mettait des barrières. Bien au contaire. Son cœur manqua un battement et son parfum enivra ses ambitions les plus folles. Le coup de foudre dira-t-on. Carmen Morales. Cette belle et plantureuse brune aux allures de déesse avait capturé son cœur et il était persuadé qu’un beau jour, elle serait sa femme. ( interdit ) Ils se cachèrent longtemps. Des yeux du reste du monde. Un baiser volé dans la cuisine, des retrouvailles tardives dans la chambre de la jeune femme lorsque personne n’était présent, quelques mots doux glissés entre les plats, des lettres enflammés. Ils s’étaient trouvés. Carmen et Santi. Ils vivaient cet amour que chacun aurait aimé vivre. Celui de la passion. De l’admiration et du désir. Fous l’un de l’autre, ne plus être en contact permanent devint difficile. Beaucoup trop difficile. La complicité qui s’était installée entre eux devenait compliquée à camoufler. Il la dévorait du regard. C’était une évidence. Une terrible évidence qui finit par être découverte. On lui claqua la porte à la figure, le traitant de profiteur, d’escroc, de manipulateur. Il avait séduit Carmen pour son argent, avait-il entendu. Rien ne l’avait véritablement atteint. Il se fichait de ces gens, dès lors que Carmen était à ses côtés. Et Carmen était restée là, près de lui. Malgré la vie sans artifices et sans le moindre argent qu’il pouvait lui offrir. Il était si loin de ce qu’elle avait eu, avant de faire une croix sur ceux qui n’étaient en capacité d’accepter l’homme qu’elle aimait. Alors il s’était juré de faire de sa vie, une quête vers le bonheur de Carmen. Une quête vers l’ascension, qui ferait d’elle la reine qu’elle rêvait d’être. Mais, toute quête a ses déboires et chemins tortueux … ( passion ) Il était si beau, ce ventre rond. Elle était si belle Carmen, les cheveux relâchés et le visage fatigué mais rayonnant. Celle qui portait désormais son nom et qui était devenue sienne. Elle était toujours là, la belle Carmen. A ses côtés, jusqu’à ce que la mort ne les sépare. Ils s’étaient dit oui ces deux passionnés. Ils s’étaient donnés l’un à l’autre, souhaitant créer cette famille qu’ils n’avaient pas véritablement eu, chacun de leur côté. Une famille aimante, une famille bienveillante et compréhensive. Une famille normale en somme. Une famille où l’on pouvait compter les uns sur les autres, en permanence, sans que cela ne devienne une charge, un fardeau pour qui que ce soit. Ils étaient là, l’un pour l’autre, Carmen et Santi. Il était là, pour sécher ses larmes, lorsqu’elle parlait de sa famille avec laquelle elle n’avait plus de contact. Il était là, pour masser ses pieds gonflés par la grossesse, pour lui dire à quel point elle était belle, pour débarquer avec une trentaine de ballons pour son anniversaire et lui faire passer la plus belle des soirées. Il était là, à chaque instant pour elle, tentant de pallier l’absence des siens. Tentant d’endosser tous les rôles. Il était là et il le serait toujours. Elle aussi était là. A chacune de ses nouvelles idées saugrenues, à rire à ses idioties, à le soutenir et à rêver à ses côtés. Il ne pouvait pas rêver mieux que Carmen. La douce Carmen et ce petit être sur lequel ses doigts étaient déposés. Ce petit être qui grandissait en elle et qui allait devenir leur fils. Diego. ( échec ) Santi était revenu un jour avec une grande nouvelle à annoncer à sa femme. Excité, exalté, ingérable. Il y croyait. Il était heureux. Heureux de lui annoncer qu’il avait acheté son propre restaurant. Sans le moindre argent en poche, il avait contracté la plus grosse dette de sa vie sans même la consulter. Elle qui devait gérer un enfant en bas âge quotidiennement et un boulot qui lui prenait du temps et de l’énergie. Il n’avait pas songé à tous ces détails. Il s’était jeté dans l’aventure, à corps perdu. Il avait sauté sans la moindre réflexion et avait mis en place ce rêve qu’il touchait enfin du bout des doigts. Et le pire dans tout cela, c’était qu’elle était heureuse pour lui. Malgré les risques qu’il prenait, malgré l’inconscience et l’immaturité dont il pouvait faire preuve. Elle était toujours là Carmen. A ses côtés, dans les moments les plus fous. Il ne la méritait pas toujours cette présence, cette force, cette admiration… Car une idée folle entraîna un nouvel échec. Une décente aux enfers. Ils s’accrochèrent pourtant, aux murs de ce restaurant, à cette cuisine. Jusqu’au jour de l’expulsion et de la liquidation définitive d’un rêve avorté. ( fuite ) Il est revenu avec une côte fêlée, ou peut-être deux. Le nez en sang et un œil au beurre noir. Carmen s’était affolée en voyant son mari ainsi. II lui avait dit que ce n’était rien. Comme toutes ces autres fois. Pourtant, cela durait depuis des semaines. Peut-être même des mois. Il avait essayé de faire cesser cela. Il avait essayé de trouver une solution à ces innombrables dettes. Il avait essayé de rassembler un peu d’argent. Mais tout était bien trop volumineux. Tout était hors de portée. Ils ne pouvaient plus vivre ainsi. A Mexico. Où les problèmes se réglaient par la force, où la drogue coulait à flot et où les règlements de compte étaient monnaie courante. Diego méritait un avenir meilleur. Et l’être qui évoluait actuellement dans le ventre de Carmen aussi. Tous méritaient mieux. Et tous devaient fuir ces dettes. Fuir ses erreurs. Fuir ces malfrats avec lesquels Santi avait fait affaire, pour ce fichu restaurant qui était mort bien trop tôt. Ils devaient fuir. Fuir loin de tout cela. Son cousin, Pedro les aida. Il les aida à passer la frontière, à passer sous les grillages, à ramper, à se cacher à l’arrière d’un camion, à rouler jusqu’au pays où tout était possible. Pour une vie meilleure, une vie heureuse et sans danger. Du moins en théorie. ( porté par la mer ) Ce n’était pas ce qu’ils avaient rêvé. Une vie de fortune dans une maisonnette de substitution, glaciale et terriblement humide. Ce n’était pas ce dont ils avaient rêvé en vivant le rêve américain. D’évoluer dans l’illégalité, la peur, de batailler pour avoir un job misérable, de ne pas manger à leur faim, de ne pas toujours tout comprendre à la langue. Ce n’est pas ce que Santi souhaitait pour sa famille. Ni pour Carmen, ni pour Diego et Valentina. Alors il se démenait. Il tentait de faire des efforts dans l’apprentissage de la langue, d’apprendre des meilleurs, de jouer des coudes pour trouver un emploi et différents moyens de revenus. Il continuait à se battre, opérant grâce à ce moteur qui était le sien depuis toujours, l’optimisme. Il se battait pour eux, il se battait pour qu’ils puissent tout avoir. Quitte à se sacrifier. Lui et son couple. Lui et le temps qu’il pouvait passer avec ses enfants. Ne s’imaginant pas une seconde que tout était en train de voler en éclats.